jeudi 21 avril 2022

La fatalité du débat


 Soirée fort étrange, hier, et légèrement teintée de surréalisme. Catherine et moi avions décidé de ne point nous soucier du débat pré-électoral ni des deux malfaisants pitres qu'il allait faire mine d'opposer. Décision purement théorique, du reste, puisqu'il y a déjà longtemps que nous ne recevons plus la moindre chaîne de télévision. Disons que, si nous avions eu la possibilité technique de le suivre, nous aurions tout de même boudé le barnum sus-indiqué. 

Donc, sagement, l'âme en paix et la volonté abstentionniste chevillée au corps, nous nous calâmes devant l'écran plat, pour y regarder la suite de la septième saison d'À la Maison blanche. Cette saison, qui se trouve être la dernière,  est presque entièrement consacrée à la succession de l'actuel président américain, joué par Martin Sheen, cet impayable gauchiste octogénaire, rescapé des touffeurs d'Apocalypse now. Et l'on assiste tout au long à la double campagne et aux luttes que se livrent les deux candidats à cette succession, le gentil démocrate vertueux et le méchant républicain vendu aux lobbies de toutes espèces (c'est une série “de gauche”, évidemment…). 

C'est ainsi que, lors du dernier épisode regardé hier, nous nous sommes retrouvés, un peu ébahis, face à un débat électoral d'une quarantaine de minutes, entre deux candidats fictifs, américains de surcroît,  c'est-à-dire à la reproduction scénarisée – et heureusement plus brève – de ce à quoi nous avions fermement décidé d'échapper. 

Ce qui nous a bien amusés. 

Reste à savoir si le débat français qui, au même moment, se déroulait en direct, était plus important, plus vrai que celui qui nous occupait : rien n'est moins assuré.

vendredi 15 avril 2022

Gustave et les femmes


 « Ce que je leur reproche surtout, c'est leur besoin de poétisation. Un homme aimera sa lingère, et il saura qu'elle est bête qu'il n'en jouira pas moins. Mais si une femme aime un goujat, c'est un génie méconnu, une âme d'élite, etc., si bien que, par cette disposition naturelle à loucher, elles ne voient pas le vrai quand il se rencontre, ni la beauté là où elle se trouve. Cette infériorité (qui est au point de vue de l'amour en soi une supériorité) est la cause des déceptions dont elles se plaignent tant ! Demander des oranges aux pommiers leur est une maladie commune.

« Elles ne sont pas franches avec elles-mêmes, elles ne s'avouent pas leurs sens. – Elles prennent leur cul pour leur cœur et croient que la lune est faite pour éclairer leur boudoir. Le cynisme, qui est l'ironie du vice, leur manque, ou, quand elles l'ont, c'est une affectation. La courtisane est un mythe. – Jamais une femme n'a inventé une débauche. – Leur cœur est un piano où l'homme artiste égoïste se complait à jouer des airs qui le font briller, et toutes les touches parlent. Vis-à-vis de l'amour en effet, la femme n'a pas d'arrière-boutique ; elles ne gardent rien à part pour elles, comme nous autres qui, dans toutes nos générosités de sentiments, réservons néanmoins toujours in petto un petit magot, pour notre usage exclusif. »

G. Flaubert, lettre à Louise Colet, 24 avril 1852.


On imagine avec une certaine jubilation le rictus du pénible bas-bleu recevant ce bouquet d'orties, elle qui, quelques jours avant, demandait à son amant rouennais de “lui dire des tendresses” ! Dire des tendresses… Quelle débandaison brutale, pour ce malheureux Gustave, recevant une aussi pitoyable sommation ! Le plus comique, pour son lecteur d'aujourd'hui, est que, plein de bonne volonté, dans la même lettre dont j'ai cité deux paragraphes plus haut, il s'y essaie en effet. Comme il y est malhabile ! Comme il s'y montre emprunté ! Quel mal il semble avoir à se branler le cœur ! Si l'on n'était pas séparé de Croisset par une grosse cinquantaine de kilomètres, on entendrait d'ici ses ahanements de bon bœuf attelé à une charrue trop lourde.

Et ce n'est pas là tout son calvaire. Car s'entendre dire des tendresses n'est pas la seule exigence de la poétaillonne parisienne : elle veut aussi qu'on lui en fasse ; ce qui implique rencontre, journées et nuits communes, toute la lyre. Pour parer à ce demi-cauchemar, Gustave a son excuse toute prête ; toujours la même, burlesque à force d'être constamment resservie, mais efficace. On peut la résumer ainsi : « Il me reste à écrire cinq pages pour finir ma première partie ; donc, je ne pourrai pas bouger d'ici avant sept à huit semaines. Mais alors, quel délice de te revoir, etc. »

En somme, ce grand lâche – mais ne le sommes-nous pas tous, un peu ? – se cache derrière les jupes d'Emma Bovary pour tenter d'échapper à la griffe de Louise Colet. Pour achever d'horripiler la femme de chair qu'il vient de repousser aux calendes, il ne cesse de lui parler en long et large de celle de papier.

Et c'est précisément ce qui nous rend ces lettres à Louise Colet si précieuses.

dimanche 10 avril 2022

Citation de circonstance


 Trouvée, il y a quelques instants, dans le Journal inutile de Paul Morand, en date du 12 septembre 1971 :

Intelligents, les Français ne deviennent idiots qu'au moment de voter.

Ce droit de devenir passagèrement stupide, j'ai prudemment décidé de n'en point faire usage : on ne sait jamais s'il ne va pas devenir pérenne…

Et puisqu'on parle de lui et de son livre ultime, je notais ce matin ceci dans mon journal :

« J'imagine la rage bavante des bas bleus féministoïdes à la parution du Journal inutile de Morand, en 2001 : comment ? Voilà un mâle blanc hétérosexuel qui se répand en horreurs sur nous-autres-femmes, et qu'on ne peut même pas traîner devant les tribunaux sous le prétexte fallacieux qu'il est mort depuis un quart de siècle ? Honte ! Scandale ! Abomination ! Même chose d'ailleurs pour l'inquisition pédérastique et les comités de censure antiracistes. Pendant ce temps, à Trieste, Morand est secoué d'un rire puissant, à s'en faire éparpiller les cendres hors de leur urne. »

Et voilà comment une urne chassa l'autre, opportunément.

vendredi 1 avril 2022

Au bout de la route


 NOUS NE COMPTIONS PAS NOUS RENDRE À ERMENOUVILLE  

DÈS CE MOIS DE MARS