dimanche 12 novembre 2023

Au pays des enfants Tage


 Je n'ai pas la moindre idée d'un billet à faire. Mais comme mon irremplaçable épouse vient de se réunir à Fredi Maque pour m'enjoindre de faire disparaître dans les tréfonds la photo du ouistiti postmoderne illustrant ma précédente intervention sur ce site, je m'exécute avec une certaine docilité, non dénuée d'une pointe de masochisme assumé. Mais que dire ?

Or, il se trouve que j'ai, il y a deux ou trois jours, lu un hors-série du Figaro consacré à Lisbonne, magazine rapporté parmi d'autres de chez Michel Desgranges, qui est en quelque sorte mon “mécène de presse”. Cette lecture m'a ramené au début du printemps de 1985, lorsque j'ai passé deux semaines dans cette ville en compagnie de mes excellents amis Jef et Tica. Cette dernière étant portugaise de naissance, de cœur et de beauté, je fus chaleureusement hébergé dans sa maison de famille, à Parede, entre Tage et océan.

Et voilà que, le magazine refermé et la nostalgie du souvenir s'en mêlant, j'ai ressenti l'envie, presque le besoin, de prolonger mon séjour lusitanien. Pour cela, il n'y avait qu'une seule solution envisageable par l'ermite frileux que je suis devenu : les livres.

J'en ai donc tiré deux de leur demi-rayon (je suis scandaleusement pauvre en littérature portugaise…). D'abord cet objet inclassable, déroutant, ardu et envoûtant qui s'intitule chez nous Le Livre de l'intranquillité, de Fernando Pessoa (je colle un lien pour ceux qui, l'ignorant, souhaiteraient découvrir ce très étonnant personnage). Pour faire son pendant, il me fallait un roman ; j'ai donc repris La Capitale de Eça de Queiros, écrivain contemporain de Zola, mort bizarrement à Neuilly-sur-Seine – ce qui manque un peu d'exotisme (*).

Les gens d'Actes Sud qui ont réédité La Capitale rapprochent Eça de Queiros de Balzac. Ce n'est pas totalement absurde, mais sa dette envers Flaubert me paraît beaucoup plus évidente et profonde, notamment avec celui de L'Éducation sentimentale et de ses “héros” en forme de songe-creux velléitaires : son jeune Artur Corvelo me semble davantage parent de Frédéric Moreau que de Lucien de Rubempré, même s'il possède les gènes des deux.

Pour terminer ce billet “de commande”, et afin de teinter cette journée d'un robuste optimisme, cette notation de Pessoa :

« J'envie le monde entier de ne pas être moi. »

Bon dimanche tout de même…


(*) Rajout de deux heures : le fait n'a rien de bizarre puisque, consul du Portugal à Paris, Eça de Queiros vivait à Neuilly. Et je découvre à l'instant qu'on peut même y contempler son buste, planté au beau milieu de l'avenue Charles-de-Gaulle – ce qui est un endroit bien bruyant pour passer l'éternité.

9 commentaires:

  1. Hé ho ! Vous nous remettez quand une photo normale ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? Une photo de manif anti-antisémite, avec plein de jeunes gens vertueux ?

      Supprimer
    2. Voilà. Ou du porno lesbien.

      Supprimer
    3. C'est un peu la même chose, non ?

      Supprimer
  2. Les littératures hispano-lusitaniennes ne sont pas trop ma tasse de thé, mais pour le domaine portugais, je vous conseille tout de même António Lobo Antunes.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je connais son nom, mais crois bien ne l'avoir jamais lu… ou alors j'ai oublié !

      Supprimer
  3. Réponses
    1. Ah, celui-là, je l'ai lu !

      (Ainsi que Miguel Torga, que j'ai failli oublier…)

      Supprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.