vendredi 14 août 2015

De notre effondrement culturel


À ceux qui qui naïvement me prennent pour un homme cultivé, je vais infliger ce violent démenti : je n'ai jamais lu le Satiricon de Petrone. Or, par un détour sans intérêt, je viens de le recevoir, en “Folio classique”. Classique, n'est-ce pas ? C'est inscrit sur la couverture. En effet, on peut difficilement faire plus classique que cette œuvre de deux mille ans. Recevant le volume, je le retourne, afin d'en voir la “4ème de couverture”, comme on dit. Elle est intéressante. Tout en haut, il y a le nom de l'auteur, en dessous le nom du livre, plus bas celui du traducteur (Pierre Grimal, en l'occurrence). Encore plus bas, un extrait de ce qu'on va lire.

Enfin, en petits caractères, deux lignes dont on suppose qu'elles sont là pour nous donner envie d'acheter le livre. Elles disent ceci : Le Satiricon a inspiré à Fellini un de ses films les plus saisissants. « J'ai fait un film sur l'Antiquité qui raconte une histoire d'aujourd'hui. »

Et voilà. Après deux millénaires d'existence, la seule chose qui sauve l'œuvre de Petrone, pour nous, c'est qu'un pesant guignol cinématographique italien l'ait mis au pillage. Je puis évidemment admettre qu'on aime Fellini, même si je ne le comprends pas, mais enfin, le livre de Petrone n'a-t-il vraiment aucun autre titre de gloire ou simplement d'intérêt que d'avoir servi de prétexte à M. Fellini, qui, en outre, en profite pour nous gratifier d'une superbe ânerie modernœuse, puisque en aucun cas le Satiricon ne saurait raconter une histoire “d'aujourd'hui”. 

Va-t-on bientôt, pour espérer nous faire acheter le Voyage au bout de la nuit, nous signaler que ce roman a été “adapté” en bande dessinée par un nommé Tardi ? Les Fleurs du mal ne se vendront-elles plus que si on choisit d'illustrer leur couverture avec les pochettes des disques de Léo Ferré ? Et, d'ailleurs, qui se soucierait encore d'Alexandre Dumas si ses Mousquetaires cessaient brusquement de passer à la télévision ?

12 commentaires:

  1. Racontez pas de conneries. Vous ne savez pas comment sera vendu votre bouquin dans 300 ans.

    A part ça, c'est Beaudelaire qui a écrit l'étroit mousquetaire d'Alexandre du mal ?

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    1. "Vous ne savez pas comment sera vendu votre bouquin dans 300 ans."

      Oui, imaginez : « "Paludes" a inspiré à Luc Besson un de ses films les plus saisissants. "Mon film montre bien que, au-delà de son aspect un peu revêche et réac, le livre de Didier Goux est en fait une apologie du vivre-ensemble et de l'ouverture à l'autre." nous a dit le réalisateur de "Léon" et des "Minimoys". »

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    2. Le pire c'est que, avec un minimum de mauvaise foi, on pourrait très bien en dire cela, en effet.

      (Cela étant, comme je suis un garçon vénal et dénué de la plus élémentaire moralité, si Besson intéresse suffisamment la partie, les droits sont à lui…)

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    3. Qu'est-ce que je disais ? Emmanuel F. est une des deux personnes qui ont déjà lu Paludes...

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  2. Ah non ! Vous n'allez pas recommencer avec Fellini !

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  3. Le Voyage n'a pas été adapté en bande dessinée par Tardi. Il s'agit d'illustrations.

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    1. Expliquez-nous donc la différence, dès que vous aurez un moment.

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    2. La bande dessinée est un art séquentiel. Pas les illustrations.

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  4. J'adore vous lire, vous me faites rire ...

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  5. Je vais dire des banalités, sans doute, mais ce qui fait un classique, n'est ce pas justement le fait qu'il est intemporel et que l'histoire peut être transposée à une autre époque que celle qui l'a vu naître ?

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.