mercredi 25 septembre 2024

Mémoires d'outre-futur

 

Au printemps 1792, retour d'Amérique, Chateaubriand redécouvre Paris après un an d'absence. Voici le souvenir qu'il en gardait encore trente ans plus tard, écrivant ses Mémoires d'outre-tombe :

« Tandis que la tragédie rougissait les rues, la bergerie florissait au théâtre ; il n'était question que d'innocents pasteurs et de virginales pastourelles : champs, ruisseaux, prairies, moutons, colombes, âge d'or sous le chaume, revivaient aux soupirs du pipeau devant les roucoulants Tircis et les naïves tricoteuses qui sortaient du spectacle de la guillotine. [...] Les Conventionnels se piquaient d'être les plus bénins des hommes : bons pères, bons fils, bons maris, ils menaient promener les petits enfants ; ils leur servaient de nourrices ; ils pleuraient de tendresse à leurs simples jeux ; ils prenaient doucement dans leurs bras ces petits agneaux, afin de leur montrer le dada des charrettes qui conduisaient  les victimes au supplice. Ils chantaient la nature, la paix, la pitié, la bienfaisance, la candeur, les vertus domestiques ; ces béats de philanthropie faisaient couper le cou à leurs voisins avec une extrême sensibilité, pour le plus grand bonheur de l'espèce humaine. »

Comment un homme mort depuis près de deux cents ans a-t-il fait pour voir et comprendre aussi bien notre merveilleux début de XXIe siècle ? Quel est ce prodige ?
 
Car enfin, je ne rêve pas : on les rencontre un peu partout, ces tricoteuses qui, dames de charité durant le jour, réclament à grands cris le couperet virilicide dès qu'elles retrouvent leur clavier vespéral.
 
Ils sont à chaque carrefour, ces “plus bénins des hommes”, déconstruits à s'en pisser parmi, heureux d'être transformés en nourrice, s'attendrissant à toute niaiserie, mais qui, à la moindre moquerie, au plus petit sourire en coin, exigent envers l'insolent “le bâillon pour la bouche et pour la main le clou”.
 
Et ce sont bien ceux-là, non ?, que le bonheur futur de l'espèce humaine, dont ils sont certains d'être les bâtisseurs, fait éructer de menaces et baver d'anathèmes.
 
Enfin, quelle peut être cette diable d'époque où le sang coule dans les rues, tandis que s'étale sur les scènes subventionnées et les écrans désertés le doucereux catéchisme d'une fraternité d'autant plus contrainte qu'elle est plus bêlante ?
 
 

4 commentaires:

  1. "quelle peut être cette diable d'époque où le sang coule dans les rues,"

    Mi-2024, on fait un excellent score entre la Libye et les Maldives.

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    1. J'en suis bien heureux !

      DG

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    2. On sélectionne même les meilleurs compétiteurs Internationaux pour continuer à grimper dans ce classement.
      La Dive

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    3. Il faut savoir se donner les moyens de gagner: c'est à ça qu'on reconnaît une grande nation.

      DG

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.