dimanche 16 octobre 2016

Petit musée des horreurs victoriennes


C'est un concentré ; ou un bouquet, comme on voudra : c'est Penny Dreadful, une série anglaise que je ne peux que recommander chaudement, ainsi qu'elle me l'a été naguère, à tous ceux qui aiment les ambiances horrifico-mystérieuses, le surnaturel, le frisson, un soupçon de gore et un certain baroquisme ; à ceux surtout qui aiment être traités en adultes et en ont assez de l'épouvante sucrée pour adolescents bienpensants (on frise le pléonasme), du type True blood ou encore In the flesh.


Nous sommes à Londres dans les années quatre-vingt-dix du XIXe siècle (mais la série a été tournée à Dublin…), c'est-à-dire à l'époque où un certain public – la classe ouvrière essentiellement – se ruait chaque semaine sur ces fascicules qui racontaient des histoires horribles, si possible sanglantes, et étaient vendus un penny le numéro, d'où leur nom. De fait, la série réunit tous les personnages les plus connus de ce que l'on pourrait appeler l'horreur victorienne, tant cette époque fut propice à leur éclosion quasi simultanée. Au fil des épisodes de Penny Dreadful vont apparaître, et se rencontrer, Jack l'Éventreur, Dorian Gray, le Dr Frankenstein et sa créature, le couple Jonathan et Mina Harker, (créé par Bram Stoker dans Dracula et immortalisé à l'écran par Murnau dans son Nosferatu), le loup-garou de Londres, plus quelques sorcières au service de Lucifer déchu et des vampires qui ont tout l'air de remonter à la plus haute antiquité égyptienne. On y cite Milton, Wordsworth et Keats, on étudie des manuscrits de la vallée du Nil, on invoque Shakespeare ; on s'y égorge aussi pas mal.


 Même si la série est résolument “chorale”, Vanessa Ives en est tout de même le personnage central, jeune fille d'excellente famille, mais habitée par des forces obscures et puissantes, qui vont se révéler à elle progressivement (à nous par la même occasion), et convoitée par le diable en personne qui, si j'ai bien compris, a en projet de culbuter la belle et de lui faire un enfant pour semer la désolation, la pestilence et la mort sur toute la surface de la terre : du classique, en somme. Le personnage est interprété par Éva Green, actrice dont je ne soupçonnais pas le talent, et qui réussit à être à la fois fort séduisante et très inquiétante. Du reste, comme souvent dans les séries anglo-américaines, tous les comédiens sont excellents, à commencer par Timothy Dalton et Josh Hartnett, ce dernier interprétant un personnage de cowboy de cirque fraîchement débarqué de son Nouveau-Mexique natal.


Il va presque de soi que l'histoire, faite de plusieurs récits entrelacés, est totalement maîtrisée, sans longueurs, avec une science parfaite du crescendo dramatique, non seulement à l'intérieur de chaque épisode de 52 minutes, mas également sur l'ensemble de chaque saison (il y en a trois et je suis rendu au milieu de la seconde). Les décors, tant intérieurs qu'extérieurs, sont superbes et magnifiquement filmés. Et il y a même, ça et là, quand les vampires se reposent, des traits d'humour tout à fait bienvenus. Remarquable en tous points, Penny Dreadful reste néanmoins déconseillée – au moins par moi – aux estomacs par trop sensibles, car les ventres s'y ouvrent volontiers et les têtes y explosent assez facilement : Catherine, par exemple, a jeté l'éponge après les deux premiers épisodes.



31 commentaires:

  1. Vous pourriez nous faire la même chose avec "Plus belle la vie" ?
    Blague à part : mon cœur de Français saigne quand je vois ce que les Angliches sont capables de faire...

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    1. Je le disais l'autre soir à Catherine : quand je tombe par hasard sur une série française, j'ai vraiment honte de ma nationalité.

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  2. On a environ 200 chaînes gratuites (enfin, pas tout à fait gratuites: redevance télévision et factures Internet), et il faudrait, en plus, payer pour Netflix et Canal + ?

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    1. Je ne paie ni pour l'une ni pour l'autre : j'achète des DVD et des blu-ray d'occasion.

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  3. Merci ! Vous m'avez tout à fait convaincue de ne regarder cette horreur à aucun prix. J'en resterai donc au genre Downton Abbey ou Peakyblinders !

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    1. Peaky Blinders est une excellente série ! L'autre aussi, dans un genre différent, mais il nous a semblé qu'arrivé à la troisième saison, ça commençait à tourner un peu en rond.

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  4. Et cette beauté passe sur quelle chaine?
    C'est pour pour ma douce aimée.

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    1. À ma connaissance : sur aucune. Mais on trouve la saison 1 pour pas très cher

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  5. Excellente série que je déguste depuis peu. Quand à M. Arié, payer pour C+, et puis quoi encore ? Autant cotiser au PS, très peu pour moi. Pour ce qui est de Netflix, pourquoi pas ? Après tout, ils fournissent des séries de belle qualité, à des années lumières de "Plus belle la vie", et autres débilités à vocation d'édification sociale telles que "Le tuteur", etc. La qualité ça se paie.

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    1. À vrai dire je ne connais pas Netflix. Peut-être devrais-je m'y intéresser, maintenant que nous ne regardons pratiquement plus que des séries (et les grands films muets, en ce qui me concerne…).

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    2. Je regarde aussi les grands films muets. Je confesse une passion particulière pour "La naissance d'une nation" de Griffith. Film qui ne sera certainement plus programmé dans les cine-clubs, sans parler de diffusion télévisée.

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    3. Je l'ai regardé la semaine dernière ! En effet, on peut certain de ne jamais le voir à la télévision…

      Pour l'instant, mes deux plus grands chocs ont été Murnau (L'Aurore et Le Dernier Homme) et Fritz Lang (Metropolis).

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    4. Faites comme moi, allez habiter en face de la Cinémathèque .

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    5. C'est pourtant là que j'ai vu (et que j'aurai sans doute l'occasion de revoir) Naissance d'une nation (je crois qu'il y a longtemps que les ciné-clubs ne passent plus de films muets.); et puis, un si beau parc en face de chez soi, ça vaut bien un pavillon-jardin , et ce n'est pas moi qui dois m'occuper de la pelouse et des fleurs .

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    6. @ Koltchak91120

      Naissance d'une nation" est passé au ciné-club de minuit de France3, une chaîne pourtant de l' Etat socialo-communisto-robespierrriste !

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  6. Je confirme l'excellence des films que vous citez. Le Napoléon d'Abel Gance vaut également le détour. On y trouve le même souffle épique que dans le film de Griffith, et l'interprétation de Bonaparte par Dieudonné (Albert, pas le lyonnais) est magistrale.

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    1. J'ai vu le film de Gance… mais il y a si longtemps qu'il serait sans doute bon que je le revisse…

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  7. Encore une énigme: Comment quelqu'un d'aussi littérairement (?) cultivé que vous parvient-il à regarder ce genre de trucs ?

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    1. D'abord je suis nettement moins cultivé que ce que vous semblez croire. Ensuite, pourquoi les gens cultivés n'auraient-ils pas le droit de se distraire ? Marcel Proust, par exemple, adorait Félix Mayol…

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    2. Corto, on disait aussi ça des premiers films, des premiers tableaux impressionnistes...Personne ne sait quel sort l'avenir réserve aux séries.

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    3. Ah ! Encore cet exemple des impressionnistes "refusés", "insultés", etc. Cela faisait longtemps !

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    4. Céline fréquentait les cabarets, et pas seulement...

      Le 12 avril 1948

      On fait toujours joujou sur la Butte. On pinte, chie, baise, et marre du reste ! Et c'est bien sage et bien raison ! Sauf quelques pleurs pour l'enviance (prononciation zézéyante d'une amie de la Butte, commune à Mahé et Céline)! il faut tricher la vie. C'est la loi ou crever. Le mec qui couche dans mon lit l'a compris (Yvon Morandat, agent de la France Libre, s'était installé chez Céline).
      (...)
      Y aura toujours des enculés Place Pigalle. Ça m'étonne que l'Abbaye(1) rouvre pas. O'dett(2) est éternel. Il a de l'esprit en plus, ce qui est gentil dans un anus. Ah il faut faire jouir les personnes ! Tu es vachement puritain toi. Pour ça que tu crèveras et feras crever ta chère famille. T'es de Retiers. Retourne à la Terre !
      Mille bises.
      LFC
      1.L'Abaye de Thélème,cabaret de Montmartre tenu par Raoul Favier jusqu'en 1936, date à laquelle René Goupil, le rebaptise Chez Od'ett, avec les décors d'Henri Mahé. Ce dancing de la place Pigalle accueillit avant guerre Trenet et Cocteau, Fréhel et Johnny Hess.
      2. O'dett, né René Goupil, chanteur travesti et tenancier de cabaret.
      Lettres de Céline à Henri Mahé. In "La brinquebale avec Céline". Préface d'Éric Mazet. Écriture, 2011.

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    5. "Comment quelqu'un d'aussi littérairement (?) cultivé que vous parvient-il à regarder ce genre de trucs ?"

      Peut être parce que c'est tout simplement bien...

      Vous savez Corto, à la télévision, il n'y a pas que le "débat" des primaires "de droite", il y a aussi de temps à autre d'excellentes séries.
      Rarement françaises, certes, mais excellentes tout de mêmes.

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    6. "Mais enfin, Dany, vous vous sentez bien ?" Ou serait-ce que vous sortez d'une C4 ?

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  8. Surtout que maintenant la littérature c'est une guitare et un harmonica....
    Pour certains ça va pas âtre facile...

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  9. Merci du conseil, on trouve cette série sur Netflix, j'en ai regardé trois épisodes (en tricotant, c'est parfait) j'aime beaucoup. Beau travail ces séries anglaises en effet, décor, costumes, ambiance, excellent jeu des acteurs. C'est du gothique de luxe, cultivé et intelligent.

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    1. Gothique de luxe : c'est exactement ça ! D'ailleurs, depuis que je la regarde, j'ai une furieuse envie de me mettre au tricot.

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    2. Mais le gothique a toujours été un style raffiné. Il a fallu que des hurluberlus s'en emparent pour en faire ce machin vulgaire pour ados attardés en mal d'attention.

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    3. En même temps, pour une fois qu'une mode de djeun's a quelque chose à voir avec notre passé...

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    4. Encore que le gothique soit plutôt un truc de Brittish…

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.