mercredi 25 novembre 2020

Terreur festive à la cantine


 Je me suis bien sûr, comme chacun, trouvé plusieurs fois en situation d'être, ou au moins de me sentir ridicule. Je crois l'avoir assez bien supporté, ne pas y avoir, même sur le moment, attaché une grande importance et n'en avoir senti aucune “cuisson” de l'amour-propre qui ne fût aussitôt cautérisée. 

En revanche, j'ai nettement plus de mal à supporter le ridicule chez les autres, en particulier lorsque ces autres n'ont pas conscience de ce ridicule que je discerne, moi, fort bien. C'est ainsi que, même enfant, je n'ai jamais aimé ce type d'émissions de télévision qui s'est d'abord appelé “caméra invisible” avant de devenir “caméra cachée”. Et je me souviens d'une anecdote, j'y ai repensé tout à l'heure en souhaitant sa fête à Catherine. 

C'était un 25 novembre, donc, dans les années quatre-vingt. Nous autres, gens du rewriting, avions accoutumé de descendre ensemble à la mangeoire d'entreprise du groupe Hachette, sis à l'époque au 6 de la rue Ancelle, à Neuilly. C'est ce que nous faisons donc, ce jour-là comme les autres. La première chose qui me saute aux yeux, en pénétrant dans cette grande cantine en sous-sol, c'est que les serveuses et les caissières, du moins les célibataires d'entre elles, ont “coiffé Sainte-Catherine”.  

Bien entendu, comme elles sont toutes affublées du même couvre-chef hautement grotesque et mal seyant, on comprend tout de suite que, en fait, c'est leur direction qui les a contraintes, dans un but festif, à se déguiser de la sorte. Les deux caissières, le visage aussi morose qu'à l'ordinaire, sont particulièrement pitoyables, tant est grand justement le décalage entre leur mine et la coiffure qu'elles arborent, qui se veut joyeuse. 

« Non, là, je ne vais pas pouvoir… dis-je à mes habituels commensaux. Passer devant ces pauvres filles… Je crois que je vais aller me chercher un casse-dalle aux Sablons. » Yves Josso, notre chef à tous, me répond alors : « Mais elles doivent en être ravies, de leur chapeau ! C'est leur grand jour en quelque sorte… » Il pensait sans doute, disant cela, me faire changer d'avis, sa remarque eut l'effet inverse, le ridicule de l'accoutrement redoubla d'un coup à mes yeux. Et je m'enfuis.  

Au bistrot des Sablons, tout était normal, aucune catherinette n'était repérable parmi le personnel. Et leurs sandwichs étaient à peu près propres à la consommation.

 

22 commentaires:

  1. Vous êtes un véritable humaniste.

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    1. Non, je ne pense pas. En tout cas, il n'y a rien là dont je puisse me targuer, dans la mesure où il s'agit d'une réaction purement épidermique, dont je ne suis nullement maître.

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    2. Disons que vous un êtes un humaniste viscéral !

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    3. Ou un "gros veau sentimental", comme disait Ygor Yanka…

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  2. Vous êtes dur avec " la Caméra invisible ". Il y eut quelques excellentes idées,mais surtout cet extraordinaire acteur qu' était Jacques Legras, qui,de son air inoffensif et innocent, faisait avaler absolument n'importe quoi à n'importe qui.

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    1. Mais je n'ai pas dit que c'était une mauvaise émission ! Juste qu'elle m'était pénible à regarder. Disons qu'elle n'était pas "pour moi".

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  3. L'avait peut-etre raison le Josso, va savoir.

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    1. Ah, mais je suis certain – l'étais déjà alors – qu'il avait raison ! Ce qui n'a fait qu'empirer mon espèce de "blocage".

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    2. Et voilà que je me mets à écrire en petit nègre, asteure

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    3. ah mais ça reste tout à fait compréhensible, contrairement aux fois où vous faites parfois tant d'effort.

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    4. Ça tient sans doute à ce que vous parlez plus couramment le petit nègre que le français.

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  4. Eh bien, pour une fois (et je compte que ce sera la seule), je serais presque d'accord avec elle !

    Pour le reste, c'est vous que je trouve bien suffisant… de prétendre me tenir la main quand j'écris ! (Smiley, hein !)

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  5. De toute manière, la Sainte Catherine est une tradition d'une civilisation dominée par l'homme blanc. Paradoxalement mais en plus elle n'ont honte de rien. Vous aviez eu raison de boycotter. Vous êtes une forme d'Obono voire de Diallo avant l'heure. C'est un compliment.

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  6. Z'avez vu? Y en a une qui en plus du chapeau Elisabethain a mis un kilt sur son crâne.. si si à droite en bas...

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  7. Une nouvelle catégorie s'impose : "Vieux gamin" !

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  8. Je suis d'accord avec vos contradicteurs… même si le tenancier de ce blog a une nette tendance à m'exaspérer par son maniérisme qui se veut distancié et humoristique ; par exemple lorsqu'il nomme Boileau par son nom entier : ce doit être assez le genre à écrire "Louis de Rouvroy" quand il veut parler du duc de Saint-Simon.

    Mais enfin, sur ce coup, je me trouve d'accord avec lui… ce dont je ne vous remercie pas !

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  9. Je me demande si la reine d'Angleterre ne serait pas une éternelle "Catherinette ";toujours chapeautée de couvre-chef souvent de couleur criarde avec des formes improbables.
    Bonne journée.

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  10. Dans ce cas, mes plus plates excuses au taulier !

    (Mais je n'en pense pas moins…)

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.