Durant quatre ans, Alain Peyrefitte fut ministre de l'Information et porte-parole du gouvernement ; à ce double titre, il était le seul autorisé, autour de la table, à prendre des notes pendant les conseils des ministres, notes qu'il a laissées dormir durant trente ans avant de les mettre en forme pour les donner au public ; ensuite, à l'issue de ces conseils, il était régulièrement reçu par le Général dans son bureau, le Salon doré, pour une sorte de mise au point en tête à tête, entretiens qu'il s'empressait de retranscrire à peine sorti de l'Élysée. C'est ce qui fait tout le prix des trois volumes de C'était de Gaulle, dans lesquels je me suis plus ou moins replongé : on y voit le gouvernement au travail, on y saisit surtout une pensée dans ses déploiements, ses foucades, ses embardées, ses retours, etc. En période de trierweilisation intensive et d'avilissement sans précédent de la fonction, il est instructif, plaisant et souvent drôle de voir un véritable président au travail. Voici un court extrait pour susciter l'envie. Nous sommes le 22 juillet 1964, le Général et son ministre se trouvent dans le Salon doré :
GdG : « Il n'y a rien de plus déplorable que la gauche quand il s'agit de la France, en tout cas de la France au-dehors. D'ailleurs, vous n'avez qu'à relire l'Histoire. La gauche n'a pas raté un désastre. Avant 1870, elle a empêché le maréchal Niel de faire une armée qui aurait été à la hauteur de l'armée prussienne. Je me rappelle la gauche d'avant 14 ! Et la gauche du Front popu, qui s'est terminée par la capitulation : l'abdication de la République entre les mains de Pétain, voilà la gauche !
AP. – La droite n'a pas toujours été plus maligne.
GdG. – La droite est tout aussi bête. La droite, c'est routinier, ça ne veut rien changer, ça ne comprend rien. Seulement, on l'entend moins. Elle est moins infiltrée dans la presse et dans l'université. Elle est moins éloquente. Elle est plus renfermée. Ça se passe dans des cercles plus restreints. Tandis que la gauche, c'est bavard, ça a des couleurs. Ça fait des partis, ça fait des conférences, ça fait des pétitions, ça fait des sommations, ça se prétend du talent. C'est une chose à quoi la droite ne prétend pas. On a un peu honte d'être à droite, tandis qu'on se pavane d'être à gauche. De toute façon, les politiciens et les partis n'ont plus grand prestige. Ils n'entraînent plus le peuple.
AP. – Mais ils entraînent les journalistes, les dirigeants syndicaux, les dîners en ville, bref, la classe politique…
GdG. – Vous voulez dire la classe papoteuse, ragotante et jacassante. »
Excellent Didier !! Je vous le vole !!!
RépondreSupprimerFaisez, mon bon, faisez…
SupprimerMerci à vous !!
SupprimerRaahhh ! *S'évanouit de ravissement*.
RépondreSupprimerVite, Maria, les sels pour M. Aristide !
Supprimer"On a un peu honte d'être à droite", je crois que sur ce coup là il manquait de vision. Aujourd'hui je ne connais personne qui ait honte d être à droite, ni même à l extrême droite. la gauche "morale" nous aura au moins rendu ce service, cela n a plus rien de "honteux" d être à droite, ni même de le revendiquer.
RépondreSupprimerIl parlait il y a un demi-siècle tout de même ! Même si de Gaulle faisait souvent preuve d'une préscience étonnante, il n'était pas Nostradamus non plus.
SupprimerÇa a bien changé
RépondreSupprimerPas tant que cela, et pas depuis bien longtemps.
SupprimerJe ne suis pas sure que nous aurions pu dater cet extrait tant le propos prend une saveur toute particulière à presque toutes les époques. Merci d'avoir donné envie …bien que je ne sois guère attirée par l'auteur (grandes oreilles n'était-ce pas son surnom?).
RépondreSupprimerL'auteur mérite largement que l'on oublie ses préjugés à son sujet. Notamment pour ces trois livres-là, qui me semblent irremplaçables, au moins pour les historiens.
SupprimerUne ancienne vanne parlait d'un personnage à grand nez dont au sujet duquel pour l'embrasser sur les deux joues, on allait plus vite à passer par derrière, bin avec Peyrefitte et ses pavillons, c'était devenu quasi impossible... Enfin ça prenait un temps fou....
SupprimerPeyrefitte parlant de de Gaulle, c'est Morano parlant de Sarko!
RépondreSupprimerAnne-Laure
comparer De Gaulle a sarko, je l'avais encore jamais entendu celle-la Anne-laure est un bel exemple de la faillite de l'éducation nationale et de la déchéance morale de l'humanité actuelle Le pire c'est que les gens sont désormais fiers et heureux d'etre cons, ou de dire publiquement des conneries plus grosses qu'eux
SupprimerC'est amusant, un peu plus "travaillé" et on aurait du Céline..Didier, savez vous ce que pensait CdG de ce dernier ou l'inverse ?
RépondreSupprimerVittorio
Non, je n'en sais rien. À mon avis, ce ne devait pas être l'un de ses auteurs de chevet. Quand on admire Péguy et Chateaubriand, n'est-ce pas…
SupprimerGdG, c'est Gauche de Gombat ?
RépondreSupprimerPéguy... dont la date centenaire de sa mort était hier!
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