samedi 24 septembre 2016

Biblio take care

Bibliothèque de l'université de Coïmbre, Portugal.

À Georges-Alain…


J'ai un ami cher, nous l'appellerons Michel D., qui aime fouiller les tréfonds du “politiquement correct” américain et qui, sachant le plaisir que j'y prends, ne manque jamais, lors de nos agapes communes, de me faire part de ses dernières découvertes, toujours juteuses et jouissives, comme le veut le sujet. Aujourd'hui, où nous déjeunâmes, cet épisode porta sur un guide édité outre-Atlantique à l'usage des bibliothécaires universitaires, destiné non pas à leur apprendre leur métier mais les comportements qu'il importe qu'ils aient dans un certain nombre de circonstances particulièrement épineuses. (Sans vouloir me vanter, je dois dire que, dans les deux exemples qui vont suivre, j'ai immédiatement deviné le dessous des cartes, preuve que je commence à parler le modernœud couramment.)

La première consigne était simple et assez évidente, au fond. Elle édicte que, si un lecteur se met à faire du bruit, à déranger ses voisins, à les empêcher de travailler, de lire (voire de dormir, après tout), le bibliothécaire ne doit pas intervenir si le perturbateur est noir. Je suppose que, dans le texte original découvert par Michel D., on ne dit pas “noir”, mais plutôt “african american”, cette construction syntactique ne voulant absolument rien dire.

La deuxième occurrence est plus retorse et, donc, beaucoup plus rigolote. Elle suppose que nous soyons dans une bibliothèque scientifique (mathématiques, physique, chimie…) ou dans le département scientifique d'une grande bibliothèque généraliste. Soudain, arrive un étudiant lambda (mais très probablement blanc) qui cherche un renseignement, un livre, etc. Pour l'obtenir, il se dirige vers un autre étudiant qui, visiblement, se trouve être d'origine asiatique : que doit faire le bon bibliothécaire ? C'est très clair : fondre sur lui et lui demander, courtoisement mais fermement, d'aller chercher son renseignement plus loin. Pourquoi ? Vous l'avez déjà deviné, comme moi, je suppose : parce que les étudiants asiatiques ont la réputation de mieux réussir dans les études scientifiques que “les autres” (ces “autres” ne désignant évidemment pas les étudiants blancs, dont tout le monde se fout qu'ils soient “discriminés” ou non). Le fait que, en effet, les Asiatiques réussissent nettement mieux dans le domaine des sciences exactes que “les autres” ne doit pas entrer en ligne de compte : l'étudiant perdu qui entre dans la bibliothèque et cherche une branche à quoi se raccrocher en vue de son examen prochain, cet étudiant-là doit avant tout se préoccuper de la couleur de la branche vers quoi il va tendre la main. De toute façon, le bibliothécaire veille.

42 commentaires:

  1. Dans les bibliothèques scientifiques, il y a beaucoup de grands volumes, du genre Encyclopedia Universalis.
    Un CPS (oui c'est ça, Chance Pour la Suisse) en feuilletait un à la même table que moi. Maghrébin ou séfarade ? Toujours est-il qu'il arriva à ce qui l'intéressait, et il arracha la page. Il y avait une photocopieuse 3 m plus loin, mais payante...

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    1. Oh, on n'a pas attendu les immigrés pour voir ce genre de comportements ! Je me souviens fort bien que, à l'époque où l'on trouvait des annuaires téléphoniques dans les bistrots, ceux-ci présentaient toujours un certain nombre de pages arrachées.

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    2. - Il y a rarement des photocopieuses dans les bistrots.
      - Les bistrots ne sont pas fréquentés uniquement par des bac+chiffre.
      Je trouve votre défense un peu faiblarde, même pour un dimanche matin...

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    3. Sans doute. Mais on ne voit pas pourquoi un bac + chiffre confèrerait une bonne éducation. D'autre part, on ne voit pas pourquoi une personne capable de se foutre des autres au point d'arracher la page d'annuaire qui l'intéresse prendrait la peine de faire les cinq pas qui le séparent d'une photocopieuse.

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    4. "à l'époque où l'on trouvait des annuaires téléphoniques dans les bistrots, ceux-ci présentaient toujours un certain nombre de pages arrachées."

      Surtout lorsque ces annuaires se trouvaient, dans certains bistrots, ux toilettes, en guise de papier.

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  2. Oui.
    Sauf que cette aimable saynète ressemble furieusement à celles que se racontent au cognac des messieurs distingués ayant un fort accent de l'Europe de l'est.
    Bref, c'est tout à fait le gabarit de la bonne vieille histoire juive dont les versions sont, par définition, infinies...

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    1. Sauf que, là, il ne s'agit pas d'une simple "histoire" mais d'un guide tout ce qu'il y a d'officiel.

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  3. C'est beau, le vivrensemble.

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  4. Et quelle doit être la réaction du bibliothécaire si un étudiant afro-américain perturbe la calme du lieu en demandant un renseignement à un étudiant d'origine asiatique?

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    1. Là, je lui conseillerais la démission. Ou la corde.

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    2. L’affaire se complique si un étudiant afro-américain et mal-voyant perturbe le travail d’une personne d’origine asiatique mal-entendante et si, pour couronner le tout, le bibliothécaire se trouve être une personne en situation de mal-compréhension. Alors là, que faire ?

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    3. Et si, en plus, dans le tas, il se trouve un ou deux homosexuels, alors là…

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  5. les étudiants mexicains sont harcelés pour les livres sur les tacos en bibliothèque universitaire.

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  6. Auriez-vous un lien ou une référence précise ? Non que je ne vous croie pas (je sais que dans ce domaine tout est possible), c’est plutôt pour mettre dans ma collection.

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  7. Un titre digne de l'Équipe!!! On note aussi que dans les universités americaines, quand les étudiants copulent entre eux ils doivent demander la permission de faire tel acte et avoir une confirmation sinon ça peut être considéré comme viol du style: "Cathy, je peux te réaliser telle position" et là il faut un oui clair et net. On note aussi les fameux "safety trigger" càd la possibilité pour un étudiant de ne pas être en insécurité culturelle...bref on vit exactement l'histoire du roman la tache de P. Roth.

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    1. D'un autre côté, s'ils ont le droit de baiser à la bibliothèque, ce n'est déjà pas si mal…

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    2. aux Etats Unis, 1 fille sur 5 est victime d'un viol ou d'une tentative de, voila pourquoi les campus ont mis en place des chartes qui exigent un consentement explicite des deux parties a chaque étape de la séduction, des préliminaires puis de l'acte lui meme Ces américains me font de plus en plus penser aux musulmans (meme manichéisme si tu pense pas comme moi tu es le diable, séparation voire ségrégations entre les sexes et les communautés, anti intellectualisme, complexe de supériorité qui peut virer au mépris de la vie humaine apologie de la violence et de la haine,ultra-violence des rapports sociaux, système pénal et religieux ultra-représsif)

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    3. Il n'y a pas plus d'épidémie de viols sur les campus américains que de chasse à "l'afro-américain" de la part de la police.
      En revanche il y a quantité de coïts express (hook-up) et très alcoolisés lors des soirées étudiantes. Et, les femmes étant différentes des hommes, un certain nombre de jeunes femmes regrettent une fois sobres de s'être accouplées avec un parfait inconnu et l'interprètent rétrospectivement comme un viol, pour sauver leur estime d'elles-mêmes.

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    4. Que les femmes regrettent l'accouplement une fois dessaoulées, je puis en témoigner : ce fut l'essentiel de ma vie sentimentalo-sexuelle. Par chance, je suis d'une génération où les pochtronnes d'un soir ne songeaient pas à porter plainte le lendemain. D'ailleurs, en général, à cette époque, elles ne se souvenaient de rien – en tout cas avec moi.

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    5. L'une des raisons, si ce n'est la principale, pour laquelle ces étudiantes se saoulent comme des Polonais est précisément pour être capable d'avoir des rapports sexuels avec de quasi-inconnus. La pression est forte en ce sens, mélange d'injonctions féministes et de désir d'être "cool" et de "s'éclater". Ce n'est qu'après coup (si je puis dire) que nombre d'entre elles découvrent à quel point elles se sont trompées (et ont été trompées).

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  8. Mais que vient faire la photo de la bibliothèque de l'université de Coimbra (Portugal) dans cette histoire ?

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    1. Il me fallait une photo de bibliothèque, et celle de Coïmbre est particulièrement chère à mon souvenir.

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    2. Celle-ci aurait mieux convenu à votre texte (non, je ne sais toujours pas faire des liens dans un commentaire !) :

      http://images.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fadbu.fr%2Fcompetplug%2Fuploads%2F2014%2F03%2FStudent_reading_in_surprise_by_UHDL_via_Flickr_650.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fadbu.fr%2Fle-budget-des-bibliotheques-universitaires-ne-permet-plus-de-faire-lacquisition-de-livres-imprimes-ou-electroniques%2F&h=433&w=650&tbnid=jOZ4aWNcE-WFNM%3A&docid=GX1t7kLKJZkSwM&ei=p9DnV7uBIoT0aPaqkZgD&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=636&page=3&start=71&ndsp=23&ved=0ahUKEwj78MK8z6rPAhUEOhoKHXZVBDMQMwhvKEswSw&bih=736&biw=1440

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    3. Ça me fait une belle jambe ! Vous feriez mieux de m’expliquer comment procéder...

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    4. Tout est expliqué ici par un Lyonnais.

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  9. Comment appelle-t-on cette méthode d'exercice de transmission du savoir ? Je connaissais la méthode par l'exemple, par la contrainte, communiste (creuser 2 trous, l'un pour remplir l'autre)...
    Amike

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  10. Quelle délicatesse! Quel tact! La deuxième consigne est admirable : on risquerait de discriminer flatteusement l'Asiatique, ce qui pourrait lui faire mal à son asiaticité et peut-être aussi mortifier tous ceux qui n'ont pas été sollicités (Noirs en particulier). On pense rarement aux effets dévastateurs que peuvent parfois produire les marques d'estime et autres compliments, quand ils sont liés à d'affreux stéréotypes, et ils le sont toujours plus ou moins. Oui mais, quand le bibliothécaire intervient, le mal est déjà fait, et ne risque-t-il pas de l'aggraver par son action stigmatisante bien qu'intentionnellement déstigmatisante? Il faudrait réfléchir là-dessus, je crois.

    Quant à la première consigne, elle est simplement juste, d'autant que les bibliothécaires américains sont armés. Mais je ne vois pas en quoi le terme “african american” ne voudrait rien dire. Il a nettement plus de sens que colored, puisqu'il désigne les Américains originaires d'Afrique, ce qui est le cas de tous les Noirs américains, si je ne m'abuse.

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  11. Doucement mais surement,nous y serons confrontés .
    Cela commence par ne pas donner le nom de certains voyous, pour rester correct, on dit des jeunes.
    Pour les bottins, à une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre, il y avait un emplacement prévu pour des bottins dans les cabines téléphoniques parisiennes.
    Bien souvent,il était vide et un de ces bottins s'y trouvait encore, la moitié des pages était absente.

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  12. Le bibliothécaire veille guidé par le principe des nouveaux abolitionnistes : « Trahir les Blancs c'est servir l'humanité ».

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  13. On aimerait tout de même avoir quelques détails, sinon les références de cet hypothétique guide "racialiste", assez peu en phase avec la doxa antiraciste officielle.
    Cet ouvrage ne serait-il pas plutôt un produit de l'Union Sud Africaine, par exemple ?

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  14. Et pour finir le plat de résistance : que doit faire le bibliothécaire si un blanc en repère (((un))) et vient lui demander des tuyaux (attention humour) pour une étude comparative entre Arthur Butz et Robert Faurisson ?

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    1. Remarquons au passage que l'antisémitisme et le négationnisme, ça conserve : ils sont tous les deux presque nonagénaires. On vous souhaite la même longévité, cher jazzman (vous m'avez l'air tout à fait bien parti) !

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  15. ah le retour de la bloguerolle! je sens que ça va pleurnicher et quémander pour y réapparaitre d'ici peu...

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    1. J'espérais vaguement que personne ne s'en apercevrait…

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    2. Une bloguerolle dans laquelle je ne figure pas ne peut être considérée comme sérieuse.

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  16. Je n'ai pas compris grand chose, surtout à votre second exemple, mais le retour inopiné de jazzman m'a fait entrevoir que cela devait être du lourd !

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  17. La petite équipe est ainsi presque au complet pour une rentrée réussie.
    Il ne manque guère plus que l'explorateur...

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  18. Un titre façon Didier Ruquier.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.