Voici ce qu'écrivait Bernard Frank, écrivain de gauche (atypique, je vous l'accorde…) et néanmoins savoureux, dans sa chronique du 31 juillet 1981, publiée dans Le Matin de Paris, éphémère quotidien plus ou moins gouvernemental, id est socialiste. Socialiste de l'époque, c'est-à-dire tendance collectiviste, ascendant banqueroute. Et donc :
« De réformes en réformes en trente ans – pour ne pas remonter au déluge – on a détruit l'enseignement. Il faudrait tout changer. Tout. Une réaction totale. Ce n'est pas vrai que nos chers petits travaillent trop. Oui, ils sont peut-être plus vifs et alors ? En vrac : grec et latin dès la sixième. Les langues vivantes s'apprennent à l'étranger ou dans des instituts spécialisés. Retour à l'histoire. L'enchantement d'une histoire continue même si l'on doit devenir plombier ou électronicien. Pas la peine de commenter Boris Vian ou des articles de journaux – même les miens – en classe. Se souvenir qu'il y a un temps limité pour la mémoire, pour l'exercice de la mémoire et que si on le laisse passer, c'est foutu. Suppression des ligues de parents d'élèves de droite ou de gauche. L'école est un club d'où les parents doivent être exclus. Trouver des professeurs qui essaient d'apprendre le français, l'orthographe aux professeurs chargés de l'enseigner, etc. »
Il paraît aller de soi que quiconque, aujourd'hui, oserait ce genre de “programme” serait immédiatement enseveli sous les épithètes infamantes, accusé de faire le jeu de Marine Le Pen, des super-riches, du fascisme larvé, du racisme rampant, du dérèglement climatique, du petit Chinois, du sionisme et de Donald Trump – j'en oublie sans doute quelques-uns de moindre envergure. À plus forte raison si ce risque-tout suicidaire était Grande Plume dans une feuille sénestre, comme c'était le cas de notre Frank. Et ce n'est pas sans un certain accablement que l'on imagine, transposant cette situation, un lecteur de l'an 2060 découvrant quelque éditorial ou tribune de notre année 2020 et s'éberluant de la liberté de ton et d'esprit qui était alors en vogue, comparé à sa propre époque. Car, évidemment, s'il est stupide de dire que “c'était mieux avant”, il est néanmoins raisonnable de penser que “ce sera pire après”.
En guise de bonus sur le gâteau – il faut rajeunir les expressions moisies ! –, une petite devinette : quel personnage français et fort connu a, à la même époque, tout début des années quatre-vingt, prononcé les quelques phrases que voici :
« Il s'était développé à l'époque [en 1968] une mode selon laquelle tout ce qui avait existé auparavant n'avait aucune valeur… chaque génération était maîtresse absolue de ses choix et il fallait couper la longue chaîne qui unissait les hommes à travers les âges. C'était cela qui était considéré comme révolutionnaire. Pour ma part, je pense le contraire. Je crois qu'il ne peut y avoir de changements profonds dans une société qui ne soient reliés à une longue progression. Les forces de l'avenir sont contenues dans les actions du passé. Il est stupide de tourner le dos à la richesse de l'expérience. »
Réponse sera donnée demain, en fin d'après-midi.
Cela fait penser à beaucoup de gens très différents : Marx, Jaurès, Proust, Aristote, De Gaulle... Je miserais sur Proust
RépondreSupprimerMais, puisqu'on ne peut pas trouver la réponse avec "Google Recherche Avancée", il ne faut pas écarter l'hypothèse Didier Goux.
C'est pour amuser la galerie que vous ne citez que des gens qui étaient – sauf de Gaule – tous mort en 1968 ?
SupprimerAh,zut,pas fait gaffe...
SupprimerJ'ai passé votre dernière citation (fragment par fragment) dans la moulinette googlesque qui est formel : seul Didier Goux a dit ses fragments, en août 2020.
RépondreSupprimerPour le reste, on est d'accord et je connais une ancienne prof de gauche qui a vu tout cela partir en couilles et qui sera d'accord avec vous (elle continue à vous lire, je crois).
Kouâââ ? ? ? Je serais lu par des professeurs de gauche, mouâââ ? ? ?
SupprimerA la retraite, seulement...
SupprimerUn écrivain (je ne sais plus lequel) avait confié, qu'en 1968, il était au grand séminaire. Selon lui, cette année-là, l'église aurait perdu la moitié de ses pensionnaires et donc, par la force des choses, l'église aurait perdu la moitié de son clergé.
RépondreSupprimer(On peut discuter de la qualité de ces internes).
Quoi qu'il en soit, ce que nous observons aujourd'hui de l'église catholique, en France, c'est le résidu de 1968.
Je me pose alors la question de l'école. Croyez-vous que l'école a eu un meilleur sort que l'église catholique ?
[Sur mai 68, je m'étais un jour essayé à une théorie tout droit sortie de l'alambic]
Heureusement, l'Église catholique a une solution de rechange toute trouvée : l'islam. (Peut-être que l'école l'a aussi, et la même…)
SupprimerL'enseignement des humanités, bien sûr, et des langues pas si mortes que ça. Tirer les gens par le haut, oui, c'est ça être de gauche !
RépondreSupprimerDonc, à ce compte-là, Mme Vallaud-Belkacem (très entre autres) devait être d'extrême droite…
SupprimerC'est de plus en plus rare… l'accablement… l'âge…
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerPremière intervention sur votre blog.
Cela pourrait laisser penser à du François Mitterand. Quelques expressions comme "longue chaîne qui unissait ... profonds changements ... forces de l'avenir ... " pourraient être de son cru. Et je vous sens assez canaille pour nous piéger là où l'on ne vous attend pas. Mais je me plante sans doute, simple supposition.
Eh bien, pour une première intervention, c'est une réussite : ce paragraphe "mystère" est en effet de François Mitterrand !
SupprimerCeci étant: il faut admettre que l'idée de ce texte n'est pas d'une originalité folle...
RépondreSupprimerÉvidemment : c'est du Mitterrand !
Supprimer(Et on dit “cela étant” et non “ceci étant”…)
Vous avez raison, mais cela fait patie des combats justes perdus d'avance, comme " supporter" un club de foot ( ou comme LA covid-19 de l'Académie Française, mais qui, lui,est un combat absurde, on dit bien LE choléra, LE paludisme, etc.)
SupprimerJ'avais pensé à Jaurès à cause de son " Un peu d'internationalisme éloigne de lapatrie; beaucoup d'internationalisme y ramène".
RépondreSupprimerMais Jaurès se définissait comme un " socialiste opportuniste", alors que Mitterrand était socialiste par idéal.
( Aïe, non, pas sur la tête !)
La vraie différence entre les deux, c'est que, tout de même, Mitterrand a fini par "mettre les mains dans le camboui" (hélas pour nous), alors que Jaurès n'a jamais rien branlé, à part faire des phrases.
Supprimer(Je crois que c'est Clemenceau qui disait que, quand Jaurès parlait, tous les verbes étaient soit au futur soit au conditionnel.)
Le même Clémenceau qui a dit " Monsieur Jaurès parle de très haut, absorbé dans son fastueux mirage ; mais moi, dans la plaine, je laboure un sol ingrat qui me refuse la moisson "
SupprimerJaurès a quand même eu la chance d'être assassiné au bon moment; ça a sans doute nui à sa future carrière politique ( et encore, rien n'est moins sûr), mais pas à l'image qu'il laisse dans l' Histoire.
SupprimerAlors que Mitterrand, entre le faux attentat de l'Observatoire et sa photo avec son copain Bousquet retrouvée par Péan...
Le nom de Jean Jaurès est bien plus connu que celui de Jules Guesde, qui,bien qu'ayant été ministre (de l' Union Sacrée), n'a même pas eu droit à une station de métro à son nom,consécration suprême pour tout politique.
SupprimerComme Macron avec ses "il faudra..."
SupprimerOrage
De là à penser que Macron est l'héritier de Jaurès… même lui n'a pas dû y penser !
SupprimerÀ Arié : si Jaurès n'avait pas été, en effet, opportunément assassiné, on l'aurait vu se rallier piteusement à la boucherie de 14, à l'instar de tous ses camarades socialistes (ou presque tous), devenus patriotes et "fleur au fusil:" du jour au lendemain.
SupprimerJe suis à la fois heureux d'être tombé juste et chagrin d'être juste tombé sur Mitterrand. Il faut néanmoins lui reconnaître un goût pour l'histoire de France, sa carte et son territoire.
RépondreSupprimerMême s'il a largement contribué à en effacer ses racines et ses frontières, par opportunisme, cynisme et jeunisme.
Mitterrand était un modernœud old school, si je puis me permettre l'oxymore.
SupprimerLes associations de parents d'élèves, quelle horreur.
RépondreSupprimerBeaucoup de mères qui n'évoquent que leurs chairs, à la fin on finit par parler par la couleur du papier toilette.
A une représentante de la FCPE qui demandait pourquoi j'étais le seul homme dans cette assemblée ( 95% de femmes) , ma réponse fut celle-ci :" j'ai du temps à perdre et surtout un peu de masochisme de ma part"; je ne fus plus convié.
Il a oublié les psychologues scolaires, les assistantes sociales qui sont complètement inutiles.
Je pense qu'au début des années quatre-vingt, les psychologues et assistantes sociales restaient encore à la niche…
SupprimerTres honnêtement, j'évoque les années quatre-vingt-dix ( nonante),ils sont peut-être arrivés vers la fin des quatre-vingt.
SupprimerUne amie qui m'avait présenté un pédopsychiatre m'avait dit que les psychologues scolaires étaient des instituteurs ou institutrices reconvertis après deux années de formation.
Donc pas des pointures.
J'ai eu un voisin 'instituteur' qui, du jour au lendemain, devint 'psychologue scolaire' : un burn-out l'avait rendu allergique aux enfants (sic).
SupprimerUne fois rétabli, l'Éducation Nationale, en système bien autarcique et autogéré, trouva même à le recycler avantageusement. Son nouveau métier fit même son bonheur. Il s'était spécialisé dans « l'orientation scolaire ».
(A l'occasion, quand elle ne crack pas, je vous présenterai sa progéniture librement orientée par ses soins).
Ils sont apparus en 1970 pour les premiers.
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