– Puis-je rappeler respectueusement, monsieur le Premier, que le Président s'est engagé à proscrire toute augmentation d'impôt durant toute la durée de son règne ?
– Et nous avons tenu parole, Dupont, et nous continuerons à tenir parole… Nous avons juste créé quelques contributions de solidarité citoyenne…
– Treize depuis deux mois, précisa Bleuet.
– Mais elles rentrent de plus en plus mal, il faut vérifier, réclamer, envoyer des huissiers, des gendarmes, saisir des chaises, des matelas, les faire vendre par les Domaines, tout ça, ça coûte, et puis, on commence à être à court d'inspiration, la contribution environnementale sur les ronces et orties dans les jardins, il a fallu se creuser…
– Si tu ne peux plus inventer, réinvente, lança Crambouis, on peut taxer les pianos, les portes et fenêtres, les chiens, remettre en vigueur la gabelle…
– Tu y es presque, le Delormeau, il a trouvé le moyen d'être tranquille, et pour un bout de temps…
Dupont :
– Ne nous faites pas languir, Monsieur le Premier…
– La ferme !
– Monsieur le Premier !!
– Ne soyez pas susceptible, Dupont, ce n'est pas à vous que je m'adressais…
« La ferme… le fermage… Compris Mesdames Messieurs ?
« Nous allons affermer les contributions, les anciennes et les futures.
« Et c'est réglé.
« J'ai dégotté un Coréen, monsieur Kim, il nous verse dix milliards par semaine, il se charge de lever les contributions, et s'il encaisse plus qu'il ne nous donne, le gras est pour lui.
« Chouette, non ? On a les sous, pas d'enquiquinements, pas de frais de gestion, un sauveur, le clébard jaune…
« Y a juste un point dans le projet de protocole, je dois vous le dire, on autorise le Kim à ajuster l'assiette des contributions selon ses besoins, et à utiliser ses propres hommes pour le recouvrement, si ça renâcle. Mais on les aura assermentés, et c'est à nous qu'ils achèteront leurs armes, c'est écrit dans le contrat.
« Et ce contrat, on peut le signer sous huitaine, monsieur Kim vient à Paris, on lui a déjà retenu un étage du Crillon, il y a juste deux ou trois lois à faire voter avant…
« C'est quel jour déjà qu'il n'y a pas les télés à la Chambre ? Mardi ?
« Parfait, donc mardi, tu t'y pointes Bleuet, il y aura juste une demi-douzaine de gus en séance, et comme on aura rien annoncé, pas d'opposition, tu fais voter tes trucs vite fait, et voilà, avenir radieux devant nous.
« Bon, je résume tout…
Michel Desgranges, Une femme d'État, Les Belles Lettres, 2011, pp. 22 – 24.
Punaise! Ca c'est ce qui s'appelle un roman d'anticipation.
RépondreSupprimerDe courte anticipation !
SupprimerOui, c'est ça. Sauf que le Coréen s'est fait souffler le marché par un qatari qui margera plus, n'ayant pas à importer ses agents de recouvrement ; il embauchera sur place.
RépondreSupprimerOn ne se méfie jamais assez des extrême-Asiatiques…
Supprimer(D'ailleurs, il y a “extrême” dans le nom : c'est bien la preuve qu'ils sont très méchants, non ?)
Du coup, ça règlera aussi l'emploi des jeûunes sans pomper sur le budget des emplois d'avenir ; ce sera tout bénef'
RépondreSupprimerVous vouliez sans doute parler des jeunes-à-guillemets ?
SupprimerPfff... Sûrement le roman d'un iconoclaste réactionnaire...
RépondreSupprimerBelle photo. Il est où Claus von Stauffenberg ?
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