C’est l’histoire d’un acteur de seconde zone. Avant que
j’arrive dans le film, sa femme et sa fille sont violemment mortes, et il a fait une tentative de suicide, à la suite duquel sa vie est
devenue assez mouvementée : il ne cesse de croiser des gens qui vont
mourir prochainement, si possible de mort violentes et originales, et il les
voit émettre des rayons lumineux, ce qui le perturbe quelque peu. Parfois il les empêche de défunter,
parfois non. Un jour, il sauve son infirmière d'après suicide, une blonde moche avec deux
mèches violet fluo sur le côté, qu’on n’a jamais vue dans aucun film et qu’on
ne reverra probablement pas. Elle est veuve et son mari était un prof de
musique super cool que les enfants adoraient : au lieu de les faire chier
avec « do ré mi », il leur faisait chanter des trucs des Beach boys
et d’autres groupes hyper fun du même genre ; elle l’invite à un festival
d’enfants braillards qu’elle organise depuis qu’elle est veuve, deux ou trois
jours plus tard.
En attendant, le héros va voir une autre veuve, celle d’un
type qui, si j’ai bien compris, a vécu la même chose que le héros, mais avant.
Elle lui dit qu’elle l’attendait et elle le laisse seul dans le bureau de son
mari. La télé se dérègle comme dans les années soixante, les plombs sautent, des sortes de
zombis apparaissent ; et la veuve, qui entrouvre la porte du bureau pour
passer la tête, nous apprend qu’elle ne l’est pas, veuve, mais que son mari est
chez les dingues ; le héros y va. Il lui demande pourquoi il a tué sa
femme et sa fille. L’autre, dos tourné, lui balance tout à trac : « Qui a été sauvé doit tuer. » Il
envoie encore quatre ou cinq sentences imbitables du même tonneau. Puis, il se retourne et
montre sa gueule complètement niquée du côté gauche, avant de devenir fou
furieux. Le héros achève de lui rectifier sa face. C’est vachement violent.
Le héros rentre chez lui, avec le journal intime du fou,
plein de croquis qui font peur, mais hyper bien dessinés. Là-dessus,
l’infirmière au sourire niais se pointe, pour lui rappeler qu’elle l’a invité
et, visiblement, dans l’espoir de s’en prendre un petit coup entre les
baguettes. Mais le héros a un peu la tête ailleurs. D’ailleurs, il dort mal et
fait des tas de cauchemars qui font du bruit dans la télé : même Bergotte
sursaute.
Mais enfin, on le retrouve avec l’infirmière, en train de
s’arsouilller au picrate sur un banc. Ils se prennent la main et elle
l’entraîne dans un bar à billard.
Elle rit tout le temps, elle est excitée comme une puce, on l’entend
clapoter d’ici. Mais lui, il pense tout le temps à sa fucking femme morte et, du coup, il n’est pas tout à fait au
top côté bandaison. Finalement, il se casse ; il y a des zombis en noir et blanc dans la rue,
et il se retrouve chez lui. Ça devient un peu confus, peut-être parce que je
rédige en même temps et que je suis obligé de regarder le clavier, n’étant pas
dactylo. Lui, par contre, comme tous les héros de films, tape avec ses dix
doigts, ce qui m’énerve.
« Que celui qui est intelligent compte le chiffre de la
bête », dit alors celui qui a tué sa femme et sa fille, et qui a
miraculeusement retrouvé une trombine intacte : on se doute qu’on est dans
le passé. Le héros ne comprend toujours rien, visiblement, et moi non plus. Il
fait une addition de je ne sais quoi et aboutit à un total de 666. Là, le
spectateur réalise qu’on ne rigole plus. Le héros découvre que Lucifer est un
ange déchu qui est devenu le diable : y a pas d’âge pour apprendre les
trucs essentiels. Il téléphone à l’infirmière, qui essaie de la jouer chatte, sans succès, et juste après il y a un pianiste à l’air dément dans un
hôtel de luxe. Le héros prévient son pote nègre par téléphone : « Il est
possible que le diable soit en train de jouer avec moi. » Ah,
meeerde…
Le pianiste, fort raisonnable jusque-là, se met à jouer des
trucs ignobles, genre Boulez, puis sort un flingue de son sac de sport posé à
ses pieds. On a beau l’exhorter : « Put the gun down ! », y a pas mèche. Le héros arrive à
l’hôtel. Pourquoi ? Ben… parce que l’infirmière lui a dit d’y aller. (Je
sais, ça devient pénible…) Le héros se bat avec le pianiste, et le demi-queue
laqué noir tombe du deuxième étage, mais au ralenti ; ce qui ne l’empêche
pas d’écrabouiller la réceptionniste. Le pianiste a l’air tout désolé ;
quant au héros, il commence à se rendre compte que les deux expressions
faciales qui sont à sa disposition deviennent insuffisantes pour la complexité
de son rôle. Néanmoins, il fonce au récital de chansons d’enfants (là, on
bascule vraiment dans un film d’horreur) où l’a invité l’infirmière. Sur le
chemin, l’image passe brusquement au noir et blanc, et sa bagnole est traversée
par trois ou quatre spectres lumineux à vélo.
Le chœur d’enfant est atroce à supporter pour le spectateur, heureusement des spectres
apparaissent, tandis que le héros se demande ce qu’il va faire du flingue qu’il
a piqué au pianiste. Puis le concert est fini, et l’infirmière vient se frotter
à lui comme une goule en chaleur. Il lui dit qu’il doit lui parler, ce qui ne
semble pas correspondre à ses attentes immédiates. Mais c’est qu’il veut la
sauver malgré elle. Pas de chance, il se fait virer par les appariteurs musclés.
Il a l’air furieux – c’est-à-dire qu’il a la même tête que depuis le début du
film. Il suit l’infirmière affolée de la touffe, chacun dans sa voiture, par
les rues désertes. Elle rentre dans un bar de nuit, peut-être dans l’espoir d’y
ramasser une bite en déshérence, mais on n’est sûr de rien ; il la
rejoint. Là, c’est lui qui émet des rayons lumineux comme s’il allait
mourir : il le prend super mal et fait la même tête qu’avant. Il dit à la
blonde qu’il est « so sorry »
de l’avoir sauvée et il braque son flingue sur elle (un truc a dû m’échapper).
Sauf qu’il y a trois flics dans le bar en train de s’empiffrer de donuts, et
que c’est lui qui se fait plomber. Mais il a l’air content parce que la
malédiction est vaincue (enfin, je suppose). Là, c’est l’infirmière qui semble ne pas aller très bien ; l’ambulance l’embarque, les plombs sautent
dans le bar, l’ambulance fait des zigzags, l’infirmière hurle, ses yeux se
révulsent, je crois qu’il faudrait vraiment qu’un type se dévoue pour elle.
Là-dessus, apparaît le zombi en noir et blanc du héros, et l’ambulance fait un
accident, mais pas grave parce qu’elle a réussi à éviter le camion-citerne
grâce au zombi du héros ; lequel a la tête du type qui se demande ce qu’il
est venu faire dans ce film. Le dernier plan c’est l’autre dément avec sa
demi-gueule ravagée, dans sa cellule psychiatrique. Et, enfin, sur fond de
générique, le spectateur qui se demande pourquoi il n’est pas allé se coucher
une heure plus tôt.
Tout cela m'a l'air plutôt mieux torché que les films de zombies habituels. On dirait même qu'il y a une histoire (certes un peu compliquée). Et puis l'acteur en photo, là, ce ne serait pas celui qui jouait dans une série policière tout public et pas si mal (dont le titre ne me revient pas) ?
RépondreSupprimerJe retiens surtout que quand on commence à entendre du Boulez, il est urgent de se carapater. Depuis le temps que je le dis...
Ce n'était pas des vrais zombis : plutôt des esprits, mais avec des têtes de zombis. Cela dit, non, le scénario n'était pas vraiment "torché". Torchonné, plutôt.
SupprimerArticle de fond assez ardu, à lire et à relire pour détecter les innombrables références culturelles disséminées çà et là. Vraiment parfait pour meubler une improbable journée estivale.
RépondreSupprimerEt puis comme il y a de la musique, des mantras, de la métaphysique et un peu de cabbale, nous pourrions même voir apparaître le Jazzman...
Il y a tout ça, dans ce billet ? Alors, là, je m'épate !
SupprimerJ'ai rien compris ! J'ai bien fait d'aller me coucher avec un bon livre il me semble.
RépondreSupprimerPour sûr ! D'autant que, si tu étais restée, tu aurais gueulé aux petits pois en me voyant prendre ton ordinateur…
SupprimerMoi, c'est presque comme vous : j'ai regardé un film sur ARTE, s'il vous plaît, à peu près du même tonneau - les zombis en moins, un nain en plus - je suis restée jusqu'à la fin pour voir où les gens qui avaient fait le film, voulaient en venir. A la fin tout le monde est plus ou moins mort.
RépondreSupprimerLa seule chose que je retiendrai de ce billet, c'est que, moi aussi, les gens qui tapent avec leurs dix doigts m'énervent. Si j'analyse, je tape avec trois doigts de la main gauche et l'index de la main droite.
Mildred, regarder un film sur Arte.... Vous n'avez donc aucun amour propre ?
SupprimerMoi j'ai bien aimé le film sur Arte : "Bons baisers de Brugges".
SupprimerBon film en effet. Hélas, qui a déjà été diffusé 10 fois, sur différentes chaînes…
Supprimer"Bons baisers de Bruges": c'est justement de ce film que je voulais parler. Vous dites que c'est un bon film, et moi je n'ai pas compris l'intérêt d'un tel film. Il faudra être gentil et m'expliquer.
SupprimerSi vous voulez : on ne s'y prend pas au sérieux, les acteurs sont très bons, Ralph Fines en schizo est tout à fait réjouissant, la ville est bien jolie, la musique, extrêmement douce, cela m'a enchantée.
SupprimerJ'espère que vous voudrez bien m'excuser, mais de bons acteurs, une jolie ville et de la musique douce, c'est très insuffisant pour qu'un film m'enchante. Sans doute suis-je trop difficile, puisqu'en plus il me faut aussi une bonne histoire. Peut-être comprendrez-vous pourquoi je n'ai plus aucun plaisir à aller au cinéma.
SupprimerC'est intéressant cette attraction pour les bouzes cinématographiques...
RépondreSupprimerIl doit y avoir un vache de traumatisme secret dans ma petite enfance : je ne vois que ça.
SupprimerJ'envie votre disponibilité et votre gestion du temps qui vous permettent de consacrer ce long article au sujet d'un film inconnu, apparemment médiocre et qu'aucun des visiteurs de ce blog n'avait l'intention de voir.
RépondreSupprimerLe billet a été écrit pendant le film, à mesure qu'il se déroulait, et ne m'a donc nécessité aucune "gestion" particulière du temps.
SupprimerQuestion : l'infirmière portait-elle l'uniforme ?
RépondreSupprimerQuestion subsidiaire : la susdite portait-elle une culotte, voir un string (soyons fous !) ?
Si les réponses sont "oui" et "non", dans cet ordre, je pourrai bien me laisser tenter et visionner ce chef-d’œuvre.
La réponse est : « on n'en sait rien », dans les deux cas.
SupprimerDamned !
SupprimerUn film intello.
Vous racontez bien, mais je n'ai pas pu toit lire, comme je n'aurais pas pu regarder ce film.
RépondreSupprimerJe me rappelle d'avoir vu un film sur un médecin fou qui reparait des mecs ou des femmes que les habitants d'un village avaient trucidés plutôt, avec enquête d'un flic, je crois me souvenir qu'il s'appelait "reincarnations"; mais bon je ne suis plus certain. Si cela vous dit qurlque chose.
A priori, ça ne me dit rien. Mais j'en ai tellement vu…
SupprimerJe tape à dix doigts depuis l'âge de douze ans. Niark niark niark...
RépondreSupprimerDactylo, va !
SupprimerAh, ben moi je me suis plongée dans la cool-itude d'Adamsberg, héros de Fred Vargas et relation unique et préférée de mes étés.
RépondreSupprimerhélène dici
Je ne peux plus lire Vargas. Son dernier lisible, à mon sens, a été Pars vite et reviens tard. Après : intrigues beaucoup trop compliquées, et donc plus du tout crédibles, et personnages (l'équipes d'Adamsberg) impossibles à prendre au sérieux. Bref, un énorme ratage.
SupprimerJe viens de terminer "pars vite et reviens tard", et désormais, je suis dans "l'armée furieuse".
SupprimerIncontestablement l'intrigue du premier se tient du début jusqu'à la fin, l'écriture est linéaire, bref, j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire.
Quant au second, je regrette qu'elle n'ait pas plus développé l'ambiance de la campagne normande, l'intrigue ne me motive pas, mais j'aime bien le personnage d'Adamsberg et ce qu'il dégage, alors je le lis volontiers.
Un jour il faudra écrire un billet sur Maxime Chattam.
hélène dici
Puisqu'on en est à se raconter ses lectures : moi je lis "La tache" de Philip Roth. J'avoue que cette lecture m'en bouche un coin. Je l'ai recommandée, dans le tram, à un jeune homme de 19 ans encore dans son emballage d'origine, mais tout de même en 2ème année de fac de droit, en lui disant que je pensais que ça l'aiderait à grandir plus vite. Il a pris note sur son smartphone.
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