samedi 23 novembre 2019

Les pompiers au poteau !


Nous venons de nous fendre de dix euros pour acquérir, comme chaque année, le calendrier vendu par les sapeurs-pompiers de Pacy, brigade que le monde entier nous jalouse. Ou plutôt : nous jalousait jusqu'à présent. À la deuxième page, en regard du mois de février, nous sont présentés les portraits de l'officier chef de centre et de ses dix-neuf sous-officiers. À la suivante, celle de Mars, on peut découvrir, dix-neuf aussi, les hommes de rang. C'est là que mon sang égalitaire s'est figé.

Parmi ces hommes de rang se trouvent quatre femmes. Quatre malheureuses tenues sans doute pour des sous-créatures, donc, puisque leur sont cyniquement déniés sexe, genre, identité profonde, et autres babioles y afférentes. Une telle humiliation est-elle encore admissible, ou même seulement concevable, en 2019, voire en 2020 puisque telle est la date qui s'affiche en ouverture de l'infâme opuscule ?

Évidemment non ! Lorsqu'on traite une femme d'homme de rang, ce sont toutes les femmes qui souffrent dans leur chair. C'est une sorte de viol universel, encore plus cynique qu'un viol classique puisque les tenants de l'ordre patriarcal qui le leur ont imposé savent très bien qu'il ne laissera aucune trace visible et qu'eux-mêmes pourront continuer, hilares, à faire pimpon dans leurs gros camions rouges – rouges comme le sang de ces vierges pures dont ils ont froidement sacrifié la féminitude, les ravalant d'un coup de vocabulaire au rang de personnes en situation d'esclavage.

C'est pourquoi, je compte dès lundi monter une assoce destinée à arrondir ma modeste retraite rendre à ces martyres crucifiées dignité et fierté, en exigeant que “femmes de rang” elles deviennent illico. Dans la foulée, si la subvention départementale que nous ne manquerons pas de percevoir est suffisamment importante, mes troupes citoyennes et moi-même demanderont aux autorités lexicales que soit officiellement créé et enregistré le terme de “sapeure-pompière”, pour désigner désormais ces héroïques combattantes du feu. 

Je précise que nous n'attendrons pas l'année prochaine pour que ces mesures vitales soient prises : c'est dès maintenant qu'il convient de procéder à un nouveau tirage du calendrier 2020. Quant aux exemplaires déjà distribués de l'ignoble version première, notre association se chargera de les collecter, porte à porte, rue par rue, avant de les anéantir en un grand auto-da-fé.

Auto-da-fé que ces andouilles d'hommes de rang n'ont pas intérêt à venir éteindre.

jeudi 21 novembre 2019

T'as voulu voir Vesoul…


J'adore l'histoire de cette vieille religieuse (résumée ici) qui, à Vesoul, s'est vu refuser la place qu'elle sollicitait dans une maison de retraite, au prétexte qu'elle ne voulait pas ôter les habit et voile religieux de son ordre pour y entrer. C'est qu'on ne plaisante pas avec l'intégrisme, à Vesoul ! Et c'est bien vrai qu'elle doit triompher sans partage, notre très-sainte laïcité. Éradiquons les signes religieux partout où on pourra les dénicher ! 

D'ailleurs, j'y songe brusquement : il me semble bien que la majorité des églises de France sont propriétés civiles, étatiques, départementales, communales, etc. Par conséquent, qu'attend-on pour en bannir les crucifix qui s'y dressent, décrocher les chemins de croix de leurs murs, transformer leurs statues en épouvantails à moineaux dans des champs alternatifs garantis sans glyphosate ? Il ne s'agirait pas de choquer nos concitoyens à-sensibilité-différente, si par hasard il leur prenait fantaisie de venir traîner leurs babouches entre chœur et narthex, n'est-ce pas ? 

J'aimerais bien le connaître, le directeur (la directrice ?) de cet impeccable mouroir franc-comtois. Ou, à défaut,  pouvoir, une minute ou deux, simplement, en silence, contempler sa gueule.

lundi 18 novembre 2019

Les scandaleux propos de Monsieur Paul


« Ce qu'il faut dire, c'est que c'est une chimère de vouloir offrir au public d'autres œuvres que celles qu'il aime et de croire qu'il saura les apprécier. L'éducation artistique du public ? l'art pour le peuple ? tout ce qu'on a rêvé dans ce sens ? Autant entreprendre de rendre intelligents et sensibles les gens qui ne le sont pas. Vous n'empêcherez jamais que certaines gens se plaisent mieux au café-concert qu'à une pièce d'Ibsen et entendent mieux les polissonneries de certains vaudevilles que la passion de Racine ou l'esprit de Beaumarchais. C'est même ce qui fait la valeur des pièces d'Ibsen, la beauté de Racine et l'esprit de Beaumarchais de n'être pas entendus d'eux. Je suis gêné d'exprimer de tels lieux communs. J'ajouterai que tout est bien ainsi. J'ai horreur des rustres qui font des grâces et j'aime mieux un brave imbécile qui se satisfait de choses à sa mesure que le même faisant l'entendu à d'autres qui l'ennuient en secret. Qu'on laisse l'art tranquille. Notre époque n'a déjà abaissé que trop de choses. Qu'on ne se mêle pas d'enseigner ce qui ne s'enseigne pas, ce qui est don, sens, aspiration, compréhension naturels et, malgré tout ce qu'on peut dire de contraire, l'apanage d'une élite. Les choses à apprendre au peuple ne manquent pas, auxquelles il est d'ailleurs aussi rétif. […] Depuis le temps que la plaisanterie dure, avec le théâtre pour le peuple, les musées du soir et l'art pour tous, les gens qui y ont cru devraient en être revenus. »

Ce qui précède est extrait par moi d'une chronique théâtrale de Maurice Boissard – c'est-à-dire Paul Léautaud, comme l'on sait –, publiée dans la NRF du 1er novembre 1921. C'est un paragraphe que l'on devrait donner à lire et à méditer à tous ceux qui déplorent l'absence d'une télévision “de qualité”, et qui voudraient voir éclore çà et là dans le paysage des “chaînes culturelles”. Depuis le temps, comme dit ce scandaleux élitiste de Léautaud, ils devraient savoir qu'une telle invention est purement aporétique. Il suffit de constater dans quelle insondable médiocrité a sombré Arte pratiquement dès le lendemain de sa création, et de ricaner doucement devant les pathétiques efforts que font ses dirigeants successifs pour (re)gagner une audience qu'ils n'ont jamais eue. Tous les patrons de télévision savent qu'introduire du culturel dans leurs programmes aurait, sur les chaînes qu'ils dirigent, le même effet que proposer une pastille de cyanure à un individu suicidaire. De fait, ils s'en gardent bien.

samedi 16 novembre 2019

Les préjugés de Winston, les partis pris de Churchill


Si elle est passionnante, cette vie de Winston Churchill, cela doit beaucoup à son personnage principal et fort peu à son biographe. Je n'avais encore rien lu de François Bédarida, historien catholique-de-gauche, dont Dame Ternette m'apprend qu'il est mort en 2001 : ce n'est pas ce livre-là qui me fera regretter mon ignorance. M. Bédarida écrit un français certes correct, mais uniquement dans les nuances de gris – avec beaucoup de gris et peu de nuances. De plus, on sent dès les premières pages qu'il n'est pas homme à se laisser intimider par un cliché, encore moins à reculer devant lui quand il se présente au bout de sa plume : on se taille la part du lion, on fait d'une pierre deux coups, etc. C'est très reposant, en un sens, très grand-public ; c'est assez vite lassant. M. Bédarida n'est pas davantage du genre à éviter les explications passe-partout, surtout lorsqu'elles sont dans une tonalité psychanalytico-café-du-commerciale : il s'en donne à cœur joie (moi aussi, je sais jongler avec les clichés…) dès qu'il s'agit d'exposer les rapports du futur Prime avec ses parents – image du père, absence de la mère, blablabla…

Mais l'une des grandes affaires de M. Bédarida, celle qu'il ne semble jamais perdre de vue, même si c'est du coin d'un œil discret, c'est de nous assurer que, s'il est arrivé à Sir Winston de penser très mal, lui, au moins, pense toujours très bien. Très comme il faut. Très “dans les rails”. Cela éclate dans le passage dont je vais donner un extrait (c'est moi qui mets l'italique). On vient d'aborder un sujet ô combien épineux, la vision que pouvait avoir le jeune Churchill, secrétaire d'État aux colonies, de l'Afrique et de ses habitants de souche :

« […] Il faut dire que Churchill lui-même partage très largement les préjugés raciaux et colonialistes de son milieu et de son temps. Dans son univers, il existe une hiérarchie à l'intérieur de l'espèce humaine […]. “Les indigènes, écrira-t-il retour d'Afrique à propos des Kikuyu, sont des enfants, enjoués, dociles, mais ils gardent quelque chose de la brute.” Le seul espoir pour les arracher à “leur dégradation actuelle […], c'est l'auguste administration de la Couronne”. On ne saurait imaginer plus belle accumulation de clichés… Ces partis pris raciaux, Churchill les conservera toute sa vie : jamais ils ne cèderont devant l'idée de l'unité du genre humain ni devant le principe de l'égalité des races. »

Le lecteur sympathisant du parti socialiste et abonné à Témoignage chrétien peut respirer : M. Bédarida et lui-même sont et resteront du bon côté de la barrière, tandis que Sir Winston continuera à moisir dans les ténèbres engendrées par ses préjugés et ses partis pris.  Car il va de soi que, sur ce sujet, Churchill ne saurait avoir ni idées ni opinions : seulement des préjugés et des partis pris.

Malheureusement, porté trop haut par la vague progressiste qui le soulève, M. Bédarida se perd de vue et en arrive à se trahir plus ou moins. Lorsqu'il admet que l'unité du genre humain n'est qu'une idée, et non un fait, et surtout quand il avoue que l'égalité des races n'est qu'un principe. Or, un principe, c'est soit une proposition initiale, posée et non déduite, soit une règle s'appuyant sur un jugement de valeur. C'est à dire à peu près le contraire d'une chose prouvée par les faits, démontrée par la science, etc. Ce qui, bien sûr, n'empêche nullement Winston Churchill d'être gravement coupable de n'y pas adhérer, et de prétendre se baser sur ses propres observations plutôt que sur les principes de son futur biographe.

Le plus amusant est que M. Bédarida ne s'aperçoit pas que, pris par son élan, il en arrive à donner des armes à plus progressiste que lui, à risquer le débordement sur sa gauche. Car se cramponner au principe de l'égalité des races, c'est considérer comme avérée l'existence des dites races. Et ça, on le sait bien, c'est digne des heures les plus sombres, et il serait scandaleux que cela restât impuni.

Finalement, M. Bédarida a sans doute bien fait de quitter ce monde à l'orée du millénaire : s'il avait vécu, traînant partout après lui cette casserole raciale, il aurait vu de quel bois de justice se chauffaient les associations lucratives sans but ni raison.

jeudi 14 novembre 2019

Sa Majesté sur écran plat


Depuis une dizaine de jours, nos soirées sont occupées par une série télévisée anglaise intitulée The Crown. Comme son nom l'indique plus ou moins, elle retrace le règne d'Élisabeth II, la souveraine actuelle, en ses débuts pour ce qui est des deux premières saisons, c'est-à-dire où nous en sommes rendus. Si j'ai bien compris, quatre saisons sont prévues en tout, et l'histoire doit se prolonger jusqu'à l'arrivée dans le décor de la shampooineuse de luxe, Lady Diana – partie qui m'intéressera sans doute moins, dans la mesure où je risque d'avoir un peu l'impression de me retrouver à France Dimanche. Du reste, il y a déjà, dans les épisodes déjà regardés par nous, des aspects très people, notamment lorsque sont abordées les amours de la sympathique Margaret – qui, entre nous, devait être une fieffée cochonne. 

Mais enfin, pour ce qui est des deux premières saisons, qui vont du mariage de la future reine (1947) à l'assassinat de Kennedy, on peut dire que c'est une bonne série, comme savent en faire les Anglais, au contraire de nous autres : excellents acteurs (avec mention particulière pour John Lithgow, qui campe un très-savoureux Churchill), bon rythme – avec toutefois quelques baisses de régime dans certains épisodes –,  superbes décors (évidemment !) très bien filmés, somptueux châteaux, luxueux appartements, Rolls et Jaguar à tous les étages, etc. Surtout, on n'y voit pas l'ombre d'un pauvre, ce qui est tout de même bien agréable : nous en avons déjà deux à la maison, en les personnes de nous-mêmes, ce n'est pas pour en retrouver d'autres le soir dans notre téléviseur. Surtout s'ils ne parlent pas la langue.

lundi 11 novembre 2019

Solitude de l'antiphobe


Marche contre la très-sinistre “islamophobie”, hier à Paris : à peine plus de dix mille personnes parmi lesquelles, à en juger par les photos, une majorité de musulmans, femmes voilées et barbus vociférants. Pour une grande manifestation nationale, cela revient à peu près à dire qu'il n'y avait personne. 

Nous sommes vraiment d'indécrottables racistes, pas à tortiller.

samedi 9 novembre 2019

Le Mur ou : Tentative de réhabilitation du communisme est-allemand

Bien entendu, les marionnettes pavloviennes qui grouillent dans les catacombes de chez Ternette y vont toutes, aujourd'hui – elles auront oublié demain –, de leur petit péan destiné à célébrer la chute du mur de Berlin (qu'elles appellent simplement “le Mur”, comme les mahométans disent “le Prophète”). Celle-ci a des souvenirs d'époque, cette autre des inquiétudes d'à présent, une troisième des attendrissements sans âge ou une brusque poussée de nostalgie sénile. Je ne critique pas : c'est “l'Espèce humaine”, comme disait Robert Antelme.

Pour apporter ma petite pierre à cette muraille en ruine, je voudrais qu'on me permette de noter une simple chose, inspirée par la photo proposée ci-contre. Que voyons-nous ? Un mur ? Non pas : deux murs. L'un maculé de gribouillis immondes, infantiles, hurleurs, agressifs et glaçants ; l'autre lisse, propre, digne, net, silencieux, imperturbable. 

On s'est donc bruyamment réjoui, alors et de nouveau maintenant, de ce que la moitié des Allemands qui en étaient privés, allaient désormais pouvoir s'exprimer, c'est-à-dire essentiellement saloper les murs à grandes giclées de tagures. Le 9 novembre devenait donc le jour du Guten Tag, celui où tous les Berlinois de l'Est allaient pouvoir faire la bombe, à l'égal des grenouilles décérébrées qui sautillaient déjà du côté festif de ce mur qu'ils venaient d'abattre pour en faire de petits souvenirs commercialisables. Et passer de l'état de vivants emprisonnés et bâillonnés à celui de cadavres braillards et dansant.

Ça valait le coup de pioche.

vendredi 1 novembre 2019

Soyons grand siècle !

Louis II de Bourbon-Condé, 1621 – 1686.

Il a débarqué, à cheval et en armure, vers la fin d'octobre.