samedi 27 mai 2017

Dans la peau d'un migrant


Lundi matin, peu après l'aurore aux doigts de rose, Catherine et moi serons sauvagement expulsés de la maison ; ou, au contraire, contraints d'y demeurer sans sortir durant deux longues journées ; cela par un artisan carreleur qui, après avoir remis à neuf la terrasse (ou le balcon : je ne saurai jamais), envisage de s'attaquer à l'escalier qui y conduit. La seule solution tolérable nous est apparue très vite ; comme le dirait François Villon : Pour obvier à ces dangers / Mon mieux est je crois de partir. Nous irons donc passer deux jours dans la gargote ci-dessus photographiée…


… Il est hautement probable que, durant ces deux jours, et notamment vers le soir, et surtout s'il pleut, la pièce que voilà recevra notre empressée visite, et que, soucieux de ne pas faire perdre leur emploi aux nobles travailleurs, nous en appellerons aux diligents services de l'homme derrière le comptoir…


… Comme la culture ne perd jamais ses droits – ou, en tout cas, tente généralement de les récupérer entre deux dégustations maltées et tourbées –, les fauteuils du salon auront à supporter nos augustes fessiers, cependant que murs et fenêtres se porteront garants du silence qui sied à une lecture patiente et studieuse…


… Pour ma part, je lirai probablement un roman du curieux être que l'on voit ici (celui qui est assis), à moins que je l'aie fini avant notre départ, mais j'en serais surpris : ce n'est guère une lecture pour jeune homme pressé. L'écrivain se nomme Juan Carlos Onetti, il était urugayen, ce qui peut arriver à n'importe qui. Curieux personnage qui, dans ses dernières années – il a vécu 85 ans –, à Madrid où il résidait et est mort, ne quittait pratiquement plus son lit et y recevait ses visiteurs, journalistes compris, sobrement vêtu d'un pyjama, en fumant sans arrêt et sirotant du whisky (comme on peut le vérifier ici). Le roman de lui que j'emporte s'intitule La Vie brève et possède un pouvoir d'envoûtement assez pernicieux. Rien de plus étrange que l'histoire de ce rédacteur publicitaire que l'on a chargé d'écrire un scénario de film, qui ne se décide pas à s'y mettre mais ne cesse d'y penser (ça me rappelle vaguement quelqu'un…) et qui, petit à petit, voit ses personnages fictifs prendre vie et envahir le roman que le lecteur a entre les mains. Cela pourrait être brouillon et assez vain : c'est d'une limpidité parfaitement maîtrisée, et les rapports entre la vie réelle et la vie rêvée acquièrent quelque chose de vertigineux. Le tout baigne dans une atmosphère désenchantée, assez noire, où la tristesse et un certain cynisme désabusé tiennent à peu près la balance égale. Je le déclare tout net : si vous ne lisez pas ce livre, vous resterez des branlotins jusqu'au Jugement dernier.

P.S. : Contrairement à mon habitude, j'ai fait ce billet d'annonce deux jours avant notre départ, et non le matin même, afin de laisser aux éventuels cambrioleurs le temps d'organiser quelque chose de propre, dont ils n'auront pas à rougir ensuite : l'amateurisme, en ce domaine, est aussi détestable que dans n'importe quel autre.

23 commentaires:

  1. Contrairement à mon habitude, j'ai lu ce billet avec trois grammes et je n'y comprends rien.

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    1. Ce billet étant la simplicité même, vous devez être au moins à 4,5 g, à mon avis.

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  2. Vous êtes-vous renseigné sur les prix de votre gargote ? Lorsqu'ils ne sont pas indiqués sur le site, c'est mauvais signe...

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    1. D'abord, se renseigner sur les prix n'est pas le genre de la maison. ensuite, vous avez mal explorer le site, car, justement, les prix y sont assez facilement trouvables.

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    2. Une chambre à lit quadruple, c'est un peu louche, quand même !

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  3. Messieurs les cambrioleurs,débrouillez-vous pour ne pas saloper mes marches toutes neuves.

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    1. Vous n'avez pas laissé l'affichette classique " Veuillez laisser cet endroit aussi propre que vous auriez aimé le trouver en entrant " ?

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  4. Merveilleux billet. Vous venez d'enchanter la fin d'après-midi de mon samedi ! J'ai même envie d'aller commander le roman tant vanté, c'est dire.

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    1. Je pense que je vais étudier de plus près la première de vos deux recommandations…

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  6. Je me demande s'il est très judicieux d'afficher une telle opulence au moment où une escouade de fonctionnaires va être lâchée sur le web pour soi-disant traquer les terroristes ?

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    1. Quelle opulence ? Il y a le minimum indispensable à une existence décente, c'est tout !

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    2. J’aime cette sobriété. C’est votre côté socialiste qui s’exprime ici.

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    3. Comme si vous ignoriez que c'est justement ces personnes qui ont "une existence décente" qui sont dans le collimateur ?

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  7. En espérant qu'il ne vous arrivera pas la même mésaventure qu'au capitaine Haddock dans les Bijoux de la Castafiore.

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  8. Vous avez bien raison de jouer les châtelains de luxe dans un cadre idéal.
    Bonne table, bonne cave, que souhaiter de plus pour échapper aux carreleurs sadiques ?
    Bon séjour à vous deux !

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  9. Par contre, je voudrais en revenir à votre titre que tout le monde ici feint d'ignorer alors qu'il révèle en vérité toute la beauté de votre geste. C'est en effet par compassion et pour vous mettre dans une situation d'humilité que vous envisagez de faire cette retraite spirituelle...
    Que votre exemple puisse en inspirer beaucoup d'autres !

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  10. Vous auriez-pu titrer "Dans la peau d'un grand", pourquoi faire les choses à moitié ?

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  11. Me demandant "in petto" ce que pourrait bien être un branlotin, je me ruai vers mon ami Google qui me donna une citation contenant le dit mot (qu'on sent surtout si on ne le dit pas):
    "Depuis que les langoustines se faisaient tatouer comme des matafs et que les branlotins dansaient le pogo avec le fond du grimpant au niveau des genoux, [...] Larouche avait une fâcheuse tendance à prendre les jeunes pour des cons"
    Bon, je ne suis pas beaucoup avancé... Mais nul ne pourra dire que je n'ai point essayé...

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  12. Attention quand même à ne pas être obligé de vendre votre demeure pour payer la demi pension et frais annexe 😀
    Autrement c'est, comment dire ... Royal !

    Hélène dici

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.