jeudi 31 janvier 2008

Maman est morte (et alors ?)

- Allô, chérie ? Me m'attends pas pour dîner ce soir : ma mère vient de mourir et je suis complètement charrette sur mon travail de deuil...

À moitié bourré

Ce matin, sans doute pour avoir conduit hier soir avec la vitre entrouverte, je me suis réveillé avec l'oeil gauche rouge, gonflé et vaguement larmoyant. Il en résulte que, depuis, à chaque fois que je passe devant un miroir, j'ai l'impression étrange d'avoir picolé du côté gauche et d'être resté sobre du droit.

mercredi 30 janvier 2008

Offrande musicale

Aujourd'hui, peu après trois heures, je remontais l'avenue Georges-Pompidou, en direction de la rue Thierry-Le Luron, à Levallois-Perret. La conjonction de ces trois noms devrait suffire à dépeindre la joyeuseté de mon âme, à ce moment imprécis. Il avait cessé de pleuvoir, mais les façades aveugles dégouttaient d'une eau insipide et dédaigneuse. Pour augmenter encore la poésie inverse de l'instant, il sera dit que je sortais de la boulangerie située sous les arcades, après être passé chercher de l'argent dans le mur d'une agence bancaire.

Je ne l'ai pas vue tout de suite, tant elle était immobile et absorbée d'elle-même. Elle se tenait à environ un mètre de la vitrine, à la limite de l'arche estafilée de pluie et du ciel ouvert de l'avenue. Elle était étrangement peu vêtue pour le froid humide qu'il faisait, c'est du moins ce qu'il m'a semblé. Ses jambes étaient nues presque jusqu'à mi-cuisses, et je jurerais bien qu'elle ne portait ni blouson ni veste ni manteau. Sans doute, puisque j'ai remarqué le rose légèrement marbré de ses bras un peu trop maigres.

Elle s'observait avec une telle attention, une intensité si précise que j'ai eu l'impression qu'elle venait tout juste de poser une question essentielle à son reflet et qu'elle en attendait la réponse. Son image dans la vitre paraissait à peine moins frémissante qu'elle-même, quoique légèrement plus sombre et incertaine.

Elle avait douze ans, peut-être treize - je ne suis pas un grand spécialiste. Mais de cet âge où l'enfance et l'avenir se disputent en silence un corps dont nul n'est encore censé vouloir. Et il m'a paru, mon demi-pain sous le bras, mes billets en poche, que c'était la question qu'elle venait de poser et que son reflet tardait un peu à résoudre. J'ai ralenti mon pas.

À cet instant, les nuages spongieux se sont entrouverts au-dessus des jets d'eau en jachère de la place, deux rayons presque parallèles sont venus marquer l'endroit où elle se tenait et ont enserré souplement la naissance de ses mollets. D'incolores, d'à peine discernables, ses cheveux sont redevenus blonds, ou presque. Elle a paru satisfaite de l'oracle et s'est éloignée en direction d'une courte rue dont je n'ai jamais réussi à retenir le nom.

Comme j'avais un peu trop serré mon pain sous mon bras, quelques éclats de croûte brune restaient accrochées à mon pantalon, entre la poche et le haut de la cuisse.


[Rien de cela n'est arrivé - en dehors du pain et des billets de banque. Ou bien, oui, peut-être, après tout, mais il m'aurait fallu des yeux pour en être sûr. Or, aujourd'hui, je n'en avais pas à ma disposition.]

mardi 29 janvier 2008

Le néant de Néa, ou le vrai visage des Gentils blogueurs

Sur le blog qui se trouve en lien trois ou quatre messages plus bas, les choses se précisent, les visages se dévoilent, les remugles atteignent doucement les narines. Pour cause de manque de courtoisie, je me suis fait traiter successivement de "gros con", puis de "trou du cul", ce qui ne donne pas une idée très haute des connaissances anatomiques des PJGM de ce bouge.

Pour finir, la tenancière a déclaré que si je parlais ainsi que je le faisais, c'est parce que j'avais une petite bite, argument d'une délicatesse toute féminine, comme on voit.

Gros con, trou du cul et petite bite : je peux partir en week-end tranquille, je suis paré de tous les côtés.

Comment différencier un troll d'un gentil blogueur ?


À M. Chieuvrou, pour apaiser ses angoisses existentielles...


Pour la clarté de la démonstration, nous nous proposons de définir en premier lieu ce qu'est un gentil blogueur, que nous appellerons désormais un GB. Un GB est une personne qui vient sur votre blog, si possible de manière assidue, et ne manque pas, à chaque visite, de signaler son passage. Quel genre de traces laisse-t-il ? Des traces laudatives, exclusivement. Suivant la tonalité du billet qu'il vient de lire (ou juste de parcourir, ce qui est le cas le plus fréquent), le GB peut se déclarer "mort de rire" (qu'il écrira mdr ou lol), "bouleversé", "ému aux larmes" ou encore "écoeuré" (ce dernier terme ne convenant que lorsque le billet traite, de près ou de loin, du président de la République actuel). Dans tous les cas, il doit louer le talent de l'auteur et se déclarer entièrement d'accord avec lui. À la rigueur, s'il s'est fait une réputation d'esprit libre, il pourra timidement signaler une légère divergence de vue sur un point infinitésimalement secondaire. Ce qui, en retour, permettra au tenancier du blog de se déclarer "ouvert à la contradiction".

Maintenant, qu'est-ce que le troll ? À mon arrivée dans la blogosphère, il y aura bientôt un an, je pensais naïvement qu'il s'agissait d'une bande d'esprits maléfiques débarquant en masse sur un blog donné dans le but de l'inonder de propos grossièrement provocateurs. Je me suis rapidement aperçu que cette définition méritait d'être considérablement élargie. Peut être considéré comme troll toute personne signalant, en commentaire, qu'elle n'est pas d'accord avec ce qui vient d'être dit par le maître ou la maîtresse de maison. S'il le fait, en outre, sur un mode ironique, il devient troll au carré, autrement dit : un monstre. Le troll est l'intervenant qui rompt, un court instant, la miroitante unanimité laudative qui régnait avant son irruption incongrue.

Au cours de mes pérégrinations, j'ai cru constater que le troll était particulièrement redouté chez ce que nous appellerons les "petits jeunes gens moraux", les PJGM, généralement trentenaires et de gauche - mais ce n'est pas une exclusivité non plus. Dans les riantes contrées où règne le Bien Absolu (BA) et où s'ébattent les PJGM, l'irruption du troll est vécu comme un scandale intolérable, un coin enfoncé par le Mal Absolu dans leur petit paradis post-moderne. À ce titre, il doit être impitoyablement et très vite éliminé. Car le PJGM a très peur de la contagion du Mal (mais aussi de la grippe aviaire, de Brice Hortefeux, des OGM, de George Bush, etc. : le PJGM a peur, d'une manière générale et presque constitutive).

Comment s'organise la chasse au troll ? En bande, essentiellement. Bien qu'il soit tenu de condamner fermement la corrida et la chasse à courre, le PJGM ne répugne pas de recourir à la traque lorsqu'il s'agit du troll. Sans qu'il soit même besoin de leur passer la laisse ni de donner du cor, la meute des GB rapplique alors pour flétrir, conspuer, agonir le gnome sautillant et lui faire rentrer ses pieds de nez jusque dans l'arrière-gorge.

En général, au moment où la curée se met en place, comprenant à quel genre de singes hurleurs il a affaire, le troll est déjà loin, et la belle chasse qu'on s'était promise se termine pour les PJGM en barbecue citoyen avec congratulations festives : une fois de plus, on a réussi à repousser la Bête Immonde.

On réprime quelques rots discrets et le doux babil peut reprendre...

lundi 28 janvier 2008

De la supériorité philosophique des femmes

"Par la force des choses, presque toutes les existences sont d'une simplicité déconcertante ; réfléchir à Spinoza en pissant risque de vous faire rater la cuvette."

(Jim Harrison, Dalva, p. 224, 10/18.)


Où l'on constate que seules les femmes peuvent sereinement conjuguer Éthique et miction.

Ça y est, je suis célèbre !

On s'occupe beaucoup de moi par ici. Et ne "zappez" pas la fin du billet qui, si elle ne parle plus de ma petite personne, constitue un très réjouissant râle d'auto-satisfaction de la taulière...

Pas trop tôt...

Aujourd'hui, l'Irremplaçable et Bergotte rentrent au nid. Du coup, le damoiseau se sent tout frétillant d'attente...

samedi 26 janvier 2008

Hommagealéo

Il y a deux invariants absolus lorsque l'Irremplaçable m'abandonne lâchement, comme c'est le cas en ce moment (comment culpabiliser son épouse tant aimée et lui pourrir ses vacances...) :

1) Je bouffe du n'importe quoi à haute teneur en cholestérol,

2) j'écoute Léo Ferré en m'arsouillant gentiment (juste avant la junk food précédemment évoquée...).

Invariablement, je finis par retomber sur LE disque de Léo, à savoir le "double album" enregistré sur la scène de Bobino en février 1969, avec Paul Castanier, le pianiste-qui-voit-rien, comme accompagnateur. Léo, ce soir-là, a la voix totalement éraillée, détruite, et, pourtant, il n'a jamais fait un disque pareil avant, et n'en fera plus ensuite. (J'ai mis "double album" entre guillemets car, de nos jours, ça tient sur un simple CD...)

L'espace d'un ou deux verres et de 26 chansons, je redeviens l'anarchiste hirsute que je fus, vendant Le Monde libertaire (je sens que vais amuser MM. Tang et Chieuvrou, là...) à la sortie du lycée Civry (rebaptisé Émile-Zola ensuite, durant que j'y étais, à la grande et ironique surprise de Jean-Christophe Tournier, professeur de français de 24 ans, dont je chéris la mémoire, et qui trouvait que donner à un lycée beauceron le nom d'un écrivain qui avait malmené de belle manière le "grenier à blé" en question dans La Terre, était pour le moins curieux - si j'avais été moins inculte, ou plus vieux, ou les deux, à l'époque, j'aurais volontiers proposé "lycée Marcel-Proust", Illiers-Combray se trouvant à quelques heures de cheval de Châteaudun, mais bon), je vibre à Ni Dieu ni Maître, m'enflamme aux Anarchistes, frissonne d'érection potentielle à C'est extra, pleure d'amour à À toi, and so on.

Et, même, si j'ai abusé des boissons alcooliques (ce qui n'est pas le cas ce soir, ma chérie, mon rien, mon tout !), me rêve propriétaire d'un chimpanzé femelle nommée Pépée, épouillant gentiment Swann et Bergotte, dans une grande fraternité cyno-simiesque, telle qu'il n'en existe, je crois, nulle part.

Si les plus jeunes de mes lecteurs veulent savoir à quoi ressemblait un chanteur nommé Léo Ferré, c'est là qu'ils doivent aller s'esbaudir les oreilles, dans ce disque merveilleux (mais qui leur semblera peut-être bien ridicule, poussiéreux, j'en passe) et nulle part ailleurs.


[Je voulais mettre en ouverture de ce billet une belle photo de Léo et n'ai trouvé que de petits clichés rabougris : Jacquelin, si tu passes par ici, tu es autorisé à laisser s'exprimer ton génie informatique... Il faut impérativement une photo dudit avec ses longs cheveux blancs, mais si possible pas trop vieux quand même (années 70, ce serait parfait !), sinon, c'est tricher...]

On s'occupe comme on peut

Sinon, je viens de regarder deux petits films pornos des Années folles et j'en ai vraiment pris plein les mirettes !

(Ne cherchez pas à comprendre, ça n'en vaut pas la peine...)

Une autre ? Bon, d'accord...

" - Ma chère, j'aic compris dès la fin des années quatre-vingts que la presse écrite connaîtrait la même évolution que l'enseignement dans les années soixante-dix. Féminisation, prolétarisation, taylorisation. Le triptyque maudit que vivent désormais les médecins généralistes ou les avocats pénalistes. C'est une règle d'or : dès que tu vois arriver des femmes en masse dans une profession, fuis-la."

Mais pourquoi il est désagréable comme ça, ce Zemmour ?

L'idée est plaisante

" Elle connaissait son bréviaire politiquement correct sur le bout des doigts, aussi bien qu'au temps du catéchisme chez ses grands-parents. J'avais parfois l'impression en l'écoutant qu'elle était l'enfant que j'aurais eu avec la télé. "

(Éric Zemmour, Petit frère, p. 79, Denoël)

vendredi 25 janvier 2008

On englue

Une idée de nouvelle : des hackers qui empoissent tous les ordinateurs de la planète, en leur envoyant des hydromails...

Jacques Attali dit et écrit n'importe quoi

Le billet d'Ivan Rioufol, à propos du fameux rapport...

Mahler de bonne heure

À ceux d'entre vous - et je sais qu'ils sont légion - qui seraient amenés à devoir effectuer matinalement le trajet Plessis-Hébert - Levallois-Perret, je ne saurais trop conseiller, en guise d'accompagnement, la quatrième symphonie de Mahler, dans la mesure où sa durée correspond exactement à celle que requiert le parcours en question.

On peut même affiner un poil (je ne sais si vous avez déjà affiné un poil, mais si vous tentez l'expérience, vous vous rendrez vite compte que ce ne peut pas être le métier de tout le monde, loin s'en faut). Si vous disposez des versions de Boulez ou d'Abbado, ces deux chefs méritants vous conduiront jusqu'aux environs du pont de Neuilly, ce qui est déjà bien. Mais si vous avez opté pour le serein Klemperer, lui vous emmènera royalement jusqu'à la porte du parking souterrain, à force de ralentir les tempos (et, non, je n'écrirai pas tempi !). De plus, votre fin de trajet sera accompagnée par la sublime voix d'Élisabeth Noiretête, et l'on connaît de plus mauvaises façons de commencer sa journée.


Petit ajout n'ayant rien à voir : les plus déliés de la pensarde se souviennent sans doute que, voilà quelques semaines, je faisais part de la présence légèrement incongrue, dans un pré bordant l'autoroute A 13, d'un chalumeau (camélidé à poil laineux, le chalumeau est une sorte de dromaludaire à deux bosses). Eh bien, depuis trois jours, l'animal a été rejoint par une bande de lamas. Non pas des lamas d'Asie, au corps imberbe et entortillé dans un rideau de douche orange, mais d'authentiques lamas andins, de ceux qui, quand eux fâchés, eux toujours faire ainsi.

Finalement, Mahler au saut du lit, ce n'est peut-être pas une si bonne idée que cela.

jeudi 24 janvier 2008

Des idées, moi ? Vous rigolez !

Un certain nombre de blogo-gens me tient pour un individu facilement ironique, voire "provocateur" (c'est leur grand mot, lorsqu'il s'agit d'évacuer rapidement une idée qui leur déplaît tellement qu'ils n'osent même pas en discuter, ni même envisager d'en discuter).

Or, suis-je provocateur ? Ai-je même des idées ? Dans les deux cas, la réponse me paraît devoir être négative. En dehors des billets relevant de la plus complète bouffonnerie (tel celui qui, il y a deux ou trois jours, s'intitulait "Traquons l'imberbe !"), je ne crois pas faire de la provocation par plaisir. Mais je sais ce qui peut le faire croire.

C'est le fait que je n'ai jamais d'idée. Des sensations, cela m'arrive, comme à vous tous - des idées, jamais. Il se produit, bien évidemment, que des idées me traversent la tête, c'est humain. Elles sont toujours extérieures, jamais miennes.

"Bonjour, je me présente : je suis une idée.
- Enchanté, moi c'est Didier Goux. Entrez, prenez les patins, asseyez-vous. Je vous sers quelque chose ?"

Donc, l'idée se présente, ainsi qu'on vient de le voir. Pour qu'elle prenne corps, il m'est nécessaire de l'écrire, ici ou là, mais le plus souvent ici. Ce que je fais. Ensuite, seulement ensuite, je l'examine, l'évalue, la soupèse, la retourne, la... (oui, bon, on se calme). À l'issue de cet examen, parfois je l'adopte, parfois la rejette - le plus souvent l'affaire demeure indécidable. Parce que, fondamentalement, je m'en fous. Il n'empêche qu'elle reste écrite et que, pour vous, cela demeure et demeurera MON idée. Or, non, pas du tout. Ou peut-être. Mais pas sûr.

De toute façon, je ne tiens pas plus que cela à avoir des idées personnelles. Les vôtres me suffisent bien.

mercredi 23 janvier 2008

Tout seul... elle m'a laissé tout seul...

Vous, je ne sais pas, forcément. Moi, en revanche (revanche de quoi ?), je supporte de moins en moins d'être laissé pour compte tout seul. C'est très curieux, car, deux ou trois jours avant que cela ne se produise, l'idée me séduit plutôt. Mais, dès que je me retrouve sans Irremplaçable (si vous n'avez pas d'irremplaçable, passez votre route : vous allez vous faire chier...), je commence à me demander ce que je vais faire de mes os - et de plus en plus tôt. Même picoler m'ennuie, c'est dire.

Messieurs, sommes-nous tous à ce point aliénés ? J'aimerais savoir si, vous retrouvant seul, parfois, chez vous, vous errez ainsi, à l'intérieur de votre propre vie ? (Non, juste pour savoir...) Est-ce que la nuit est réellement plus épaisse, ou bien c'est juste moi ?

Expérience extrême

Relire un Brigade mondaine en écoutant la Messe en si...

mardi 22 janvier 2008

Traquons l'imberbe !

Tout comme vous, j'ai appris, hier, qu'il ne restait plus qu'un seul Poilu (mot horrible, grotesque, méprisant, que nous paierons un jour d'avoir gardé, mais c'est une autre affaire). Un Poilu français, évidemment. Les Boches, on s'en contre-branle, et c'est même une vraie honte que ces salopards aient pu survivre : Dieu devra nous rendre compte de cela, un de ces jours...

Bref. Il est une chose dont personne, à part moi, ne semble s'aviser : que sont devenus les derniers planqués ? Si vous le voulez bien, pour la clarté du débat, de l'éternel combat entre le Bien et le Mal, qui nous occupe tant et tant de nos jours, appelons-les les Imberbes. Les enculés d'Imberbes, même, histoire d'indiquer clairement dans quel camp on se situe.

Les planqués, ce sont tous ces semi-pédés qui ont réussi, au prix de bassesses que nul n'ose se représenter, à échapper aux tranchées, à rester tranquillement à Paris (ou à Châteauroux ou ailleurs), trombinant gentiment, à la fraîche, les consolables veuves de guerre.

Eh bien ! je vous l'affirme hautement : ces vermines rampantes, il en est peut-être des survivantes. Des planqués de 110 ans, survivant ignominieusement dans leur bled pourri, pleins du souvenir de ces féminines corolles indûment comblées par leurs soins, salivant encore des pipes goulues administrées par de répugnantes défaitistes en chaleur, au moment même où leurs héroïques poilus se faisaient exploser les gonades à coups de schleuhs shrapnells !

Alors, mes frères, je vous le dis, il est temps. Ne laissons pas ces méfaits impunis. Unissons-nous, enquêtons, cherchons, traquons, débusquons les derniers Imberbes, et, le 11 novembre prochain, devant la Flamme, arrachons fièrement les antiques génitoires de ces hontes nationales, sous l'oeil larmoyant et aveugle de notre dernier héros.

La fierté du pays est à ce prix - et ce n'est pas trop cher payé.

On embauche

Tu ne sais rien faire ?

Tu n'as aucun talent particulier ?

Ce ne sont pas les scrupules qui t'étouffent ?

Tu aimes penser comme les autres et croire que ce sont les autres qui pensent comme toi ?


Alors, rejoins-nous...

Le journalisme est TON métier !


lundi 21 janvier 2008

Ce serait des coups à s'y remettre

Ce matin, à huit heures juste, j'entends la voix de l'Irremplaçable sortant de la Case et s'exclamant : “Pauv' tite ! mais pourquoi tu es sous la pluie ?” Immédiatement, dans les brumes du sommeil dont je ne suis pas encore tout à fait extrait, ma première réaction est : “Merde ! je suis rentré bourré hier soir et j'ai laissé Bergotte dehors ! Je vais me faire engueuler…”

Or, naturellement, je ne suis pas sorti de toute la journée d'hier et n'ai bu rien d'autre que de l'eau (ainsi que du café). En fait, Catherine avait délivré la chienne (qui dort désormais avec elle pour éviter qu'elle ne chie systématiquement dans la maison en fin de nuit, ce qu'elle s'est remise à faire avec une belle constance depuis quelques mois) un quart d'heure plus tôt, pensant que, comme tous les jours, elle allait venir s'abriter sous l'auvent de la maison, à l'intérieur de laquelle l'attendent ses croquettes du matin.

J'ai raconté ma réaction instinctive à l'Irremplaçable, que ç'a beaucoup amusée. Moi un peu moins : ne plus avoir l'alcool tout en conservant la culpabilité, je trouve ça moyen…

Que résonne le tambour funèbre

Mes bons amis, permettez-moi de vous rappeler que, ce jour, 21 janvier de l'an de grâce 2008, j'aimerais vous trouver tristes et recueillis, en mémoire de notre bon roi Louis XVI, lâchement et sauvagement assassiné voici très exactement 215 années, par des hordes de bas-du-front, mal-lavés et pue-de-la-gueule, ancêtres lointains de nos actuels militants d'extrême-gauche. Que le sang royal retombe sur les têtes des mères célibataires écologistes et vélibiennes, jusqu'à la sept fois septième génération !


(Pourquoi sur elles, précisément ? PARCE QUE !)

Sur place ou pour emporter ?

Passer le plus clair de son temps à écrire de mauvais livres, à seule fin de gagner ce qu'il faut pour en acheter de bons. Tout comme celui qui monte une chaîne de restauration rapide afin de pouvoir déjeuner tous les jours chez Ducasse ou Passard.

Plutôt qu'écrivain en bâtiment, j'aurais dû m'instituer fast-writer.

dimanche 20 janvier 2008

Foufoune et Bistouquette sont dans un (Petit-)Bateau...

Il y a quelques jours, j'ai passé environ une demi-heure à regarder, sur l'ordinateur, trois petits films pornographiques des années vingt, grâce au DVD qui était joint au livre que j'ai acheté, Les Années folles des maisons closes - livre d'ailleurs écrit dans un style détestable, débraillé, essayant de créer une sorte de complicité de bas aloi avec le lecteur et, ce faisant, sombrant dans la plus gluante des vulgarités de langue.

Ces courts-métrages sont charmants. L'amateurisme, la fraîcheur, la saine gaillardise qui s'en dégagent sont à la fois attendrissants et excitants. Et puis, quel plaisir de voir des femmes convenablement velues au lieu de ces ennuyeuses et aseptisées pécores, avec leurs abricots post-modernes rougis par la lame du rasoir, que l'on nous impose dans les films X d'aujourd'hui ! (D'après ce qu'on m'a dit : ne te mets pas dans des états pareils, ma chérie...)

Il y a aussi que ces films sont beaucoup plus transgressifs que ceux de maintenant, contrairement à ce que croit notre époque, qui s'imagine avoir atteint des sommets dans ce domaine. Dans l'un, on peut voir un jeune séminariste, observant une scène lesbienne à travers un trou de cloison, tout en se faisant virilement relever la soutane et enculer par son abbé. L'équivalent d'aujourd'hui pourrait être un imam saillissant une femme arabe voilée : on en est loin, c'est même totalement hors du pensable…

Pour revenir au livre lui-même, je ne l'ai que très rapidement feuilleté : en dehors de ce que je disais plus haut du style de l'auteur, j'ai été un peu déçu de constater qu'il ne propose que des photos “artistiques” où les sexes de femmes sont systématiquement retouchés, "floutés", comme on dirait aujourd'hui.

En matière de représentation de la sexualité, le “brut” me paraît toujours infiniment plus excitant, parlant davantage sinon à l'imaginaire du moins aux sens, que le “beau”. Ou, pour le dire autrement, je suis beaucoup plus sensible, je crois (ou du moins l'étais-je, car il en va de cela comme du reste...), à la pornographie qu'à l'érotisme, pour adopter la différence traditionnelle, mais peu pertinente, entre ces deux “genres”. Les courts-métrages du DVD relèvent, eux, fort heureusement, d'une franche et bonne pornographie, et non de je ne sais quel érotisme stylisé, enjolivé, rose-bonbonisé, bref : déréalisé.

C'est probablement cela que les gens - et les femmes notamment - ne supportent pas, ou mal, dans la pornographie : elle les montre tels qu'ils sont réellement lorsqu'ils s'accouplent, en arrachant brusquement à l'acte son masque de fausse poésie. Encore ce cinéma-là - je parle du muet - leur épargne-t-il les clapotis et les odeurs…

J'ai dû fumer un truc...

J'ai beau me livrer à cette coupable activité depuis plus de vingt ans, je ne comprends toujours pas avec précision comment cela fonctionne. Depuis le début de ce Brigade mondaine, je me traîne à 17 ou 18 pages par jour (ah ! elle m'aura coûté de la peine, cette Blandine, je vous le dis !). Or, ce matin, en trois heures, j'en ai écrit 25. Pourquoi ? Comment ? N'en sais rien...

samedi 19 janvier 2008

L'Histoire repasse les plats

Il y a trois jours, à l'occasion d'un billet dont j'aurais mieux fait de me dispenser, j'ai fait allusion à une soirée camusienne chez Jean-Paul Marcheschi, ayant eu lieu le 31 mars dernier. Ce faisant, je vous menaçais de vous imposer la relecture de la pochade écrite dès le lendemain de cette rencontre. Comme je ne suis pas du genre à menacer en l'air, voici :


Dimanche 1er avril 2007


Les Douceurs du Pied de cochon



Nous étions douze, comme les Apôtres (également comme les salopards et les travaux d'Hercule, ou les oeufs dans le panier). Douze blogueurs conviés cher Jean-Paul Marcheschi - hôte parfait - par Renaud Camus et Madame de Véhesse, afin d'y découvrir le fameux Journal de Travers, en ses deux volumes de 850 pages d'écriture serrée (on n'est pas au bout, je vous le dis...).

La première difficulté, avec cette nouvelle-ancienne oeuvre, c'est de la nommer. Normalement, un titre d'oeuvre réclame l'italique, on est d'accord ? Seulement, ici, le mot (le nom) Travers est déjà en en italique. Que faire, mon Dieu, que faire ? Mettre Journal de en italique et laisser Travers en romain ? Ou bien l'inverse ?

Pff ! je crois que je vais retourner me coucher, moi...

Bon, ça va, je me suis repris. Donc nous voilà, L'Irremplaçable et moi, franchissant comme des braves le pont de Neuilly. Braves mais pas téméraires : ayant, dans un passé récent, subi cette pure démence qu'est devenue la circulation parisienne, nous laissons la voiture sur la contre-allée de l'avenue Charles-de-Gaulle et sautons à pieds joints, sous une pluie battante, dans la bouche du métro Sablons. Treize minutes plus tard, résurgence à Louvre, sottement rebaptisée Louvre-Rivoli.

Comme nous sommes bien entendu en avance, petit tour de quartier - il a cessé de pleuvoir. Enfin, direction la rue Berger. Soudain, surprise : qui est donc cet homme, là, sur le trottoir, à quelques mètres de nous, occupé à nous photographier, en prenant des poses outrées de reporter en pleine action ?

C'est Renaud Camus, flanqué de Pierre, tout sourire et d'une jeunesse qui a parfois tendance à m'énerver un peu (mais je sais qu'il ne le fait pas exprès, donc je ne dis rien).

Au même moment, sur notre flanc droit surgit Guillaume Cingal, donnant l'impression de jaillir de terre, en dépit de son air quelque peu lunaire.

Je compose le code, on s'entasse dans l'ascenseur jusqu'au quatrième et dernier étage de ce petit immeuble moderne, offrant une vue superbe sur la Bourse du Commerce, l'église Saint-Eustache et Le Pied de cochon, sur lequel nous reviendrons, pas d'impatience.

La porte s'ouvre sur une Valérie Scigala souriante, qui semble un peu surprise de nous voir débarquer en groupe, façon charter de touristes. Jean-Paul Marcheschi est sous la douche, on ne saura pas avec qui, ni même si.

Les autres arrivent ensuite, en rangs assez serrés, et la valse des présentations commence. Elles sont compliquées par l'innocente manie de la plupart des blogueurs, consistant à toujours écrire sous pseudonyme. Il est donc nécessaire que chacun (à part moi) donne son nom, puis le titre de son blog, pour qu'on parvienne à s'y retrouver un peu.

Renaud Camus est l'un des premiers à s'asseoir, en s'en excusant : il souffre d'une attaque de goutte. Je suis un peu étonné qu'il ait encore ce genre de problème, puisque, lors de notre dîner au Bastard, je lui avait indiqué le remède souverain : le Zyloric (200 ou 300, selon votre taux d'acide urique - la consultation est offerte). Au lieu de ça, il persiste à se soigner à l'aide de je ne sais quel extrait de gazon belge, totalement inopérant, il va de soi. La prochaine fois, je vais prendre M. Pierre à part et lui en toucher deux mots, je le sens.

Rapidement, on fait cercle autour de Valérie Scigala, qui nous présente brièvement le Journal pour lequel nous sommes réunis. Claire, sobre, rapide. Puis vient le jeu des questions-réponses avec l'auteur, qu'il est toujours très agréable d'écouter parler (et je ne dis pas ça pour fayoter).

On rit plusieurs fois. Lorsque l'un de nous lui demande ce qui l'a poussé à publier ce Journal écrit depuis trente ans, Renaud Camus commence par répondre, d'une voix un peu lointaine : " J'ai pensé que Fayard pourrait m'en donner un bon prix..."

Les questions s'espaçant, Valérie Scigala pose alors la plus importante de toutes : " Bon... on boit ? " La réponse est oui.

En tant que "valet cornichonnesque et servile " de ladite dame, je propose mon aide et bondit à sa suite en direction de la cuisine, suivie par l'Irremplaçable. Là, nous tombons sur Jean-Paul Marcheschi, avec qui j'engage la conversation, à propos de ses oeuvres exposées à Plieux. Ce qui fait que les deux femmes se tapent tout le boulot (apporter les bouteilles, les petits fours, enfin tout ça...).

Ensuite ? Oh ben, ensuite, c'est une soirée normale, n'est-ce pas : les verres se vident, les langues se délient, l'Irremplaçable macule son chemisier avec un mini-baba au rhum qui explose en plein vol. Heureusement pour elle, Renaud Camus fait la même chose avec un mini-fraisier, l'honneur est sauf.

L'Irremplaçable et moi auront une agréable et intéressante conversation avec Jean-Paul Marcheschi, qui est décidément un homme hautement fréquentable. Il nous parle entre autres de ses angoisses à propos de la station de métro de Toulouse qu'il a été chargé de concevoir, caar lui-même ne découvrira son oeuvre - réalisée par morceaux, parce que monumentale - que lorsqu'elle sera mise en place, c'est-à-dire quand il n'y pourra plus rien changer, même si elle ne lui convient pas.

Moi, je dis : il aurait fait préposé au gaz, comme métier, il aurait pas eu ce genre de souci - qu'il vienne pas se plaindre.

Ce qui m'a beaucoup plu, dans cette petite réunion, c'est que j'ai pu réaliser l'un de mes plus vieux rêves : devenir une minorité sexuelle. Après un rapide comptage, il m'est apparu nettement que les hétéros étaient pour le moins clairsemés, en cette noble et chaleureuse assemblée : ça m'a fait un bien fou.

J'ai pu aussi constater que les homosexuels avaient une bien meilleure acuité visuelle que nous autres. Chacun à son tour, M. Pierre et Marcheschi ont en effet tenté de me persuader que, certains soirs, ils pouvaient voir les serveurs du Pied de cochon (voyez, je vous avais dit qu'on y reviendrait...) se manuéliser réciproquement, à l'étage de la maison qui leur est réservé. Or, moi, c'est à peine si je distinguais les fenêtres en question, d'où l'on était.

Voilà des gens qui se soignent la goutte au gazon belge, mais qui ont des ophtalmos de première bourre.

J'ai quand même regardé attentivement plusieurs fois, par acquit de conscience : nada. On a dû tomber un soir où les branleurs faisaient relâche.

À la fin de la dernière bouteille, certains d'entre nous étaient assez gentiment entamés, mais ne comptez pas sur moi pour donner les noms - à part le mien, qui va sans dire. Ce qui ne nous a nullement empêchés de faire honneur au flacon de rouge que le maître des lieux a sorti de sa réserve perso.

L'Irremplaçable et moi sommes partis dans les derniers, pas longtemps après le brillant exposé sur la généalogie lacanienne, dispensé par la jolie Julie. Catherine a promis à je ne sais plus qui (peut-être Madame de Véhesse) de prendre le volant, mais, après le retour en métro, constatant que j'étais parfaitement nickel, elle me l'a laissé, en me faisant promettre de ne pas le dire ici - serment que je m'empresse de trahir, comme on voit.

Nous étions, bien sûr, lestés des deux forts volumes du Journal, le premier tome agrémenté d'une très aimable dédicace de l'auteur, dont on souffrira que je la garde pour moi.

Enfin, pour répondre à la question qui vous brûle les lèvres, et sa folle vanité dût-elle en souffrir, je me dois de vous dire que, du nain, il fut très peu parlé.

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Ce billet s'adresse aux amateurs de BD ("BD toi-même !", rétorque l'enchifrené). Son but est de signaler la parution du septième volume d'une ébouriffante saga des temps modernes - ou plus exactement futurs - due au talent d'un jeune dessinateur, Nicolas Malfin, qui se trouve accessoirement être le gendre de l'Irremplaçable (enfin, plus ou moins...).

Je n'aurai qu'un conseil à vous donner : courez vite le commander chez votre fromager habituel et dites que vous venez de ma part : il vous sera alors fait le meilleur accueil.

vendredi 18 janvier 2008

Il m'est arrivé quelque chose...

...Pendant mon trajet de retour de ce soir, entre Les Mureaux et Mantes-la-Moche, approximativement. Les bitonios dans les oreilles, j'écoutais le premier acte (parce qu'il faut bien commencer par quelque chose) d'un opéra de Haendel, Ariodante. Ce faisant, je pensais à une personne de sexe féminin que je ne connais pas, et à une autre, de sexe hautement complémentaire, que je pensais connaître (et que je connais peut-être, en fin de compte, mais on n'est jamais sûr de rien). L'autoroute A 13 était fluide, voire fluviatile (je sais que c'est stupide, mais j'avais envie d'écrire fluviatile, là, maintenant, tout de suite), il ne pleuvait pas davantage sur la ville que dans mon coeur.

Soudain, il m'est apparu, comme une évidence, une certitude tranquille, un fait dûment avéré et facilement vérifiable, que j'étais parfaitement heureux. Que, de ma vie, il n'y avait rien à retrancher, ni rien à souhaiter ajouter. Ç'aurait pu être une sorte de flash sans suite, or il se trouve que, une grande heure après, cette impression étrange perdure.

Je suis présentement assis dans mon fauteuil, écoutant (vaguement, très vaguement) le vent qui s'engouffre par la porte laissée ouverte (il fait très doux ce soir : 10°5, d'après le thermomètre que j'ai sous les yeux) avec quoi joue, lutte, non : joue le premier mouvement de la première symphonie de Mahler (et, au moment où j'écris cela, passage au deuxième mouvement, plus lent, funèbre, menaçant, inquiétant, même si les rafales extérieures semblent ne pas s'en aviser : on sent bien qu'elles ne gagneront pas). Je tape ces pauvres phrases sur le MacBook de Catherine, dont je me sers pour la première fois, et mes doigts sont malhabiles sur ce clavier nouveau, je dois revenir toutes les trois ou quatre lettres en arrière afin d'effacer les fautes de frappe (disant cela, je suis précisément en train de prendre possession de cet espace restreint, plus plane, et tape de plus en plus vite, comme si j'étais chez moi).

Et cette sensation bizarre de bonheur inattaquable, inentamable ne me quitte pas. Pour atterrir en douceur, avant de me remettre au Brigade mondaine demain matin, je me suis servi un verre de Chablis (pas le meilleur de mon existence, mais suffisant pour accompagner discrètement cette félicité sans cause), qui sera très probablement suivi d'un second (pour ne pas dire d'un deuxième...). (Et voici les éclats du troisième mouvement de la symphonie.)

Tout concourt. Jusqu'au poids de cette machine sur mes genoux, et sa tiédeur, comme celle d'un chat endormi, à cause de qui on n'ose plus bouger, quitte à s'endolorir les muscles, à raidir tout son être sans qu'il en sache rien. L'Irremplaçable est occupée à lire au lit (que lit-elle ? Je ne sais pas, elle a dû me le dire, j'ai même dû le voir, mais je ne sais plus : incertitude douce où la négligence a sa part), et ce poids sur mes cuisses est d'une certaine manière le sien.

Et j'ai beau allonger démesurément ce texte qui ne dit rien et ne souhaite rien dire, demeure néanmoins ce fait indubitable, et peut-être scandaleux, que mon existence est, au moins pour ce soir (ce qui est déjà beaucoup et demeurera pour les siècles des siècles), idéalement heureuse.


[Il va de soi (mais non, bien sûr) que ce bonheur inopiné est tricoté chaque jour par l'Irremplaçable Épouse, sans qui je me serais probablement déjà dissous (et le fer à dix sous, c'est pas cher !) dans... dans ce que tu veux, mon ami inconnu, dans ce qui t'arrange, dans ce en quoi tu crois, ou ne crois plus, ou pas encore tout à fait, ou pas tous les jours, ou seulement à certaines heures, quand il fait bien nuit, c'est à toi de voir - disparu je serais, sans elle, tout le monde en est bien conscient, et aussi que je n'aurais manqué à personne, à pas grand monde, disons, comme tout un chacun. Je ne suis précieux que pour elle, et c'est amplement suffisant. Il fallait bien que cela soit dit, un jour ou l'autre - et donc ce soir, pourquoi pas ?]

Il l'a fait (ce con) !

Comme je vous l'annonçais, j'ai franchi, hier, la dernière frontière me séparant encore de l'abruti post-moderne moyen. À l'heure du déjeuner, je suis descendu lire dans le canapé du hall, avec les écouteur de l'iPod (ou du iPod ? Vous diriez comment, vous ?) encastrés dans les cages à miel. Au programme étaient inscrites des pièces pour piano de Couperin, jouées par Alexandre Tharaud, mais là n'est pas la question (c'est juste pour faire mon culturé).

Première constatation : s'il est à la rigueur possible de lire dans une pièce où est diffusée de la musique (à condition de ne pas écouter celle-ci), cela devient infaisable avec les écouteurs. Sans doute parce que le mode de diffusion empêche de faire abstraction de ce qui sort de ces petits embouts maléfiques. Par conséquent, il faudra que je relise les quarante premières pages du Guépard (nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro), aux trois-quarts gâchées hier.

Deuxième constatation : durant l'heure que j'ai passée en bas, je n'ai cessé de me sentir vaguement ridicule, avec ce double fil blanc qui me pendillait des esgourdes - ce qui n'a pas contribué à améliorer ma réceptivité littéraire, on s'en doute.

Je vais retenter l'expérience aujourd'hui, afin de voir si je m'habitue à ma nouvelle condition d'abruti post-moderne. Sinon, tant pis, je retournerai dans ma case initiale de vieux réactionnaire paléolithique.

jeudi 17 janvier 2008

La tête couverte de cendres...

Bon, apparemment, il faut que je présente mes plus plates excuses à Olivier Bruley (je pense pouvoir le citer, puisqu'il est intervenu in nomine en commentaire), qui m'informe (et vous avec, donc...), que la phrase trouvée par moi à cause de cet enfoiré de Go*gle n'a jamais été en message, mais en commentaire dudit message.
Comme quoi la blogosphère finit par rendre tout le monde paranoïaque, moi le premier, ce qui n'est pas une découverte forcément agréable.

(Mais je soupçonne Olivier Bruley de s'être bien diverti de ma méprise, et cela m'est consolation...)

Au gui l'an neuf

Ma nouvelle devise, pour l'année 2008 : "Quand on ne boit pas, on ne boit pas, mais quand on boit, on boit."

(Je sais, c'est idiot, mais je me comprends...)

mercredi 16 janvier 2008

Pour la route

Quand construirez-vous votre maison
En faux Tudor, dans le Surrey ?
Quand aurez-vous dans votre jardin
Des sculptures immenses, amovibles et stagiaires ?

Beaucoup de vos amis sont déjà tombés de la voiture
Au premier tournant.
Vous continuez seul votre voyage...


Julos Beaucarne

Du stalinisme blogosphérique

Hier, à l'occasion d'une recherche sur Go*gle, concernant mon propre nom, je tombe sur une phrase d'un ancien article de blog, datant du premier avril dernier (j'aurais dû me méfier), ou plus exactement sur un tronçon de phrase, disant ceci : "...Didier Goux, finalement le plus sympathique et le plus malin de...". Tel était l'extrait proposé. Je n'avais qu'un vague souvenir de ce message, écrit à la suite d'une réunion de blogueurs, autour de R. Camus, chez Jean-Paul Marcheschi, dont j'ai moi-même parlé sur l'ancien blog, et que je remettrai en ligne ici, pour peu que la pression populaire se fasse irrésistible. (J'attends...)

Par curiosité, je me reporte à l'article en question, sur le blog du jeune homme qui en est l'auteur. Je le lis, le relis, le relis encore. Rien. Pas la moindre mention de mon nom, aucune allusion à ma présence. Je me retrouve soudain dans la position d'un membre du Politburo, dont on a effacé la trombine sur les photos officielles, après sa disgrâce auprès du Père Joseph et son aller simple pour Magadan (cowboy).

Je comprends fort bien que le taulier de la place se soit ravisé à mon sujet (il en est d'autres) et rendu compte que je n'étais finalement ni sympathique ni malin. Soit. Il n'empêche. Me voyant ainsi effacé, rayé de l'histoire officielle, je me suis dit que ce blog, qui se veut et se prétend jardin, devait bien être discrètement surveillé par un ou deux miradors qui m'avaient échappé à première vue.

mardi 15 janvier 2008

En plein jour et en public (je vais le faire)

À l'instant même, juste avant de cliquer sur "nouveau message", je viens de faire deux choses quasi simultanément, et leur rapprochement me procure une sorte d'angoisse diffuse. D'abord, sur la foi d'un message d'Élise Pellerin, j'ai commandé le journal d'Etty Hillesum, dont je n'avais même jamais entendu prononcer le nom (ce qui est normal puisque je ne lis que les livres de Camus, comme on sait). Et, juste après, j'ai sorti du tiroir de gauche de mon bureau ce iPod dont je ne me suis pas encore servi depuis son achat et dont j'envisage, non sans tremblements, de sertir mes oreilles demain, en plein jour et en public.

Le poumon, vous dis-je !

Pour tout ceux à qui les anti-fumeurs hystériques commencent sérieusement à concasser les burettes, voici de quoi se goudronner un peu les bronches...

On parle de nous dans les hautes (blogo)sphères...

Je prends tout doucement les hommes comme ils sont,
J'accoutume mon âme à souffrir ce qu'ils font ;
Et je crois qu'à la Cour, de même qu'à la ville,
Mon flegme est philosophe autant que votre bile.



" Goux, Didier, lui il est bon. Ya qu'à voir son blog. Il passe son temps à dire que, sorti de Renaud Camus, y a rien, mais alors rien de rien, c'est pas croyable, de la merde en boîte, mais il passe aussi son temps (je ne sais pas comment il fait, il doit avoir deux temps à lui…) à être et à faire tout ce que son héros déteste, avec ses copains blogueurs. Ce type-là est un exemple, pour moi. Il est à la schyzophrénie ce que Duras est à la Musique. J'ai toujours suspecté l'être humain d'être assez complexe, mais un être humain complexe, à côté de Didier Goux, c'est comme VS à côté d'une femme. "


Cette fois, pas de doute, c'est la gloire. Me voilà associé pour l'éternité à Madame de Véhesse (que je salue au passage, en espérant qu'elle ne déprimera pas trop de ce compagnonnage forcé...) et promu au rang d'anti-personnage camusien. Si mes "copains blogueurs" veulent jouir de l'intégralité de cette tempête, le verre d'eau est par ici...

Un film du tonnerre


Hier soir, à la télé, en deuxième partie de programme, un film intitulé A sound of thunder (dont on se demande bien pourquoi nul n'a cru bon d'en traduire le titre), tiré d'une nouvelle de Bradbury dont le nom m'échappe, mais dont j'avais moi-même, il y a une petite dizaine d'années, tiré un méchant petit roman de science-fiction pour la collection "Blade", dont j'ai dû écrire une dizaine d'opus (come disent les folliculaires de nos jours) à l'époque. Il fait de l'usage, ce Bradbury.

La nouvelle, jouant classiquement des paradoxes temporels, était assez habile (et courte), alors que le film, qui prétend "développer" devient de ce fait totalement absurde, un tissu d'incohérences grossières et hâtivement replâtrées par un groupe de scénaristes dont la gueule de bois est patente.

Le thème de la nouvelle était simple. Le voyage dans le temps ayant été inventé, un homme d'affaires sans scrupules (Ben Kingsley, dans le film) organise des safaris préhistoriques, au cours desquels des milliardaires paient très cher le droit d'aller tuer un tyranosaurus Rex. Les chasseurs sont sur une sorte de passerelle temporelle, ont interdiction formelle de s'en écarter, ne doivent rien laisser sur place ni rien remporter avec eux, afin de ne pas déclencher de catastrophiques réactions en chaîne temporelles. Le dinosaure gibier a été choisi au préalable par les scientifiques parce qu'il est, au moment de la chasse, sur le point de mourir de causes naturelles (donc, le fait de lui tirer dessus ne dérange rien au cours normal des choses). Bon.

Dans la nouvelle (simple et courte, je le répète), au moment du saut dans le temps, un nouveau président vient d'être élu aux États-Unis, battant de justesse un candidat que l'on va dire d'extrême-droite pour faire simple. 65 millions d'années en arrière, face au monstre, l'un des chasseurs panique, met un pied en dehors de la passerelle temporelle et, ce faisant, écrase une fougère. Lorsqu'ils reviennent dans le présent, ils constatent que la langue anglaise ne s'écrit plus exactement de la même façon. Et que le candidat d'extrême-droite est devenu président des États-Unis...

Le film, bien entendu, ne pouvait se contenter d'une trame aussi simple. On a donc embauché des scénaristes pour corser un peu le jus. La base reste la même, sauf que les changements ne commencent à survenir qu'après le retour de l'expédition, ce qui est absurde. En cas de modifications dans le passé, le présent ne peut que demeurer inchangé, aux yeux de ceux qui le vivent, puisque, pour eux, les modifications auront "toujours déjà" eu lieu. Conscients de ce problème, les scénaristes bricolent une fumeuse explication, inventent des "vagues temporelles" successives venant modifier le présent "à retardement", si l'on peut dire.

À la fin du film, le héros retourne chez les gros lézards pour tout remettre dans l'ordre. Et, lorsqu'il revient dans le présent, tout le monde a oublié les catastrophes qui ont eu lieu... puisque, finalement elles n'ont pas eu lieu. On empile donc une incohérence sur une absurdité, car on voit mal pourquoi les vagues temporelles qui ont fonctionné dans un sens deviendraient inopérantes dans l'autre. Il en résulte l'impression qu'il existe un cours normal des choses, prévu, valable (celui que nous connaissons), et d'autres qui sont, eux, putatifs, erronés, sans doute éliminés par le Grand Architecte.

Enfin - et c'est sans doute le plus grave -, j'ajoute que Neve Campbell n'apparaît à aucun moment du film. Même le gros lézard, malgré sa dentition avantageuse, on voit bien que ce n'est pas elle.

lundi 14 janvier 2008

Accouchement sous XP

M. XP est un homme courageux, assuré de son intelligence, fier de ses opinions. On le sent d'entrée, à la manière dont il paraphe ses ratiocinations ici ou là - mais principalement .

M. XP a des idées qui sortent des sentiers battus, ce qui est fort honorable, et il n'hésite pas à les exprimer par voie de blogs et de forums. Par exemple, si tout soudain son esprit est traversé par une illumination l'informant que François Bayrou est directement responsable de Hitler et de la Shoah (pour Gengis Khan, la Grande Peste ou les razzias mahométanes, on ne peut rien dire, les dossiers sont encore à l'étude), croyez-vous qu'il va hésiter à le révéler publiquement ? Non pas ! Il se précipite à sa table de travail, et ses petits doigts font aussitôt crépiter le clavier.

M. XP a hélas des petits doigts qui dérapent un peu souvent sur les touches (ça glisse, ces petits machins ! c'est d'un traître !). Ainsi, dès la première phrase, tout shuss, il rate la porte d'un verbe et écrit "vous ne vous départissez", au lieu de "vous ne vous départez". Dans l'élan de la vitesse acquise, il se mange illico un deuxième fanion et note que François Bayrou "ne lasse pas" de l'emmerder, pour "ne laisse pas".

Ici, le rewriter retrouve ses vieux réflexes professionnels, interrompt sa lecture et va gentiment signaler en commentaires les deux fautes à leur auteur (en faisant courtoisement semblant de croire que la seconde peut être simplement "de frappe") et en lui suggérant d'effacer son commentaire dès qu'il se sera corrigé.

M. XP se considère alors comme violemment offensé, souflette l'insolent de son gant de velours (il garde sa main de fer pour François Bayrou et Hitler), lui signalant avec un petit sourire condescendant (tout shuss, là encore) que "lasser de" pour "laisser de" était un effet de style volontaire (et il est vrai que j'ai toujours été faiblard de la comprenette dès qu'on me balance des effets de style volontaires). Quant à "départir", il est formel : Le Petit Robert indique qu'il se conjugue comme "finir", alors, hein, silence dans les rangs.

Pris d'un doute et scrupuleux à s'en mouiller les braies, le rewriter fond sur son propre Petit Robert, pas plus con qu'un autre et qui, dès la première ligne de l'article "départir", indique bien entendu que celui-ci se conjugue comme partir. Ce qui n'empêche pas M. XP de réaffirmer bien haut que le rewriter est un imbécile et que départir, gnin gnin gnin.

Tout cela pour aller, en douce, sur la pointe des babouches, petitement, à la fin des fins, corriger son épaisse bourde.

Ce dont il aurait du reste pu se dispenser puisque, reprenant sa lecture un instant interrompue, le rewriter à la joue écarlate se rendra vite compte que c'est l'article entier qui est truffé de fautes, comme il est loisible à chacun d'aller le constater.

Et, avec tout cela, on ne sait toujours pas si Adolf Hitler et François Bayrou ont couché ou non. Mais si par hasard l'acte avait été consommé, on pourrait, pour s'occuper des petits, faire confiance à M. XP, notre Xylographe Paranoïaque.

About sex crimes (mais, moi, j'ai rien fait...)

Si l'époustouflante Neve Campbell - pour qui je n'ai jamais dissimulé mon appétence libidinale - est de retour par minou, c'est parce que, hier soir, je me suis laissé aller à revoir Sex Crimes sur TF1 (en version française, donc, mais, pour une fois, on va dire qu'on s'en tape). Sans même parler de sa niaise esthétique playboyisante, le film est totalement absurde, ainsi qu'il m'en souvenait, principalement en raison des rebondissements en chaîne, qui rendent cette pseudo-machination aussi risible qu'elle était censée être diabolique. (J'espère que Pascal ne va pas se pointer avec, dans sa manche, un texte m'expliquant qu'il s'agit de l'un des dix meilleurs films de ces dix dernières années, sinon je vais finir par avoir l'air vraiment con.)

Il restait donc à contempler Neve Campbell, les orteils en éventail sur le repose-pieds assorti au fauteuil, sans se soucier des motifs que ses comparses et elle pouvaient bien avoir de s'agiter ainsi qu'ils s'évertuaient. Ce que je fis sans bouder mon plaisir - tout cérébral et esthétique, empressons-nous de le préciser.

Plaisir augmenté, que dis-je ? décuplé par une sorte de jubilation, elle-même engendrée par une certitude : celle que, sur dix hommes regardant le film au même instant que moi, neuf devaient s'exorbiter les prunelles sur cette dinde ridicule de Denise Richards ("aaah !" soupire la gent masculine, à l'énoncé de ce simple nom, par une sorte de mimologisme séminal), passant totalement à côté de la créature invraisemblablement sublime qu'est Neve Campbell.

Dans l'ensemble, ce fut plutôt une bonne soirée, je vous remercie.


Rajout de mardi matin, dix heures : Une fois de plus, le grand webmestre de ces lieux a accompli un miracle, au moins vu depuis mon cerveau obtus ! Qu'il en soit remercié, donc. Sauf que, pour le coup, mon premier paragraphe ne veut plus rien dire...

dimanche 13 janvier 2008

Tant qu'il y aura des ormes

La blogosphère, le dimanche, ça ressemble à une petite ville de province au début des années soixante. Ou même, si l'on veut, à un roman d'Anatole France. Mais transposé dans les années soixante, j'y tiens beaucoup. Le matin, tout guilleret de cette longue journée sans travail, on fait sa grande toilette hebdomadaire, dans l'évier de la cuisine, on récure bien dans tous les coins qu'on n'a pas le temps de visiter la semaine, parce qu'on travaille plus pour gagner trois fois nib. Ensuite, on enfile ses beaux habits, on se met un peu de pommade dans les cheveux si on est célibataire - sinon, c'est pas la peine.

Comme on est libre penseur, on saute la messe sans le moindre problème de conscience, tout admiratif de soi-même. Mais on se fait quand même un peu chier en attendant que la bourgeoise revienne de l'église. D'autant plus qu'on commence à avoir la dent et que le poulet rôti sent drôlement bon, dans le four.

On mange un peu trop lourdement, un peu trop richement, un peu trop longuement. Puis, enfin, vient l'heure de la promenade sur le mail, où l'on va pouvoir se montrer, échanger de brefs saluts, quelques mots à propos des Russes, ou du franc qu'il ne saurait être question de dévaluer, ou de la bombe qui détraque le temps.

Sauf que, sur le mail, il n'y a personne. Parce qu'il fait trop chaud, parce qu'il fait trop froid, parce qu'il pleut, parce que le casimir cogne trop fort sur les crânes pommadés, entre les branches des ormes. On a beau le parcourir trois fois dans chaque sens, pas mèche de lier un brin de causerie avec quiconque.

On finit par rentrer en silence, dans le petit appartement de la rue Saint-Éloi, un peu triste et des auréoles de transpiration sous les bras. En se disant qu'on aurait mieux fait de lancer une belote avec Auguste et sa femme, en sirotant la mirabelle de tante Suzanne.

Et c'est encore le gamin qui prend, parce qu'il a sali son costume en allant faire le con au bac à sable avec le petit des Michaud, bien qu'on le lui ait interdit cent fois - René, ce gosse me rendra folle.

Buffet copulatoire

Au chapitre IV du chef-d'oeuvre en gestation, Boris Corentin et Géraldine Hébert dînent chez Jeanne et Louis, un restaurant pour échangistes du 14ème arrondissement : une première, pour la jeune femme...


Le dîner avait été tout à fait honorable et le Chablis premier cru choisi par Corentin avec l’accord de Géraldine hautement buvable – ce qui était toujours ça.

Ils en étaient à finir leur café. Deux des trois tables avaient déjà été désertées par leurs occupants – celle de quatre et celle des « vieux routiers », disparus pratiquement en même temps dans les profondeurs mystérieuses du sous-sol, d’où parvenaient à présent les échos d’une musique lente et sensuelle, une musique « à slows »…

Il ne restait donc plus, en haut, que l’autre couple, installé près de l’entrée, et Louis de Castellas, derrière le bar, occupé à écrire dans un grand cahier à spirales.

Dès le milieu de leur repas, ils avaient commencé à voir arriver d’autres couples, qui filaient directement au sous-sol. Boris Corentin estimait qu’il devait désormais y avoir une bonne vingtaine de personnes, en bas. Il se pencha vers Géraldine et lui dit à voix basse :

- Je propose qu’on attende que les deux derniers soient descendus, puis on attaque Castellas. Ça te va ?

Géraldine eut un étrange petit sourire, mi espiègle, mi-gêné. Elle rosit légèrement et répondit sur le même ton :

- Tu sais quoi, Grand chef ? Tant qu’à faire d’être ici, j’aimerais bien aller jeter un coup d’œil en bas…

- Vicieuse ! la charria Boris.

- Eh ! oh ! l'autre : n’importe quoi ! Je fais partie de la Brigade mondaine, donc j’étudie le terrain : c’est normal, non ? Tu ne vas tout de même pas me reprocher ma conscience professionnelle, maintenant ?

- Loin de moi cette pensée ! répondit Corentin, la main sur le cœur. Tu veux que je t’accompagne, je présume ?

- Non, non, c’est pas la peine, je suis une grande fille maintenant, tu sais ! Et puis, entre nous, je ne crois pas que j’y resterai très longtemps…

- Bon, dans ce cas, je t’attends ici : moi, je connais par coeur... Commande-moi un petit Armagnac en passant devant le comptoir, histoire de justifier que je m’attarde un peu en haut. Et puis, garde un œil sur l’escalier : quand tu verras nos amis, là, débouler en bas, ça voudra dire que tu dois remonter pour entreprendre le patron avec moi, d’accord ?

- Ça joue, Grand chef ! De ton côté, si tu m’entends hurler, c’est qu’un satyre en rut est en train d’essayer de me violer, et tu rappliques comme Superman, OK ?

- On ne viole jamais, dans ce genre d’endroits, lui répondit doctement Corentin. On y est même, en général, beaucoup plus courtois que dans la vie de tous les jours.

- Ce doit être le fait d’avoir la queue à l’air : ça civilise toujours plus ou moins, forcément, philosopha Géraldine, avant de s’éloigner en direction du bar.

Elle avait parfois de ces idées un peu déconcertantes…

samedi 12 janvier 2008

La cave se rebiffe

Hier soir, ainsi que j'ai omis de vous le narrer, nous fîmes, l'Irremplaçable et moi, une entorse à notre abstinence - sur mon initiative, ainsi qu'il était hautement prévisible, et sous couvert d'inaugurer une cave à vins de Pacy-sur-Eure où oncques ne mîmes les pieds. J'y découvrai un petit, bedonnant, accort et moustachu Français de souche (plutôt de cep, en l'occurrence). À l'issue de notre aimable entretien, nous nous quittâmes fort satisfaits l'un de l'autre, moi lesté de deux bouteilles de Chablis premier cru et d'une bouteille de bon champagne dont la marque m'échappe, ayant de tout temps eu peu de goût pour ces boissons pétillantes que le monde entier nous envie.

La première partie de soirée (le prime time, pour mes jeunes lecteurs, s'il en est) se passa gentiment, chacun éclusant son breuvage favori, en écoutant paresseusement Shirley Horn - une négresse idéale pour l'apéro, je me permets de vous la recommander, dites que vous venez de ma part. L'Irremplaçable commit cependant l'erreur de laisser un petit tiers de vin à bulles dans la bouteille - chausse-trape naïve dans laquelle, de mon côté, je me gardai de tomber.

Le dégazage étant ce qu'il est, il fallut bien se résoudre, ce soir, à ce qu'elle sifflât le reliquat, sous peine de le voir tourner vieille urine d'ici peu. Or, l'ivrognerie dans les pays vieux-chrétiens impliquant la convivialité, je me sentis obligation, à fins d'accompagnement, de déboucher pour mon usage personnel le seul flacon qui me demeurât sous la main : un Muscadet "Sèvres et Maine" relativement ordinaire, mais que sa complète solitude parait de toutes les vertus bachiques.

Et c'est durant cet intermède gouleyant - tandis que s'achevait, dans le mitan du four, le risotto aux cèpes et aux crevettes que nous dégustâmes juste ensuite - que l'idée germa (non, non, pas dans ma tête : dans l'autre...) d'aller, le mois prochain, passer deux jours à Bruges. À l'heure où nous parlons, l'Irremplaçable doit être en train de pianoter fiévreusement sur son MacBook pour nous trouver le meilleur hôtel de la "Venise du nord", comme disent ces noix vomiques de voyagistes - je m'occuperai des restaurants moi-même, ainsi qu'il est coutume.

Je conclurai en précisant que, fort des libations d'hier, je me crus autorisé à ne rien foutre aujourd'hui, et que, conséquemment, ce n'est pas demain que Blandine sera débarrassée de ses fauves - comprenne qui pourra, mon cher Henri.

Moi aussi, je pourrais avoir un châtiau (si je voudrais) !

Voilà, enfin ! J'ai trouvé l'endroit où je désire finir mes jours ! Un charmant manoir des XVI et XVIIe siècles, entouré par huit hectares de terres, dans l'Orne. Deux corps de bâtiment en angle droit, unis par une tour carrée, trois cents mètres carrés habitables, avec des dépendances, un pigeonnier, une ancienne maison, des étables : tout ce qu'il faut, quoi.

Le point sombre, c'est le prix : 810 000 €, c'est un peu cher, à la limite du déraisonnable. Mais si je parviens, au terme d'une habile négociation, à le faire baisser jusqu'à 200 000 €, ma parole d'honneur que je l'achète !

jeudi 10 janvier 2008

Virez-moi ce monstre !

Grâce soit rendue à Steven Spielberg et à sa Guerre des mondes, qu'un destin farceur nous a poussés à regarder, hier soir, à la télévision, l'Irremplaçable et moi. Nous savons désormais avec une rassurante certitude à quoi correspond le degré zéro du cinéma : à ça. Précisément, aveuglément, irréfutablement (les réfuteurs éventuels sont aimablement priés de quitter la salle).

Le scénario ? Un projet de brouillon de synopsis. Même pas : un intitulé. "Les extraterrestres débarquent, ils tuent les humains qui cherchent à s'enfuir. Quand il est l'heure d'aller se coucher, les méchants se chopent la grippe (ou la courante ou la vérole, on s'en fout) et ils meurent tous." Voilà. Ne cherchez pas, il n'y a rien d'autre.

Comment organiser ce néant ? En le découpant en tranches égales : quinze minutes de feu d'artifices, trois de pleurnicheries, quinze minute de... and so on, ad nauseam (ceci est une critique multilingue).

Des personnages ? Pour quoi faire ? Des héros ? Et puis quoi encore ? Vous avez Tom Cruise qui court, ça ne vous suffit pas ? Vous ne voudriez pas qu'il agisse, en plus ! D'abord, il est déjà assez emmerdé comme ça. Pas à cause des blattes sur échasses qui font éclater le bitume, oh non ! Son ennui majeur, à Tom, c'est l'horrible petite chose blonde et frisée, qui passe un tiers du film à pousser des hurlements hystériques suraigus - à vous donner envie envie de grimper dare-dare à bord du premier vaisseau ennemi en vue - et les deux autres tiers à pleurnicher qu'elle veut sa maman. Alors même que grand-papa Steven fait tout pour la distraire avec ses maquettes pâlement imitées d'Alien et ses pétards en son dolby.

Le spectateur (je dis "le" car, à ce stade, après une heure de film, l'Irremplaçable était déjà partie lire au lit) est saisi d'une violente bouffée d'espoir lorsque l'atroce petite chose femelle se fait embarquer par les blattes (tout en se disant que s'ils ont pour deux maravédis galactiques de bon sens, ils vont la recracher illico, ces malheureux). On se prend à rêver qu'ils l'embarquent définitivement pour leur planète forcément lointaine et la mettent à l'abattage dans un clandé pour voyageurs solitaires des étoiles. Qu'ils en fassent une sorte de bételgueuse, si on veut. Bref, là, le film pourrait commencer à devenir aimable...

Point ! Tom Pouce, qui n'en a pas branlé une depuis le début et ne fera plus rien après, le voilà qui s'offre cinq minutes d'action, à seule fin de ramener le monstre à l'écran (la mini-blondasse, pas la blatte).

Pendant ce temps, le scénariste a fourni un mot d'excuse signé par sa mère pour justifier son absence prolongée, heureusement pour lui. Il devait néanmoins être là au tout début, puisque, dans les premières minutes, on nous montre Tommy en conducteur de grue (crédible comme moi en adolescent dans Mort à Venise) et passionné par les moteurs en tous genres. On se dit naïvement que tout cela va resservir ensuite, lorsqu'il va s'agir de se retrousser les manches, de se grouiller le poil des jambes et de se friter avec les blattes. Nenni ! On a déjà été privé de bételgueuse, on n'aura pas la grue non plus.

Au bout de deux petites (mais longues) heures, grand-papa Steven regarde sa montre, voit que c'est l'heure de la cantine et dit : "That's all, guys !" Dociles, les blattes avalent un truc plusieurs fois recongelé, chopent la salmonellose, deviennent toutes grises, toutes sèches et défuntent bravement, sans faire de chichis.

Tom se magne le tronc pour rapatrier Boston et rendre le seul monstre survivant à sa mère, laquelle, pas dégoûtée, est déjà enceinte d'un autre (m'est avis que c'est dans l'optique d'une suite...). Puis, soulagé, il s'aperçoit qu'il crève une dalle à en bouffer la Petite Ourse et se dépêche de la jouer cassos.

Parce que, héros comme il est, il sait bien que, la cantine, si t'arrives pas dans les premiers, tu peux te brosser pour qu'il reste des rillettes et de la tarte aux myrtilles.


Rajout de 20 h 39 : si, pour changer, vous avez envie de lire une critique brillante (mais moins drôle, je trouve...) de ce film, et disant qui plus est radicalement l'inverse de ce qui est balbutié ci-dessus, vous êtes cordialement invités à vous rendre ici...

Maison close

Décidément, on ne peut jamais être tranquille chez soi, et les paparazzis ne reculent devant rien, allant même jusqu'à louer un hélicoptère pour venir traquer le futur écrivain en bâtiment jusque dans la modeste demeure parentale, et néanmoins solognote, où, chaque week-end, il vient se remettre des excès de sa semaine parisienne et essentiellement nocturne !

Cette maison, Christiane et Daniel l'ont fait construire en 1975. Ils y ont vécu jusqu'à leur départ pour - ou plutôt leur retour vers, au moins en ce qui concerne ma mère - les Ardennes, en 1993, mais je ne suis plus absolument certain de la date. Je n'y ai vécu qu'un peu plus d'un an, puisque, en octobre 1976, je suis parti en exil à Paris, comme le grand garçon que j'étais loin d'être.

Mais, jusqu'en 1990, date de mes retrouvailles avec l'Irremplaçable, j'y suis revenu quasiment tous les week-ends, sauf lorsque je pouvais jouir de quelque bonne fortune féminine - quasiment tous les week-ends, donc.

Ma chambre est à l'étage, au-dessus de la porte-fenêtre du salon. En plus du "chien assis", il y a une autre fenêtre, donnant sur l'allée descendant vers le garage, à l'extrême gauche, et sur les sapins et la mousse du terrain voisin, toujours resté en friches, par bonheur. J'y suis peut-être, en ce moment même, allongé sur mon lit d'adolescent (une place, donc), en train de "lire à poings fermés", comme dit mon père pour se foutre de ma gueule, lorsque je remonte avec un livre, juste après le déjeuner dominical.

Puisqu'on ne l'aperçoit pas dans le jardin, lui doit être dans l'atelier du sous-sol, avec le chien. Quant à ma mère, elle range, lave, essuie, repasse, astique, récure - puis recommence. En fait, en regardant mieux la photo, il y a cet écran de fumée bleue, à droite, qui semblerait indiquer que mon père est occupé à brûler des branches. Oui, il doit être là, caché par les arbres dont ma mère a obtenu qu'il ne les abatte pas impitoyablement : en ces temps de sa jeunesse, Daniel était un vrai Attila pour les sapins, et la Sologne manquait cruellement de Champs catalauniques.

Ai-je le regret de cette maison ? Non, il me semble. La nostalgie de l'âge que j'avais lorsque j'y arrivais, le vendredi soir ou le samedi midi, mon sac de linge sale à la main, et que la voiture rouge m'attendant devant la gare de La Ferté-Saint-Aubin m'était, chaque fois, un tableau de grand apaisement ? Pas davantage.

La jeunesse terminée de mes parents, restée coincée dans ce décor, m'est sans doute déjà plus douloureuse, tout au moins sensible. Ils ont vécu ici de 43 à 60 ans, soit la période de l'existence que je traverse moi-même actuellement - campé d'ailleurs à l'exact milieu du gué, dont les brusques trous d'eau restent à craindre.

Je suis repassé une fois devant cette maison, depuis, à l'occasion d'une filée vers le sud. Je m'y suis même arrêté, deux ou trois minutes, accoudé au portail de bois, afin de l'interroger du regard et des narines.

Elle ne m'a rien dit.

mercredi 9 janvier 2008

Blandine et ses fauves (mise en bouche)

- Grand chef ! Viens voir ça… fit soudain Géraldine, dans le dos des deux hommes.

Boris Corentin se hâta de la rejoindre, près du petit bureau de palissandre devant lequel elle se trouvait. Elle tenait un agenda de cuir fauve ouvert à la main.

- J’ai trouvé ça dans le premier tiroir de la commode, là-bas, près du vélo d’appartement. Entre parenthèses, tu as vu le truc de ouf ? M’est avis qu’elle devait être plutôt chaude du réchaud, la Coralie !

Visiblement, ou plutôt auditivement, à en juger d’après son vocabulaire « fleuri », Géraldine devait s’être déjà remise du choc que lui avait asséné la vue du cadavre défiguré, avec le tisonnier jaillissant d’entre ses cuisses…

Boris Corentin ouvrit de grands yeux ronds en découvrant l’énorme godmichet noir fixé verticalement sur la selle de l’appareil.

- En plus, ajouta la jeune femme, sur un ton tout à fait naturel, si elle s’enquillait ce truc-là dans la moniche, disons : une demi-heure par jour, elle devait être plutôt spacieuse du centre d’accueil !

Oui, décidément, Géraldine Hébert semblait complètement remise…

Internet à 12°5

Pour commencer gaiement la journée, une petite vidéo dénichée par M. Boris Joyce, et qu'on peut regarder ici. Gouleyant...

mardi 8 janvier 2008

La couleur des mots

IRREMPE (rentrant de son cours d'alphabétisation) : - J'ai eu du mal, c'était un Africain qui ne parlait que le noir.

En raison du caractère pénible voire choquant de certaines images, il est conseillé d'éloigner momentanément les enfants de votre ordinateur

Je sais bien qu'après vous avoir habitués à Scarlett Johansson ou Neve Campbell, la solution de continuité iconographique est rude, voire cruelle - mais je la crois nécessaire. L'espèce de Bouddha fedayinisé qui se pavane ci-dessus et dont la mine patibulaire contredit violemment la position papelarde des mains, se trouve dos à sa maison de Beaulieu-sur-Loire (Loiret) et face au jardin y attenant. Nous sommes en 1993, peut-être 94 (je vois ça à la taille modeste du rosier, futur grimpant, et à l'absence d'arbustes destinés à masquer la cuve à gaz). La maison sera vendue sur un coup de tête absurde, à l'été 1996 : le barbudo et son Irremplaçable regagneront alors la Capitale, après un détour de trois mois par les Ardennes, d'une absurdité encore plus flagrante...Nous retrouvons notre sympathique et néanmoins obèse héros en 1997, dans le salon de la maison que l'Irremplaçable et lui louent à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Elle (la maison) fait partie d'une "enclave pavillonnaire" occupée majoritairement par des juifs sépharades aisés, au sein d'une commune peuplée essentiellement d'Arabes pauvres - c'est dire si on dort tranquille.

Pour l'Écrivain en bâtiment, c'est une période d'activité culminante. Travaillant à plein temps au journal, avec fonction - sinon titre - de rédacteur en chef adjoint, il écrit en plus quatre Brigade mondaine l'an et vient de lancer une nouvelle collection appelée L'Empire des sectes - et appelée également à disparaître -, dont il doit (et a commencé de) produire cinq titres annuels. On comprend, dès lors, qu'il boive comme quatre et se soit mis au cigare.

Le 31 décembre de cette même année, le polygraphe compulsif démissionnera du journal, prendra l'Irremplaçable sous son bras pour se retirer dans l'Orne, comme il a déjà été dit par ailleurs, avant de se faire réembaucher trois ans plus tard, avec une cohérence sans faille et un sens du Destin qui force l'admiration.

Le seul véritable élément de satisfaction, pour ne pas dire de fierté, qu'éprouve l'impétrant en redécouvrant cette seconde photo est que, depuis qu'elle a été prise, il a perdu une douzaine de kilos. Ce qui n'a pas fait de tort.

lundi 7 janvier 2008

Y a pas que d'la pomme...

Ayant revu, pour la dixième fois au moins, Les Tontons flingueurs, hier soir, à la télévision, il me semble que c'est l'occasion ou jamais de vous refourguer le petit pastiche audiardo-camusien auquel je m'étais livré, il y a quelques mois, sur le défunt blog. Après tout, en période d'abstinence, un petit pastiche n'est jamais à dédaigner.


mardi 29 mai 2007


Les Tontons églogueurs


La scène se passe dans une grande bâtisse de la région parisienne, entourée d’un parc clos de murs. Bernard, Lino, Jean et Francis, rentrant assez tard dans la soirée, ont la désagréable surprise de constater que la jeune fille de la maison a invité une bonne cinquantaine d’amis. Ils occupent toues les pièces, où ont lieu différentes lectures à haute voix, d’auteurs justement célèbres : Marc Lévy, Paulo Coelho, Philippe Sollers, etc. Écoeurés, nos quatre compères sont contraints de se réfugier dans la cuisine. Là, Francis, le comptable du groupe, ouvre sa mallette : elle est pleine de livres de Renaud Camus. À ce moment, entre Robert, le majordome anglomane. Il jette un coup d’œil au contenu de la mallette.

Robert : Ah ! on a ressorti le vitriol ? Ça va rajeunir personne… (il explique aux autres :) Ça remonte à l’époque de Barthes et Ricardou. On a dû arrêter la fabrication : y a des lecteurs qui devenaient fous, ça faisait désordre…

(Pendant ce temps, Francis distribue à chacun un exemplaire de L’Amour l’Automne.)

Lino (feuilletant rapidement le volume) : Il a pourtant l’air honnête, comme ça, à première vue…

Bernard (l’air hébété, après avoir lu quelques pages) : Y a pas à dire, c’est du brutal !

Lino : J’ai connu une certaine Madame de Véhesse qui en lisait au petit-déjeuner, alors… (Il lit à son tour, pâlit brusquement) Faut reconnaître que c’est plutôt une lecture de normalien…

Jean (après avoir lu également) : J’y trouve comme des relents de référents intertextuels…

Robert : Y en a.

Bernard (le sourire de plus en plus flottant, s’adressant à Lino) : Tu sais c’que ça m’rappelle ? Ces petites choses qu’on lisait vers les années 75 – 76, dans une taule de la rue du Bac. Comment ça s’appelait déjà ?...

Lino : Échange. Ça s’appelait Échange !

Bernard : T’as connu ? Tu l'as lu ?

Lino (l’air indigné) : Si j’ai lu Échange ? Il m’demande si j’ai lu Échange !

(Entre une jeune fille. Elle avise la mallette et avance la main en direction de son contenu.)

La fille : C’est quoi ces bouquins ? Je peux voir ?

Francis (refermant brutalement la mallette et hurlant) : Touche pas aux Églogues, salope !!!

Jean (bredouillant, les yeux presque complètement fermés) : Vous aurez beau dire, y a pas que des référents intertextuels, là-dedans…


Ils lisent tous encore quelques pages, avant de s’écrouler en avant, le nez dans la sixième églogue.

dimanche 6 janvier 2008

Saint Florent le veille

Je me permets de vous signaler, sur le blog d'Ygor Yanka, un beau texte consacré à Julien Gracq, par lequel il rejoint ce que j'aurais souhaité plus ou moins en dire moi-même. Mais il le fait infiniment mieux que je n'aurais su. Donc, je ne vois pas pourquoi je me fatiguerais....

samedi 5 janvier 2008

Mouvements browniens

Sur les récents et enflammés conseils de Manue et Tang, j'ai fait l'acquisition de deux romans de Fredric Brown, auteur de science-fiction des années cinquante et soixante. J'ai lu aujourd'hui Martiens, go home ! et j'ai commencé Univers en folie. J'ai trouvé le premier très plaisant, drôle, certes, mais je suis loin de partager l'enthousiasme des deux thuriféraires déjà nommés.

En fait, je trouve toujours, ou presque toujours, le même défaut aux romans de SF, dans les périodes où je m'y replonge, et c'est une sorte de "déficit littéraire", un souci d'efficacité mis au service de l'histoire, de l'intrigue, et rien qu'au sien. Il me semble que c'est une faiblesse à laquelle les écrivains fantastiques échappent plus facilement, ou en tout cas plus souvent.

Et je maintiens, quitte à froisser M. Tang, que Je suis une légende, de Matheson, ressortit bien, pour moi, au genre fantastique et certainement pas à la science-fiction...

Ite missa est

À Élise Pellerin



Épiscopape : évêque promu.

Icaristie : communion en plein vol.

Rôti dévot : collation monastique.

Cathéchumânes : ancêtres mythiques s'apprêtant à recevoir le baptême.

Nihil obstrates : Millefeuilles de tolérance religieuse.

HypoStasi : Sainte Trinité d'Allemagne de l'Est.

Archiprote : imprimeur de livres de messe.

Cardénal : dignitaire religieux aux sermons soporifiques.

Tabernacre : coffret à bijoux fabriqué à base de coquilles d'huîtres, par les enfants au moment de la Fête des mères.

vendredi 4 janvier 2008

Extra-sec

Bon, là, je voulais vous faire un petit message, mais je n'ai rien trouvé d'intéressant à raconter. Je me suis dit en moi-même (je suis du genre bavard, en moi-même) : qu'à cela ne tienne, faisons un petit message con, comme souvent.

Eh bien, même con, j'ai pas trouvé...

C'est con.

Descendez, on vous demande

Du plus lointain de ma mémoire, j'ai toujours débandé très facilement. Au temps de notre oisive jeunesse, je me souviens des regards d'envie que mes amis lançaient dans ma direction, eux qui, malgré tous leurs efforts, pouvaient rester des heures affublés de ce grotesque piton charnu pointé vers on ne savait quoi. Cependant que, moi, avec un minimum de concentration, je parvenais en quelque seconde à retrouver une superbe et irréprochable flaccidité.

J'avais beau leur expliquer que tout cela n'était qu'affaire de volonté, d'opiniâtreté et de travail sur soi, rien n'y faisait : ils demeuraient obstinément turgides.

Il convient toutefois de noter que cette amusante particularité, qui me valait la considération de la gent masculine, faisait beaucoup moins rire les quelques demoiselles qui, par suite d'un grave désordre cérébral, acceptaient de partager ma couche durant un temps plus ou moins long. Je ne sais pourquoi, on aurait dit qu'elles en faisaient une affaire personnelle, ce qui m'a toujours semblé étrange. Un certain manque d'humour, peut-être ? Je n'ai jamais pu acquérir aucune certitude à ce sujet.

jeudi 3 janvier 2008

Menus propos

Eh bien ! là, mon bon, j'en aurais des choses à te raconter, si jamais je pensais que ça pourrait t'intéresser le moindre ; soulever d'un millimètre l'une de tes paupières creuses. Mais forcément, non. Moi-même, enveloppé de chair comme tu me sais, et obligé de respirer treize fois par minute, pour cause d'existence prolongée, je ne parviens pas à me passionner pour ce qui m'arrive.

Du reste, autant admettre qu'il ne m'arrive rien. Des histoires de travail, tu imagines ? Oui, je sais : toi vivant, on parlait parfois de ce genre de choses sans intérêt ni importance, à la Tour d'Argent de la Bastille ou ailleurs. Mais maintenant ? Dans ton Grand Nord imaginaire ? Mes histoires de... de quoi ? Salaire ? Conditions de ? Que sais-tu encore de tout cela ? Et moi ? Qu'est-ce que je peux bien en avoir à foutre ?

Je fais semblant. Pour les autres. Les filles : Anne, Bénédicte, Nathalie, Véronique. Mais, en réalité, je m'en contre-pigole furieusement. Je serais très bien capable de travailler trois fois plus pour gagner la même chose : quelle importance ? Qu'aurais-je à t'offrir de plus, de toute façon ? Qu'irais-je déposer sur ce marbre qui n'en est pas ? Que déposer devant toi, qui pourrait te sortir de ton mutisme buté ?

Tu vois bien : tout cela ne sert à rien.

Emma est Louise

Parfois, sur l'autoroute, passant à hauteur de cette hideuse réserve qu'est devenue la désormais très mal nommée Mantes-la-Jolie, je pense au charmant petit bourg que cela devait être, dans les années 1850 - 1856, lorsque se retrouvaient, à l'auberge de la place de l'église, Gustave Flaubert venant de Rouen et Louise Colet arrivant de Paris...

mercredi 2 janvier 2008

Sans parole, sans musique, sans rien

Ce soir, mon bel ami, c'est à toi que j'ai envie de parler. Il y avait longtemps ? Oui, je sais : tu as lieu de te plaindre, je délaisse ta tombe. Mais tu ne te plains pas, ce n'est pas tellement ton genre. Du reste, quand on se permet de mourir à des âges indignes (sans rhumatismes, désillusions, desérections, de quoi pourrait-on venir se plaindre ? Et auprès de qui, Grand Dieu ? Ou alors, lui, justement, mais ce sont des choses qui dépassent un peu les vivants que nous persistons à demeurer. Bref...), a-t-on vraiment le droit de la ramener ?

Parole, donc, comme on dit au poker, paraît-il. Tiens, je ne sais même plus pourquoi je t'ai dérangé, il y a trois minutes. Toi, oui ? C'est possible. Envie de savoir ce que tu peux penser de la journée vécue par Catherine ? Probable. Tu pourras toujours me dire que les morts n'ont pas de retrouvailles, jamais : je continuerai à avoir du mal à y croire - c'est ainsi. Même si c'est vrai, tu dois bien comprendre ce que j'essaie de dire ; en cet instant, je vois ton visage et ton regard : je dois être un des derniers, et ça n'ira pas en s'arrangeant. Quand nous ne serons plus qu'une poignée, nous essaierons de filer vers le septentrion, comme dans le merveilleux roman de Jean Raspail que je suis en train de lire.

Et, comme chaque fois que je lis un livre qui m'emporte vraiment, il m'emporte vers toi, mais surtout celui-là. Car si tu es quelque part, c'est certainement au nord, probablement au nord. Où personne ne se hasarde, sauf motif grave. Le sud est grouillant et chaud, surpeuplé de peaux nues, de rires et d'ardeurs : il ne nous concerne plus, ni toi, ni moi.

Le nord - le froid - le blanc désert - tout le reste, indicible. Ta statue, peut-être.

mardi 1 janvier 2008

Ça commence très fort

L'année démarre sur les chapeaux de roue, sur le plan du déficit financier au moins. Je viens, d'un seul "clic" résolu, pour ne pas dire viril, voire martial, de me commander un iPod "nano" et une enceinte "sounddock" Bose destinée à recevoir le nano précité, quand ce dernier ne sera pas dans ma poche. Vais-je avoir l'utilité de ces deux objets ? Ce n'est même pas certain.

(Sans compter qu'hier soir, entre deux oeufs de caille en gelée, l'Irremplaçable et moi avons décidé de faire l'emplette d'un studio à Levallois ou dans les environs immédiats.)

Attention à la marche !

Si je m'écoutais, je balancerais volontiers par-dessus bord toutes les traditions qui encombrent cette période de l'année - toutes sauf une : la retransmission du concert du Nouvel An, au Musikverein de Vienne. Depuis 1961, année d'achat du premier poste de télévision familial, je n'ai pas dû en manquer plus de sept ou huit, essentiellement dans cet âge misérable qu'on appelle l'adolescence, où ce putain de Danube bleu devait me sembler trop contre-révolutionnaire pour être écouté.

Du reste, je n'aime pas beaucoup les valses viennoises, et même presque pas du tout : il ne me viendrait pas à l'idée d'en écouter entre le 2 janvier et le 31 décembre. Non, ce que j'aime, c'est juste le concert du 1er janvier, qui vient là pour nous signifier que, oui, cette fois, ça y est : l'année a réellement commencé.

Et elle commence par un irritant dégât collatéral : la Marche de Radetsky, qui va, cette année comme toutes les autres, me traîner dans la tête durant une bonne semaine et que je vais chantonner à tout propos, tel un enfant idiot. D'ailleurs, je sens que ça commence déjà...

Popopom ! popopom ! popopom pom pom !

Même pas la peine d'essayer de lutter, ça ne sert à rien, c'est ce qui est terrible !

Popopom ! popopom...