dimanche 24 mai 2015

Quitte le nid si tu y es bien

L'un des parents nourriciers

Titi aventurier
Depuis quelques semaines, nous hébergeons deux nichées de mésanges charbonnières, l'une dans la cabane accrochée au tronc du cerisier, l'autre dans celle que Catherine, malgré mes avis, a fixée au haut du volet de la porte de la Case (preuve qu'elle a bien fait de ne pas m'écouter). Depuis deux semaines, donc, nous nous divertissons, chaque fois que nous prenons un café-cigarette sur la terrasse, de voir les parents aller et venir sans cesse, le bec garni d'un ver ou d'une petite chenille en arrivant et bec vide en repartant. Comme tout manège avait brusquement cessé avant-hier matin dans la cabane du cerisier, et que le silence y régnait, nous en avons déduit que les oisillons étaient devenus oiseaux et s'étaient envolés (ma mère prétend que les petits quittent toujours le nid au lever du jour, ce qui est un peu frustrant pour les observateurs négligents et dormeurs que nous sommes). En revanche, le raffut continuait dans la cabane du volet et les piaillements frôlaient l'hystérie dès que l'un des deux parents arrivait, porteur de victuailles. J'espérais tout de même qu'ils ne tarderaient plus car, depuis trois jours, je trouve que Golo tourne au pied du volet avec une insistance inquiétante. Il ne peut pas attraper les petits à l'intérieur, tant qu'ils restent au nid ; mais il serait préférable qu'il ne soit pas là au moment de l'envol, moment toujours un peu périlleux, pour des volatiles mal assurés d'eux-mêmes et ignorant probablement que, dans la nature, les chats existent.

Ce soir, les titis sont toujours dans leur boîte, accrochée au volet, mais ils s'enhardissent. Depuis ce matin, les parents nourriciers ne pénètrent même plus dans la petite cabane ; ils se contentent de s'accrocher au rebord de l'entrée circulaire, et ce sont les jeunes qui montent chercher la chenille ou le ver qu'on veut bien leur apporter. Cet après-midi, j'ai passé une bonne heure dans la chaise longue, avec Morand et Chardonne – mais moi seul avait le privilège d'être confortablement installé – à ne lire pratiquement rien, trop occupé à observer le manège. Trois fois j'ai cru que l'un ou l'autre des oisillons allait se décider à sortir, il avait déjà toute sa petite tête ébouriffée en dehors… et puis non, ils m'ont refusé ce plaisir de les voir s'envoler, ou plutôt tanguer jusqu'à la gouttière ou la corde à linge toutes proches. Et je tentais de me représenter quel choc formidable, quelle révolution copernicienne ce devait être, de passer d'un coup d'un espace confiné, étroit, sombre, uniquement éclairé par cet œil-de-bœuf d'où arrivent et repartent les auteurs de vos jours, à cet univers immense, insoupçonné ; j'essayais d'imaginer la stupéfaction ressentie à la découverte simultanée des couleurs, des volumes, des odeurs, et surtout de ces invisibles courants porteurs ne demandant qu'à vous emmener où vous prend la fantaisie d'aller. Je ne suis pas sûr d'y être tout à fait parvenu.

La journée se termine, ils ne partiront pas aujourd'hui. Peut-être que, demain matin, au moment du premier café, le nichoir sera retombé dans le silence ; tout le monde aura fui.

50 commentaires:

  1. J'ignore le temps qu'il fait au bled, mais cela vaudrait le coup de mettre le réveil à 6h30, demain. Prendre le café à la fraiche, voir le soleil se lever, écouter les piafs s'ébattre : la suite est d'ores et déjà alléchante.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh bien, à part le réveil, c'est exactement ce qui s'est passé ! (Voir plus bas.)

      Supprimer
  2. Didier Goux est parfois magnifique.

    RépondreSupprimer
  3. J'ai le même spectacle chez moi. Un émerveillement qui se renouvelle tous les ans. Je surveille aussi un couple d'hirondelles qui semble avoir envie de remettre en état un nid accroché à l'intérieur de la porte de l'atelier.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas d'hirondelles, chez nous. Enfin, si, au-dessus de nos têtes, mais pas de nids à portée d'œil.

      Supprimer
  4. C'est à cela qu'on peut approcher votre véritable essence, monsieur Goux.
    En réalité, vous êtes un maître zen ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tâzchez quand même de ne pas vous approcher de mon essence avec une allumette…

      Supprimer
  5. Réponses
    1. Les écologistes n'ont rien à foutre des mésanges : ils préfèrent soutenir des clodos chevelus et pouilleux autour des aéroports en construction.

      Supprimer
  6. belle histoire ,on dirait du Proust

    RépondreSupprimer
  7. Pas certain que les mésanges aient un odorat...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les mésanges charbonnières (Parus major) utilisent l'odorat dans leur choix alimentaire et dans l'évaluation innée des risques de prédation. Des adultes nés et élevés en laboratoire éviteront des cavités imprégnées d'odeur de mustélidés (i.e. belette) dès leur première nidification alors qu'ils n'auront jamais été confrontés à ce type de prédateurs durant l'ontogenèse.

      Supprimer
    2. http://www.oiseaux.net/oiseaux/mesange.charbonniere.html

      Supprimer
    3. Et toc ! dans le bec de M. Arié !

      Supprimer
    4. En tous cas (et, là, je parle de ce que j'ai constaté à la campagne), la mésange est le seul oiseau assez con pour se cogner contre les fenêtres ( soit qu'il ne se rende pas compte qu'il a des vitres, soit qu'il soit attiré par son reflet, je ne sais pas.)

      Supprimer
    5. Non, elles ne sont pas les seules à le faire, mais elles le font, en effet. Ici, nous avons mis des autocollants de couleurs sur les vitres, afin de les "matérialiser" ; depuis, elles viennent beaucoup moins s'y fracasser.

      Supprimer
    6. Alors, quand il y a du soleil, vous avez un intérieur de toutes les couleurs ?

      Supprimer
    7. Les mouches aussi se cognent dans les fenêtres.

      Supprimer
  8. comment faîtes vous pour fixer un point aussi longtemps dans une chaise longue sans fermer les yeux ?


    Stanislas

    RépondreSupprimer
  9. Attention à la maréchaussée, vous hébergez des sans papiers, c'est punissable

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et le droit du sol, vous en faites quoi ? De toute façon, je suis vice-président du D.A.N. (Droit au nichoir).

      Supprimer
    2. surtout pour des piafs qui n'ont que très peu mis les pieds par terre
      pour le DAN, j'en suis au noir et 4ème de surcroît, donc votre vice présidence, je m'en bat les cou....., je voulais dire les ailes

      Supprimer
  10. il est à noter que si vous accrochez une boule de graisse en hauteur, sous une cabane de distribution de graines, les mésanges sont les seuls oiseaux à se fixer à la boule pour la picorer, en même temps, elles font tomber des morceaux que les autres espèces viennent picorer au pied du piquet..

    il faut se méfier des pies, ces enfoirées viennent décrocher les boules entières, ça finit par coûter cher, il y a intérêt à bien les fixer, elles sont malignes les garces...

    J'espère avoir fait avancé le sujet et vous avoir apporté une expérience personnelle concernant les mésanges si vous décidez de les nourrir grâce à des boules de graisse

    Stanislas

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous retardez, mon ami : voilà au moins douze ans que nous nourrisson les oiseaux chaque hiver. Une année, j'avais eu la curiosité de noter tout ce qu'on achetait pour eux entre novembre et mars. Résultat : environ 100 kg de graines de tournesol et une centaine de boules de graisse…

      Supprimer
  11. "Moi seul avaiS..." cher auteur. Et merci pour ce petit morceau d'écriture.

    RépondreSupprimer
  12. Amis lecteurs de Didier Goux qui vivez en ville, ne vous laissez pas envahir par la nostalgie et encore moins par la jalousie, car vous aussi pouvez avoir des émotions ornithologiques au moment où vous vous y attendriez le moins.
    En effet, m'étant un jour, très récemment, assise à la terrasse d'une place ombragée d'une des plus grandes villes de France, et ayant commandé une crêpe au sucre, n'ai-je pas eu la surprise d'avoir à la partager avec trois moineaux venus sur la table, picorer directement dans mon assiette ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah! l'insolence des moineaux urbains n'a aucune limite.
      Petits, mais costauds et bruyants, c'est toujours eux qui contrôlent le pavé et la table du bistrot.
      Des petits futés et psychologues avec ça ! De loin ils reconnaissent le profil du poète qui va sacrifier son sandwich de bon cœur.
      Car quand un, il y en a deux, puis dix, puis une nuée ...

      Supprimer
    2. J'ai écrit un billet (repris dans En territoire ennemi) à propos d'un moineau goitreux, qui venait se restaurer en terrasse, à Levallois-Perret. Mais je suis incapable de le retrouver.

      Supprimer
    3. Pour une fois j'ai bossé pour vous http://didiergouxbis.blogspot.fr/2009/04/goitre-et-multiplier.html

      Supprimer
    4. Ah, bravo ! Et merci. C'est en effet celui-là que j'avais en tête.

      Supprimer
  13. LES NOUVELLES DU FRONT :

    Voilà, ils sont partis ! Quand je suis sorti sur la terrasse, à sept heures, il y en avait déjà deux hors du nid, reconnaissables à leur tête encore tout ébouriffée et, plus grave pour eux, à leur absence totale de méfiance vis-à-vis de moi.

    J'en ai vu sortir successivement six autres, et j'ai manqué le dernier (il fallait bien que quelqu'un aille chercher le pain…). Donc, neuf en tout. Hélas, il y a eu de la perte. LE premier que j'ai vu quitter le nichoir n'a pas survécu plus de trois minutes aux griffes de Golo, que j'avais stupidement laissé sortir (avant de le renfermer précipitamment). Parmi les autres, l'un est tombée dans l'herbe presque comme un caillou. Nous l'avons placé en hauteur pour lui laisser une chance. Mais, une heure après, il n'avait pas bougé d'un millimètre, ses yeux étaient aux trois quarts fermés et, quand nous l'avons incité à l'envol, il est retombé sur le flan, puis sur le dos, ne tenant même plus sur ses pattes. Me disant qu'il allait agoniser durant peut-être des heures, je me suis résolu à le noyer dans le bac des eaux de pluie. Cela prit environ trente secondes, qui me parurent très longues.

    Un dernier, enfin, ne semblait pas non plus capable de voler, mais lui était beaucoup plus vivace. Nous l'avons placé sur la table de jardin, d'où il a sauté dans l'herbe avant de s'éloigner (mais en sautillant, pas en volant). Nous nous concentrons sur le fait qu'il y en a tout de même six qui ont de bonnes chances de profiter un peu de la vie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. le chat aura donc mangé son poulet du dimanche un lundi

      Supprimer
    2. Oui, mais un lundi férié, tout de même. De plus, ce salopard de petit nazi a tué par plaisir et n'a même pas consommé…

      Supprimer
    3. Lâcher le chat, et de surcroît, sûrement s'en battre les flans, c'est carrément horrible, à tout point de vue !

      Supprimer
  14. "le noyer dans le bac des eaux de pluie", mon Dieu, cela me rappelle quelque chose, une guenon, une certaine résistance...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais taisez-vous donc, malheureuse ! Vous allez encore nous déprimer M. Desgranges pour la journée…

      Supprimer
    2. Il faut quand même un certain "talent" pour faire ça.

      Supprimer
  15. ça m'a mis l'angoisse pour la journée votre histoire.

    Laisser un chat traîner alors que des petits oiseaux de rien se lancent dans la vie.....

    c'est trop...

    Stanislas

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est de la faute à ma mère, d'abord : je l'ai toujours entendu dire que les oiseaux quittaient le nez au lever du jour. Sortant à sept heures du matin, et entendant les oiseaux piailler dans le nichoir, je me suis donc dit que ce ne serait pas encore pour aujourd'hui, et j'ai laissé sortir le chat, que l'on avait soigneusement enfermé cette nuit. Ce n'est qu'après, juste après, que j'ai mesuré l'étendue de ma bévue.

      Cela dit, c'est la fatalité des mésanges : j'ai lu sur internet qu'on estimait à plusieurs dizaines de millions le nombre de tuées par des chats domestiques chaque année, en France.

      Supprimer
    2. vous auriez pu lancer des souris comme leurres à votre chat pendant que la petite mésange essayait de trouver la notice de l'utilisation de ses ailes non ?

      et cette statistique, affreux......

      Stanislas

      Supprimer
  16. Quel plaisir de vous lire.
    Décidément, Catherine et vous, m'êtes de plus en plus sympathiques.

    hélène dici

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. N'ébruitez pas trop cette sympathie (qui m'honore) : elle pourrait vous valoir une sale réputation en d'autres lieux…

      Supprimer
    2. " elle pourrait vous valoir une sale réputation en d'autres lieux"

      -> m'en fouti :-D

      hélène dici

      Supprimer
  17. Les chasseurs ont bien raison de zigouiller les chats quand ils le peuvent...

    RépondreSupprimer
  18. " elle pourrait vous valoir une sale réputation en d'autres lieux"
    Rien de plus vrai! Moi même suis régulièrement traité de pote à Göring depuis que je fréquente ce blog, c'est tout dire...

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.