Désopilant exercice de “pensée magique” chez Anastase Sarkofrance, qui, 
en quelques phrases à la fois péremptoires et grisâtres, dont il n'a hélas pas
 l'apanage, entreprend de nous persuader que notre vote aux prochaines élections (européennes, à ce qu'il semble) ne doit être subordonné qu'à 
une seule préoccupation : le climat. On ne sait pas, pour en arriver à 
cette ébouriffante directive, combien de fois il a fait tourner le 
pendule qui occupe sa tête démeublée, mais sa conclusion est d'autant 
plus sans appel que, désormais, notre mage post-moderne voit le climat 
changer à vue d'œil. Par exemple, il trouve “les inondations plus 
fréquentes”. Dans sa salle de bain ? Personne ne lui a jamais montré, à 
ce brave halluciné, des photographies de Paris en 1910, ou en 
d'autres années certes un peu moins impressionnantes mais bien humides 
tout de même ? Quelqu'un a songé à lui demander depuis combien de 
décennies il pointait sérieusement toutes les inondations ayant lieu ici
 ou là ? J'ai noté, moi, que l'Eure qui sortait régulièrement de son lit
 au moins une fois par saison, ne l'a plus fait depuis plusieurs années, 
ou en tout cas en des proportions nettement moindres qu'il y a dix ou 
quinze ans. Mais c'est sans doute mon mauvais esprit qui l'a 
partiellement asséchée. 
Autre signe qui conforte notre décrypteur de 
marc de café : “un mois de février étonnamment doux”. Ah, ces hommes de 
progrès ! qu'il en faut peu pour les étonner ! C'est l'ennui, avec les 
gens toujours tournés vers l'avenir : ils oublient qu'il gelait encore 
la semaine dernière. Ils oublient aussi que, des mois de février aussi 
“étonnamment doux”, on pourrait leur aligner deux douzaines depuis le 
début du XXe siècle, simplement en ayant la curiosité élémentaire de 
consulter les archives idoines. Mais il est vrai que, désormais, 
Anastase ne travaille plus qu'à vue d'œil. Donc, foin des archives et 
documents divers. 
Raison supplémentaire de bien voter dans quelques semaines : 
“la disparition progressive des insectes”. On touche là à la 
fantasmagorie pure, bien entendu : j'en veux pour preuve que, l'été 
dernier, on ne pouvait pas, ici, dans l'Eure, croiser une personne 
sans qu'elle se plaigne de la prolifération des mouches ou de la 
surabondance des moucherons. Pour ne rien dire des guêpes, bourdons, 
papillons, etc., qui étaient fidèles au rendez-vous annuel dans tous les
 jardins alentour. Il n'empêche qu'Anastase, lui, a constaté leur 
“disparition progressive” dans son arrondissement de bobo parisien : 
trop fort. 
Il y a aussi, pour guider notre main vers l'urne prochaine, 
“les orages soudain et plus violents”. Car chacun sait que, jusqu'à ces 
dernières années, les orages avaient toujours été l'exemple même du 
phénomène lent et progressif – ce qui les rapproche, on le notera, de la
 disparition des insectes. Quand à leur violence, je ne puis rien dire :
 je crois bien que, l'été dernier, nous n'en avons pas vu passer plus 
d'un ou deux : trop peu pour me livrer à de savantes études 
comparatives. 
Heureusement, Anastase n'est pas sevré de tout espoir 
puisque la jeunesse, ferment et levain de lendemains chantonnants comme chacun sait, a pris 
fermement les choses en main. D'abord en créant une association à but 
non lucratif (il faudrait voir…), Youth for climate, ensuite en 
décrétant, le 15 mars prochain, une “grève mondiale pour le futur”. Les 
vieux ronchonneurs grommelleront qu'ils auraient au moins pu, ces jeunes 
décérébrés, déclencher leur grève pour l'avenir, plutôt que pour 
le futur, ce qui est s'exprimer en petit-lyonnais. À ceux-là, Anastase 
et moi répondrons d'une même voix vibrante qu'on ne peut pas batailler 
sur tous les fronts, sauver en même temps le climat et la syntaxe. Et 
que le principal est de voter en faveur des partis “les plus radicaux 
pour lutter contre le réchauffement climatique”, ainsi qu'Anastase 
l'affirme, dans sa langue qui, elle aussi, semble avoir pris un petit coup de 
chaleur. 
En clair : votez pour un parti climatisé, voire réfrigéré. L'avenir du futur est à ce prix.

 
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