mardi 23 juillet 2024

Les dessous de la gastronomie hospitalière


 Durant ces cinq jours où je fus exclusivement nourri de l'incomparable gastronomie hospitalière, j'en suis arrivé à une conclusion que je juge irréfutable. Il doit exister, quelque part en France, probablement en des infrastructures souterraines afin de prévenir d'éventuelles insurrections paysannes contre elle, il doit exister, disais-je, une école particulière de cuisine, dans laquelle on forme les futurs marmitons hospitaliers. Ce n'est pas possible autrement.

Le but principal de l'enseignement qui leur est dispensé, leur Premier Commandement en quelque sorte, est de leur apprendre à surtout ne jamais réussir un plat, ni même à ne le rater qu'à demi. Un plat mangeable, c'est l'avertissement ; deux, le blâme ; trois, le renvoi définitif. C'est moins facile qu'un vain peuple pourrait le penser. 

Essayez par exemple, en dehors de toute formation rigoureuse, de transformer un honnête steak haché en une sorte de feuilleté de contreplaqué, à peine entamable au couteau : seuls les plus inspirés y parviendront peut-être. Ou bien, prenez un filet de poisson parfaitement frais (les services sanitaires sont au taquet 24 heures sur 24) et concoctez-lui une sauce qui puisse faire croire qu'il a été pêché il y a trois mois et conservé ensuite dans une remise bien chauffée : humiliant échec garanti.

Il reste maintenant à déterminer à quels signes aussi discrets que mystérieux ces gâte-sauces démoniaques se reconnaissent entre eux.

Et si, parfois, une puisssnce encore plus diabolique qu'eux-mêmes les contraint à ingérer ce qui sort de leurs chaudrons.

lundi 15 juillet 2024

Patience, patience dans l'azur…

 

 
Une phrase de Simenon, dans le premier chapitre de son roman Le Train : « Il avait aussi des pigeons voyageurs et, les dimanches de concours, restait des heures immobile au fond de son jardin à guetter le retour de ses bêtes au colombier. »

Je cesse aussitôt de lire, brusquement transporté dans l'espace et le temps. Me voilà revenu au début des années soixante et dans le parc de la Chambre de commerce de Sedan. René, mon grand-père paternel, et moi sommes assis chacun sur une chaise paillée ; ses pieds raclent les gravillons du sol, les miens battent l'air. La Chambre de commerce élève sa masse formidable juste dans notre dos, nous avons tous les deux les yeux braqués sur le pigeonnier auquel nous faisons face. 

C'est dimanche ; transportés dans de grandes malles d'osier, les pigeons ont été lâchés je ne sais où il y a déjà plusieurs heures. Et, maintenant, ils devraient arriver, bon sang ! Qu'est-ce qu'ils foutent, ces fainéants volatiles ? Patience, patience dans l'azur, comme disait Paul le Sétois… La récompense arrive finalement : un premier pigeon vient de se poser sur le rebord de la gouttière ! À présent, il s'agit qu'il rentre au bercail...

La colombophilie, dans ces moments-là, est une école de zénitude et d'endurance. Car, pour que le retour d'un oiseau soit homologué, il faut — en tout cas à cette époque dont je parle — s'en saisir et introduire la bague de sa patte dans une grosse (grosse aux yeux de l'enfant) horloge lourde et cubique. Mais comment l'attraper si cet imbécile s'obstine à musarder sur les tuiles du toit ? C'est ainsi que l'on perd de précieuses minutes...

René écrase les gravillons sous ses semelles, à force de trépigner d'impatience — et je trépignerais avec lui si mes jambes étaient assez longues. Heureusement,  après avoir volé durant deux cents ou trois cents kilomètres, les voyageurs sont généralement affamés et s'empressent de rentrer au colombier pour se diriger en dandinant du croupion vers les grains de blé reconstituants. Mais il y a toujours des distraits, des flâneurs, des têtes dures, des ascètes, des provocateurs, des oiseaux de carême...

Cela, ce musardage faîtier, n'a pas empêché René, au fil des années, de grimper régulièrement sur la première marche du podium colombophile, comme en attestent les coupes dorées ou argentées alignées sur le buffet de la salle à manger.

Du moins en font-elles foi dans ma mémoire ; car, dans le monde matériel où nous traînons encore, nul ne sait ce que sont ces trophées devenus.

Ni les chaises paillées qui, à René et à moi, tenaient lieu de perchoirs jumeaux.

vendredi 12 juillet 2024

Jeu, câlin… et dodo ! (Billet "spécial gâteux")



 
Les séances de jeu ont plus souvent lieu le matin, selon des modalités apparemment précises, dûment codifiées. Il s'agit de faire semblant de s'entr'agresser. C'est généralement Charlus qui attrape Saint-Loup, par la tête comme ici, ou bien en plongeant ses mâchoires dans son ventre, ou encore en lui happant les pattes arrière, comme s'il avait dans l'idée de le démembrer une bonne fois pour toutes.
 
Mais dès que le chien fait mine de cesser le combat et qu'il se redresse pour rejoindre son coin du ring, c'est au tour du chat de lui sauter à la tête en bondissant des quatre pattes, lui agrippant les oreilles et lui boxant la truffe.

La différence le plus immédiatement perceptible entre les deux belligérants est que le félin se bat dans un complet silence, tandis que le canin halète et grogne comme s'il avait été pitbull dans une existence antérieure et que ça lui revenait brusquement.

 
Lorsque les deux bestiaux sont parvenus au bout de leur agressivité en trompe-l'œil, ils éprouvent généralement un soudain besoin de tendresse. C'est alors que s'inverse les différences sonores : Saint-Loup se met à ronronner bruyamment, cependant que Charlus se tait ; il laisse le chat se frotter et se refrotter contre lui, avec une bienveillance qui a quelque chose de momentanément maternel.


Comme tout cela est finalement assez fatigant, la dernière phase se passe d'explication…

jeudi 11 juillet 2024

Simenon en question

L'une des caractéristiques de Simenon est son utilisation fréquente des phrases interrogatives. Un exemple, pris au début de la seconde partie du Veuf, roman de 1960 (mais on en trouverait cent autres dans l'ensemble de l'œuvre). Simenon commence ainsi : 

« Sa nouvelle vie n'était pas très différente de l'ancienne, dont elle avait conservé à peu près le rythme. » 

Suit une description en sept ou huit lignes de la routine en question , du veuf de fraîche date. Soudain, changement de paragraphe, et vient ceci, comme isolé , presque indépendant de ce qui précède et de ce qui va suivre :

« Peut-être passait-il plus de temps dans son fauteuil que du vivant de Jeanne et lui arrivait-il d'y perdre conscience de la fuite du temps ? »

Ensuite, le récit reprend son cours précédent : « Les jours se suivaient, calmes et vides en apparence, etc. »

Mais cette courte phrase interrogative, insérée là, suffit à créer quelque chose comme une menace encore très floue mais bien réelle ; un commencement de faille si minuscule que l'auteur lui-même ne paraît pas assuré tout à fait de son existence. Il se pourrait que l'idée, le soupçon d'un possible “glissement de terrain” psychique chez son personnage lui soit venue au moment même où sa main commençait à tracer la phrase. 

Devant la forme interrogative que prend alors celle-ci, on s'attendrait presque à le voir ajouter, relevant la tête et se tournant vers son lecteur : « Qu'est-ce que vous en pensez, vous ? »

Mais le lecteur, c'est bien connu, n'est nullement là pour penser.


 

mercredi 3 juillet 2024

Attention, Guignol : le méchant fasciste !


 Que les marionnettistes en chef agitent sans relâche leurs figurines fascistes, voire nazies, histoire de maintenir plus ou moins éveillées les poupées dont ils tirent les ficelles mentales, soit : ils sont dans leur rôle. Où l'affaire cesse d'être risible pour devenir un peu déprimante, c'est quand le spectateur-malgré-lui s'aperçoit que tous ces petits personnages de chiffons — parfois appelés militants — semblent réellement croire  que l'hydre fasciste ne va pas tarder à faire irruption dans leurs deux-pièces-cuisine, et que plusieurs détachements de la Waffen-SS sont massés aux bois de Vincennes et de Boulogne, prêts à prendre Paris en tenaille pour y égorger nos filles et nos compagnes, et pendre les LGBT à tous les réverbères disponibles, en chantant le Horst Wessel Lied.

lundi 1 juillet 2024

Le mois de la grande parité félino-canine


En juin… fais gaffe au chien !

 

mardi 25 juin 2024

N'abandonnons pas la syntaxe aux fascistes !


 M. Charles Fournier est député sortant écolo de Tours (depuis une semaine, notre irremplaçable professeur Saint-Graal et autres ravagés de la coiffe du même acabit s'agitent beaucoup, entre Cher et Loire, pour le faire réélire dimanche). Quand il n'agit pas pour les animaux, ce qui est fort louable, M. Fournier écrit sous X. Voici comment s'exprime un député écolo de nos jours :

« À tous ceux qui répètent à longueur de journée des amalgames sur les plateaux télé, dans la presse ou dans vos meetings : vous alimentez les fractures et servez de marche pied à l’extrême-droite. »

Alors, voilà. D'après notre élu zoophile, il est possible non seulement de répéter des amalgames, mais aussi d'alimenter des fractures dans le but de se transformer en marchepied — ou bien serait-ce en “marche à pied” ? Le doute subsiste. 

On choperait le tournis pour moins que ça. Et en dépit de toutes les mesures prises par M. Fournier en faveur des bébêtes tourangelles, gageons qu'une chatte aurait du mal à y retrouver ses petits.

samedi 22 juin 2024

mardi 18 juin 2024

La tablette du iGreffier

On pourra dire ce qu'on veut, les faits sont là :

Les nouvelles générations s'initient à l'informatique 

bien plus jeunes que nous autres…

 

samedi 15 juin 2024

Normalisation des relations Est-Ouest

 

Une ébauche de dialogue a même eu lieu,

en présence d'un observateur dûment accrédité.



vendredi 14 juin 2024

La meute s'agrandit


On l'a récupéré chez les voisins d'en face ; qui nous l'ont “vendu” pour un chaton de deux mois, mais qui doit plutôt en avoir entre trois et quatre, si l'on tient à mon avis sur la question. Toujours d'après le voisin, ce serait un mâle, mais le doute est largement permis. Disons que, en attendant le verdict de notre vétérinaire, mardi, il s'agit d'un félin gender fluid, ce qui nous fait sauter à pattes jointes dans la plus échevelée des modernités. Iel a bon appétit… et la chiasse, ce qui est dans l'ordre des choses.

Le premier contact avec Charlus s'est déroulé au mieux. Étrangement, le chien a semblé plus impressionné qu'excité par le nouvel arrivant. Finalement, il a tout de même risqué une truffe dans sa direction, lui a donné deux petits coups de langue sur la calotte crânienne, histoire d'officialiser la rencontre, sans que le chat en prenne ombrage, en tout cas de façon feularde et griffue.

Restait la question du nom. Notre snobisme littéraire ne s'étant nullement calmé avec les années, il nous en fallait un glané du côté de chez Proust. Moins facile que c'en a l'air, car la majorité des noms que l'on trouve dans La Recherche ne sauraient convenir à un greffier, même pré-genré : je me voyais mal, par exemple, appeler cette pauvre bête Bréauté-Consalvi ou Princesse-de-Parme.

Nous nous sommes finalement arrêté sur Saint-Loup. Deux syllabes assez sonores pour être vite assimilables par un cerveau de matou, faciles à prononcer pour nous, voire à hurler s'il fait une connerie sous nos yeux. De plus, tout le monde se souvient que, chez Proust, le marquis de Saint-Loup-en-Bray est le neveu du baron de Charlus.

L'onomastique venait donc à point pour renforcer des liens familiaux encore à peine esquissés.

mercredi 12 juin 2024

Au bûcher, Donald !


 Bon, l'affaire est entendue : Donald Westlake est un infréquentable méritant la roue, l'estrapade, le pilori et le gibet ; il a beaucoup de chance d'être déjà mort. Voici ce qu'il écrit à propos d'un des flics qui viennent d'apparaître au chapitre 8 de Pourquoi moi ? :

« C'était un Nègre de vingt-huit ans, une foutue tapette à la langue bien pendue : le sergent Léon Windrift. Si Léon avait simplement été homosexuel, il y a longtemps qu'il aurait été viré de ce corps d'élite qu'était la police new-yorkaise. S'il avait simplement été noir, il serait resté flic des rues sa vie durant. Mais comme il était à la fois nègre et pédé, on ne pouvait ni le virer ni le garder dans un commissariat de quartier, ce qui expliquait l'ascension rapide qui l'avait conduit au grade de sergent et à un boulot au quartier général. »

À fin d'exemplarité, je propose que le cadavre de cet ignoble homonégrophobe soit promptement déterré et publiquement écartelé puis brûlé lors d'une grande cérémonie expiatoire, citoyenne, inclusive, éco-responsable et, bien sûr, aussi dérangeante que décalée.

 

dimanche 9 juin 2024

Sombre éclaircie

 
 
Le français du Señor Météo. Pour aujourd'hui, l'iBigo m'annonce de “belles éclaircies à partir de 13 h”. Or, depuis ce matin, le ciel est implacablement azuréen : comment va-t-il s'y prendre pour s'éclaircir ?

En regardant les petites icônes, celles qui permettent aux illettrés de savoir eux aussi le temps qu'il va faire, je constate que quelques nuages sont prévus d'arriver à partir d'une heure de l'après-midi, mais sans doute pas assez compacts pour masquer totalement le soleil.

Donc, pour le Señor Météo, une arrivée de nuages dans un ciel pur s'appelle une éclaircie ; qu'il n'hésite pas, en outre, à trouver belle. J'ai commencé par me moquer — évidemment.

Puis, je me suis demandé comment, moi, brusquement investi des pouvoirs et de l'autorité du Señor, je qualifierais en une courte formule le phénomène en question.

Je dois bien reconnaître n'avoir rien trouvé de tout à fait satisfaisant. “Vilain assombrissement” serait évidemment ridicule. “Moche ennuagement” est encore pire. “Soleil partiellement offusqué” sonne par trop prétentieux. 

Pour l'instant, j'en suis là. 

Et il fait toujours beau.

samedi 8 juin 2024

Comme sur des roulettes

Non parce que, quand même : on ne peut pas passer toutes ses journées uniquement entre Chateaubriand et Proust, même si on est un intellectuel dûment barbelé de références littéraires. Il faut savoir se détendre un peu. Prendre durant une heure ou deux la vie par ses côtés improbables.

Pour cela, rien de mieux que d'aller piocher dans la pile des romans déjà lus de Donald Westlake, spécialement la série des Dortmunder, du nom du personnage principal de cette épopée du cambriolage moderne en une quinzaine de volumes. On peut les lire dans n'importe quel ordre, mais pourquoi ne pas commencer par le premier, loin d'être le moins réjouissant ?

C'est ce que j'ai fait hier. Pierre qui brûle est l'histoire d'une émeraude que se disputent deux pays africains imaginaires, et qui se trouve présentement — vrai coup de chance — au Coliseum de New York. Quoi de plus évident, pour Dortmunder et sa petite bande de branquignols d'anthologie, que de mettre la main dessus ? Évidemment, tout va se mettre à mal marcher, à barrer en implacables sucettes. (Ce disant, je ne casse aucun suspense : tous les “coups” montés par les Dortmunder's Boys échouent systématiquement ; c'est presque leur marque de fabrique.)

Ce matin, ayant fini de brûler ma pierre, j'ai rouvert Comment voler une banque. À ce sujet, une remarque. Pour je ne sais quelle obscure et tortueuse raison, les éditeurs français de romans policiers américains ont longtemps eu à cœur de donner à leurs livres des titres absurdes, si possible n'ayant rien à voir avec l'original, même quand il était aisément traduisible tel quel — les plus acharnés en ce domaine étant la consternante Série noire de Gallimard. 

Tel n'est pas le cas ici. Westlake a appelé son roman Bank Shot. Le titre français, Comment voler une banque, est certes différent, mais il est judicieux. En effet, il ne s'agit nullement, pour Dortmunder et ses pieds nickelés, de simplement dévaliser cette banque de Long Island, mais bel et bien de la voler, après l'avoir équipée nuitamment de roues et d'essieux.

La chose est-elle possible, même seulement concevable ? Allez-y voir

mardi 4 juin 2024

Hoy en mi ventana brilla el sol


 Puisque nous en étions aux chansons qui me font un étrange effet, je pourrais aussi parler de Porque te vas, chantée, avec un accent un peu bizarre, un peu “impur”, par la jeune Jeanette — qui est aujourd'hui une bien vieille dame.

J'ai, comme à peu près tout le monde, découvert cette chanson à la fin de 1976 ou au début de la suivante — j'étais parisien de très fraîche date —, en allant voir le film de Carlos Saura, Cría Cuervos, qui, par son retentissement, a fait de cette ritournelle, sortie fort discrètement quelque temps plus tôt, un “tube” quasi mondial. 

(Ma mère étant, sur ces entrefaites, venue passer une semaine dans le deux-pièces de la rue de Patay, 21, que je partageais avec Denis Barthès, mon ami orléanais des lycées Pothier puis Benjamin-Franklin, pour je ne sais quelle formation qu'elle devait suivre, j'étais retourné voir le film avec elle, mais probablement, cette fois, en version doublée.)

Presque 50 après, je ne me rappelle à peu près rien de Cría Cuervos, sauf une scène : on y voyait la très jeune Ana Torrent (elle a aujourd'hui 57 ans...) assise dans un canapé, posant le disque de Jeanette sur son petit électrophone et écoutant religieusement Porque te vas.

Pour autant que je comprenne encore un peu l'espagnol, les paroles de cette chanson ne valent pas grand-chose. Si l'on tient à être indulgent, on les dira anodines. Et je ne suis pas sûr que la mélodie soit beaucoup plus relevée. Pourtant, chaque fois que je l'entends, ce qui n'arrive pas tous les jours, ni même tous les ans, elle me plonge dans un état spécial que j'aurais bien de la peine à définir — la preuve : je n'essaie même pas. Mais, comme dans le cas de So far away, c'est un effet qui se prolonge bien au-delà du temps de la chanson ; parfois plusieurs heures.

Effet durable, mais que je pressens fragile, prêt à s'évaporer si j'en venais à trop le solliciter, C'est au point que, si d'aventure l'occasion de revoir le film de Saura m'était un de ces jour donnée, je crois bien que je me défilerais. Par crainte irraisonnée de casser quelque chose. 

De voler sa jeunesse à Jeanette et son enfance à Ana.

lundi 3 juin 2024

I'm no one but a shadow…


 Je viens, chez Toitube, de tomber par hasard sur Nicolas Peyrac chantant So far away from L.A. Je l'ai écouté jusqu'au bout, et j'ai pu constater que cette chanson me plongeait toujours, comme il y a quarante ans et plus, dans la même mélancolie nostalgique, provoquant chez moi une sorte de regret souriant baudelairien aussi inexplicable que tenace.

L'étrangeté de cet effet produit sur moi est augmenté du fait que Peyrac est un chanteur qui ne m'a jamais particulièrement intéressé, et que la petite dizaine de chansons que j'ai pu, dans le temps, connaître de lui m'a toujours laissé à peu près voire complètement froid. Mais entonne-t-il So far away ? Il est sûr de “m'avoir” à tous les coups.

(Autre petit fait curieux : chacun pourra constater, au vu du portrait ci-dessus, que, les années passant, Nicolas Peyrac s'est fait presque la même tête que Jean-Pierre Darroussin.)

Je me souviens aussi d'un soir, vers le milieu des années quatre-vingt, dans l'un de ces restaurants japonais où les client sont assis le long d'un comptoir plus ou moins circulaire autour du faiseur de sushis, je me souviens d'avoir dîné à côté de ce Nicolas-là. Il était en compagnie d'une femme ; je n'étais pas seul non plus, mais du diable si, les décennies ayant passé, je me rappelle avec qui.

So far ago, n'est-ce pas...

 

samedi 1 juin 2024

Aux confins de l'Andalousie


 Nous avons beaucoup vagabondé ici et là, en mai.

vendredi 24 mai 2024

Que sierra sierra…


 Je serai sans doute le seul de cet avis, mais il m'a semblé que, sortant des Liaisons dangereuses de Laclos, il était parfaitement logique de dérouler le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki, évidemment déjà lu et relu, comme en fera foi ce qui suit. La première raison est que le Français et le Polonais furent contemporains, à quelques années près, le droit d'aînesse revenant au premier. La seconde est qu'il leur est arrivé la même chose : tous deux, au cours de leur existence terrestre, se sont occupés de diverses choses n'ayant que peu à voir avec la littérature, puis ils se sont mis à un unique roman et ont enfanté un chef-d'œuvre.

La vie de Potocki, du reste, mériterait un long billet à elle seule, tant elle fut riche, féconde, mouvementée, brillante. Peut-être le ferais-je un de ces jours, en pompant éhontément la copieuse et excellente préface que Roger Caillois donna en 1958 au Manuscrit, dans l'édition —furieusement tronquée — qu'il fit paraître alors chez Gallimard. En attendant, il me semble plus judicieux — et surtout moins fatigant… — de vous resservir celui que j'écrivis sur ce même roman il y a tout juste dix ans. Le voici :


Je ne parviens pas à me souvenir s'il s'agit d'une seconde ou d'une troisième lecture. Toujours est-il que j'ai repris, cet après-midi le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki (1761 – 1815), écrivain polonais de langue française. Fabuleux livre que celui-là, qui tient à la fois du roman noir, de l'épopée de brigands, du conte fantastique, de l'histoire de fantômes, du conte libertin, du récit philosophique, du roman d'amour, de celui d'intrigues politiques, voire du conte oriental, plus deux ou trois autres genres que j'oublie certainement. Livre labyrinthe, avec son récit dans le récit, puis un récit dans le récit dans le récit, et encore un récit dans le récit dans le récit dans le récit, ainsi de suite. On se retrouve perdu au milieu de ces innombrables miroirs qui se regardent les uns les autres, de face, de biais, et se reflètent à l'infini. En voici la première phrase, l'incipit comme l'on dit  – encore qu'il ne s'agisse pas tout à fait de l'entame du livre, lequel commence par un avertissement de l'auteur, qui explique brièvement dans quelles circonstances il a trouvé ce manuscrit rédigé en espagnol, dans une maisonnette désertée de Saragosse. Néanmoins, il s'agit bien de la première phrase de la première journée du récit lui-même ; et c'est l'une des plus savoureuses qui soit :

« Le comte d'Olavidez n'avait pas encore établi des colonies étrangères dans la Sierra Morena : cette chaîne sourcilleuse qui sépare l'Andalousie d'avec la Manche n'était alors habitée que par des contrebandiers, des bandits, et quelques Bohémiens qui passaient pour manger les voyageurs qu'ils avaient assassinés ; et de là le proverbe espagnol : Las gitanas de Sierra Morena quieren carne de hombres. »

De fait, elle est bien peu engageante, cette sierra, notamment lorsqu'on débouche dans la vallée de Los Hermanos, où le Guadalquivir se répand dans la plaine, en raison des frères Zoto qui, à son entrée, se balancent sous un gibet, cependant que les vautours s'affairent à leur dévorer chair et entrailles. Et puis, surtout, chaque voyageur se retrouve plus ou moins contraint de bivouaquer à la Venta Quemada, une auberge déserte que son propriétaire a fui, en laissant un écriteau qui demande aux passants de prier pour lui. On y passe certes des nuits surprenantes et délicieuses (le possédé Pacheco se vautre jusqu'au petit matin dans la luxure, en compagnie de sa jeune belle-mère, Camille, et de la sœur cadette de celle-ci, Inésille), mais les voyageurs ont la fâcheuse surprise, le lendemain, de se réveiller sous le gibet, parmi les ossements et les haillons, encadré par les cadavres en voie de putréfaction des deux frères, dont on ne sait pas trop bien comment ils ont pu se dépendre de leurs nœuds coulants.

Jean Potocki met fin à ses jours le 11 décembre 1815. Diverses histoires circulent à propos de ce suicide. Certains affirment qu'il aurait chargé son pistolet avec une balle de plomb provenant du couvercle d'une théière et qu'il aurait méticuleusement polie lui-même durant des mois ; d'autres prétendent que la balle était d'argent et avait été bénie par un prêtre ; quant à moi, je reste persuadé qu'il ne s'est nullement suicidé, mais a eu la cervelle dévorée par les gitanas de Sierra Morena.
 
 
La photo que j'ai choisie en illustration, avec le goût macabre très sûr qu'on me connaît, est tirée d'un film polonais de 1965, intitulé Rękopis znaleziony w Saragossie : je suppose qu'il pourra se passer d'une traduction.

lundi 20 mai 2024

Les questions dangereuses


 Pierre Choderlos de Laclos. Tout de même étonnant, cet homme : militaire de carrière et de goût, auteur d'un opéra comique qui s'est effondré dès sa première représentation, ainsi que de deux ou trois vagues brochures sur des sujets anodins, en tout cas pas littéraires pour deux piastres (l'éducation des femmes, la numérotation des rues de Paris...), et qui, soudain, la quarantaine approchant, prend sa plume et écrit Les Liaisons dangereuses, qui est sans doute le plus remarquable roman de tout le XVIIIe siècle français (les Anglais, à cette époque et en ce domaine, nous dépassaient de cent coudées) et de quelques autres.

Qu'est-ce qui s'est passé ? Et pourquoi ce jaillissement superbe n'a-t-il eu ni prémisses, ni lendemains ? Autant de questions sans réponses, et donc potentiellement dangereuses : on ne sait jamais, en ces parages, où on met le pied ni l'esprit, sitôt qu'on s'y aventure…

Pour se raccrocher à quelque chose, il est tout de même une question à laquelle il est permis de répondre, celle qui concerne la prononciation de son nom de famille : on se doit de dire Chauderlau et non Kauderlau ; encore moins Kauderlosse.  

J'aimerais bien ne pas avoir à le répéter.


samedi 18 mai 2024

Défaire le tout fait


 Les expressions toutes faites. Ce qui les caractérise le plus souvent est que, justement, on ne comprend pas comment elles ont pu être faites, ni pourquoi. 

En vertu de quel impératif cet homme se porte-t-il comme le Pont Neuf, tandis que son voisin est sourd comme un pot ? Ils pourraient tout aussi bien être sourd comme le Pont Neuf — dont il est à peu près prouvé qu'il n'a jamais rien entendu — et se porter comme un pot, les jarres, amphores, marmites et autres pichets jouissant généralement d'une excellente santé — tant qu'on ne les heurte pas contre un pot de fer —, et étant en outre, sauf les plus volumineux d'entre eux, assez faciles à porter.


On pourrait d'ailleurs tenter le même genre de permutation avec quantité d'autres. Par exemple : “n'être qu'un second couteau” et “pleuvoir des hallebardes” ; ou encore : “enculer les mouches” et “ ne pas casser trois pattes à un canard”.

(On citera pour mémoire le cas particulier de “entre chien et loup”, qui présente l'intéressante particularité d'être auto-permutable.)

mardi 14 mai 2024

Une parfaite soirée espagnole


 Plutôt qu'un billet, ce qui suit serait plutôt une manière d'ordonnance, au sens médical du mot, destinée à tous ceux qui souhaiteraient passer une parfaite soirée espagnole, sans quitter fauteuils, canapés, écrans plats.

On commencera par regarder un épisode de l'une des deux séries dont parlait mon billet d'hier. Si l'organisme du téléspectateur est suffisamment robuste, il pourra même en regarder deux, mais en veillant à ne pas changer de série entre le premier et le second, sous peine d'interactions pouvant se révéler fâcheuses. En revanche, il serait dommage de s'en tenir là.

Afin de se détendre et d'aller ensuite se coucher avec le sourire, le netflicomane docile aux prescriptions aura à cœur de compléter son traitement en faisant suivre ses deux comprimés de Permis de vivre ou, à son choix, d'Entrevías, par une cuillerée à café d'un remède à grandes vertus euphorisantes : Machos alfa.

Les dix heures que dure cette série (20 x 30 mn) sont hautement réjouissantes, à la fois absurdes et solidement ancrées dans le réel. Ces quatre Madrilènes quadragénaires qui voient s'écrouler leurs repères traditionnels avec un bel ensemble et qui,  pleins de bonne volonté, tentent d'en finir avec leur “masculinité toxique”, sont tout en même temps ridicules, attendrissants, drôles, pitoyables, et lucides par éclairs intermittents ; bref : irrésistibles. Ce qui empêche Machos alfa d'être une simple charge féministe à la sauce netflicarde, c'est  d'une part l'humour constant et souvent assez “raide” des situations et dialogues, mais aussi le fait que leurs femmes, séparées ou toujours en couple avec eux, ne s'en tirent pas mieux et reflètent tout autant que leurs partenaires virils la complète absurdité de l'époque.

Du reste, la série a été écrite et réalisée, dans un strict esprit paritaire, par un homme et une femme, qui se trouvent en outre être frère et sœur. C'est dire.

Le traitement dans son ensemble sera scrupuleusement suivi durant un minimum de deux semaines, mais pourra sans danger pour le cerveau et le corps être prolongé d'autant.

Addendum tardif : il va de soi que cette prescription ne vaut que si on regarde ces trois séries en version originale sous-titrée (ou non sous-titrée si on est un digne hispanisant). Sinon, en version doublée, ses effets bénéfiques seront presque totalement annihilés.

lundi 13 mai 2024

¡ Que viva Netflisca !

José Coronado (au téléphone) et Luis Zahera.

 Il y a en ce moment sur Netflic au moins deux séries espagnoles qui méritent qu'on s'y arrête. La première, par ordre chronologique, s'intitule chez nous Permis de vivre, ce qui est un choix assez curieux puisque son titre original est Vivir sin permiso. Elle se déroule en Galice, au bord de l'Atlantique donc, tout près de la ville d'Oeste, essentiellement dans une grande maison superbe appartenant au potentat local, moitié entrepreneur, moitié trafiquant de drogues principalement sud-américaines. Il a une femme assez pénible, deux filles hautement regardables, si on est sensible au charme méditerranéen des créatures du sexe, et un fils pédé et drogué dont il semble s'arranger tant bien que mal.

Ce tyranneau local, prénommé Nemo, a aussi un fidèle homme de main, Ferro, qui joue assez facilement de la gâchette, de la cordelette à étrangler et autres accessoires létaux. Il y a aussi trois ou quatre Mexicains qui lâchent un ¡ cabrón ! ou un ¡ pendejo ! toutes les deux ou trois phrases qu'ils émettent.

En vingt épisodes de plus d'une heure chacun, il va arriver à cette famille et à leurs nombreux comparses des montagnes d'emmerdes que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi si j'en avais un, mais suffisamment bien agencés, écrits, filmés et interprétés pour que jamais on ne soit tenté de lâcher l'affaire.

Curieusement, on retrouve Nemo et Ferro dans l'autre série, mais ils sont devenu Tirso et Ezequiel. On a compris que je veux parler des comédiens qui les incarnent, José Coronado pour le premier, et surtout Luis Zahera, acteur réellement savoureux. 

La série s'intitule Entrevías, du nom du quartier de Madrid où elle se déroule. Il y est encore question de drogue et du trafic la concernant ; mais, cette fois, Nemo/Tirso n'est plus du côté du manche ; quant à Ferro/Ezequiel, il se retrouve dans la police, mais pas plus recommandable pour autant.

En fait, si narcotrafic il y a bien, Entrevías vaut surtout par son ambiance générale, la description d'un quartier pas spécialement opulent (euphémisme...) mais dont les derniers habitants “de souche” aimeraient bien qu'il continue encore un peu à être ce qu'il a toujours été, en tout cas à l'échelle de mémoire humaine.

Là encore, les trois saisons (la quatrième est sur le feu...) sont suffisamment riches et maîtrisées, les personnages assez attachants, souvent drôles même, ce qui n'est guère le cas dans Permis de vivre, et les acteurs honorables, à l'exception peut-être d'un ou deux, pour que l'on se laisse prendre au jeu. 

Bref, ce serait le moment pour tous les netflico-dépendants d'aller faire une double virée en Espagne, maritime et continentale, d'autant que, visiblement, il y fait plus beau que par ici.

vendredi 10 mai 2024

La paix des jardins


 Les charmes de la vie à la campagne, que tous les citadins, n'en doutons pas, nous envient ; à part, peut-être, celles-zet-ceux en situation de mal-audition  :

L'hiver, on vit toutes portes et fenêtres fermées pour tenter de se protéger du froid, des rafales de vent, des paquets de pluie qu'elles apportent ; et aussi des vendeurs de calendriers de l'année à venir.

L'été, on vit toutes portes et fenêtres fermées pour tenter d'assourdir les chants harmonieusement fondus des tondeuses, taille-haies, mini-tracteurs, débroussailleuses, taille-bordures et j'en oublie sûrement. Sans même parler des pique-nique “entre copains” chez ces voisins qui, pour bien montrer leur satisfaction d'eux-mêmes, conforter leur être-là, se sentent obligés de hurler lorsqu'ils s'adressent à l'un ou l'autre de leur commensaux, pourtant assis à moins de deux mètres d'eux-mêmes.

Et c'est alors que, malgré les vocalises et roucoulements des piafs en pleine baisade ou en sage couvaison, l'on se prend à soupirer après les rigueurs mornes de l'hiver, tout enveloppé et ouaté par l'imperturbable silence des grands arbres morts.


dimanche 5 mai 2024

Simple conseil aux jeunes mâles d'aujourd'hui


 Si, malgré tous vos efforts d'auto-déconstruction, vous persistez à répandre autour de vous les effluves paludéens de votre masculinité toxique, l'astuce consistera à ne jeter votre dévolu sexuel que sur des femelles restées toxicomanes, voire toxicolâtres :

elles sont encore beaucoup plus nombreuses que vous-mêmes ne le croyez et que ne le proclament les criailleries de leurs sœurs phallifuges et mal-sevrées.

mercredi 1 mai 2024

Retour en force


 M.P. s'est montré insolemment hégémonique en avril.

dimanche 28 avril 2024

Ces monstres qui tant t'acculent

 


Quand on pense qu'il existe des abonnés netlicards qui ignorent quels bijoux cinématografico-télévisuels sont à leur disposition ! Je pense par exemple à cette mini-série (6 épisodes) coréenne : Parasyte : The Grey. Le pitch vaut le détour, comme on dit chez Michelin.

Au début, il se met à pleuvoir sur un coin de Corée des sortes de boules de billard hérissées de pointes ; lesquelles s'ouvrent bientôt pour laisser sortir des genres de limaces véloces, qui n'ont rien de plus pressé que de s'introduire dans l'oreille du premier humain qui passait bêtement pas là. 

(On nous signalera par la suite que d'autres boules de billard grosses de limaces ont aussi atterri en Europe et aux Amériques, Nord et Sud, mais curieusement on n'en entendra plus parler du tout.)

La limace prenant le contrôle de l'humain, on se dit que les scénaristes du Matin Calme sont en train de nous refourguer ces bons vieux Bodysnatchers, mâtinés d'une pointe d'Alien. On n'aura pas tort…

Les limaces sont drôlement fortes, il faut leur reconnaître ça. À peine installées dans un cerveau humain (ou ce qui en tient lieu), elles sont, quasiment dans la seconde suivante, capables d'exploser la tête de leur hôte, puis d'en faire jaillir quatre ou cinq yeux ainsi que de musculeux tentacules de dix ou quinze mètres de long ; lesquels peuvent prendre n'importe quelles forme et consistance, acquérir instantanément le tranchant d'un fer de hache, la dentition acérée d'un museau de barracuda, le moelleux d'un fondant aux fraises, que sais-je encore, comme des T 1000 venus directement de Terminator II. On voit que l'affaire est sérieuse...

Qu'est-ce que ces parasites fichent là ?

Ce que ces parasites sont venus faire chez nous : nous bouffer. Boulotter de l'humain est apparemment leur seul moyen de survie, ces imbéciles étant en outre incapables de se reproduire, alors qu’ils présentent, à la moindre alerte, de nombreux membres turgescents et pénétrants.

Contre eux, une espèce d’unité spéciale de la police, Grey, s’est mise en place : des limaçophobes déterminés et surarmés (car les parasites, c’est leur bon côté, se laissent très facilement tuer par balles ou même au couteau de cuisine). L’unité est bien sûr dirigée par une femme : on a beau être coréen, on est netflicard avant tout. 

En face d’elle, une autre jeune femme qui, pour des raisons assez nébuleuses, est devenue une mutante. C’est-à-dire qu’elle a bien été parasitée par une limace auriculaire, mais que, désormais, les deux cohabitent dans le même corps, limace et pétasse prenant les commandes chacune à son tour, tout à fait gentiment.

Que dire de plus ? Que, contre toute attente, l’intrigue est plutôt bien construite (une fois qu’on a admis le principe de base, qui est stupide), mais heureusement persillée par des invraisemblances de détail et des naïvetés qui permettent au spectateur de rire un bon coup, tandis que, sur l’écran, les parasites agitent leurs corps humains pour envoyer dans toutes les directions leurs gros et visqueux tentacules cérébraux afin de massacrer leurs futurs repas.

Qui va gagner, des humains ou de leurs envahisseurs limaciers ? On s’en fout complètement : je rappelle qu’il s’agit de Coréens, c’est-à-dire des êtres qui nous sont à peine moins étrangers que les escargots décoquillés qui leur bouffent les lobes cérébraux. Ce qui est amusant c’est de les regarder se démener, les uns et les autres, en s’efforçant de croire au scénario qu’ils ont eu la faiblesse d’accepter.

Ça se gâte pourtant vers la fin, lorsque les scénaristes en question, saisi d'un étonnant prurit intellectuel, décident qu’ils ont un message à faire passer, une vision du monde à transmettre, une philosophie à divulguer. 

Mais je n’en dirai pas plus, au cas, bien improbable, où quelqu’autre que moi se risquerait à tenter l’aventure…

vendredi 26 avril 2024

À pieds joints dans l'avenir


 Un agent Orange — très contagieux donc – devait être chez nous à une heure, pour nous raccorder à Sa Majesté la Fibre ; ce qui devenait nécessaire, après une panne du réseau traditionnel (je ne sais même pas comment l'appeler) de plus de trois semaines… et toujours pas réparée.

Je l'avoue : je l'avoue : j'avais de mauvaise fibrations

Eh bien, j'avais tort. Après trois heures d'activités aussi intenses que mystérieuses, l'agent fibreux est reparti d'ici sans avoir rencontré le moindre problème ; en tout cas aucun qui aurait entraîné des questions auxquelles nous n'aurions pas su répondre.

Et, joie ! pleurs de joie ! : télévision, ordinateur, iBigos, tout fonctionne à merveille. 

Bref, une fois n'est pas coutume, nous n'avons qu'à nous féliciter, au moins pour le quart d'heure, de ce Grand Remplacement réussi.

jeudi 4 avril 2024

Debout, les morts !


 Je termine à l'instant le J'accuse d'Abel Gance. Qu'en dire ? J'ai eu l'impression de voir plusieurs films sous un seul titre. D'abord un film de guerre (la première heure se déroule durant le dernier jour de la guerre de 14), impressionnant souvent, si l'on supporte les acteurs de cinéma de l'époque qui, sauf les quelques meilleurs, surjouent comme au théâtre. Impressionnant parce que Gance a repris beaucoup d'images de son premier J'accuse, réalisé à partir d'août 1918. C'est-à-dire des images tournées sur les lieux même des combats et pendant ceux-ci.

Ensuite, hélas, vient le second film, se déroulant durant les vingt années suivantes. L'histoire est improbable, assez artificielle. Mais aurait-elle été excellente que, de toute façon, les acteurs auraient suffi à tout flanquer par terre. Victor Francen, qui incarne le héros, est mauvais comme un cochon (je me suis surpris plusieurs fois à imaginer ce qu'un Gabin, par exemple, aurait pu faire à sa place). Quant aux principales actrices du film, elles sont encore pire, au point de déclencher, au bout d'un moment, une sorte d'hilarité nerveuse dès qu'elles se mettent à jouer “dramatique” ou “émouvant”... c'est-à-dire pratiquement dès qu'elles ouvrent la bouche.

Enfin arrivé le troisième film, mi-fantastique, mi-SF. C'est la célèbre séquence où, devant l'imminence d'une nouvelle réjouissance franco-allemande (et plus, si entente cordiale), Victor Francen, alias Jean Diaz, débarque à l'ossuaire de Verdun et fait se lever tous les morts de leurs tombes : c'est Walking Dead version Poilus.

Évidemment, on ne saurait reprocher au Gance de 1938 l'approximation de ses effets spéciaux, qui ne sont qu'une surimpression d'images. Il y a même des passages assez forts, lorsqu'il filme de véritables “Gueules cassées”, des anciens combattants défigurés embauchés par lui comme... figurants. Tout cela avec, en fond sonore, les imprécations de Victor Francen, dont on ne parvient pas à savoir s'il tente de jouer un Jean Diaz fou à lier ou plutôt possédé par un genre de démon pacifiste et nécrophile.

J'ai l'air négatif, comme ça, à première lecture. Ironique et négatif. Néanmoins, je persiste à penser que J'accuse est un film qu'il faut avoir vu au moins une fois.

Va comprendre, Charles, va comprendre...

lundi 1 avril 2024

L'adieu à Muray


 Il nous a fait son ultime visite en mars.

dimanche 24 mars 2024

Le petit monde enchanté des netflicards


 Le bourrage de crâne woketeux des abrutis netflicard commence à vraiment m'amuser, tant il est systématique et grossier, au point d'en devenir puéril. Hier, je commence à regarder une mini-série anglaise (Bodies). La première scène nous fait découvrir deux policiers dans une petite rue de Londres, un homme et une femme comme le veut la parité : premier bon point. Lui est noir, elle indo-pakistanaise : ce sont donc des gentils. Autour d'eux, des hommes et des femmes circulent, têtes coiffées de turbans et foulards, pour montrer qu'on est bien dans le Londres réel. Mais soudain, que se passe-t-il ? Voici que la rue se peuple de gens, des hommes essentiellement, ayant tous des faciès d'Anglais “d'avant” ! Un moment perturbé, le spectateur est vite soulagé en découvrant leurs banderoles et leurs drapeaux britanniques éployés : ouf ! C'était juste une manif d'extrême droite qui passait en vociférant ses slogans rappelant les heures les plus sombres.

Scène suivante, nous voici transportés en 1890, dans la même rue de Londres. Un policier — blanc ; vu l'époque, ils n'ont quand même pas osé nous le raciser — rencontre un jeune photographe, lequel ne met pas plus d'une minute et demie à se revendiquer pédé : c'est donc un personnage sympathique, ouvert, positif à s'en pisser parmi, bref : il “a la carte”... Et, pour faire bonne mesure, on comprend que le flic a lui-même des pulsions homosexuelles, mais qu'il refuse bêtement de les assumer :  il est encore du côté obscur, mais on sent que ça devrait s'arranger assez vite. 

Une autre branche de l'histoire se déroule en 1941, toujours à Londres, alors en plein blitz. Cette fois, à la stupeur générale, teintée d'une vague inquiétude, nous avons affaire à un flic non seulement blanc mais ostensiblement hétérosexuel et dragueur (photo) : on ne serait pas étonné si, dès que la caméra a le dos tourné, il traitait les femmes tel un vulgaire Depardieu d'Outre-Channel. Évidemment, il s'avère presque aussitôt qu'il s'agit d'un ripou de la pire espèce, amoral et cupide comme pas permis. On le découvrirait secrètement pro-nazi dans la suite que j'en serais très modérément surpris, et même, oui, je dois le confesser : vaguement rasséréné.

C'est qu'il est si reposant, si rassurant, si quiet, ce monde enchanté de Netflix, où chacun se tient bien sagement à sa place, avec en pendentif de poitrine sa notice explicative, son petit pedigree idéologique.

 

C'est cependant une drogue dont il convient de n'abuser point : en ce qui concerne Bodies,  j'ai jeté l'éponge aux deux tiers du premier épisode, pour retourner à mes habituelles lectures nauséabondes...

L'homme à la charrue


 À l'instigation de Nicolas, qui l'a déniché je ne sais comment, je viens de découvrir un blog jusqu'ici ignoré de moi : Les carnets de Cincinnatus. Après avoir lu quatre ou cinq de ses (assez longs) billets, j'ai trouvé que le Romain à la charrue méritait bien les douteux honneurs de ma blogoliste, où il vient donc de prendre place. 

J'encourage chacun, courtoisement mais non sans une certaine fermeté, à l'aller lire…