dimanche 31 juillet 2011

Modernœud est-il un señorito satisfait ?

On le dirait bien. Mais un señorito satisfait (enfant gâté, héritier privilégié s'imaginant que tout lui est naturellement dû – c'est-à-dire chacun de nous) rendu presque au terme de sa putrescence.

Je suis depuis avant-hier plongé dans La Révolte des masses, le livre le plus connu de José Ortega y Gasset, œuvre d'une actualité stupéfiante si l'on veut bien mettre en regard son homme-masse avec le petit bourgeois désormais quasi universel dont Renaud Camus a dressé l'implacable portrait. Bien que n'ayant pas encore atteint la moitié de l'ouvrage, je brûlais de l'envie d'en parler, par une prétention qui me consterne moi-même. Et voilà que, cherchant une photographie du philosophe, j'ai atterri sur le blog de La Crevette, laquelle reproduit une conférence d'Alain Laurent, un affreux libéral qui mange les petits enfants du Tiers-Monde dès qu'il en a l'occasion, mais qui a également republié en 2010 La Révolte des masses aux éditions des Belles Lettres. Par conséquent, m'effaçant (pour l'instant…) modestement devant lui, je me contenterai pour aujourd'hui d'un petit extrait apéritif. Que voici :

« Être de gauche ou être de droite, c'est choisir une des innombrables manières qui s'offrent à l'homme d'être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d'hémiplégie morale. De plus, la persistance de ces qualificatifs ne contribue pas peu à falsifier encore davantage la “réalité” du présent, déjà fausse par elle-même ; car nous avons bouclé la boucle des expériences politiques auxquelles ils correspondent, comme le démontre le fait qu'aujourd'hui les droites promettent des révolutions et les gauches proposent des tyrannies. »

Ce paragraphe est extrait de la Préface pour le lecteur français, qu'Ortega y Gasset écrivit au moment de la sortie de son livre à Paris. Il n'est évidemment pas indifférent que cette préface date de 1937, La rebeliòn de las masas ayant paru à Madrid sept ans auparavant. Et comme je vois que certains en redemandent, voici pour terminer :

« Le politicisme intégral, l'absorption de tout et de tous par la politique, n'est que le phénomène même de la révolte des masses, décrit dans ce livre. La masse en révolte a perdu toute capacité de religion et de connaissance, elle ne peut plus contenir que de la politique – une politique frénétique, délirante, une politique exorbitée puisqu'elle prétend supplanter la connaissance, la religion, la “sagesse”, en un mot les seules choses que leur substance rend propres à occuper le centre de l'esprit humain. La politique vide l'homme de sa solitude et de sa vie intime, voilà pourquoi la prédication du politicisme intégral est une des techniques que l'on emploie pour le socialiser.

« Lorsque quelqu'un nous demande ce que nous sommes en politique ou – prenant les devants, avec l'insolence inhérente au style de ce temps – nous inscrit d'office dans une politique déterminée, nous devons, au lieu de répondre à l'impertinent, lui demander ce qu'il pense qu'est l'homme, et la nature, et l'histoire, ce que sont la société, l'individu, la collectivité, l'État, la coutume, le droit ; mais la politique s'empresse de faire la nuit pour que tous ces chats soient gris. »

Pour ce qui est de la politique “frénétique, délirante et exorbitée”, je crois que Modernœud est parvenu à une sorte d'achèvement splendide. Même pas besoin de vous mettre de liens…

samedi 30 juillet 2011

C'est guignol ! c'est guignol !


Un message de Pierre Rabhi par supervielle

Écoutez-moi un peu ce clown escroc ! Savourez chaque vide de sa non parole.
Et, accessoirement, ne ratez pas la componction grave des douze crétins qui boivent ce rien.

Didier Goux, ruine parmi les ruines


C'était à Jumièges, et ça s'est passé en juin : je peux le prouver.

vendredi 29 juillet 2011

jeudi 28 juillet 2011

Désaccords de Claviers

C'était en août 2010. Lorsque, entre mon premier et deuxième pastis in memoriam, j'ai demandé à Catherine de me préciser la date, elle est allée voir dans le grand cahier où elle consigne les micro-événements de nos vies transitoires, et elle m'a répondu : « Le 22. »

Donc, le 22 août 2010, nous étions au fin fond du fond de l'Auvergne, chez Mère Castor (et Père avec) – et sans trop le comprendre déjà sous le signe du deuil, plus ou moins, puisque la maison qui nous abritait avait été celle de sa mère à elle, morte peu de temps avant.

Nicolas était avec nous, arrivé une poignée de minutes plus tôt. La soirée fut ce qu'elle devait être, c'est-à-dire à peu près parfaite. Le lendemain matin, chacun de nous ayant des oiseaux pénibles piaillant sous la calbombe pour cause d'abus de spiritueux, Nicolas nous quitta relativement tôt (“de fourrure”, comme aimait à dire cet autre mort de Philippe Bernalin), parce qu'il était attendu quelque poignées de kilomètres plus au sud, chez un type qui avait décidé de s'appeler dans la blogosphère Le Coucou de Claviers. Parce qu'il vivait dans un bled dont j'avoue tout ignorer et qui s'appelle Claviers – ce qui induit déjà une certaine musique, si l'on veut prendre la peine d'y songer ; et je dirai après laquelle, si j'ai le temps et le courage – mais ça m'étonnerait.

Ce Coucou-là, avec sa femme, prénommée je crois Marcelle, avait pris l'habitude de publier chaque dimanche sur son blog un rébus par lequel il fallait deviner le nom d'un homme politique, passé ou présent. Au moment de saluer Nicolas partant pour Claviers, je lui ai dit, malgré ma bouche pâteuse et ma tronche en vrac : « Dites-lui que je réponds à son rébus : “Jean Lecanuet” ! »

À la suite de cette matinée fondatrice, j'ai répondu “Jean Lecanuet” chaque dimanche pendant plusieurs mois. Si bien que, un jour, ce Coucou dont on cause a décidé – par pitié pour moi sans doute – de faire réellement sortir de son chapeau le nom de cet homme politique alto-normand que le monde continue de nous envier : je n'étais pas peu fier, ce jour, d'avoir enfin vaincu le rébus que ces pénibles Castor résolvaient chaque semaine en se jouant.

Là-dessus, la femme du Coucou est morte (Modernœud dit plutôt : décédée. Mais le Coucou était tout sauf un modernœud, et il connaissait assez la langue française pour savoir ce que ce mot, mort, a de magnifique dans sa brièveté). Il y a environ six mois : quand on n'est pas soi-même frappé par cette catastrophe, on a tendance à perdre le compte des semaines et des jours. À ce moment, pour son malheur propre, le Coucou est redevenu Jean-Louis. Et c'est à lui que j'ai envoyé un assez long mail – parce que les écrivains en bâtiment sont généralement très bons, dans les condoléances (Didier Goux en mode cynique – passons). Jean-Louis – puisqu'il n'y avait plus de Coucou, ou en tout cas plus pour très longtemps – ne m'a pas répondu. C'était normal : l'absence occupe des espaces incroyables, et même souvent tout l'espace ; essayez après ça de continuer une vie vaguement sociale…

Il y a quelques semaines, ce même Coucou redevenu Jean-Louis (pour son malheur, mais aussi en vue de l'ultime résolution de son existence) a publié, sur un blog annexe, un texte qui était en effet une sorte d'hymne à sa femme disparue. Je suis bien obligé de dire que ces quelques paragraphes ne valaient pas grand-chose – littérairement. Parce que j'en étais ennuyé, je m'en suis ouvert à Nicolas, qui m'a répondu avec cette intelligence des gens (quelle formule, mon Dieu !) qui caractérise les salopes de pétainistes dans son genre : « Didier, laissez-lui un commentaire tout de même, m'a-t-il enjoint en substance : Jean-Louis a besoin d'en avoir, besoin qu'on sache que ce qu''il écrit sur sa femme est lu… » Je précise que le mail de Nicolas était moins ridicule que ce que je viens d'écrire, car Nicolas est très souvent moins ridicule que moi.

Je l'ai fait. J'ai un peu honte, quand j'y repense, des sept ou huit lignes que je lui ai expédiées en pensant à autre chose. D'autant plus honte que ce Coucou transformé m'a envoyé en retour un long mail qui, lui, vibrait par chaque phrase, alors que mon commentaire était sec, de circonstance – mort-né.

Là-dessus, j'ai appris cet après-midi, comme tout le monde, par un court billet chez Nicolas, la mort brutale et rapide de Jean-Louis. Bien que rien ne l'indique, j'ai tout de suite pensé à un suicide, et cette pensée m'a ravigoté. Si c'était le cas, et en fin de compte j'espère bien que ce l'est, il me semblerait moins triste, et pas du tout sinistre, que cet homme-là, que je n'ai jamais rencontré mais avec qui j'ai parlé, pour de vrai parlé finalement, ait décidé de mettre ses affaires en ordre et de se fondre dans un néant qui avait déjà absorbé celle qui était la condition même de son existence. (Je dis “néant” parce qu'il n'était pas croyant, mais j'imagine sa tronche, en ce moment même, si jamais Dieu existe…)

Ce soir, parlant avec elle de cette conclusion d'existence, Catherine m'a formellement défendu de me suicider si jamais elle mourait avant moi. J'ai dit “d'accord”, comme toujours, parce que, comme tous les hommes, je ne veux pas d'emmerdes avec la police conjugale. Mais au fond je ferai bien ce que je veux.

C'est vrai, quoi, merde…

Je désinforme donc je suis – enfin, j'essaie


J'ai trouvé cette photo, d'une certaine Geneviève Care, sur le blog de mes chers Ruminants. Je vous laisse tout votre temps pour la regarder, en scruter les détails…

C'est bon ? Maintenant, voici comment ces bêtes à cornes ont cru devoir légender (et le mot légende prend ici tout son sens) le document en question – à moins que ce ne soit la photographe elle-même, ce qui ne change pas grand-chose à l'affaire :

Cisjordanie, 2005 : soldate israélienne apeurée face au chahut de jeunes Palestiniens.

Comme dirait l'autre : on rit complet.

mercredi 27 juillet 2011

Vos chiens sont patients : ils vous attendent

Balbec a ressurgi ce soir, sans doute parce que les trois autres jouaient aux chiens morts. Ils font toujours ça – et le font très bien – à chaque fois que nous les abandonnons durant la journée entière : ils ne dorment pas ; ou alors, comme on dit commodément, que d'un œil. Dès que nous rentrons, ils se mettent à dormir de l'autre, mais alors ferme. Du coup, ils ressemblent à des animaux morts, des chiens que l'on aurait aimés dans un passé pas très lointain mais difficile à ressaisir – comme Balbec, donc.

Elstir est forcément en première ligne, dès que le fantôme de l'autre se présente aux fantaisies du souvenir : parce qu'il est de la même race (et les chiens, eux, ont encore ce droit d'être de la même race, je crois ; aucun censeur ne vient vérifier l'odeur de leur mufle, ni leur aptitude à se fondre dans le monde indistinct des chiens-qui-ne-sont-que des-chiens) ; mais en même temps tout à fait individuel, et inapte à ressusciter le fondateur de la lignée.

Car lignée il y a bien. Décalages discrets, hiérarchies subtiles. Balbec, qui n'en peut mais, reste sur le socle où je l'ai placé – où il s'est placé, de fait, avec ma profonde complaisance – et règne en monarque sur le territoire des morts. Il attend. D'autres viendront à lui, je suppose, et seront remplacés par une descendance encore plus lointaine. Et, un jour, les chiens – les derniers, les encore inconnus – resteront survivants de nous, vous allez voir.

Comme il devrait encore y avoir des siècles pour les hommes, il y a des années pour les chiens – mais c'est moi qui les ordonne et en commande l'existence. Je suis ce pauvre chef de meute tellement absolu qu'il ne prend pas la peine de commander à quiconque, et ne sait même plus trop comment il pourrait le faire : il se regarde devenir éternel, à mesure de ce vieillissement accéléré qu'il voit, dans les paniers, et de ce fait, paupières comme des parasols, il préfère éviter ces lumières filtrantes, et confiantes, et rassurantes.

Les chiens sont une forme d'éternité, donc. Mais qui dure assez peu de temps.

Il vous reste des géants blonds ? – Une petite seconde, je vais voir dans la réserve…

Le témoignage d'un Norvégien de fjord (c'est plus joli que “de souche”…), c'est-à-dire, bien entendu, un assassin de masse :

« C’est dur d’être norvégien “de souche” à Groruddalen (vallée de Grorud, en périphérie Est d’Oslo). À cause des gros problèmes de langue, ainsi qu’une pression pour s’adapter à des normes, un mode de vie et une manière totalement étrangers à nous, Occidentaux, dit Åserud.

« Il existe des écoles maternelles où presque aucun enfant n’a de parents qui parlent le norvégien, et des écoles où les enfants sont menacés de coups quand ils apportent du salami dans leurs sandwichs.

« Les filles sont victimes d’intimidations parce qu’elles sont blondes, et doivent teindre leurs cheveux en noir pour s’adapter. Il n’est pas acceptable d’être gay à l’école, ni athée et certainement pas d’être Juif. Les trois dernières années en particulier ont été effrayantes, de voir et d’entendre ce qui se passe. (…)

« J’ai été positif et optimiste par le passé. Mais les limites sont atteintes quand on a une majorité qui ne parle pas norvégien. Nous sommes nombreux à ressentir cela fortement, quelle que soit la couleur de notre peau. Une famille indienne n’a pas plus envie que moi de vivre comme des musulmans parce qu’ils sont bruns de peau. »

Et moi qui croyais qu'il n'y avait que nous, les Français, pour sentir l'Adolf à ce point-là !

L'interview de ce véritable Scandinase se trouve ici.

mardi 26 juillet 2011

L'Unicef invente la famine “light” – et l'Afrique se sent tout de suite mieux

J'ai commencé par mettre la phrase chez les modernœuds. Puis, m'avisant que, si on passait en mode cynique, on pouvait en faire un petit billet “raccord” avec mon jambon-purée d'hier soir – donc je m'exécute.

C'est chez Nicolas que j'ai trouvé la perle en question : l'Unicef prétend nous alerter à propos de la crise nutritionnelle qui sévit en moment dans la corne de l'Afrique. La crise nutritionnelle : pas la famine. Terminée, la famine. Ça fait terriblement vingtième siècle, la famine – limite passéiste. Pour l'Unicef, il faut crever de faim avec son temps, en musique pourrait-on dire. D'où cette merveilleuse et surgissante crise nutritionnelle. C'est beau, c'est propre, c'est une expression entièrement carrelée de blanc, on ne risque pas d'y choper des virus.

Il reste que je me demande si, dans l'optique qui est celle de l'Unicef – nous ratisser un peu de monnaie –, cette invention modernœuse ne serait pas un peu contre-productive. Parce qu'enfin, une famine, ça fout la trouille ; on pige que l'heure est grave, presque désespérée ; on imagine aussitôt de petits enfants squelettiques avec des bataillons de mouches aux coins des yeux ; du coup, le “public” met la main à la poche sans même y penser, emporté par un généreux élan cardiaque.

Mais une crise nutritionnelle ? Qui va bien arriver à s'émouvoir d'une crise nutritionnelle ? Une crise nutritionnelle, pour un Européen moyen, ce pourrait être à la rigueur une rupture de stock au rayon Nutella du Super U, et les gosses accrochés au chariot, braillant qu'ils veulent leur pâte de merde et qu'ils la veulent tout de suite. Oui, ça, ça ressemblerait vaguement à une crise nutritionnelle. Mais personne n'ira filer un rond pour la résoudre.

Par conséquent, si les fonctionnaires qui peuplent les couloirs feutrés de l'Unicef consentaient à être moins cons – ou à la rigueur des cons un peu moins flambloyants dans leur progressisme lexical –, ils reviendraient illico au terme désignant ce qu'ils prétendent combattre : famine.

Puisque, si j'ai bien compris, c'est malheureusement de cela qu'il s'agit.

lundi 25 juillet 2011

La purée de nous autres : récit épique

Le pire ennemi du couple vieillissant, c'est la mémoire. Non celle qui s'enfuit : celle qui demeure. Et qui fait que, commençant de raconter une anecdote légère de votre “jeunesse sans elle” (ou sans lui), vous voyez, de l'autre côté de la petite table de la terrasse, une paire d'yeux amorcer un lever vers les branches basses du tilleul, juste avant qu'une voix excédée de tendre patience ne vous murmure : « Je sais, mon chéri, tu me l'as déjà raconté huit fois… » Pendant une minute environ, votre âge se met à peser un âne mort.

Néanmoins, il vous reste des moyens de spectaculaire rajeunissement, pas toujours bien discernés. Ainsi, ce soir, Catherine avait préparé de la purée pour accompagner le jambon de sa petite-fille, pensant que cela lui agréerait, puisque tous les enfants aiment le jambon-purée. Cela n'a pas : Malena a renvoyé le plat en cuisine d'une lippe dédaigneuse. En revanche, les deux grands-parents se sont éclatés comme des bêtes à cette régression culinaire radicale.

Massacre en Norvège : Hollywood nous a bien eus !


On a tous marché comme un seul homme dans leur histoire de carnage artisanal : encore plus fort qu'Orson Welles avec sa Guerre des mondes !

Pourtant, le fait de voir en tête de distribution du blockbuster David Duchovny teint en blonde, ç'aurait dû nous sembler suspect…

C'est le camarade CSP qui a l'air con, maintenant !

dimanche 24 juillet 2011

Exceptionnellement, durant notre semaine norvégienne, l'amalgame sera autorisé à tous

La blogosphère d'extrême gauche ne se tient plus de joie, avec l'affaire de ce déséquilibré norvégien qui, à lui seul, a massacré 90 personnes. Norvégien de souche, comme on a soudain le droit de dire, et même le devoir de souligner, d'extrême droite ainsi qu'il est requis de le clamer, en n'omettant pas de préciser qu'il est tout à fait représentatif, ce garçon, de toutes les extrêmes droites européennes, sans doute mondiales, voire extra-terrestres si d'aventure il en existe. Comme ce brave CSP le balbutie, avec la fatuité naïve qui est sa marque de fabrique, on ne pourra désormais plus dire un mot sans qu'on nous rebalance les 90 Norvégiens que, d'une certaine façon, nous avons tous massacrés : vous, moi, ma voisine qui vote à droite, votre grand-père qui, entre 17 et 19 ans, a eu de la sympathie pour les Croix de feu, et ainsi de suite. Et tout ce petit monde de faire mine de ne pas s'aviser de la différence qu'il y a entre un “fondamentaliste chrétien” (mais qui semble être en même temps franc-maçon : mélange qui aurait fait se tordre de rire nos aïeux du XIXe siècle) qui prend l'initiative de décharger son fusil sur tout ce qui remue un orteil, et un “combattant d'Allah” qui exécute un attentat meurtrier dûment commandité et soigneusement préparé par une organisation bien structurée, ayant parfois pignon sur rue ou peu s'en faut.

Cela étant, dans cette gigantesque nursery féminolâtre et cousue d'immigrés que semble être devenue la Scandinavie tout entière, il ne faut pas s'étonner que certains enfants cassent leurs jouets et secouent un peu violemment les barreaux du parc où ils sont sommés de se réjouir de ce qui leur arrive pour leur bien. De tels carnages sont évidemment appelés à se reproduire. Déjà, le Premier ministre norvégien en a appelé à plus d'ouverture. (À ce propos : vous êtes-vous déjà avisés que, sur la carte, la Scandinavie ressemble à une grosse bite molle ?) Si vous avez oublié de fermer le robinet de votre baignoire et que votre salle de bain s'en trouve inondée, ouvrez plus grand le dit robinet : bientôt il y aura assez d'eau pour nager et vous vous réjouirez bruyamment de cette piscine gratuite à domicile (si vous rendez votre salle de bain accessible au public, ce que vous serez de toute façon bientôt obligé de faire, pensez à prévoir des heures d'ouverture spécifiques pour les femmes affligées de pudeur coranique). Si le robinet crache déjà à plein débit, il vous reste encore la ressource d'aller louer une lance d'incendie et d'en ouvrir grand les vannes afin d'éteindre l'inondation, comme nous y incite le guignol habillé en Premier ministre. Bonne chance.

vendredi 22 juillet 2011

La télévision selon Modernœud : le docu-fiction



C'est venu subrepticement, il y a quelques années. Dans la France d'avant, lorsque la télévision programmait un documentaire sur, mettons, l'affrontement de Louis XI et de Charles de Bourgogne, dit le Téméraire, ou bien sur les bâtisseurs de Notre-Dame de Chartres, on voyait des vues de la Bourgogne, des plans de Notre-Dame, des champs de bataille désertés depuis cinq siècles, des gargouilles et des carrières de pierre – et surtout des plans fixes (en général sur fond de bibliothèques bien fournies en riches reliures) sur des trognes d'agrégés mâles et femelles, tout frétillants qu'on les interroge sur la question à laquelle ils consacraient leur existence professionnelle, et plus si affinités.

Tout cela est terminé. Un beau jour (ou peut-être uuuune nuit…), les responsables des diverses chaînes proposées à notre convoitise se sont avisés qu'il s'adressaient à des cons festifs (que l'on orthografiera désormais : confestifs – création libre de droits, comme toujours) et qu'il convenait de descendre de trois ou quatre marches si on ne voulait pas les perdre. Car perdre Confestif, quand on est une chaîne de télévision, est ce qui peut arriver de plus terrifiant. Ils ont donc inventé cet hybride, glaçant ou burlesque selon votre humeur du moment : le docu-fiction. Je ne vais pas perdre de temps à vous expliquer ce qu'est un docu-fiction : vous en avez tous vu, par malheur, au moins une fois dans votre existence de téléspectateur passif. Pour faire bref, il s'agit d'un documentaire “à l'ancienne” où l'on a remplacé le discours d'un professeur d'université par le commentaire dramatisé d'un intermitttent du spectacle, sur le fond d'une musique envahissante et excessivement violoneuse dont la surenchère expressive ferait dégueuler un rat baroque – le tout emballé avec des images d'autres intermittents costumés en tailleurs de pierre ou en archers du roi (douze au maximum et en plans serrés : il faut tenir les budgets), filmés d'une truelle tellement plâtreuse qu'elle ferait passer Josée Dayan pour John Ford.

Il n'est désormais plus possible de prétendre être instruit par la télévision sur un sujet ou un autre sans devoir passer par ces monstruosités. Bien entendu, si on ne croisait ces bouses que sur TF1, France 2 et quelques autres chaînes du même acabit, elles ne vaudraient même pas qu'on leur consacre un billet de blog. Seulement, il faut se résigner à n'y échapper pas non plus sur Arte (dont le statut admis de chaîne culturelle dit assez l'effondrement de notre monde et la prise de pouvoir absolue d'une bande de professeurs incultes sur ce qui fut, naguère, une civilisation), et pas davantage sur les différentes chaînes officiellement vouées à l'histoire qu'il peut m'arriver de regarder.

Et c'est là que les points d'interrogation surgissent. Car si le docu-fiction n'était que l'ultime étron moulé par les modernœuds de l'audiovisuel pour grapiller quelques sous avec des sujets peu populaires, on comprendrait. On n'admettrait pas forcément, mais on comprendrait. Or, ce qu'il me semble, c'est que le docu-fiction joue à qui perd perd. Il devient évident – si j'en juge par mes propres réactions et la bave qui me monte chaque fois aux lèvres – que ce type de… comment dire ? De produit ? Oui, disons cela : de produit. Donc il me semble évident que ce genre de produit ne peut qu'indisposer et chasser au loin les gens qui, au départ, étaient fort bien disposés envers les combats de Louis XI contre Charles le Téméraire ou l'érection de Notre-Dame de Chartres (ça marche également avec la culture du riz en étages dans la Moyenne Thaïlande du XVIe siècle, ou le déchiffrage de l'écriture sumérienne, ou un aperçu rapide sur la vie de Léonard de Vinci). Mais cela ne gagnera pas non plus les bas-du-front incurieux, qui se foutent de toutes ces choses, ne savent même pas où se trouvent les chaînes en question sur leur zapette, et ont de toute façon prévu de regarder sur TF1 le quatrième épisode de La Revanche des oliviers de l'amour, avec Cristiana Reali dans le rôle de l'amour-qui-pleure-mais-qui-va-gagner-à-la-fin et Gérard Depardieu dans celui de l'olivier-millénaire-si-solide-malgré-son-apparence-fragile.

Demeure donc la question, finalement assez angoissante tellement on ne lui trouve aucune réponse satisfaisante : à qui sont destinés ces putains vérolées de docu-fictions de merde fumante et molle, si je puis me permettre cette explosion de haine fécale et misogyne ?

J'attends vos avis…

jeudi 21 juillet 2011

Quand les hommes ont des mentalités de pisseuses


« Il est frappant d’observer que les apôtres de la déesse Marchandise produisent une rhétorique, des réflexes et des valeurs de pisseuse. Tout cela donne la nostalgie des confrontations franches d’autrefois. Il fut en effet un temps où la guerre était à la fois considérée comme la pire calamité possible et comme la mère de toutes les vertus. Quel paradoxe ! Mais toute vérité profonde n’est-elle pas paradoxale ? »

L'article de Romaric Sangars est à lire en son entier.

mercredi 20 juillet 2011

Maman, ça y est ! j'ai finiii !



Eh bien voilà. Depuis environ cinq minutes, mon 101e Brigade mondaine est prêt à mettre sous presse. Je ne mérite ni compliments ni condoléances, ni lauriers ni couronne mortuaire ; juste un pastaga impérialement dosé lorsque l'heure sera venue. Puisque j'avais dès son titre (et uniquement là d'ailleurs…) placé mon pensum sous haut patronage baudelairien, il serait logique que je conclue ce mini-billet par un extrait des Métamorphoses du vampire. Seulement, allez savoir par quels méandres, c'est le premier quatrain du Voyage qui, durant ces deux semaines d'écriture à la truelle, sont revenus presque chaque jour me titiller la pensarde.


Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

mardi 19 juillet 2011

Mais qu'est-ce que les Norvégiens en ont à foutre, du 14 juillet ?


« Je ne me sens pas du sérail. Et j’ai l’excuse de ne pas être française. Je viens d’un pays où on ne pense pas comme ici. Être étrangère, ça me sert maintenant, après avoir coûté beaucoup d’efforts pour m’intégrer. »

Eva Joly, Libération, 6 juin 2000.

Piégée, la Fouquière-Tinvillette…

Le réchauffement climatique bat son plein


De mémoire d'écrivain en bâtiment – qui n'est point très vaillante, on l'accordera sans peine –, c'est la première fois depuis que la caillance existe, que je mets, un 19 juillet (75e anniversaire de l'entrée en guerre des Républicains espagnols, soit dit en passant, les troupes de Franco ayant débarqué du Maroc la veille), vingt minutes de chauffage dans la Case avant d'y aller œuvrer à la littérature en bâtiment de demain. Chaque matin depuis une paire de semaines, le thermomètre extérieur affiche entre 7 et 8° – pas Farenheit, heureusement : des petits Celsius de souche, mais tout de même ; ensuite, il monte glorieusement à 13 ou 14 au plus fort de la canicule – et il a l'air d'en être pleinement satisfait, ce con.

lundi 18 juillet 2011

Petit complot de famille

Élodie, ma belle-fille, espère gagner un voyage pour deux personnes dans son Québec presque natal grâce à la petite vidéo qu'elle y a réalisée. Elle a bien raison, je ferais pareil à sa place. Si vous voulez l'y aider, il vous suffit de cliquer sur J'aime si vous avez déjà un compte YouTube (j'en avais un et je ne le savais même pas…) ou bien de vous en bricoler un, ce qui n'est ni très long ni très difficile. Merci pour elle, elle vous rapportera du sirop d'érable…

Pour cliquer, c'est par là.


dimanche 17 juillet 2011

Pascal Barbier, héros de la France d'avant

À Renaud Camus, pour qu'il sache que ça existe encore…

Pascal Barbier ne passera pas à l'histoire : pas assez important. Pascal Barbier dirige une petite entreprise, comme il doit y en avoir cent mille en France (chiffre lancé au hasard), à Pacy-sur-Eure : plomberie, couverture, chauffage – enfin vous voyez le genre.

Nous faisons affaire depuis dix ans ans avec ce petit héros des temps modernes. Parce que nous avons une maison, une chaudière, des fuites, etc. Quand on l'appelle, il dit qu'il viendra tel jour à telle heure – et il vient. Ensuite, devis fait et signé, son assistante nous appelle et nous demande si nous serions disponibles pour une visite tel jour à telle heure. En général, nous disons oui.

Parfois, le jour dit, un quart d'heure avant le moment fatidique, notre téléphone sonne. C'est l'assistante qui nous avertit que son ouvrier, ayant eu un petit problème chez le client précédent, aura probablement une ou deux dizaines de minutes de retard sur l'horaire prévu. Elle nous prie de l'en excuser et nous demande si l'ouvrier en question peut venir tout de même. Sciés par une question aussi peu en rapport avec la grossièreté de l'époque, nous répondons généralement oui, d'une voix que nous avons peine à reconnaître nous-mêmes.

Les différents artisans de l'entreprise Barbier, quand le hasard a fait que nous eussions à discuter avec eux, nous ont souvent dit que ouaf ! le patron, hein ! c'est pas ce qu'on a connu de plus commode ! C'est sans doute vrai, puisqu'ils le disent à peu près tous. Mais, dix ans après, ce sont les mêmes spécialistes que l'on voit arriver chez nous, dès lors que l'on fait appel à l'entreprise : ils doivent être masochistes pour supporter un tyran pareil depuis tout ce temps.

Il y a quelques mois, l'un des employés-piliers a perdu son permis de conduire. La patron-qui-ne-rigole-pas ne l'a pas viré : il lui a adjoint une très charmante jeune fille dont le travail consiste à conduire la camionnette à sa place et à attendre qu'il ait fini son intervention, ici ou là. Jusqu'au temps où il récupérera le précieux permis – ce qui ne devrait d'ailleurs plus tarder maintenant.

Les employés de l'entreprise Barbier (et de beaucoup d'autres, j'espère), quand on parle avec eux et qu'on se plaint de ce qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir des interventions rapides, nous disent tous la même chose : ils ont les plus grandes difficultés à trouver des stagiaires à former, et quand ils en trouvent, ceux-ci fuient à toutes jambes au bout de quelques semaines, dès qu'ils se rendent compte qu'il va leur falloir se lever à six heures et demie du matin et travailler parfois jusqu'à des huit heures du soir.

Ces artisans, jeunes pour la plupart, ne sont pas racistes et se foutraient bien que leur aide soit berrichon ou marocain. Seulement, berrichon ou marocain, ils n'en trouvent pas. Et ces gens sont les premiers à nous expliquer, sans qu'on leur ait rien demandé, que les jeunes qu'ils aimeraient former préfèrent émarger aux aides sociales que venir travailler avec eux. « Vous comprenez, c'est fatigant, et on n'a pas beaucoup de temps libre. Pourtant ceux qui en veulent gagnent bien leur vie, vous savez ! » Oui, on se doute.

On sent bien bien que ces Franchouillards sont totalement intoxiqués par la propagande sarkozyste. Et puis, hein, des fois, pour changer un malheureux robinet, il faut se faire des dix à quinze bornes. Alors que, pour émarger, c'est à la Madeleine, chez nous, juste en bas de l'immeuble où on vit chez Maman-qui-fait-des-ménages.

Pour revenir à ce que je disais au début : Pascal Barbier semble être un homme qui a décidé de respecter sa parole. S'il ne le sait pas, il doit sentir que la préciosité de la parole donnée est la condition première de la prospérité d'un pays ; qu'on ne bâtit rien de solide ni durable sans parole et confiance en celle-ci. Peut-être même sait-il, mais ce n'est pas sûr que ça l'intéresse – il a autre chose à faire : votre robinet, ma douche, le mur du voisin… –, que les pays où la parole des hommes ne vaut rien ou peu de chose sont voués à s'enfoncer dans la misère et la crasse. En règle générale, ils y sont d'ailleurs déjà.

Pascal Barbier est une espèce de résistant.

vendredi 15 juillet 2011

La conjonctivite idéologique et mortifère de Mme Joly

Tout le monde semble persuadé que Madame Éva Joly porte des lunettes cerclées de rouge : c'est faux. Éva Joly a des yeux cerclés de rouge, et c'est sa manière de voir le monde qui lui donne cette conjonctivite idéologique et mortifère.

Madame Joly tient absolument à ce que la France lui ressemble – elle n'est pas la seule : les vieux trous du cul fripés de Ruminances, par exemple, applaudissent des deux mains lorsque la verrue scandinave s'élève contre l'épaisseur des siècles en prétendant remplacer le défilé du 14 juillet par une procession multicolore de décervelés citoyens. Mais on s'en fout : les Ruminants ont autant d'importance et font aussi peur que ces vieilles Bretonnes qui dansent sur la place du village avec leurs coiffes bigouden que personne n'identifie plus.

Madame Joly a raison, elle est dans le sens du vent : l'épaisseur des siècles n'a plus lieu d'être. Si on lui disait être d'accord avec elle, pour la suppression du 14 juillet, au prétexte que la France, ce pays dont elle ignore absolument tout, a vécu un millénaire et demi en ignorant l'existence du 14 juillet, elle pousserait de petits cris d'orfraie en nous traitant de tous les noms qui lui passeraient par l'esprit – c'est-à-dire assez peu, finalement, et pas forcément compréhensibles.

Madame Joly a raison parce qu'elle est l'avenir – elle est même le présent, ce qui est déjà moins glamour. Les yeux rouges de Madame Joly, c'est notre présent cerclé par l'avenir qu'elle entend nous imposer. Madame Joly n'a aucun passé – ni en Norvège, ni ici –, il est encore possible qu'elle n'ait pas d'avenir – ni en Norvège ni ici. Madame Joly est un excellent porte-parole des hordes arabo-africaines, décervelées et manipulables à l'infini, qui proclament que la France c'est eux, à la suite de leurs porte-voix auto-proclamés.

Madame Joly a raison parce qu'on ne peut pas dire que Madame Joly est une pustule posée sur le visage d'un pays fatigué de lui-même. Elle sait quelle est sa profonde laideur, et son pouvoir nécrosant, mais elle sait aussi que c'est de cette défiguration qu'elle tire sa légitimité destructrice. Du moins le croit-elle.

Car Madame Joly ne détruit rien, elle n'en a pas la force ; elle est l'exacte image d'une France exsangue qui, temps et chirurgie esthétique aidant, finira par lui ressembler tout à fait – sauf si les armes sortent de dessous la paille, un de ces matins.

Je l'ai déjà dit, il me semble : il va nous falloir réapprendre rapidement la rigidité morale et la cruauté de circonstance. Ou alors accepter d'avoir tous les yeux cerclés de rouge et ce sourire terrifiant de bonté aigre.

mercredi 13 juillet 2011

Il faut entrer plus vite dans l'avenir, mes frères – et l'entonnoir sur l'oreille

Ce qui est assez décevant, dans notre modernité modernœuse, c'est que rien ne va jamais assez loin ni assez vite. On se félicite des extraordinaires avancées qui s'opèrent presque chaque jour, mais on se rend bien compte que tout cela n'est que demi-mesures timorées, le plus souvent.

Ainsi, c'est une grande et belle chose que les fous qui se prennent pour des femmes ne relèvent plus de la psychiatrie lourde, mais soient devenus des femmes à part entière, emprisonnées par inadvertance du Créateur dans des corps d'hommes, et que chacun ait à cœur d'accompagner et de soutenir leur juste combat pour une reconnaissance énamourée. Mais soudain tout s'arrête, le bel élan modernœud retombe bientôt, alors qu'il reste tant à accomplir.

C'est donc pour apporter ma pierre au saut dans l'avenir que je propose à mes frères et sœurs un nouvel axe de mobilisation citoyenne. Faisons en sorte, tous ensemble, qu'à partir de demain matin huit heures vingt-cinq les fous se prenant pour Napoléon ne soient plus stigmatisés par cette appellation bassement discriminante mais deviennent enfin ce qu'ils méritent d'être : d'authentiques empereurs post-révolutionnaires malencontreusement ficelés dans des corps d'employés de banque du XXIe siècle. Les femmes leur feront la révérence et les hommes leur offriront, en gage de soumission respectueuse, des volées de ballons multicolores en les appelant Votre Majesté.

Et bientôt les antiques et sombres z'asiles seront vides, puisque nous serons tous dans la rue.

mardi 12 juillet 2011

Robert Marchenoir, lui, ne triche pas !

Figurez-vous que Robert Marchenoir cède parfois à la tentation d'ouvrir Le Parisien : c'est assez dire les abîmes de désespérance dans lesquels peut plonger cet excellent garçon. Néanmoins, contrairement à certains qui se contentent de saloper la grille des mots fléchés, lui lit vraiment ce qu'il trouve à l'intérieur. Il lui arrive même d'en tirer quelques réflexions aussi acides que morales. Celle-ci, par exemple :



C’est la faute à leulibéralisme
(2
e partie)


Le 23 mai dernier, le Parisien consacrait sa une à la triche aux examens, pour déplorer qu’elle soit de plus en plus répandue. Comme il en a l’habitude, il recueillait le témoignage de “vrais gens” sur le sujet, sous le titre : « Et vous, avez-vous des astuces pour tricher ? »

Monsieur et Madame “Prénom Modifié” n’ont pas été interrogés pour cet article. Chaque interviewé avait son nom, son prénom et sa photo dans le journal. Nous mettons ici un cache-sexe pour protéger leur pudeur.

Madame X, 36 ans, pharmacienne, Troyes :

« Je rentrais les réponses dans ma calculatrice. Surtout les formules de maths et de physique. C’était plus une sécurité, au cas où je ne me sortais pas de l’épreuve. Avec le temps que cela m’aurait pris de regarder, et avec ma chance, en fait, je n’ai jamais osé m’en servir vraiment. Arrivée en faculté, comme la calculette était interdite, je me suis retrouvée coincée. Au fond, ça ne m’a pas rendu service. »

On rappelle qu’un pharmacien est un employé d’épicerie qui gagne 15 000 euros par mois payés par le gouvernement, et qui, lorsqu’on prétend remettre en question ce revenu exorbitant, brandit ses vingt-cinq ans d’études effroyablement difficiles, où les maths et la physique tiennent, je suppose, une place non négligeable.

Cela lui donne le droit, qu’il revendique haut et fort, de contester les ordonnances établies par un médecin, médecin qui a fait trente-cinq ans d’études effroyablement difficiles, inaugurées par une impitoyable sélection sur les maths et la physique.

Madame Y, 30 ans, employée de banque, Paris 16ème :

« Je portais sous mes vêtements une cartouchière : une ceinture avec des petites poches où je glissais des notes de cours. Lors de l’examen, je me faisais accompagner aux toilettes, et une fois enfermée, je mettais les papiers qui m’intéressaient dans la poche. Mes parents le faisaient déjà. Je suppose que c’est obsolète aujourd’hui, mais comme on disait alors : la fin justifie les moyens ! »

Pour ceux qui n’auraient pas fait attention, Madame Y est employée de banque. Une profession où, normalement, l’honnêteté la plus rigoureuse est un critère de sélection éliminatoire. On notera que Madame Y a de qui tenir : ses parents “le faisaient déjà”. Nous constatons qu’on embauche dans la banque, à Paris 16ème, donc pour gérer les biens de certaines personnes parmi les plus riches de France, quelqu’un qui est un escroc de père en fille.

Monsieur Z, 31 ans, enseignant, Strasbourg :

« Je donnais un coup de cutter dans la semelle de mes chaussures et glissais une antisèche dans la fente. Je n’avais plus qu’à croiser les jambes et sortir discrètement le papier pour noter les réponses. Aujourd’hui, je suis de l’autre côté de la barrière, et je me dis qu’en faisant des antisèches, on était obligé de lire le cours, contrairement au copier-coller qui fait fureur dans les classes. »

Le matin même où paraissait ce journal, Monsieur Z se présentait, selon toute vraisemblance, devant ses élèves, pour assurer, comme à l’accoutumée, leur “éducation nationale”. C'est-à-dire, selon l’idéologie revendiquée de la corporation, non seulement leur instruction, mais aussi leur formation aux “valeurs humanistes et morales de notre République”.

Non content d’utiliser les moyens les plus malhonnêtes pour réussir lui-même aux examens, non content de postuler à une profession radicalement incompatible avec sa moralité douteuse, non content de revendiquer publiquement sa qualité de faussaire, non content de feindre d’ignorer le problème qu’il y a à demander une chose à ses élèves tout en faisant le contraire, Monsieur Z se paye le luxe du foutage de gueule maximum, en prétendant que ce sont ses élèves qui sont malhonnêtes en faisant du « copier-coller » sur Internet, alors que lui, en fait, il avait inventé une technique pédagogique innovante avec ses antisèches dans ses chaussures.

Il est difficile d’empiler autant de malhonnêteté sur autant de mensonge en l’emballant dans autant de mauvaise foi. Si vous avez une idée pour faire mieux, faites-moi signe. Personnellement, je ne vois pas.

Voilà donc le genre de personnes sur lesquelles repose le “lien social” dont on nous rebat les oreilles, et qui aurait été détruit par “les puissances d’argent”.

Car nous avons affaire, ici, à des zélites. Oh ! pas à de grosses zélites, des intellectuels, des journalistes, des chefs syndicaux, des hommes politiques, des patrons du caca-rente. Non, ce sont des zélites de proximité : le professeur lambda qui apprend le socialisme à votre enfant, le pharmacien tout-venant qui rejette votre ordonnance et pompe la Sécu, l’employée de banque anonyme qui vous refuse un découvert et vous matraque de frais.

Le plus frappant n’est pas tellement que ces gens, dans leur jeunesse, aient triché aux examens, mais en ce qu’ils ne voient absolument aucun problème dans le fait de s’en vanter ; et dans un journal à grand tirage, en plus, sous leur nom et leur photo.

Non seulement ça, mais ils trouvent le moyen de se justifier rétrospectivement. Ce n’est pas : j’ai fait des conneries, vous-même n’avez-vous pas fait des bêtises dans votre jeunesse ?, mais : c’était uniquement par sécurité, je n’en ai pas profité. Ou bien : la fin justifie les moyens, et puis de toute façon c’est obsolète, aujourd’hui on fait beaucoup mieux. Ou encore : en fait c’était par vertu, c’était pour mieux apprendre mes leçons, contrairement à ces petits salopards auxquels je suis chargé de faire classe aujourd’hui, et qui ont le culot de faire du copier-coller (malgré le bon exemple que je leur donne, malgré mon immense dévouement à la République en tant que Professeur-Fonctionnaire dont les vacances ne sont même pas payées).

Tout cela est absolument vertigineux. Car qu’est-ce que le tissu social, les gens qui composent la société et qui la font marcher, sinon l’employé de banque, le pharmacien, le professeur et bien d’autres comme eux ? Qui va prendre, au quotidien, de façon anonyme et à l’abri des regards, les décisions qui vont faire de la société un lieu à peu près vivable –- ou non ?

La conséquence ne se fait pas attendre. Le tricheur se reproduit. La malhonnêteté est passée dans l’ADN. Dans l’article principal, on trouve le témoignage d’Antonin (dont seul le prénom est cité, cette fois-ci) :

« Antonin, en 1ère S (scientifique), dans un lycée de bonne réputation du sud de Paris, prend la tricherie avec philosophie. »

On est toujours chez les zélites. Le lycée a bonne réputation. Le garçon est en première scientifique, pas en BEP force de vente. Il prend la tricherie avec philosophie. Il n’a pas décidé de tricher, de violer les règles. Non, la tricherie lui est tombée dessus, comme un ouragan ou un tremblement de terre. Un peu à la manière dont le crime tombe sur le pauvre. C’est pas sa faute. La pauvreté fait du pauvre un criminel. La triche fait du tricheur un philosophe.

Mieux : la tricherie devient une sorte de vertu. Il triche, donc il est philosophe. Il n’a que seize ans, mais grâce à la triche, il a déjà acquis une espèce de sagesse supérieure, un immense recul face à la futilité des choses de la vie (et de ces bouffons qui pensent qu’on réussit à l’école en étudiant). Bientôt, ses aînés vont venir lui demander conseil. D’ailleurs, ses aînés viennent déjà lui demander conseil, puisque le journaliste recueille son avis :

« “Pour moi, peu importent les moyens, ce qui compte c’est le résultat. Si j’ai un 19/20 en ayant truandé, ça reste un 19/20, je n’ai aucun problème de conscience avec ça”, martèle l’ado de 16 ans devant les grilles de son établissement, un casque audio volumineux sur les oreilles. »

Pas plus que n’ont eu de problème de conscience Monsieur Z, 31 ans, enseignant à Strasbourg, Madame X, 36 ans, pharmacienne à Troyes, Madame Y, 30 ans, employée de banque à Paris 16ème, voire les parents de Madame Y, dont nous ignorons l’âge mais qui ne doivent plus être tout jeunes.

« Lors des devoirs surveillés, il “profite largement” de son Nokia, surtout de son forfait Internet illimité. »

Comme quoi, délinquance n’est pas synonyme de pauvreté.

« Dans son cas, la triche high-tech n’a pas fait de miracle. “Je redouble”, dit-il. Dans sa classe, il jure qu’il n’est pas le seul à exploiter, sans foi ni loi, le filon des nouvelles technologies. “Sur 35 élèves, il y en a 20 à 25 qui ont déjà tapoté sur leur téléphone lors d’un contrôle. Il y a juste 5 ou 10 surdoués qui peuvent s’en passer”, recense-t-il. »

En fait, pomper sur son téléphone, c’est un droit de l’homme, c’est un facteur de justice sociale ; il est impossible de réussir ses examens sans ça, la preuve : il faut être surdoué pour s’en passer.

Donc, la réussite à l’école n’a rien à voir avec le travail : seuls les surdoués, les “nantis”, peuvent réussir sans tricher. La capacité de réussir les examens, c’est génétique, on l’a ou on ne l’a pas. (Mais en même temps, les races n’existent pas, l’ADN est nazi, etc.)

Cependant, Antonin n’est pas fou : son téléphone avec forfait Internet illimité, il ne s’en servira pas au bac, “c’est trop risqué”.

Ah bon ? Il serait donc possible d’interdire la triche ? La répression serait la solution ? Je n’arrive pas à le croire…

A part ça, c’est la faute à leulibéralisme.


Robert MARCHENOIR

lundi 11 juillet 2011

L'apartheid expliqué aux enfants – travaux pratiques

À l'instar de la plupart des véritables écrivains, Don DeLillo ne recule pas devant la cocasserie. La sienne est souvent grinçante, tout comme sait l'être celle maniée par Marcel Proust, dans un autre genre. Illustration par ce petit dialogue tiré de la première partie d'Outremonde (page 124 de l'édition Babel), entre deux amis quinquagénaires :


Brian se méfiait de sa famille. il adoptait la pose classique du père qui se plaint constamment de ses rejetons dépensiers et inconséquents, nous avons tous ce rôle à jouer, ça revient à une seconde langue, la lamentation facile du père, et Brian faisait des solos méprisants d'une grande vivacité, mais il renfermait aussi quelque chose de plus triste et de plus profond, le sentiment que c'étaient ses ennemis, des forces déchaînées sous son propre toit, prêtes à le dépouiller de sa dignité, une belle-fille, une fille et un fils, tous lycéens, et une épouse, disait-il, qui n'était plus réellement dans l'axe.
« Ce n'est pas le seul truc qu'elle a planté sur le corps.
– Laquelle ?
– Brittany.
– J'aime beaucoup Brittany. Sois gentil avec elle.
– Sois gentil avec elle. Écoute ça, elle porte un brassard, tu ne vas pas me croire – ils ont eu une journée de simulation de l'apartheid au lycée.
– Qu'est-ce que c'est que ça ?
– Ce que ça dit. Ils essaient de simuler la culture de l'apartheid. Une leçon pour les gosses. Ils portaient tous des brassards. On en avait un doré si on était dans la classe opprimée et rouge je crois si on était militaire et vert si on était l'élite. Brittany s'est portée volontaire pour la classe opprimée et maintenant elle ne veut plus retirer son brassard. La simulation officielle durait juste une journée, mais elle fait ça depuis des semaines maintenant. Personne d'autre ne le fait sauf elle. Elle restreint son accès à la cantine, dix minutes par jour. Elle n'emprunte que certains bus à certaines heures. Elle s'assoit dans une zone spéciale de la classe.
– Comment réagissent les autres ?
– Ils lui crachent dessus et ne lui parlent plus. »


On attend avec une excitation mêlée d'impatience le romancier français qui sera assez talentueux pour décrire avec la même drôlerie féroce les éléments les plus progressistes de la garderie institutionnelle redistribuant chaque matin les rôles de fascistes-Indiens et de résistants-cowboys, afin de rejouer sans fin la même pièce de leur voix tonitruante et mécanique, sous l'œil gentiment approbateur des pédagogues et des assistantes maternelles.

dimanche 10 juillet 2011

Quand Bibi content de lui, Bibi publier un bibillet

Il y a des éraflures d'amour-propre plus prégnantes que des blessures d'enfance. Ainsi, Sa Suffisance Bibi ne s'est jamais tout à fait remise de ce qu'un jour je l'ai définie en deux mots et cinq lettres : un con. Voilà ce qui arrive lorsqu'on prend pour une injure ce qui n'était qu'une esquisse de portrait. Depuis, Sa Boursouflure ne peut s'empêcher de me crachoter sur les Weston dès que l'occasion se présente, et même si non. Son ressentiment n'a évidemment pas tardé à s'étendre à d'autres que moi, pour peu que ceux-là soient soupçonnés par Sa Présomption d'être de mes amis, ou au moins de mes connaissances. Dans son articulet du jour, c'est Nicolas qui se fait tancer pour ne pas marcher assez droit dans les petites allées idéologiques tracées par cette Grande Sarcleuse. Voici ce qu'écrit Sa Cuistrerie :

« Sous le prétexte d’aimer la bière, de trinquer en toute convivialité, on accueille sur nos blogrolls des adversaires de la pire espèce. »

On aura compris que le buveur de bière est Nicolas, et que je représente, moi, la pire espèce. Les méchantes langues diront peut-être que Son Incomparable Aigreur est simplement furieuse d'être personna non grata dans une blogroll où j'ai moi-même mon couvert et mon rond de serviette. Ils se contenteront d'ailleurs de le penser, car à le dire il ne faut point songer : Son Extrême Prudence “modère” les commentaires et caviarde à coup de sabre citoyen tout ce qui n'est pas génuflexion adorante devant Sa Chatoyante Brillance.

Par ailleurs, Sa Pomposité possède une verve comique certaine, comme le prouve une fois de plus sa chique du jour. Bibi y en a écrire :

« On se peinturlure en Vert et on se retrouve avec ceux qui défendent la Terre Sacrée, débarrassée de toutes ces mauvaises herbes venant des étranges et maléfiques Étrangers. »

Et, là, aussi sec, Sa Rectitude Durable se fait sévèrement rappeler à l'ordre par l'un de ses commentateurs, dont la tremblante du mouton est à un stade plus avancé que la sienne propre :

« d’accord avec toi sur l’essentiel, sauf pour le passage sur « la terre sacrée », une réalité pour les cultures amérindiennes qu’on ne peut expédier si rapidement et si superficiellement (d’autant lsu que ces culturels n’ont rien de xénophobes, elles se battent contre la destruction de la terre par les intérêts économiques, l’exploitation forestière et minière notamment) »

Oh putain, la boulette ! Bibi y en a être soupçonné de mépris pour l'Autre ! de non-adoration du peinturluré primitif ! de Wigwamophobie ! Sa Profonde Humblesse rectifie vite vite ce tir malencontreux et va à Canossa sur les genoux :

« Je ne visais pas du tout les cultures amérindiennes et le combat des Mohawks. Pas du tout. Cette appellation de « Terre sacrée » s’adressait à cette frange d’écolos de droite et d’extrême-droite pour qui les Étrangers sont les mauvaises herbes à rejeter.
Ceci dit : merci pour ton éclairage ( je suis un peu ignare sur ta question amérindienne). J’irai me renseigner sur le combat qui semble te tenir à cœur et avec lequel je serai probablement solidaire. »

Ouf ! le boulet y en a pas passer loin des miches à Bibi ! J'espère que vous aurez tous savouré comme moi le côté irrésistiblement farcesque de l'argumentaire :

1) Je ne connais rien aux Amérindiens ;
2) je serai probablement solidaire dès que je saurai de quoi il retourne.

Allez, autant en rester là : Didi pas y en a vouloir accabler Bibi. On va se quitter avec deux vers d'Apollinaire, n'ayant bien entendu pas le moindre rapport avec ce qui vient d'être dit :


Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique

Don DeLillo : notes en courant

Avant-hier :

– Terminé Bruit de fond, de DeLillo, juste après le déjeuner. Comme Outremonde est arrivé ce matin par la Poste, je vais pouvoir enchaîner. Écrivain puissant et original, c'est évident, alliage fait d'humour et de profond malaise, regard à la fois cruel et tendre sur ses personnages – mais je suis fatigué et n'ai nulle envie de jouer maintenant les critiques littéraires. D'ailleurs, j'en ai de moins en moins envie, d'une manière général. Tout de même : il y a dans ce roman une sorte de folie latente, d'autant plus effrayante qu'elle semble toujours prête à se répandre sur le monde si propre et ordonné que l'on nous donne à voir, tout comme se répand le mystérieux nuage toxique de la seconde partie, mais qu'elle n'agit qu'à “bas bruit”, justement. Elle finit par exploser tout de même, à la fin, au moment de la tentative de meurtre perpétrée par le personnage central. Mais alors, elle est elle-même obligée de battre en retraite face à la mort, ou plutôt à la puissance de la peur que la mort implique. Enfin, dans les dernières pages, même la mort bat en retraite, devant la toute puissance des habitudes et des voies balisées de la consommation réflexe – à moins que ce ne soit cela, le vrai visage de la mort (et on pense aux zombis de Romero arpentant en titubant les allées d'un centre commercial, film d'ailleurs presque contemporain du roman de DeLillo). Le bruit de fond du titre c'est bien sûr celui engendré par les radios et télés omniprésentes, mais c'est surtout, il me semble, le bourdonnement que produisent ensemble toutes ces peurs individuelles que plus rien ne parvient à divertir, ni la religion (extraordinaire dialogue avec la bonne sœur allemande, à la fin du roman) ni le monde des objets familiers (scène brutale du personnage narrateur disséquant littéralement les détritus de la famille pour tenter d'y trouver une définition juste de ce qu'ils sont). Il semble que, englués dans ce bruit de fond, les protagonistes ressentiraient comme une délivrance, une libération, la moindre explosion qui surviendrait – mais justement il ne s'en produit pas la moindre.


Hier :

– Les cinquante premières pages d'Outremonde, qui se déroulent entièrement durant un match de base-ball new-yorkais, celui qui opposait les Dodgers aux Giants en octobre 1951, sont éblouissantes d'intelligence, de virtuosité, de composition, toutes pleines d'échos, d'appels et de répons, etc. Du coup, j'ai commandé un nouveau livre de DeLillo : Libra, ainsi qu'American psycho de Bret Easton Ellis, que je n'ai jamais lu et dont je n'attends pas grand-chose, je ne sais pourquoi. Peut-être parce qu'on m'en a, à une époque, un peu trop rebattu les oreilles. Mais il semble qu'il y ait de véritables correspondances entre les deux romans.

samedi 9 juillet 2011

Les gothiques, c'est tout un roman (enfin ça le sera…)

L'écrivain en bâtiment, en ayant un peu marre d'être toujours tout seul sur le chantier, décida un matin de faire profiter les passants de l'avancement des travaux. En se disant que la période estivale avait toujours été propice aux lectures idiotes.


Deux grosses gouttes de pluie vinrent s’écraser, l’une sur le verre gauche des lunettes d’Aimé Brichot, l’autre sur l’arête de son nez busqué.

Il ne manquait plus que ça… Durant un mois, tout le monde s’était mis à entonner – et spécialement les journalistes de la télévision, bien entendu – le grand air de la sécheresse, et voilà que l’une des premières pluies tombant depuis plus d’un mois, elle était pour sa pomme !

En maugréant, Brichot releva le col de sa veste et continua de remonter la rue du Terrage. Plus sinistre que cette rue-là, c’était difficile, à part peut-être la fameuse rue Watt du treizième arrondissement, immortalisée par Boris Vian. C’est en tout cas l’impression qu’Aimé avait eue lorsque le taxi l’avait déposé à l’angle du faubourg Saint-Martin. D’un côté elle aboutissait aux voies du chemin de fer de la gare de l’Est ; de l’autre au canal Saint-Martin. Entre les deux, un alignement d’immeubles anciens mais sans caractère aucun et aux façades considérablement noircies. À présent, il ne lui restait plus qu’à trouver la rue Jean-Didier Jaigou, où se trouvait la discothèque Aimez-vous Bram ? – si possible avant qu’il pleuve “à boire debout”, comme aiment à dire nos cousins québécois. Car, bien entendu, il avait négligé de se munir du plan de Paris qui dormait bien tranquillement dans un tiroir de son bureau, aux Affaires recommandées…

Alors que les gouttes se faisaient de plus en plus nombreuses et pesantes, il avisa un homme d’une cinquantaine d’années, vêtu d’un pantalon de velours côtelé et d’une ample chemise grise, qui, malgré l’heure relativement avancée de la matinée, était occupé à sortir deux grosses poubelles vertes d’un immeuble un peu plus présentable que ses voisins. Il s’en approcha, tout en notant que l’homme avait des cheveux grisonnants, étonnamment longs sur la nuque.

- Pardon, mon brave : est-ce que vous pourriez me dire si je suis encore loin de la rue Jean-Didier Jaigou ? demanda Aimé Brichot bien poliment.

Le type se redressa brusquement, tourna vers lui un visage sanguin et rond, le regarda avec des yeux agrandis par la stupeur, avant d’éclater d’un gros rire sonore qui lui fit trembler tout le corps jusqu'aux tréfonds de l'armature :

- Non mais dites, qu’est-ce qui vous prend de me parler comme si on était deux acteurs d’une mauvaise série télé française – ce qui est d’ailleurs un parfait pléonasme ? Vous vous croyez sur TF1 ou bien ?

Aimé Brichot prit conscience du ridicule de sa formulation, se sentit rougir d’un coup et tenta plus ou moins de se raccrocher aux branches :

- Euh… veuillez me pardonner, je pensais juste que vous…

- Vous pensiez que, comme je suis concierge, il fallait me parler comme à un gogol léger, c’est ça ?

Du coup, Aimé Brichot perdit pied totalement et préféra se taire : ce qu’on appelle “capituler en rase campagne”. Il devait avoir l’air si misérable que son interlocuteur éclata de rire une seconde fois, avant de s’exclamer :

- Allez, faites pas cette tronche de gamin puni, mon petit vieux ! Je disais ça juste pour rigoler un peu ! Dans le fond je m’en fous, de la manière dont les gens s’adressent à moi. De toute façon, la plupart du temps, je n’écoute même pas ce qu’ils peuvent bien me raconter, les gens, alors…

- Donc, pour la rue Jean-Didier Jaigou… reprit Brichot avec un petit sourire amusé.

- Hein ? Ah, oui, bon… ben c’est pas très compliqué en fait, vu que c’est celle qui prend là, à gauche, juste après mon immeuble. Je la connais bien : c’est là que donnent les deux fenêtres de ce qu’on appelle ma “loge”, sans doute pour essayer de me faire croire qu’on est à l’opéra tous les jours, nous autres. Moi, je dirais plutôt : mon taudis, mais bon… Et vous allez y faire quoi, dans cette rue sinistre, si c’est pas indiscret ni abuser de votre temps ?

- Je vais à un endroit qui s’appelle Aimez-vous Bram ?

Le concierge en resta muet quelques secondes, avant d’éclater de rire pour la troisième fois, faisant sursauter la vieille dame à cheveux mauves qui passait à leur hauteur, traînant au bout d’une laisse un mini-chien aux allures de rat chlorotique.

- Aimez-vous Bram ?, voyez-vous ça ! D’abord, laissez-moi vous faire observer que si vous comptez vous encanailler, vous choisissez plutôt mal votre heure ! À moins que vous soyez là en repérage ? En tout cas, vous avez des goûts un peu bizarres, excusez-moi d’être franc, mon petit vieux. Moi, de mes fenêtres, je les vois passer, les filles qui vont s’entasser là-dedans. “Gothique”, on appelle ça, il paraît. Moi je dirais sinistre, ou même lugubre, oui ! Elles sont toujours tout en noir, avec des mines de déterrées et des maquillages immondes. Sans parler de leurs fringues informes et de leurs bijoux à vous coller le tracsir ! Moi, je pourrais pas tirer une de ces nanas-là : j’aurais trop peur qu’elle en profite pour me sucer le sang pendant que je dors ! Sucer, je suis plutôt pour, notez ; mais mon sang je me le garde ! Enfin, c’est chacun son goût, hein ? D’ailleurs, je reconnais que sur toutes celles que je vois passer, il y en a quelques-unes de vachement bandantes quand même !

Aimé Brichot avait dressé l’oreille, soudain intéressé par le bavardage du concierge. Tandis que l’autre achevait sa péroraison, il sortit de la poche intérieure de sa veste la photo de Marie-Pierre Bouvillon, qu’il avait reçue par mail juste avant de quitter le 36 et qu’il avait pris la peine d’imprimer. Il la mit sous le nez de son interlocuteur :

- Dites voir, mon brave, vous n’auriez pas vu cette fille-là, récemment, passer devant vos fenêtres ?

Sans daigner jeter le moindre coup d’œil à la feuille de papier A4 sur laquelle était imprimé le portrait de Marie-Pierre Bouvillon, le concierge lui envoya en revers une autre question :

- Seriez pas flic, vous, des fois ?

- J’appartiens effectivement à la police judiciaire de Paris, répondit Aimé Brichot, un peu plus sèchement. Et je vous répète ma question : est-ce que vous avez vu, récemment, cette personne entrer dans la discothèque ?

- Non, désolé, je ne l’ai pas vue y entrer, répondit l’autre après un rapide coup d’œil à la photo.

Brichot affichait déjà une mine déçue lorsque le concierge se fendit d’un large sourire satisfait et ajouta :

- Par contre, je l’ai vue en sortir !

- Vous en êtes sûr ?

- Caïman ! C’était avant-hier, si ma mémoire ne me joue pas de tours. Ou peut-être bien il y a deux jours. Enfin, dans ces z’eaux-là, comme dirait Émile. Je l’ai remarquée, cette greluche, d’abord parce qu’elle serait assez mon genre si j’avais vingt-cinq ans de moins et que je bandais encore à la commande, mais surtout parce qu’elle était complètement bourrée et que j’ai eu peur qu’elle ne s’affale sur le trottoir juste sous mes fenêtres – ce qui m’aurait moralement obligé à aller la ramasser, et j’en avais pas plus envie que ça. Mais finalement, non, elle a réussi à s’emporter un peu plus loin.

- Et elle est partie dans quelle direction ? voulut savoir Aimé Brichot, qui se sentait des impatiences.

- Ben vous alors ! Elle est partie dans le sens de circulation de la rue, cette blague !

- Dans le sens de la circulation ? s’étonna Brichot. C’est idiot : vous venez de me dire qu’elle était à pied !

- Elle était à pied en sortant de la boîte – ce qui est bien le moins ! corrigea l’autre. Juste après être passée en chaloupant devant mon taudis, elle a été accostée par un type à moto – une grosse cylindrée bleue, genre japonaise. Votre pochtronne gothique est montée tant bien que mal en croupe et ils se sont tirés. Voilà, j’en sais pas plus, M’sieur l’agent !

Aimé Brichot ne releva même pas la petite pique finale et demanda très vite :

- Vous avez pu voir le visage du pilote ?

- À travers un casque intégral à la visière fumée ? Et pourquoi pas ses tatouages et la marque de son vaccin anti-tuberculeux sous la combinaison de cuir, pendant que vous y êtes ? Non mais j’vous jure, les flics des fois…

Devant l’air plus ou moins exaspéré d’Aimé Brichot, il se dépêcha d’ajouter :

- Bon, en tout cas, votre motard, il avait l’air plutôt pas très grand et pas bien baraqué non plus. Je me suis même demandé comment il faisait pour maîtriser son “gros cube” avec son gabarit de moineau weight watcher

Aimé Brichot remercia le concierge pour sa contribution au recul de la criminalité et l'abandonna à ses poubelles. Ce n’est qu’en tournant le coin de la rue Jean-Didier Jaigou qu’il prit conscience de ce que la pluie n’avait pas cessé de tomber durant toute la conversation, et qu’il était désormais trempé.

Il eut tout de même un petit sourire satisfait, sous sa moustache irisée : au moins, il ne s’était pas fait mouiller pour rien. Il n’y avait peut-être aucun lien entre le motard “weight watcher” qui avait embarqué Marie-Pierre Bouvillon deux ou trois jours plus tôt et la mort par égorgement de celle-ci, mais c’était une piste qui méritait d’être suivie.

Et au moins, s’il chopait une pleurésie, il pourrait toujours se dire que c’était pour le bien de la France.


Michel Brice, Les Métamorphoses du vampire, p. 53-60 du document Word.


vendredi 8 juillet 2011

Quoi, ma goule ? Qu'est-ce qu'elle a, ma goule ?


Comme j'avais besoin d'une boîte de nuit fréquentée par des “gothiques” adeptes du vampirisme, afin de déposer dans son arrière-cour une pauvre fille nue et salement égorgée, j'en ai créé une dans le troisième arrondissement de Paris et l'ai appelée : Aimez-vous Bram ?

On s'amuse comme on peu…