mardi 23 juillet 2024

Les dessous de la gastronomie hospitalière


 Durant ces cinq jours où je fus exclusivement nourri de l'incomparable gastronomie hospitalière, j'en suis arrivé à une conclusion que je juge irréfutable. Il doit exister, quelque part en France, probablement en des infrastructures souterraines afin de prévenir d'éventuelles insurrections paysannes contre elle, il doit exister, disais-je, une école particulière de cuisine, dans laquelle on forme les futurs marmitons hospitaliers. Ce n'est pas possible autrement.

Le but principal de l'enseignement qui leur est dispensé, leur Premier Commandement en quelque sorte, est de leur apprendre à surtout ne jamais réussir un plat, ni même à ne le rater qu'à demi. Un plat mangeable, c'est l'avertissement ; deux, le blâme ; trois, le renvoi définitif. C'est moins facile qu'un vain peuple pourrait le penser. 

Essayez par exemple, en dehors de toute formation rigoureuse, de transformer un honnête steak haché en une sorte de feuilleté de contreplaqué, à peine entamable au couteau : seuls les plus inspirés y parviendront peut-être. Ou bien, prenez un filet de poisson parfaitement frais (les services sanitaires sont au taquet 24 heures sur 24) et concoctez-lui une sauce qui puisse faire croire qu'il a été pêché il y a trois mois et conservé ensuite dans une remise bien chauffée : humiliant échec garanti.

Il reste maintenant à déterminer à quels signes aussi discrets que mystérieux ces gâte-sauces démoniaques se reconnaissent entre eux.

Et si, parfois, une puisssnce encore plus diabolique qu'eux-mêmes les contraint à ingérer ce qui sort de leurs chaudrons.

lundi 15 juillet 2024

Patience, patience dans l'azur…

 

 
Une phrase de Simenon, dans le premier chapitre de son roman Le Train : « Il avait aussi des pigeons voyageurs et, les dimanches de concours, restait des heures immobile au fond de son jardin à guetter le retour de ses bêtes au colombier. »

Je cesse aussitôt de lire, brusquement transporté dans l'espace et le temps. Me voilà revenu au début des années soixante et dans le parc de la Chambre de commerce de Sedan. René, mon grand-père paternel, et moi sommes assis chacun sur une chaise paillée ; ses pieds raclent les gravillons du sol, les miens battent l'air. La Chambre de commerce élève sa masse formidable juste dans notre dos, nous avons tous les deux les yeux braqués sur le pigeonnier auquel nous faisons face. 

C'est dimanche ; transportés dans de grandes malles d'osier, les pigeons ont été lâchés je ne sais où il y a déjà plusieurs heures. Et, maintenant, ils devraient arriver, bon sang ! Qu'est-ce qu'ils foutent, ces fainéants volatiles ? Patience, patience dans l'azur, comme disait Paul le Sétois… La récompense arrive finalement : un premier pigeon vient de se poser sur le rebord de la gouttière ! À présent, il s'agit qu'il rentre au bercail...

La colombophilie, dans ces moments-là, est une école de zénitude et d'endurance. Car, pour que le retour d'un oiseau soit homologué, il faut — en tout cas à cette époque dont je parle — s'en saisir et introduire la bague de sa patte dans une grosse (grosse aux yeux de l'enfant) horloge lourde et cubique. Mais comment l'attraper si cet imbécile s'obstine à musarder sur les tuiles du toit ? C'est ainsi que l'on perd de précieuses minutes...

René écrase les gravillons sous ses semelles, à force de trépigner d'impatience — et je trépignerais avec lui si mes jambes étaient assez longues. Heureusement,  après avoir volé durant deux cents ou trois cents kilomètres, les voyageurs sont généralement affamés et s'empressent de rentrer au colombier pour se diriger en dandinant du croupion vers les grains de blé reconstituants. Mais il y a toujours des distraits, des flâneurs, des têtes dures, des ascètes, des provocateurs, des oiseaux de carême...

Cela, ce musardage faîtier, n'a pas empêché René, au fil des années, de grimper régulièrement sur la première marche du podium colombophile, comme en attestent les coupes dorées ou argentées alignées sur le buffet de la salle à manger.

Du moins en font-elles foi dans ma mémoire ; car, dans le monde matériel où nous traînons encore, nul ne sait ce que sont ces trophées devenus.

Ni les chaises paillées qui, à René et à moi, tenaient lieu de perchoirs jumeaux.

vendredi 12 juillet 2024

Jeu, câlin… et dodo ! (Billet "spécial gâteux")



 
Les séances de jeu ont plus souvent lieu le matin, selon des modalités apparemment précises, dûment codifiées. Il s'agit de faire semblant de s'entr'agresser. C'est généralement Charlus qui attrape Saint-Loup, par la tête comme ici, ou bien en plongeant ses mâchoires dans son ventre, ou encore en lui happant les pattes arrière, comme s'il avait dans l'idée de le démembrer une bonne fois pour toutes.
 
Mais dès que le chien fait mine de cesser le combat et qu'il se redresse pour rejoindre son coin du ring, c'est au tour du chat de lui sauter à la tête en bondissant des quatre pattes, lui agrippant les oreilles et lui boxant la truffe.

La différence le plus immédiatement perceptible entre les deux belligérants est que le félin se bat dans un complet silence, tandis que le canin halète et grogne comme s'il avait été pitbull dans une existence antérieure et que ça lui revenait brusquement.

 
Lorsque les deux bestiaux sont parvenus au bout de leur agressivité en trompe-l'œil, ils éprouvent généralement un soudain besoin de tendresse. C'est alors que s'inverse les différences sonores : Saint-Loup se met à ronronner bruyamment, cependant que Charlus se tait ; il laisse le chat se frotter et se refrotter contre lui, avec une bienveillance qui a quelque chose de momentanément maternel.


Comme tout cela est finalement assez fatigant, la dernière phase se passe d'explication…

jeudi 11 juillet 2024

Simenon en question

L'une des caractéristiques de Simenon est son utilisation fréquente des phrases interrogatives. Un exemple, pris au début de la seconde partie du Veuf, roman de 1960 (mais on en trouverait cent autres dans l'ensemble de l'œuvre). Simenon commence ainsi : 

« Sa nouvelle vie n'était pas très différente de l'ancienne, dont elle avait conservé à peu près le rythme. » 

Suit une description en sept ou huit lignes de la routine en question , du veuf de fraîche date. Soudain, changement de paragraphe, et vient ceci, comme isolé , presque indépendant de ce qui précède et de ce qui va suivre :

« Peut-être passait-il plus de temps dans son fauteuil que du vivant de Jeanne et lui arrivait-il d'y perdre conscience de la fuite du temps ? »

Ensuite, le récit reprend son cours précédent : « Les jours se suivaient, calmes et vides en apparence, etc. »

Mais cette courte phrase interrogative, insérée là, suffit à créer quelque chose comme une menace encore très floue mais bien réelle ; un commencement de faille si minuscule que l'auteur lui-même ne paraît pas assuré tout à fait de son existence. Il se pourrait que l'idée, le soupçon d'un possible “glissement de terrain” psychique chez son personnage lui soit venue au moment même où sa main commençait à tracer la phrase. 

Devant la forme interrogative que prend alors celle-ci, on s'attendrait presque à le voir ajouter, relevant la tête et se tournant vers son lecteur : « Qu'est-ce que vous en pensez, vous ? »

Mais le lecteur, c'est bien connu, n'est nullement là pour penser.


 

mercredi 3 juillet 2024

Attention, Guignol : le méchant fasciste !


 Que les marionnettistes en chef agitent sans relâche leurs figurines fascistes, voire nazies, histoire de maintenir plus ou moins éveillées les poupées dont ils tirent les ficelles mentales, soit : ils sont dans leur rôle. Où l'affaire cesse d'être risible pour devenir un peu déprimante, c'est quand le spectateur-malgré-lui s'aperçoit que tous ces petits personnages de chiffons — parfois appelés militants — semblent réellement croire  que l'hydre fasciste ne va pas tarder à faire irruption dans leurs deux-pièces-cuisine, et que plusieurs détachements de la Waffen-SS sont massés aux bois de Vincennes et de Boulogne, prêts à prendre Paris en tenaille pour y égorger nos filles et nos compagnes, et pendre les LGBT à tous les réverbères disponibles, en chantant le Horst Wessel Lied.

lundi 1 juillet 2024

Le mois de la grande parité félino-canine


En juin… fais gaffe au chien !