mardi 11 août 2015

D'Artagnan, ce fils indigne


On se souvient que ce qui met en route l'intrigue des Trois Mousquetaires, ce sont les moqueries suscitées par l'entrée de d'Artagnan, un beau jour d'avril 1625, dans le bourg ligérien de Meung, où, deux siècles plus tôt fut emprisonné François Villon dans les geôles de Thibault d'Aussigny, évêque d'Orléans, et où sera enterré, trois siècles ensuite, le poète régional, partageux, alcoolique et tuberculeux Gaston Couté – mais je m'égare. Moqueries est trop fort : sourires en coin serait plus juste ; et provoqués non par lui-même, fringant jeune homme, mais pour moitié par sa mise de Béarnais désargenté (donc de plouc) et par son vieux cheval jaune, qui appelle irrésistiblement la comparaison avec Rossinante.

Dans la scène suivante, grâce à un petit retour en arrière, on prend connaissance des ultimes recommandations de M. d'Artagnan père à son rejeton, avant son grand départ pour Paris et l'immortalité littéraire. L'une de celles-ci concerne précisément ce cheval, dont le père nous informe que, né chez lui, il a maintenant 14 ans (ou 16 : le livre est resté dans le salon…) ; en foi de quoi, il demande expressément à son fils, eu égard à ce long compagnonnage, de ne jamais le vendre et de l'entourer de soins jusqu'à sa mort. Or, quelle est la première chose que fait ce jeune crétin en franchissant la barrière Saint-Antoine ? C'est de brader le malheureux cheval jaune au premier maquignon venu, sans que Dumas n'éprouve le besoin de nous dire un mot de cette désobéissance flagrante à la consigne qui lui fut donnée cinq ou six pages plus haut. Je continue à trouver cela très bizarre.

Sinon, j'ai trouvé et commandé Le Vicomte de Bragelonne en collection “Bouquins” pour 0,76 €.

26 commentaires:

  1. voilà une histoire qui a bien 50 ans de cave , au moins

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    1. Oh, là, on est carrément au stade des vieux armagnac !

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  2. Si à l'occasion vous pouviez me donner le moyen de trouver Les Corps tranquilles à un prix décent…

    (Bon sang, j'imagine votre sourire goguenard. Je suis énervé. Avouez que vous êtes un agent de la spéculation bibliophile !)

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  3. Vous voilà enfin sorti de vos lectures sulfureuses pour des lectures, disons, plus saines ! C'est bien ! Qu'importe que d'Artagnan ne suive pas, à la lettre, les recommandations de son père, pourvu que ce soit au beau sexe qu'il réserve ses rares moments de détente.

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    1. Le beau sexe, il s'en tamponne royalement ! Je n'en suis pas encore là, mais il me semble me souvenir que, 24 heures après la mort de cette petite dinde de Constance Bonacieux, il ne songe plus qu'à festoyer avec ses potes, sans même paraître se souvenir qu'elle a existé. En fait, sur les quatre, il n'y a qu'Aramis pour aimer vraiment les femmes.

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    2. Dans un dessin animé japonais dont l'auteur devrait être pendu haut et court, on découvre qu'Aramis est une femme...

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    3. Aramis a indubitablement un côté féminin. Enfin, disons que, des quatre, il est bien le seul à qui on puisse en attribuer un…

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    4. Attribuer un quoi ?

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    5. Ah ! Ce n'était donc que cela ! J'ai eu peur !

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  4. D'Artagnan ? Voilà bien une affaire qui a failli finir en histoire belge.

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    1. Elle n'a pas failli : elle a !

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    2. Maastricht n'est-elle pas au pays de Tulipes ?

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    3. Foutredieu ! vous avez raison ! Shame on me

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    4. Mais non, Didier. Remettez-vous. Je l'ai découvert hier...

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  5. Quel enculé ce d'Artagnan fils !

    J'ai (re)trouvé, il y a quelques années, le Vicomte de Bragelonne, gratos, en fouillant les étagères de la bibliothèque familiale à...Orléans.

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    1. Je viens de constater que le fameux cheval jaune réapparaît au chapitre 35… pour se retrouver entre les mains de Porthos, qui s'en trouve fort marri.

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  6. Vous êtes bien le seul (à part moi) que je connaisse (et encore, vous "connaître" est un bien grand mot) qui utilise encore ce "foutredieu".
    Ceci n'ayant, je vous l'accorde, aucun rapport avec votre billet et je veux bien vous l'accorder également que fort peu d’intérêt.

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    1. Oh, je ne l'utilise pas tous les jours, vous savez !

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    2. Merci de l'honneur, Didier

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  7. Ce que j'aime chez vous, Didier Goux, ce sont vos égarements... Meung-sur-Loire,Villon, Couté...

    Je ne sous-estime pas pour autant Dumas... sa "Dame de Monsoreau", suite de "La Reine Margot", à laquelle je suis sensible ce qui est légitimement compréhensible...

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    1. Se pourrait-il qu'il existât des choses qui seraient "illégitimement compréhensibles" ?

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    2. Mon enracinement ligérien, mon amour presque religieux des lieux expliquent très certainement cette légitimité je pense...

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    3. Ah la maison des Maigret à Meung-sur-Loire !... avec Mme Maigret, qui écossait des petits pois dans une ombre chaude où le bleu de son tablier et le vert des cosses mettaient des taches somptueuses, Mme Maigret, dont les mains n'étaient jamais inactives, fût-ce à deux heures de l'après-midi par la plus chaude journée d'un mois d'août accablant...

      Voilà un bel exemple de courage et d'abnégation !

      Tout Simenon, Maigret se fâche. Omnibus.

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  8. Quand un Père donne un conseil idiot (s'occuper d'un vieux cheval inutile jusqu'à sa mort, alors qu'on est un plouc désargenté qui débarque à Paris) on acquiesce, on sourit gentiment et on s'empresse de ne pas le suivre.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.