mardi 30 juillet 2013

Les étranges statistiques bloguerrières


Ce matin, comme je le fais chaque lendemain de publication du journal mensuel, je suis allé consulter les statistiques de Messire Blogger. Je ne sais trop pourquoi j'ai, contrairement à mon habitude, cliqué ensuite sur l'onglet “toutes les périodes”. J'ai cependant bien fait car j'y ai appris des choses passionnantes et dont je ne me serais point douté. Par exemple qu'en juillet 2007, j'avais totalisé 1417 “pages vues” ; et que j'avais eu un formidable pic en juin 2009 : 5318 pages vues, dites donc ! Hélas, dès le mois suivant, je retombais à 864.

La désillusion ne fut cependant pas trop cruelle dans la mesure où je n'ai commencé à tenir ce journal qu'en août 2009.

Honteuse exploitation


« Dis voir, puisque tu sors chercher des moules pour midi, tu pourrais peut-être en profiter pour remonter le journal ?

EXPLOITEEED !!! »

dimanche 28 juillet 2013

L'homme est une taupe de plein air


Une taupe a fait son apparition entre la haie et le cerisier, si l'on en juge par le gros terril qui est sorti de pelouse aujourd'hui. Il y en avait une qui vivait au même endroit lorsque nous avons acheté la maison, en 2002 ; elle est restée là durant deux ou trois ans, puis a dû mourir ; et aucun jeune n'est venu reprendre ses galeries (chez les taupes non plus, les jeunes ne veulent plus rien foutre…), jusqu'à maintenant, donc. Catherine s'est mise à la plaindre, en pensant aux travaux de réfection auxquels elle devait probablement faire face, dans ce logement abandonné aux affronts du temps depuis dix ans. De là, nous avons embrayé sur le thème classique : puisque ces animaux sont incapables de se bâtir un abri ex nihilo, et par conséquent obligés de retaper les vacants qu'ils parviennent à trouver, comment a fait la première taupe de la création ? L'éternel problème de l'œuf et de la poule, comme on voit, et qui se résout de la même darwinienne façon. Il reste tout de même frappant de penser que, sur les centaines de millions (au jugé) de taupes fouissant sous cette fucking planète, pas une ne serait fichue de se construire un nid. Puis, nous nous sommes avisés qu'il en allait exactement de même pour nous autres : si nous sommes encore capables de remettre en état – ou au moins d'empêcher de s'écrouler tout à fait – une cathédrale gothique ou un amphithéâtre grec, nous serions tout aussi désemparés, s'il s'agissait d'en construire de nouveaux, que ces malheureuses bestioles à grosses mains – qui, du reste, ne sont pas du tout malheureuses, contrairement à ce qu'un vain peuple pense.

Mais peut-être que le jour où Notre-Dame de Chartres s'écroulera dans l'indifférence générale, après s'être lézardée, fendue, ouverte durant un siècle ou deux, peut-être que ce jour-là les taupes aussi se retrouveront à la rue. Nous sommes les taupes de la pierre, et nous finirons dans leurs galeries.

L'éternelle jeunesse des divers et des sensibles


On se souvient qu'il y a tout juste un mois Claire Chazal, ci-devant liseuse de prompteur à TF1, s'est pris le contenu d'un seau de merde en pleine figure, alors qu'elle quittait le parking du siège de TF1. Eh bien, il y a du nouveau : pour faire bonne mesure, son sympathique agresseur avait mêlé à ses propres excréments – et à quelques étrons canins collectés par lui et ajoutés à son fond de sauce pour le bon poids – de l'ammoniaque et de l'acide chlorhydrique. L'agresseur, qui a reconnu les faits pour lesquels il sera jugé le 20 août, est un Antillais de 69 ans, preuve que l'on peut extérioriser son indignation à tout âge, comme le préconisait la vieille momie de sinistre mémoire.

La question que je me pose, et qui me plonge dans des baquets de perplexité, est la suivante : lorsqu'un divers, un sensible, un visible quasiment septuagénaire bascule dans la délinquance et la violence gratuite, devient-il de ce fait, et automatiquement, un “jeune” ? Si la réponse est oui, cela pourrait alors suffire à expliquer son geste : après tout, le prix de la jeunesse éternelle n'est jamais trop élevé. Et si jamais la réponse devait être non, serait-ce en raison de son âge ou plutôt parce qu'il a agi seul et non en troupeau comme d'ordinaire ? Si j'arrive à bien dormir la nuit prochaine avec des interrogations pareilles sur la conscience, je pourrai m'estimer heureux…

vendredi 26 juillet 2013

Sade, l'anti-bisounours radical

À Michel Desgranges, ça lui apprendra…


Si je ne sais qu'une seule chose à propos de Sade, c'est celle-ci : au XXIe siècle, soit deux cents ans après qu'il a écrit ses livres, personne, je crois, vraiment personne, ne dit jamais quelque chose comme : « Sade ? Moui… de temps en temps… c'est pas si terrible qu'on le dit… Pas mal mais bon… » Non. Les gens qui ont lu Sade, qui l'ont vraiment lu, se partagent en deux camps évidemment irréductibles, et probablement exagérés les deux : ceux qui considèrent qu'il est un malade mental sans le moindre talent littéraire, et les autres qui sont assurés qu'il est le “génie noir” de son siècle, l'œil du cyclone, etc. Il n'empêche que, deux siècles après sa mort, il est encore l'un ou l'autre, l'un ET l'autre : il n'est pas rien.

Je persiste à trouver que Sade est le troisième grand écrivain du XVIIIe siècle (même s'il déborde sur le XIXe), et le plus radical, celui qui fait peur, parce qu'il ne cède jamais rien, ne laisse à son lecteur aucune échappatoire. Il n'y a pas de fenêtre chez Sade, aucun appel d'air, on est toujours entre des murs épais (ceux de ses prisons ?), il est, de ce point de vue, le moins gens-de-lettres de tous les écrivains français. Il faudrait tout de même essayer de comprendre comment il a parcouru tout le XIXe siècle souterrainement pour ressurgir au nôtre – et ressurgissant aussi injustifiable. En effet, Sade n'est pas justifiable, et il l'est de moins en moins chaque jour : il nie radicalement les “droits de l'homme”, il glorifie la puissance mais le fait en ricanant, et de manière à ce que la puissance fasse horreur, il exalte le pouvoir des femmes même lorsqu'il les coupe en morceaux, mais nous montre que les femmes, livrées à leurs démons, sont aussi ignobles que les hommes : il est parfaitement irrécupérable. Il écrit à la hache, il creuse, s'enfonce et nous entraîne dans des abîmes où personne ne s'amuse ni ne rit : il y a toujours des bruits d'ossements dans la voix de Sade, et c'est en cela qu'il rejoint les danses macabres médiévales, lui, cet écrivain que les Flaubert et les Apollinaire ont cru pouvoir enrôler comme moderne, chacun à son petit moment de vie.

Sade ne fait jamais aucune révérence à son lecteur. On se demande même s'il tient à en avoir, des lecteurs ; en tout cas il ne les aime pas : d'entrée de jeu, par principe. Si vous entrez dans Sade, sachez qu'il n'écrit pas pour vous : en ce sens, en effet, il est le contraire d'un écrivain. Il vous hait et vous rejette. Vous y entrez tout de même ? Vous pensez l'amadouer ? Trouver une lucarne, un lumignon qui justifie votre lecture ? Non ! Rien ! La noirceur absolue. Au moment où s'annonce la glorieuse Révolution française, celle qui va accoucher de notre merveilleux monde actuel, un furieux inventant des tortures nous dit que nous nous trompons, que l'enfer est droit devant nous.

On ne cesse, à notre époque, de nous dire qu'un artiste, pour être intéressant, doit être “unique”. Eh bien ! qui est unique, en ce XVIIIe siècle finissant, en ce monde qui bascule dans une modernité dangereuse (que Sade appelle de ses vœux d'ailleurs, parce qu'il cherche la mort du monde et de lui-même) ? Qui ne ressemble à personne ? Qui semble être un monstre surgi d'enfers insoupçonnés ? Notre modernité fait semblant d'adorer les enfers, mais à condition qu'il y ait toujours un petit coin de paradis rédempteur, là-dedans, quelque chose qui permette de “croire en l'homme”, comme on s'est mis à y croire justement au XVIIIe siècle.

Il n'y a pas moyen de sauver l'homme, chez Sade. On n'a que sa face grimaçante, morbide, et surtout prisonnière. Car le vrai scandale est là, je crois : chez Sade, la liberté est impossible ; de même que sont impossibles toutes nos illusions. Sade est l'anti-bisounours radical. 

Les mots dévoyés


Or, j'étais tranquillement installé dans le salon, un verre de boisson légèrement alcoolisée dans la main droite (les rares privilégiés qui on été admis dans cette maison savent que le gaucher que je suis tient pourtant, par la configuration des lieux, son verre dans la main droite), lorsque Catherine est allée s'installer dans l'autre salon, plus petit, où se trouve ce rectangle d'enfer : la télévision. C'était l'heure de ce qu'il est convenu d'appeler “le journal”, et qui est la désinformation rituelle et soviétique à laquelle nous sommes désormais soumis.  « Tu veux que je ferme la porte ? », m'a-t-elle demandé. J'ai répondu non, je ne sais pourquoi. Une demi-minute plus tard, la voix répugnante (parce que tout à fait formatée) a prononcé le mot solidarité.

Je ne savais pas de quoi il était question, mais tous les poils qui me restent se sont hérissés : d'une oreille assez lointaine, j'entendais les informations officielles, et ce mot me donnait l'irrémédiable envie de fuir, de me couper de cette voix-de-la-France qui se répand sur nous soir après soir, peuple asservi mais rigolard, encore un peu, nuque ployée devant les catastrophes que les actuels fossoyeurs nous présentent sans relâche comme désirables.

Solidaire était à l'origine un mot rutilant, dès lors qu'il impliquait une volonté spontanée de l'être. Il est aujourd'hui une obligation de se soumettre à toutes les barbaries que l'on nous présente comme enviables.

D'autres mots sont du même ordre : citoyen, démocrate, durable, tolérance, etc. Il va être temps de les renier en bloc ; de signifier aux futurs esclaves qui les manipulent que nous n'accepterons pas le monde qui se prépare, qu'ils nous concoctent en pensant tirer leur épingle de ce jeu mortifère. Il va être temps de leur rappeler, à ces appointés du désastre, qu'ils ne gouvernent rien et qu'ils peuvent encore se retrouver sous les balles de gens en colère ayant perdu patience et mesure.

Car il va devenir difficile de régler les choses pacifiquement.

mercredi 24 juillet 2013

Dégueulis de soleil


Les journées de chaleur sont hors du temps ; elles ne permettent pas de vivre normalement. Au-delà de trente degrés celsius, l'homme régresse vers le bédouin, le chrétien est tenté par l'islam. On le teste sur soi-même, de façon très nette : la voiture se fait chameau, la femme dégringole dans l'estime, on se sent des envies de lapidation, l'intelligence s'oblitère. Tous ensemble on régresse, le soleil rétablit sa puissance, redevient le dieu Râ, le monde se courbe et adore en des sourires extatiques et hautement pénibles. On peut adorer à l'ancienne, ce qui a un certain charme passager, ou à la moderne, ce qui n'en a aucun : on peut rêver au désert ou se rendre à Paris-Plage, penser Charles de Foucault ou s'abîmer Delanoë. Au bout du compte, le soleil et les vents dominants décident de vous, de votre amollissement, de votre abaissement. On perçoit très bien la suspension douloureuse de la vie qui ne va plus, on serait foutu d'élever des idoles périmées – et d'ailleurs on le fait : le corps, le bronzage, l'ambre dite solaire, les vacances ; toutes choses qui n'existent pas le reste de l'année, et qui du reste n'existent pas du tout.

L'été est la saison des cons, et la chaleur multiplie leur rigolard pouvoir de nuisance. Ils le prouvent tous les jours.

mardi 23 juillet 2013

Le roman est l'avenir de l'homme ; en tout cas je le crains

Un romancier n'est pas un homme qui décrit le monde : pour cela, un bon journaliste suffit. Le romancier met en scène des personnages qui, au départ, n'existent que pour lui – et encore –, dans un univers qui n'existe que pour eux ; cet univers peut être minuscule ou immense, peu importe : c'est un univers, puisque, dans le cadre du roman que l'on tient en main, il n'y a rien en dehors de lui ; la notion même d'en-dehors est dépourvue de tout sens. 

Donc, le romancier imagine, invente, crée, élucubre, grossit, enfle, caricature, boursoufle, énormise ; il rit, bouffonne, exagère, charrie et se moque. Or, voici que, soudain, à quelque temps de là, surgit autour de nous, pour nous, et parfois hélas en nous, un monde totalement absurde et inédit, qui semble vouloir faire tous ses efforts pour ressembler trait pour trait à celui du livre. Du jour au lendemain le romancier cesse d'être l'imaginatif inventeur que vous voyions en lui, assez naïvement, pour se transformer en une sorte d'observateur froid du futur, de descripteur d'avenir pénible (un romancier valant la peine d'être lu est toujours plus ou moins un homme pénible, parce que l'art n'est jamais agréable) .

C'est ce qui arrive à Michel Desgranges, qui doit probablement en éprouver de secrètes satisfactions. Lorsqu'on lit Une femme d'État, on se trouve dès les premières pages plongé dans une histoire jubilatoire, truculente en même temps qu'implacable, qui laisse penser que si Balzac et Swift avaient pu écrire un roman à quatre mains, le résultat n'aurait peut-être pas été très éloigné de ce qu'on a sous les yeux. Le milieu qu'il décrit (qu'il fouille, voire fouaille, serait sans doute plus exact) est celui du pouvoir, avec ses parasites obligés, les artistes subventionnés. C'est une farce dont chaque protagoniste est le dindon, tous sont sans aucune prise sur le réel mais considérablement agités, d'une fébrile impuissance. Certains morceaux se haussent jusqu'à l'épique, et le lecteur en ressort en état de semi-ébriété : il est préférable de n'avoir pas à conduire, après avoir lu Desgranges.

C'est au milieu de ces rapides, descendus à fond de train, que l'on s'avise d'une chose : ce roman a été publié en janvier 2011, ce qui signifie qu'il a été écrit durant “l'ère sarkozienne”. Or, c'est irrésistiblement à l'actuel gouvernement que l'on pense soudain, à ses accès de démence sociétale jointe à une incapacité chronique de résoudre quoi que ce soit. Et, dès lors, en voyant s'agiter ces poules et ces canards sans tête, mais néanmoins caquetant et piaillant à qui mieux mieux, ravagés de modernité, possédés du désir de proscription, le lecteur cesse de penser qu'on lui joue une farce pour s'apercevoir qu'on lui déroule le réel, mais avec quelques petites, toutes petites années d'avance.

Finalement, contrairement à ce qu'on avait cru au départ, en se lançant dans cette course en sac, Une femme d'État est un roman d'épouvante, qui a choisi de rire pour ne pas déplorer.

Mettre fin à une vieille liaison


Le franc avait, entre beaucoup d'autres, cet avantage de cacher sous le muscle lingual les merdes au chat langagières. Il en va différemment depuis que l'euro a disposé autour de nous, comme mines dans un champ, les pièges phonétiques de sa voyelle initiale. Ainsi, la boulangère de Levallois, qui, avant, vous réclamait benoitement deux francs vingt – si vous désiriez acquérir deux baguettes “tradition” – ou huit francs – si vous veniez d'opter pour un sandwich au saucisson et un autre garni de thon et de crudités, cette brave femme vous demandera désormais deux heuros vingt ou huit heuros, avec les h franchement aspirés. Je peux à la rigueur comprendre l'abandon de l'antique liaison dans le cas de la première somme, dans la mesure ou “deux” se prononce effectivement deu. Mais le cas de “huit” m'est plus mystérieux puisque, pour parvenir à s'extraire de la glotte ce “huit heuros” malsonnant, il faut d'abord avoir été capable d'arracher son t à huit pour le transformer en hui ; ce que bien sûr ma boulangère ne songerait nullement à faire si d'aventure elle devait prononcer seul le chiffre en question. Faut-il, alors, voir chez cette femme, par ailleurs assez placide, une volonté délibérée et farouche d'extirper la moindre liaison de son parler, comme on le ferait  de son environnement immédiat pour un ennemi personnel et farouche ? 

Le plus étrange est que la petite mitronne qui l'aide au moment du “coup de feu” de midi, érigeant sans doute son employeuse en intangible modèle, s'est mise à faire exactement la même chose et à farcir de h aspirés toutes les sommes qui s'approchent par trop de son tiroir caisse. Heureusement, pendant ce temps, la qualité des sandwichs reste stable.

dimanche 21 juillet 2013

Petit billet sans objet

Le château de Léran, où Athanase de Lévis-Mirepoix (1792 – 1851) termina sa vie.
Ruines du château de Lagarde, résidence principale des Lévis-Mirepoix
Sans objet, mais non sans raison, puisqu'il répond à une ferme exigence de Catherine. Me coinçant au saut du lit, et profitant lâchement de la faiblesse naturelle de l'homme à son réveil – surtout après une soirée passée à vider des bouteilles avec El Desdichado –, elle ordonna : « Il faut absolument que tu fasses un billet ce matin : ça me fait flipper, à chaque fois que je vais sur ton blog, de tomber sur la photo des deux autres malades ! »

Désir clairement exprimé, auquel il aurait été malséant de se soustraire. L'illustration était toute trouvée puisque, hier, le camarade Rémi est arrivé les bras chargés de livres et de vin, dont une histoire des Lévis-Mirepoix, racontée par le duc académicien de la famille et que je m'en vas commencer de lire aujourd'hui même (quant aux 1500 pages de Mythe et épopée de Dumézil, elles voudront bien attendre qu'il fasse un peu moins chaud…). Pour en revenir aux Lévis, j'apprends chez Wikipédia que la famille est originaire de la région parisienne, où elle était vassale des seigneurs de Monfort-L'Amaury. C'est seulement au XIIIe siècle qu'ils devinrent seigneurs de Mirepoix, fief qui leur fut donné par Simon de Monfort, désireux de remercier Gui 1er de l'entrain qu'il avait mis à massacrer de l'Albigeois durant la croisade du même nom. Et à part ça, d'aucuns prétendent encore que l'on n'arrive jamais à rien par la violence : la preuve que si.

vendredi 19 juillet 2013

L'espèce humaine


J'ai eu à écrire, pour FD, cinq mille signes sur une histoire absolument glaçante ; celle d'un couple homosexuel vivant à Brisbane (l'un est australien, l'autre américain), qui, en 2005, a eu recours au services d'une mère porteuse russe afin qu'elle leur fabrique un enfant à partir du sperme de l'un des deux (ma maigre documentation n'était pas très claire quant à l'identité du “donneur”). Coût : 8000 dollars. Dès que le petit garçon a eu 22 mois, les “deux papas”, comme les nommait avec un ravissement énamouré la presse australienne il y a encore peu de temps (titre de l'un des articles, en 2010 : Deux papas valent mieux qu'un ! On va voir à quel point…), les deux papas, donc, ont commencé à le violer tous les deux. Puis, joignant l'utile à l'agréable, comme je dirais si j'étais d'un répugnant cynisme, ils se sont mis à le proposer aux amateurs sur divers réseaux pédophiles internétiques, et à sillonner le monde avec l'enfant pour assurer eux-mêmes la livraison à leurs clients : c'est la libre circulation des hommes dans un monde de plaisirs et d'échanges. Des clients, il y en eut en Australie d'abord, aux États-Unis ensuite, puis en Allemagne et même en France. Les viols étaient consciencieusement filmés par les “deux papas”, les films servant ensuite à faire l'article sur internet pour démarcher de nouveaux amateurs. Ce sont ces films qui, en 2011, ont finalement mis les policiers américains sur la piste de nos sympathiques dégénérés ; ils ont été arrêtés en Californie en février 2012. À l'heure actuelle Peter Truong attend son procès en Australie, cependant que Mark Newton vient de se voir condamner à 40 ans de prison par la cour fédérale de l'Indiana. Au cours de son procès, Newton a déclaré que le fait d'être père lui avait permis de vivre les plus belles années de sa vie.

Il me semble aller de soi que l'on ne peut tirer aucune morale ni enseignement d'une monstruosité de ce genre, ni contre, ni évidemment pour le mariage homosexuel ; pas d'avantage pour ou contre la tristement fameuse “gestation pour autrui” : les exemples de couples hétérosexuels vendant à des “pédophiles” leurs enfants biologiques sont suffisamment nombreux et courants pour stopper dans l'œuf toute velléité de divagations à ce sujet.  En revanche, il n'est pas interdit, ce me semble, de partir de là, de ce cloaque, pour réfléchir un peu à la vision angélique que peuvent avoir de l'homme, de sa nature, de ses profondeurs obscures, ceux qui n'ont à la lèvre que les lendemains qui chantent – et qui, hélas, activement et dans l'enthousiasme, nous les préparent.

La magie du Moulin Rouge

Je n'ai pu résister, hier soir, à cette espèce de fascination qu'exerce sur moi depuis fort longtemps le French Cancan de Jean Renoir : le début du film m'ayant trouvé devant l'écran, aux alentours de dix heures et demie, j'y suis, une fois de plus, resté jusqu'à la fin, cette dernière image de l'ivrogne en habit de soirée, titubant pour sortir du cadre, dans un Paris nocturne et désert. Et, comme à l'accoutumée, je me retrouve ce matin à chantonner en boucle La Complainte de la butte… 

(La chanson, dans le film, est interprétée par Cora Vaucaire et non par l'actrice du rôle.)


French cancan 1954 par le-pere-de-colombe


mercredi 17 juillet 2013

Nunca vì Granada


Je n'irai jamais à Séville. On ne me verra pas me promener dans ses ruelles, nez en l'air, me demandant, toujours un peu ennuyé d'être là, à quel moment la vie va me ramener chez moi, comme je l'ai fait, homme plus jeune et singeant l'enthousiasme, dans certaines autres villes. Je crois que j'ai perdu la curiosité nécessaire. Je pense d'ailleurs qu'il s'est toujours agi d'un faux appétit : j'aurais très bien pu ne jamais voir Florence ou Madrid ou Salamanque ou Venise ou Grenade ; je ne m'en serais pas plus mal porté, je crois.

Pourquoi Séville ? Allez savoir. Un film, déjà oublié, il y a deux ou trois soirs, qui s'y déroulait. Une reconnexion à cette Espagne que j'ai plus rêvée que connue. L'envie brusque mais fugitive d'être quelqu'un d'autre et dans une autre époque, de parler comme un prince des langues que j'ignore. Être chef de caravane à Samarcande ou croisé à Constantinople, armateur à Marseille ou lépreux à Addis-Abeba. 

Je n'irai plus nulle part, je le sais ; j'ai perdu le goût, si je l'ai jamais eu. Je veux rester ici, tenter de devenir statue, comme les coyotes à face d'homme dans les romans de Jim Harrison. La route qui passe devant chez moi se mord la queue et tourne sans fin sur elle-même : ce n'est probablement pas un hasard.

lundi 15 juillet 2013

La traversée d'Anatole


Petit texte déjà ancien, que je vous remets car j'ai la faiblesse de l'aimer bien…

C'est tout à fait machinalement que je me suis approché de l'une des cinq fenêtres qui, de ce bureau, donnent sur la rue Anatole-France et la petite place du Maréchal-Juin. C'est rouge pour les piétons et, nonobstant, j'avise une dame très vieille et très branlante, affligée d'un panier à roulettes qu'elle semble traîner en laisse derrière elle comme un cador rétif, faisant mine de s'engager sur le passage dit protégé, tout luisant de la pluie qui vient de choir. « Madame, halte donc ! Vous allez vous faire mettre en pièces ! » fut mon cri intérieur. Peut-être l'entendit-elle car elle s'arrêta aussitôt. Puis le petit bonhomme piéton se mit au vert. Un groupe de quatre ou cinq jeunes cadres probablement idiots s'engagea résolument sur le passage sans s'occuper de rien ni de personne, ridiculement alertes, pompeusement assurés de leur droit à l'existence. Ma grand-mère d'un moment les suivit à petits pas, bien lentement et avec un fort tangage latéral. C'était si mal engagé, sa traversée d'Anatole, que l'autre trottoir semblait s'éloigner. Finalement, ce fut un jeune noir, fringues de racaille et téléphone vissé à l'oreille, qui, après s'être penché sur la sienne, d'oreille, prit le bras de l'aïeule afin de la faire traverser.

Quand ils eurent tous deux disparus de ma vue, j'eus l'impression que le clin d'œil du géant vert Cételem, sur l'immeuble en face, était nettement plus ironique que d'habitude et qu'il s'adressait à moi seul.

samedi 13 juillet 2013

Difficile enseignement de l'histoire : les mots qui parlent trop fort


La revue Le Débat, dirigée par Marcel Gauchet, a publié un numéro (mai-août 2013) entièrement consacré au Difficile enseignement de l'histoire – c'en est le titre général. Il sera suivi, en septembre, d'un second, qui sera, nous dit-on, consacré aux “formes nouvelles de la culture du passé”. D'emblée, ce premier volet s'annonce passionnant (je dis s'annonce car seule une quarantaine de pages a été lue sur les 220 de la revue). Pour le moment, je voudrais simplement m'attarder un peu sur un point de détail (Ombres de J.-M. L.P., dissipez-vous !) qui m'a sauté à l'esprit en lisant le long entretien accordé par Laurent Wirth et intitulé Définir les programmes. M. Wirth est inspecteur général de l'Éduc' nat' et il était jusqu'à l'année dernière doyen du groupe histoire-géographie de l'Inspection générale : c'est dire qu'il ne fallait guère compter sur lui pour un état des lieux réaliste du champ de ruines – mais d'autres, dans les pages suivantes, moins enchaînés sans doute à la maison mère et à ses mannes, s'y emploient.

Donc, tout en admettant un peu à contrecœur que tout n'est pas encore parfait, M. Wirth s'emploie à nous affirmer que ça va quand même mieux que ce qu'on dit : il fait, en quelque sorte, de l'histoire wirthuelle. Le problème est que les mots qu'il utilise et agence parlent beaucoup trop fort par eux-mêmes, au point d'assourdir presque totalement le message premier du locuteur (je suppose que je me mets soudain à jargonner par influence néfaste de mon sujet : ça passera, ne vous inquiétez pas) : il veut tellement camoufler le désastre qu'il le désigne et le dévoile ; un peu comme deux piétons marchant l'un vers l'autre sur le trottoir et qui, à trop vouloir s'éviter, finissent immanquablement par se retrouver dans les bras l'un de l'autre. Par exemple, dans une longue et acrobatique tentative de justifier l'abandon de pans entiers de notre histoire (avec lequel un ex-inspecteur général, Dominique Borne, se montrera beaucoup plus sévère dans l'article suivant), il commence par dire ceci :

« Nous avons certes intégré les résultats de la recherche sur les drames du XXe siècle qu'ont été les guerres, les totalitarismes, les massacres de masse. Était-il possible de faire autrement ? Peut-on dire pour autant que le programme donne délibérément une vision catastrophiste de l'histoire ? »

On pourrait dès à présent ergoter sur le fait de présenter ces divers événements comme des “drames”, tout uniment ; se demander si cette notion de drame est bien pertinente en histoire ; mais cela nous entraînerait un peu loin – et puis il fait chaud. De toute façon, la question ne semble pas se poser pour M. Wirth, puisqu'il ajoute aussitôt (c'est moi qui souligne) :

« C'est précisément dans le souci d'éviter une telle vision que les programmes de troisième et de première s'ouvrent par une étude de la croissance économique et des formidables transformations scientifiques et techniques qu'a connues le XXe siècle. C'est pour ne pas désespérer les élèves, que nous avons délibérément placé en tête de ces programmes des chapitres qui montrent les progrès accomplis dans tous les domaines, des communications à la médecine en passant par l'augmentation du niveau de vie. »

Voilà donc comment l'Éduc nat' d'aujourd'hui pense qu'il faut parler à un élève de première, soit un adolescent de 17 ans, si ma mémoire est bonne : « Bon, d'accord, il y a eu les hécatombes de 14 et les chambres à gaz de 42, mais ne pleure pas surtout, mon tout petit, mon gentil bisounours ! et concentre-toi sur le fait que le XXe siècle qui t'a vu naître a avant tout inventé ton ordinateur et l'ABS de la voiture de ton papa – sans parler de la pilule de ta grande sœur ! Tu veux que je te prête mon mouchoir ? »

Il se peut que ma mémoire se trouble, mais il me semble bien que, même à un âge beaucoup plus tendre, mes contemporains et moi-même supportions sans une larme les désastres d'Azincourt ou de Sedan, et que le départ de Napoléon pour Sainte-Hélène ne nous empêchait nullement de faire honneur au poisson pané de la cantine. Et même les poilus tombés dans les tranchées – alors même que nous fréquentions chaque jours les rescapés de cet enfer-là – même leur vision de morts entassés, à demi enfouis, ne provoquait la moindre inflation chez les suicidés de préau. Les élèves auraient-ils changé à ce point ? Ils ont changé, M. Wirth nous le confirme dans le paragraphe suivant ; ou plutôt, il avoue sans certainement s'en rendre compte qu'ils ont cessé d'être considérés comme des élèves. On vient de lui suggérer qu'il y aurait peut-être, chez eux, les élèves, une désaffection pour l'histoire. Il répond (je souligne, là encore) :

« Je ne serais pas aussi pessimiste pour plusieurs raisons. La première, c'est que nous raisonnons par rapport à un lycée qui, à l'époque, n'était pas ce qu'il est aujourd'hui. La massification est passée par là et le public n'est plus le même.[…] »

D'abord, on est heureux de recueillir l'aveu d'un inspecteur général, probablement progressiste : le lycée n'est plus ce qu'il était. Pourquoi ? Il l'avoue aussi, dans la foulée : parce qu'on y accueille tout le monde et n'importe qui (massification), exactement comme on le fait dans un hall d'aéroport ou un MacDo'. Et c'est bien normal, cette disparition de la sélection, puisqu'il ne s'agit plus d'élèves mais d'un simple public, sans doute semblable, ou souhaité tel, à celui qui tapisse les studios des émissions de télévision : tout le monde peut entrer, à condition d'être jeune et de se tenir à peu près tranquille ; moyennant quoi, promis, on n'abordera plus les sujets trop compliqués ou pénibles, qui sont mauvais pour l'audience.

De toute façon, rien de cela n'a de véritable importance, dans la mesure où tout change et sans arrêt. C'est M. Wirth qui l'affirme à la page suivante. Lorsque le Débat avance, d'une manière aussi policée que possible, que les élèves sont, au moins en matière d'histoire, d'une ignardise confondante, M. Wirth balaie d'un revers de main :

« Il y a certes eu une enquête conduite en 2004-2005 par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère [peut-on rêver plus belle dénomination soviétoïde, soit dit en passant ?] Elle constatait qu'effectivement les résultats étaient assez décevants. Mais cette enquête date. […] »

Et voilà, circulez : une enquête remontant à huit petites années ne peut rien, mais alors là, tu vois, absolument rien nous dire des élèves d'aujourd'hui. Si ça se trouve, le niveau a remonté en flèche depuis, et M. Wirth, ce malheureux, n'a aucun moyen de le savoir ! C'est triste. Pour finir, car j'ai un jardin à tondre, je ne résiste pas à l'enfantin plaisir de vous citer les termes délicatement chantournés en lesquels M. Wirth aborde – oh ! bien courageusement, allez ! on sent l'inspecteur général qui n'a pas froid aux yeux et que le réel n'effraie pas – les questions brûlantes et brutales (je re-re-souligne) :

« Il y a une autre difficulté dont il faut parler : c'est la difficulté d'aborder certaines questions sensibles [après les quartiers, voilà donc que les questions aussi se mettent à devenir sensibles…] dans certaines classes pour des raisons qui tiennent à la mémoire familiale. Ce n'est pas très fréquent, mais il existe des témoignages sur la difficulté de parler dans certaines classes de la Shoah. […] »

Les classes en question sont peut-être certaines mais elles resteront floues.  Enfin, au moins, M. Wirth devrait pouvoir se rassurer un peu : ce n'est pas avec des questions sensibles et des mémoires familiales qu'il risque de désespérer ses élèves de première.

vendredi 12 juillet 2013

Pas de réconciliation possible


On me le demande pourtant avec gentillesse, on insinue fraternellement, on insiste dans la douceur ; on semble s'inquiéter réellement pour moi – j'en pourrais être touché, par moment. Mais c'est non. Je vous l'assure, changeons de sujet, voulez-vous ? : non, je ne me réconcilierai pas avec le monde ; non, je ne partirai pas en noces avec mon époque, qui est d'ailleurs plutôt la vôtre, si je vous en crois, et dont je vois bien que vous essayez de me la refiler sous couvert d'ordonnances, de principes de précaution, de vaccins de campagne et de soins palliatifs. Malgré vos dithyrambes, je m'obstine à lui tourner le dos, ce qui est, j'en conviens tout de suite, une manière bien sotte de ne pas voir le précipice terminal ; comme vous semblez ne pas le voir davantage, je m'en console.

Cependant, laissez-moi vous dire : il n'y a jamais eu brouille, entre votre monde et moi, nullement. Il s'est produit qu'un jour – très incertain dans ma mémoire, ce jour –, il s'est évanoui devant moi, il a cessé d'exister et même d'être possible ; il s'est mué en scène et j'ai toujours eu horreur du théâtre, sans doute en raison de ce fameux contact avec le public dont se gargarisent les batteurs de planches : je ne veux pas que ces haut parleurs établissent le moindre contact avec moi ; je ne veux même pas être un public. Je préfère, à tout envisager, que la vie qui me reste ressemble à une soirée privée, interdite au commun hilare, rideaux tirés, invisible de la rue et de ses fêtes, strictement réservée à une élite érigée par moi seul, et que je sais par avance fort peu nombreuse : ma soirée ne sera pas courue, et le monde restera consigné à ma porte malgré toutes vos sollicitudes. 

Pour que je puisse un jour me dédire et envisager la réconciliation dont vous me faites prévenance, il faudrait que le monde se remette à exister un peu ; qu'il commence, entre autres, par sentir à nouveau les siècles plutôt que l'ambre solaire : le risque semble mince.

mardi 9 juillet 2013

Défense des paillassons islamolâtres

Sans légende, puisque ce n'en est pas une.

Une fois n'est pas coutume, comparaison n'est pas raison, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, c'est çui qui dit qui est : je vous laisse choisir le dicton le mieux adapté à ce billet du jour. La dernière petite vaguelette blogosphérique en date concerne une “enseigne de la grande distribution” (en français ancien : un hangar à bouffe) qui aurait lancé une campagne de publicité saisonnière basée sur le marché des produits hallal (ou hallaux, si l'on est puriste), en cette période ramadanienne. Aussitôt, l'extrême droite bouillonnante a revêtu l'armure de Charles Martel pour hurler à l'islamisation de la France, à la mort annoncée de la laïcité, et autres horreurs de moindre importance. Tout aussi immanquablement, les paillassons islamolâtres habituels ont sorti les cimeterres des fourreaux afin de pourfendre le racisme-qui-sent-mauvais et expliquer que l'“enseigne” en question n'en avait rien à faire de la laïcité ni de l'islam, que leur seul but était de profiter d'un événement pour faire encore plus d'argent que d'ordinaire ; et que, du reste, ils faisaient la même chose au moment des dindes de Noël, des gigots de Pâques ou des rouleaux de printemps du nouvel an chinois.

Eh bien, une fois n'est pas coutume (c'est la solution du petit jeu proposé en ouverture), je suis d'accord avec ces défenseurs zélés, par ailleurs parfaitement méprisables, je trouve leurs arguments pétris de bon sens et, donc, tout à fait recevables ; d'autant plus que je vois mal pourquoi une boutique, même frappée de gigantisme, devrait se soucier de laïcité ou de religion.

En revanche, cette polémicuscule fait naître en moi une autre question, non prévue au programme : si le ramadan est bien ce “jeûne”, cette authentique et admirable ascèse que l'on veut à tout prix nous faire avaler (après le coucher du soleil), comment une “enseigne” prétend-elle faire de l'argent en profitant de l'occasion ? En un mot : qu'espère-t-elle vendre à des gens qui sont censés se priver de tout ? Et le soupçon point : est-ce que, par cette campagne, l'enseigne ne nous soufflerait pas insidieusement que, loin d'être un jeûne, le ramadan ne serait au contraire qu'une gigantesque et vulgaire ripaille, simplement décalée vers le nocturne ?

Et c'est ainsi que Carrefour se retrouva islamophobe.

lundi 8 juillet 2013

Les futures mamans racontent n'importe quoi

Futur papa soignant sa gueule de bois par une courte sieste, sous prétexte d'écouter remuer son cauchemar à venir.

Vous ne connaissez pas Rebecca Hampton ? Moi non plus, avant onze heures ce matin. C'est une blonde quadragénaire qui joue dans Plus belle la vie, mirobolant feuilleton de France 3 dont je n'ai jamais regardé le moindre épisode, car même le masochiste le mieux entraîné rencontre parfois ses limites. Toujours est-il que la dame est enceinte et va mettre bas le mois prochain si tout va bien. 

En avril dernier, dans les colonnes de Télé 7 Jours, elle s'enthousiasmait de ce que le prénom du gluant était déjà choisi et précisait que c'était “génial” parce que son prénom préféré de la vie du monde correspondait au sexe du futur bébé. Bien. On pourrait lui faire remarquer que, dans l'époque asilaire où nous vivons, ça ne poserait de toute façon aucun problème à personne si elle décidait d'appeler son garçon Bernadette ou sa fille Auguste, mais ne gâchons pas cette joie si pure.

Dans le numéro de Gala qui vient de sortir, alors qu'on lui demande si elle attend une fille ou un garçon, Rebecca répond : « Je n'en sais rien, je ne veux pas connaître le sexe de mon bébé avant l'accouchement. »

De trois choses l'une et demie : soit la théorie zinzin est passée par là et a désexué in utero le précieux héritier en deux coups de gender studies à pot ; soit l'imminente parturiente est atteinte de la maladie d'Alzheimer (en plus d'être enceinte, ce qui commence à faire beaucoup) ; soit encore elle raconte n'importe quoi à la presse au gré de ses humeurs, pour en rire ensuite avec ses potes autour du barbecue bio. Cette dernière éventualité serait à mon sens la plus valorisante pour Rebecca, à qui nous souhaitons un merveilleux délestage, indolore et festif.

dimanche 7 juillet 2013

Et pourquoi pas Libellule ou Papillon ?


S'il est un domaine où l'originalité à tout prix cause des ravages considérables, c'est bien celui du choix des prénoms pour les enfants qui surviennent ; surtout lorsque ce choix est sous-tendu par un manque d'imagination flagrant et ne se traduit finalement que par un assez comique grégarisme prénominal. Ainsi, dans une petite paroisse de France, que nous ne nommerons pas pour ne stigmatiser personne, seront célébrés, samedi prochain, les baptêmes des enfants suivants :

– Eléana
– Eléane
– Gaëllane
– Maël
– Méline
– Marie

Le lecteur porté sur l'ironie imagine déjà la fureur des quatre parents de la tête de liste, découvrant qu'après s'être creusé la cervelle pour trouver le prénom le plus incongru possible, leur fille va se retrouver avec exactement le même, à la terminaison près, que sa petite voisine de baptistère.

Ensuite, les yeux s'arrondissent de stupéfaction incrédule : comment des gens normaux, bien dans leur époque (mais peut-être, au fond, n'y sont-ils pas si bien que cela), ont pu avoir cette ahurissante idée de prénommer leur fille Marie ? L'originalité d'accord, mais c'est tout de même, dans le cas présent, la pousser un peu loin, il nous semble. Faudra pas venir pleurnicher si la petite Marie tourne à la délinquance à quelques années d'ici : avec un handicap pareil, pensez…

samedi 6 juillet 2013

Lazare et l'âne sans nom

Catherine et Didier G. redécouvrent les charmes du Perche…

En réalité, l'un de ces ânes (aucun lien de parenté avec Paul) s'appelle Lazare, mais ni Catherine ni moi ne parvenons à nous souvenir du nom de son compagnon. Comme quoi nous en sommes deux fameux et excessivement bâtés. On attendra le passage en ces lieux de leur bienveillant maître…

jeudi 4 juillet 2013

Le train


À Michel Desgranges

Longtemps j'ai aimé les trains. Pas ceux que l'on voit filer au loin, ou qui font, par leur proximité passante, trembler les murs et tinter les verres : ceux que l'on prend et qui vous emportent, même si les deux verbes accolés semblent appelés à se choquer l'un l'autre, comme la motrice sur le butoir. Choisir une voiture, selon des critères toujours plus ou moins opaques, élire une place plutôt qu'une autre alors qu'il y a pléthore, se soucier comme d'une cerise du tyrannique sens de la marche, qui revêt tant d'importance pour les voyageurs d'occasion : voilà des opérations auxquelles je m'adonnais régulièrement et volontiers, à une époque où l'on pouvait encore espérer jouir dans la plupart des compartiments d'un silence de bon aloi, qui semblait tenir en haut respect le roulis somnifère. De fait, j'y dormais beaucoup, soumis par avance aux pouvoirs enchanteurs du train, pour peu qu'il s'ébranlât de la gare d'Austerlitz avec le projet, affiché crânement dès avant le départ, de rayer d'un trait droit la surface lisse de la Beauce pour aller s'égarer, Loire passée, dans le fouillis conifère de la Sologne. Un train qui s'égare, c'est déjà une manière détournée de rentrer au port.

Il fallait que ce fût le soir, la fin de l'après-midi au moins, une atmosphère de déclin douillet ; et les mois d'hiver apportaient un supplément d'épaisseur au cocon qui filait à raisonnable vitesse. Si la pluie venait fouetter obliquement les grandes vitres teintées, les conditions étaient alors toutes réunies, le sommeil venait très vite et presque à chaque fois : j'ai ignoré pendant des années l'existence de Juvisy et d'Athis-Mons. Même le livre emporté pour que s'écoulent les quarts d'heure renonçait à tenir son rôle et se résignait, avec une certaine bonne humeur me semblait-il, à passer le voyage, reins cassés et face contre skaï, sur le siège vacant à côté de moi : Balzac en volume guettait le passage des contrôleurs comme de son vivant celui des créanciers.

Ma somnolence, car il s'agissait de cela plutôt que d'un sommeil véritable : un train n'est pas un lit quels que soient ses efforts pour y paraître, ma somnolence s'interrompait d'elle-même au ralentissement des Aubrais et ne revenait plus. Il fallait rester éveillé pour accompagner le petit pas de deux que dansait alors le convoi, entrant en gare d'Orléans pour y perdre une partie de ses voitures, celles occupées par les gens pressés et soucieux à qui nous n'avions rien à dire, et se faire omnibus comme on opte pour la pré-retraite avant l'abandon définitif de toute prétention à l'utilité sociale. Allégé de son esprit de sérieux et, plus ou moins, de l'obligation de passer à l'heure dite dans les gares intermédiaires, il se faisait farceur, jouait à repartir en direction de Paris, singeant le remords, bougonnant à chaque aiguillage, avant d'obliquer vers la droite, sur une large courbe du rail, pour franchir le fleuve invisible, laisser derrière lui les hommes et leurs maisons posées, puis disparaître entre les sapins.

Il ne restait que quelques-uns, qui faisaient mine de ne pas se voir mais se trouvaient reliés par certain frémissement d'impatience annonçant la fin. Ceux de Vierzon se rencognaient contre la vitre noire, sachant qu'ils ne pourraient échapper à la décimation de ce qui nous restait de troupe : Saint-Cyr-en-Val, La Ferté-Saint-Aubin, Vouzon, Lamotte-Beuvron, Nouans-le-Fuzelier, Salbris, Theillay… À chaque station ses tombés pour l'honneur, qui disparaissaient dans un silence si peu réel qu'on aurait cru à des morts de la Grande Guerre enfin de retour au pays.

Sur la place approximativement carrée, la voiture rouge m'attendait. Je remontais le quai avec pondération, mon pas s'alentissait encore pour traverser la petite gare blême, il fallait se raccommoder sans secousse de l'existence terrestre, après cette traversée de plusieurs années dans la nuit.

mercredi 3 juillet 2013

Une question à notre portée


Comment une douleur aiguë peut-elle être le symptôme 
d'une maladie grave ?

mardi 2 juillet 2013

Ensemble, découvrons les pré-nazis du Moyen Âge


La nauséabonderie va parfois, cette grande vicieuse, se nicher en des refuges où nul ne s'attendrait à la trouver. Ainsi, hier, je relisais l'excellent livre de Michel Pastoureau, Bleu – histoire d'une couleur,  pour des raisons qui n'ont pas à être révélées ici (se reporter au journal de juillet, parution prévue le 31 août, pensez à réserver dès maintenant votre exemplaire). Comme s'en doute déjà le lecteur, même légèrement embourbé du bulbe, il y est question de la couleur bleue, de sa perception à travers les âges ; de son destin, n'ayons pas peur des grands mots-qui-brillent. A priori, donc, un petit parcours tranquille, qui ne devrait pas risquer de nous faire retomber dans la profonde ornière des heures les plus sombres (hi ! hi !) de notre histoire.  Or voici que, soudain, au détour de la page 72 de l'édition originale (Seuil), je tombe sur le paragraphe qui envoie tout en l'air. Voici ce qu'on y lit (c'est moi qui souligne) :

« Cette étroite spécialisation des activités de teinture n'étonne guère l'historien des couleurs. Elle doit être rapprochée de cette aversion pour les mélanges, héritée de la culture biblique, qui imprègne toute la sensibilité médiévale. Ses répercussions sont nombreuses, aussi bien dans le domaine idéologique et symbolique que dans la vie quotidienne et la civilisation matérielle. Mêler, brouiller, fusionner, amalgamer sont souvent des opérations jugées infernales parce qu'elles enfreignent l'ordre et la nature des choses voulus par le Créateur. Tous ceux qui sont conduits à les pratiquer de par leurs tâches professionnelles (teinturiers, forgerons, alchimistes, apothicaires) éveillent la crainte ou la suspicion, parce qu'ils semblent tricher avec la matière. »

Aversion pour les mélanges ? La fusion comme opération infernale ? L'affaire est jugée : nos ancêtres médiévaux, je suis au regret de vous le dire, étaient des nazis. Ils se tenaient à carreau (mais pas à rayures : encore une invention du diable, les tissus rayés !) parce qu'on n'avait pas encore inventé Adolf Hitler, mais ils n'en pensaient pas moins ; ils se tenaient là, dans le repli des siècles, attendant leur heure, élevant des cathédrales gothiques pour s'occuper les mains en attendant de pouvoir bricoler des fours.

Le métissage comme infraction à l'ordre et à la nature des choses : on se demande où ils allaient chercher des aberrations pareilles, et surtout comment, au XXIe siècle, âge de toutes les lumières tamisées, d'aucuns peuvent perpétuer une vision aussi répugnante des choses. À moins que, comme le prétendait le Général, les Français soient tous des médiévaux.

lundi 1 juillet 2013

Alexandre Arcady, télégraphiste pur sucre et précurseur des adule-Coran


Je voudrais bien savoir, pure curiosité, quel petit démon pervers m'a poussé, hier soir, à rester épandu devant le téléviseur de minuit à deux heures, pour y regarder L'Union sacrée, film de ce gros balourd bien pensant d'Alexandre Arcady (Et in Arcadia ego : vous repasserez !). En dépit d'un scénario mal foutu, écrit à la truelle, utilisant toutes les ficelles sentimentalo-policières de ce type de film français ; malgré des dialogues dont les acteurs – pas mauvais du reste – avaient bien du mal à sortir vivants, je n'ai pourtant pas tout à fait perdu mon temps.

Comme la plupart des cinéastes n'ayant rien à dire, Arcady se croit tenu de délivrer des messages : le nombre de télégraphistes contrariés que l'on trouve dans le cinéma français peut facilement donner le vertige. L'intrigue – si l'on peut dire : cette histoire d'un banal exténué n'est propre à intriguer personne –, l'intrigue repose sur un couple de flics nouvellement formé, lesquels, au départ, se détestent. L'un est juif (Bruel), l'autre arabe (Berry : jouer un Arabe quand on se nomme Berry, ça vous a déjà des allures de Grand Remplacement avant l'heure). Au moins Arcady ne nous prend-il pas en traître, il affiche du lourd dès la fin du générique : un Juif et un Arabe vont apprendre à se connaître et devenir frères dans l'épreuve commune. Lumière rouge ! Signal sonore ! Bip ! bip ! attention, risque de chute de symboles pendant deux heures !

Les deux guignols, qui passent l'essentiel de leur temps de travail à échanger de pesants mots d'auteur, sont confrontés à une bande de terroristes arabes très très méchants, qui ont établi leur base parisienne à couvert d'un centre culturel et cultuel musulman. À la fin ils perdent, non sans avoir flingué l'ex-femme de Patrick Bruel (qui pourtant n'est pas juive mais s'est arrangée pour coucher avec Richard Berry). Durant le temps que ça prend (du temps on en perd d'ailleurs beaucoup, puisqu'il faut s'appuyer un ou deux déjeuners dans l'épicerie-restaurant de Marthe Villalonga, ce qui est toujours une épreuve, même quand Robert Castel n'y est pas), le message essentiel du film nous sera martelé à au moins trois reprises, si ce n'est davantage (je somnolais un peu, tout de même) ; et c'est Berry, en tant qu'Arabe supposé, qui est chargé de faire le porte-voix. Cela donne à peu près ceci :

Si je me bats contre ces salopards, c'est parce qu'ils déshonorent ma religion, dénaturent le message de paix et d'amour du Coran, jettent la suspicion sur des millions de musulmans très gentils à qui il font autant horreur qu'un chancre purulent au bout de leur bite.

Pas de quoi fouetter une femme adultère, me direz-vous, puisqu'on nous ressasse ce genre de choses à peu près tous les jours qu'Allah fait. Seulement, le film date de 1989. On était encore au tout début de ce qui allait advenir, et dans quoi nous sommes plongés, mais Arcady, en génial précurseur de la bienpensance future, avait compris qu'il fallait commencer tout de suite à mettre en images, et en phrases plombées comme une roulotte de romanos, un concept encore tout neuf mais promis à un fulgurant avenir, celui bricolé peu de temps avant par ce bon Khomeiny : l'islamophobie. C'est ainsi que, croyant faire un film sur le terrorisme, Monsieur Alexandre s'est retrouvé dans la peau d'un apprenti démineur de futures bombes sociétales. Les émules n'allaient point tarder à lui venir.