Depuis quand n'a-t-on pas ouvert le Journal de voyage en Italie de Montaigne ? L'Histoire des Francs de Grégoire de Tours ? A-t-on jamais lu une seule ligne de Souvestre et Allain, ces duettistes de l'horreur ? Du Bellay, depuis quand le négligeons-nous ? Et le citoyen Célestin Guittard, donc ! Ce Monsieur Tout-le-Monde parisien qui tient son journal sous la Terreur sans comprendre goutte à ce qui se déroule sous ses yeux – préfiguration de l'habitant type de la blogoboule –, comment a-t-on pu se dispenser de lui pendant si longtemps ? Et pourquoi ne possède-t-on pas, là, juste à main droite, à côté du Littré, le Grand Larousse universel du XIXe siècle ? Et puis, et puis… Découvrir Custine ! Relire Benda ! Reprendre Montherlant ! Retenter Melville ! Revenir à Constant ! Essayer Rosny ! L'angoisse monte rapidement, en même temps que tous ces désirs crépitent. On se prend à transpirer d'abondance, et, si l'on attrape un chaud-et-froid en sortant d'ici, ce sera la faute de M. Dutourd, qui, par ces chroniques rassemblées, tente de nous prémunir Contre les dégoûts de la vie, mais assurément pas contre les envies brutales de littérature ni, donc, contre les yeux qui larmoient, les gorges qui ardent et les nez qui ruissellent. Cependant, on lui pardonnera facilement car, s'il est deux choses qui rappellent l'enfance heureuse, quand elle le fut, ce sont bien les lectures avides et les inhalations.
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RépondreSupprimerBon, ça va comme ça, non, les petites escarmouches de bac à sable ?
SupprimerCensure ? Et l'esprit Charlie, alors ?
SupprimerAu cul, l'esprit Charlie !
SupprimerJ'étais sûr que cela vous plairait, et le deuxième volume des chroniques "Domaine public" (Flammarion, 1994, et disponible pour moins d'un euro chez Amazon !) est lui aussi formidable !
RépondreSupprimerJe le commande de ce pas.
SupprimerVoilà, c'est fait : 0,63 €. (Plus les frais d'envoi, tout de même…)
SupprimerVous avez supprimé le commentaire, mais pas votre réponse. Alors forcément on aimerait savoir en quoi le sieur Marco Polo vous a escagassé...
RépondreSupprimerEt pour ce qui concerne le sieur Dutourd (que j'apprécie), à quelles chroniques rassemblées faites-vous allusion ?
Le titre est dans mon billet (en gras et en italique)…
SupprimerEt voilà comment la censure rend intéressant un message qui ne l'était peut-être pas beaucoup ! Le monde entier veut savoir, maintenant !
SupprimerC'est dans Le Point que Dutourd tenait cette chronique intitulée "Domaine public" (qui a été retenu comme titre du tome II). Titre explicite : il y rendait compte des rééditions des classiques et des curiosités d'autrefois.
SupprimerFauré.
J'espère que mon commentaire ne sera pas supprimé.
RépondreSupprimerJe m'appelle Cheggou.
Ben si.
SupprimerDonc, et si j'ai bien compris, tout ça c'est pour nous inciter à lire "Contre les dégoûts de la vie" de monsieur Dutourd. Personnellement n'étant pas affectée par votre boulimie de lecture, je me laisserai cependant tenter par le journal de Célestin Guittard tant votre passion des livres est incontestablement communicative.
RépondreSupprimerMais le trouve-t-on encore, ce M. Guittard ? C'est toute la question.
SupprimerMais oui, on le trouve !
SupprimerJournal de Celestin Guittard
Rajoutez donc à votre commande Amazon "Physiologie du gout" de Brillat-Savarin.
RépondreSupprimerLivre que je n'ai pas lu mais chaudement recommandé par Dutourd (page 83 flammarion) et avec des extraits
croustillants.
Je l'ai déjà, et lu récemment.
SupprimerJean Dutourd... "Au Bon Beurre", "Le Déjeuner du lundi"... que de bonnes choses!
RépondreSupprimerRonsard et du Bellay, je les ai adorés au lycée; j'aime à lire un poème choisi en ouvrant le livre au hasard
RépondreSupprimerY aurait-y point comme une aporie, dans le fait de lire un poème choisi en ouvrant le livre au hasard ?
SupprimerC'est le hasard qui choisit.
SupprimerPourquoi pas.
J'ouvre le livre et je jette un œil, éventuellement je trouve 3/4 pages et je choisis le poème. Parce que les poèmes les plus longs de Ronsard, je n'ai pas toujours l'état d'esprit pour les lire. Et les pleurnicheries de du Bellay sur les Italiens, malgré tout son talent, on peut éviter
Supprimer"Et les pleurnicheries de du Bellay sur les Italiens, malgré tout son talent, on peut éviter"
SupprimerPersonnellement, j'irais volontiers jusqu'au génie, et quant aux "pleurnicheries", si vous pensez à ceci, le terme est un peu réducteur :
"Comme on passe en été le torrent sans danger,
Qui soulait en hiver être roi de la plaine,
Et ravir par les champs d'une fuite hautaine
L'espoir du laboureur et l'espoir du berger :
Comme on voit les couards animaux outrager
Le courageux lion gisant dessus l'arène,
Ensanglanter leurs dents, et d'une audace vaine
Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger :
Et comme devant Troie on vit des Grecs encor
Braver les moins vaillants autour du corps d'Hector :
Ainsi ceux qui jadis soulaient, à tête basse,
Du triomphe romain la gloire accompagner,
Sur ces poudreux tombeaux exercent leur audace,
Et osent les vaincus les vainqueurs dédaigner."
"s'il est deux choses qui rappellent l'enfance heureuse, quand elle le fut, ce sont bien les lectures avides et les inhalations."
RépondreSupprimerTrois !
Que faites-vous des cataplasmes à la moutarde, qui vous donnaient l'impression que votre cage thoracique rétrécissait quand on les retirait ?
Intense brûlure, puis une idée du bonheur, tellement ça faisait du bien quand ça s'arrêtait.
J'imagine que vous avez connu ça, non ?
Oui et non. On m'a fait des cataplasmes jusqu'à l'âge de cinq ans, il me semble me les rappeler, mais, vu mon âge, je pense qu'il doit plutôt s'agir de "faux souvenirs" construits à partir du récit ultérieur de mes parents.
SupprimerJe m'en souviens très bien, pour ma part.
SupprimerDe tout, y compris du bénéfice que j'en retirais, car c'était rudement efficace.
Je me souviens du moment où ma grand-mère me le posait, du mouvement de recul instinctif à cet instant (c'était chaud)), des efforts vains pour échapper à la brûlure active du cataplasme qu'il fallait garder au moins 15 minutes...
C'était une technique d'évitement par rétractation du thorax.
En même temps, la vie intérieure était intense : mélange de honte à mal supporter la douleur, de culpabilité devant les efforts de ma mère-grand, de combat de ma volonté quand j'appuyais dessus "pour que ce soit plus efficace contre la toux", de fierté quand elle me disait que j'étais courageuse,
Et de bonheur quand la brûlure s'estompait...
On ne dira jamais assez combien les cataplasmes étaient formateurs (ma grand-mère disait des "sinapismes" ou un truc comme ça)
Sinapisme est le mot exact, en effet.
Supprimeret la marque était paradoxalement RIGOLOT
SupprimerMa grand-mère les faisait elle-même, j'ai perdu la recette.
SupprimerMais c'est vrai que la marque RIGOLOT me dit quelque chose aussi.
Rigollot oui, avec deux L c'est bien plus rigolo!
Supprimerje me demande encore si sa preface de Rivavol au Mercure de France, avec ses envolees enflamees sur le socialisme etait pas une blague, connaissant le caractere taquin du personnage ?
RépondreSupprimerÇa se pourrait, en effet.
SupprimerJ'ai relu ce texte (il se trouve dans le volume "Domaine public"), et j'avoue que je ne vois pas trop ce que Cheyenne colt considère comme des "envolées enflammées sur le socialisme"...
SupprimerVoici un exemple qui me semble plutôt critique sur l'idéal révolutionnaire : « Nous n'avons pas connu l'ancienne France : nous n'avons plus l'idée de ce que fut cette civilisation compliquée, vénérable et exquise. Rivarol l'a connue, lui ; il voyait ce que le monde perdait par sa destruction, et vers quelle décadence on se dirigeait. Il était frappé par la grandeur des ruines et la petitesse des démolisseurs. Il était tout occupé du contraste entre le dérisoire de l'ensemble et l'horreur quotidienne. Ces sortes de disparates amusent les hommes supérieurs, tout en les affligeant. "La populace, dit Rivarol, est toujours cannibale, toujours anthropophage. Pour elle, il n'y a pas de siècle des lumières."
C'est du même œil non prévenu qu'il lit la Déclaration des droits de l'homme et qu'il l'appelle "Préface criminelle d'un livre impossible". Il y a là plus que de la polémique, certainement, puisque de telles paroles irritent encore. Je ne connais que la vérité pour rester scandaleuse aussi longtemps. Quant à la prise de la Bastille, écrit Rivarol, je vois bien que les Français y tiennent comme autrefois au fameux passage du Rhin, qui ne coûta pourtant de peine qu'à Boileau." Voilà l'homme véridique. Tout le monde le honnit parce qu'il détruit les contes de fées nationaux. »
Dans le genre "exaltation enflammée du socialisme", vous avouerez que l'on a fait mieux !
En effet !
SupprimerAu début des années soixante-dix, dans une revue que les odorats sensibles qualifieront de nauséabonde, Dutourd publia un petit article intitulé « Les ravages de la morale », hélas introuvable sur le web, que l’ami Muray n’aurait sans doute pas refusé de signer. Si un jour ce texte vous passe entre les mains, cher Didier, surtout ne le ratez pas.
RépondreSupprimerhttp://www.revue-elements.com/nouvelle-ecole-Melanges-et-Varia.html
Alain
C'est noté.
Supprimer1) Jean Dutourd est un con. Jean Dutourd est un vieux con. Jean Dutourd est un vieux con de droite. Jean Dutourd ne passe pas sur Canal+. Jean Dutourd participe (participait?) aux Grosses Têtes sur RTL. On ne trouve aucun livre de Jean Dutourd à la Fnac.
RépondreSupprimerJ'ai acquis à la brocante - celle où l'on donne ce que l'on veut - Contre les dégouts de la vie (1) de Dutourd. Il s'agit d'un recueil de chroniques - une page et demi, deux maximum - sur des auteurs aussi divers que Maupassant, Svevo, Wilde, Chesterton, Laforgue, ou Gustave le Rouge. J'en oublie. A propos de Souvenirs de deux existences de Giraudoux, il écrit : C'est un carnet de croquis très légers, à peine crayonnés; mais le trait est si souple et si juste qu'on a le sentiment, toujours, de se trouver devant les esquisses d'un maître, lesquelles en disent à coup sûr bien davantage que de vastes tableaux léchés. On ne saurait mieux définir Contre les dégouts de la vie. Dutourd croit en la vérité du style : la littérature ne trompe pas sur le caractère d'un homme. On peut mentir en parlant, c'est impossible quand on écrit. Je veux dire que, même si l'on énonce des choses délibérément inexactes, il y a dans le style une vérité de l'être aussi incontestable que la couleur des yeux ou la longueur du nez. Il faudrait quasiment tout citer. Trois exemples presqu'au hasard.
Sur Maupassant.
"Maupassant réussit dans tous les genres mais inégalement (...). Ce qui frappe particulièrement c'est son absence de style (...). Stendhal disait de Mérimée "Il ne touche que huit notes de son piano" (...). Maupassant n'en touche que quatre et elles sont parfois fausses."
Sur Mérimée.
"Mérimée démontre une chose étonnante : que la langue française poussée au dernier point de la simplicité et de la clarté est un masque. Paradoxe qui m'a fait comprendre pourquoi Mérimée était l'un des rares auteurs français ayant réussi dans le fantastique."
Sur Chesterton et la série des Father Brown.
" Le père Brown croit en l'impossible; il ne croit pas en l'improbable. En une phrase tout est dit."
Au détour d'une page, on apprend que Dutourd aime Jean-Paul de Dadelsen, Armen Lubin, et Henri Thomas ; on s'en étonnerait presque puisque Jean Dutourd est un abruti.
Dans Carmen de Mérimée, Dutourd relève une phrase qui, pour lui est une merveille de style français; elle joint, nous dit-il, la perfection au mouvement.
"Elle mit sa mantille devant son nez, et nous voilà dans la rue sans savoir où j'allais."
Subtils passages du passé au présent, du pluriel au singulier.
Comme quoi le passé simple ce n'est pas si con que ça.
2) " Il n'est pas difficile de tirer des leçons lorsque celles-ci vont dans le sens du tempérament qu'on a. Le mien ne me poussait que trop à l'indifférence envers mes contemporains, tant j'étais convaincu qu'ils n'avaient rien à m'apprendre puisqu'ils regardaient le même monde que moi."
RépondreSupprimerDutourd - La chose écrite.
Se trouvait là exprimé de façon concise mon peu d'appétence pour la littérature contemporaine.
De Dutourd critique, on a déjà parlé. De cette façon de tourner autour de l'oeuvre, de l'auteur, sans en avoir l'air, sans y toucher et d'un coup de patte les attraper, non pour s'en saisir mais pour vous les restituer.
" Mais Loti mérite un détour. C'est un enchanteur mineur. Et quelle vie pittoresque! Cet homme-là s'est déguisé constamment : en officier de marine, en académicien, en Arabe, en pharaon. Il a joué à l'homme fort, alors qu'il était une faible femme. Il s'appelait Julien Viaud. C'est une petite Tahitienne qui lui trouvé le joli pseudonyme de Loti. On pourrait écrire une biographie de lui sous le titre La Vagabonde."
Un art très particulier qui n'est autre que celui, fort rare, de la générosité.
Si on revient sur Dutourd, c'est que l'on a fait l'acquisition d un recueil de ses textes critiques intitulé La chose écrite (Flammarion). Or ces chroniques ont fait l'objet de précédentes publications au travers de deux autres ouvrages, Contre les dégoûts de la vie et Domaine public, parus chez le même éditeur. Ce fait n'est mentionné nulle part dans la nouvelle édition en un volume, et l'ayant acquise, alors que l'on possédait déjà les deux autres titres, on éprouvât le sentiment de s'être fait avoir. Mais il faut parfois savoir faire preuve de mansuétude, et l'on dira donc que c'est pour la bonne cause
Deux petites chroniques que j'avais consacrées jadis à Dutourd.
Je n'aurais su mieux dire ! (Et même, je le crains, même pas moitié aussi bien.)
SupprimerEn sus, merci de m'éviter l'achat de cette litigieuse Chose écrite…
Pardon mais j'attends impatiemment votre note sur Soumission de Houellebecq.
RépondreSupprimerJean