Affichage des articles dont le libellé est Scutenaria. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Scutenaria. Afficher tous les articles

dimanche 11 mars 2018

Inscriptions dominicales, 5


– À la rigueur, je pourrais comprendre la pudeur des sentiments. Mais pas celle de leurs organes.

– Hier, vous mangeâtes du rat. Aujourd'hui, c'est du tournedos. Demain, ce sera de la limande. L'homme a le droit de se contredire.

– Devant l'impossibilité de tout savoir, la plupart ont choisi de ne savoir rien.

– Je vis facilement au milieu de choses dont je ne prendrai jamais mon parti.

– Vos élans spontanés sont les aboutissements de longs calculs en vos abîmes.

– Je ne voudrais pas être ambassadeur. D'abord, parce que les dieux ne travaillent pas et, ensuite, je craindrais, chaque fois qu'il me faudrait engueuler le consul, que ce dernier soit un Beyle.

– Les auteurs de journaux intimes avouent sans trop de façons leurs manques physiques, moraux ou psychologiques. C'est qu'ils sentent que leurs lecteurs ne peuvent être que défaillants comme eux ; les hommes sains ne s'intéressent  pas aux confessions des autres.

– J'apprécie fort les gens tarés, aussi longtemps qu'ils n'entendent point faire de leurs tares des instruments de domination.

– Ne consommez pas trop de lentilles, cela dilate les regards.

– Une théorie de l'évolution ne doit pas sous-entendre l'idée de progrès.

– Je crois qu'à un grand désert vide, je préfère un désert coupé par une voie de chemin de fer en ruine.

– C'est toujours dans le désert que l'on casse sa bouteille d'eau.

dimanche 4 mars 2018

Inscriptions dominicales, 4


– L'homme qui accorderait un moment de sa vie à autre chose qu'à son sexe serait un distrait. Je ne crois pas qu'il en existe.

– Chien qui aboie peut mordre quand il s'est tu.

– La bave des limaces, le bran des mouches, l'odeur de l'ail, le margouillis des insectes écrasés, le crachat des hommes, la fétidité de l'eau, le goût de l'amande amère sont moins répugnants que la pudeur  et la distinction qu'engendre la fadeur.

– Prévoir, c'est désespérer.

– Mon divorce d'avec la majorité des gens vient de ce qu'ils croient au normal, à une moyenne possible et qu'un être peut sensiblement changer.

– Le génie ne valorise pas, il distingue.

– Le départ de presque toutes les actions éclatantes est quelque défaut du sensible qui ne peut se satisfaire à moins.

– On peut être saoul, mais il ne faut pas être bête.

– Je n'ai jamais reculé devant la douleur d'autrui.

– J'écris correctement parce que c'est plus facile.

– Pourquoi serais-je malheureux pour la raison que je ne comprends pas vos bonheurs ?

– Pourquoi n'es-tu pas jolie, toi qui aimes les croissants, à l'aube, aux terrasses des petits cafés proches des gares ?

dimanche 25 février 2018

Inscriptions dominicales, 3


– Naguère les gens du Milieu usaient d'un jargon pour cacher le sens de leurs paroles. Mille gens de l'Esprit, au contraire, usent d'un jargon pour prêter du sens aux leurs.

– Je suis exception harmonieuse de quelques règles, et exemple désolant des autres.

– Si tu fermes les yeux, n'ouvre pas la bouche.

– L'esclave qui aime sa vie d'esclave a-t-il une vie d'esclave ?

– J'ai mordu Cléopâtre, renversé Babylone, incendié Gomorrhe. Je le regrette.

– Partager mes opinions n'accrédite personne auprès de moi.

– Je ne comprends pas que l'on puisse faire en groupe ce que l'on n'a pas la vaillance ou le goût de faire tout seul.

– J'ai usé mon existence à tenter de voir le moins possible de gens. C'est fort malaisé pour qui demeure en ville.

– Au pays des muets les aveugles sont sourds.

– Je suis trop honnête pour être poli.

– C'est bien le moins qu'un cul-de-jatte ait le droit de critiquer un champion cycliste.

– Ce n'est pas la faculté de nuire qu'il faudrait enlever, c'est le goût.

dimanche 18 février 2018

Inscriptions dominicales, 2


– Mes faiblesses, mes défauts, masques sans lesquels j'aurais le malheur d'être un autre.

– La religion est une fatigante solution de paresse.

– Ne supposez point d'opinion dans les chefs d'un parti.

– Le bruit lointain d'un convoi, une petite lumière clignotant au fond de la nuit, un coup de sifflet que la distance a presque éteint, les usines abandonnées sous la lune.

– La connaissance du cheveu n'est pas celle de l'homme et j'inclinerais à la prendre pour moins importante.

– Je ne suis pas ennuyeux puisque je ne m'ennuie pas.

– La liberté c'est l'indifférence.

– « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément. » Malheureusement, nous ne saurons jamais à coup sûr ce que Boileau entendait par se concevoir, bien, s'énoncer, clairement, mots, dire, arriver et aisément.

– Comme celles de chacun, mes idées sont des carapaces.

– Je suis malheureux parce que je suppose chez les autres des richesses que je suis seul à posséder.

– Le critique est celui qui ne se suffit pas.

– L'Autriche. L'homme aussi.

dimanche 11 février 2018

Inscriptions dominicales, 1


– L'on peut être sauvé par autre chose qu'une catastrophe.

– Pas plus de souvenirs que si j'avais Turin.

– Comment a-t-on pu rapprocher des histrions baveux de Dostoïevski les héros de Conrad si proprement déchirés, si heureusement malheureux ?

– Les femmes sont passionnées même dans le calme.

– Enfant pour moi, je puis être vieillard pour un autre.

– Je ne respecte point la loi, mais redoute les hommes qui la gardent.

– Je méprise trop ces gens pour me déplaire en leur compagnie.

– Mais prenez-vous la vie au sérieux, Monsieur ? Non, Monsieur, je la lui laisse.

– Il est parfois amusant de perdre son honneur.

– La morale est un avatar de l'instinct de conservation.

– Les imbéciles éprouvent le besoin de se renouveler.

– Ne jugeons pas, condamnons.

vendredi 9 février 2018

Les inscriptions sont ouvertes !


Louis Scutenaire fut un poète surréaliste belge qui ne perdit jamais une occasion d'affirmer avec force et conviction qu'il n'était ni poète, ni surréaliste, ni belge ; ce qui ne l'empêche pas de ressembler vaguement à un von Stroheim qui n'aurait pas été acteur, cinéaste ni teuton. Né en 1905, il est mort en 1987, ce qui semble tout à fait raisonnable. Entre autres chose"s, il a publié, à partir de 1942, cinq volumes (le dernier étant posthume) de ce qu'il appelait ses Inscriptions. De quoi s'agit-il ? De phrases, de sentences, de simples notes, d'essais de poèmes, de tentatives de récits, d'aphorismes, etc. Ces fourre-tout que sont Mes inscriptions, Scutenaire les résume ainsi : « J'ai quelque chose à dire. Et c'est très court. » ; ce qui vous donne une première inscription scutenariale.

Il va y en avoir d'autres puisque, dès dimanche, Louis Scutenaire remplacera Ramón Gómez de la Serna, ici même et dans les mêmes conditions de présentation. Dans la mesure où il est de notoriété publique que je n'en fais jamais qu'à ma tête, il sera parfaitement inutile de protester en commentaire si jamais ces inscriptions d'Outre-Quiévrain n'ont pas l'heur de vous convenir.

Voilà.