Article très intriguant, tombé de la plume de Léon Daudet et recueilli dans le volume Écrivains & Artistes édité par Séguier, que j'ai refeuilleté ces jours derniers. Il est du 17 novembre 1928 et commence ainsi : « Trois noms dominent le roman contemporain : Marcel Proust, Bernanos, René Béhaine. » Quoi ? qu'ois-je ? Proust, bien sûr ! Bernanos, tant que vous voudrez, beau Daudet ! Mais Béhaine, mon bon Léon ? Béhaine, vraiment ? Il existerait un écrivain nommé René Béhaine et on me l'aurait celé ? Un écrivain que vous placez en outre sur le même podium que les deux autres ? Je sais bien que vous maniez plus facilement qu'un autre l'exagération et l'hyperbole – comme lorsque vous nous glissez en hypocrite votre cher Frédéric Mistral à égalité de génie entre… Virgile et Dante, rien de moins ! –, mais tout de même, là, votre Béhaine brandi, vous m'interloquâtes, je ne crains pas de vous l'avouer.
Renseignements un peu pris, j'ai pu constater que je n'étais sans doute pas seul à barboter dans cette ignorance, puisque, en fait de photos, on ne trouve rien d'autre chez Ternette que le méchant portrait ci-à gauche, et que, pour l'œuvre, il faut se rabattre sur des occasions exténuées, remontant presque toutes à avant le Déluge – je veux parler de ma naissance. Ne reculant devant aucune audace ni dépense folle, j'ai placé dans mon petit carquois d'Amazone un roman primesautièrement intitulé La Moisson des morts, lequel a eu l'air tout surpris de se trouver dérangé d'un long sommeil qu'il devait s'imaginer éternel. Il va de soi que je vous tiendrai scrupuleusement au fait des suites de cet acte téméraire, lorsque le livre sera arrivé ici, et lu. S'il arrive, car une partie de moi continue de penser que Léon s'est moqué et que jamais ne parut en ce monde de Béhaine pour y moissonner les morts ; du reste, il me semble bien entendre d'ici les échos tonitruant d'un concert de rires dans l'empyrée : c'est Daudet qui me daube à la table divine, et Bernanos qui pouffe sur son prie-dieu.
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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.