mardi 31 mars 2009

Les guillemets dans les guillemets dans les guillemets (exercice d'assouplissement sémantique)

Le maniement de la langue française, surtout si on tient à n'avoir d'ennuis ni à se fâcher avec personne, risque de devenir d'un maniement de plus en plus délicat, à force de faire dire aux mots autre chose que ce qu'ils signifiaient encore hier matin.

Comme je me moque de me brouiller avec qui que ce soit, et pour rester fidèle à une réputation désormais si bien établie qu'elle en devient inchangeable, je vais illustrer mon propos avec une expression métaphorique si bien ancrée désormais qu'elle devrait bientôt accéder au statut de catachrèse : Les jeunes des quartiers.

La première surprise, il me semble, dans cette expression, est provoquée par ce “des”. Les jeunes DU quartier, tout le monde comprend depuis toujours : ce sont les moins de vingt ans, en gros, qui vivent dans l'un des trois pâtés de maisons dont fait partie votre propre gourbi. Pour réduire l'étrangeté de ce pluriel, signaler qu'il commence à se produire des glissements sémantiques non dénués d'intérêt, il vaudrait donc mieux écrire : Les jeunes "des" quartiers. Bien.

Mais alors, on se met à soupçonner que cette pluralité transforme notre bon vieux quartier en autre chose, dans laquelle la proximité n'a plus sa place première. On subodore – et l'on nous confirme – que le quartier, soudain, peut aussi bien se trouver à Villeurbanne qu'à Torcy, à Marseille qu'à Strasbourg, et n'en rester pas moins un quartier, ou pour mieux dire : l'un "des" quartiers. Par conséquent, afin de souligner cette spatialisation de l'ancien quartier, il nous semble plus prudent d'écrire dorénavant : Les jeunes "des" “quartiers”.

Restent les jeunes. À partir du moment – et nous sommes à ce moment - où l'on a compris que la juvénilité n'avait à peu près plus rien à voir avec la dénomination (la police a interpellé, il y a quelque temps de cela, un jeune de 32 ans...), mais que le terme faisait plutôt référence à des activités commerciales délictueuses, des "situations d'échec scolaire" (tiens, encore des guillemets !), des lancers de boulons sur des pompiers en mission, etc., on se dit qu'une modification typographique supplémentaire s'impose. On écrira donc : Les «jeunes» "des" “quartiers”.

Une autre école typographique post-moderne propose l'orthographe djeune pour le mot jeune, par référence toute approximative à l'accent qui se développe dans "les" “quartiers”. Ce qui nous donnerait alors : Les djeunes "des" «quartiers». Pour notre part, nous adopterons désormais la graphie suivante, plus englobante : Les «"“jeunes” des" quartiers». Mais, bien entendu, chacun fera comme il l'entend : l'important est de continuer à se comprendre.

La semaine prochaine, nous étudierons lees rôles respectifs du tiret, de la parenthèse et de l'italique dans le conflit israélo-palestinien.

lundi 30 mars 2009

On aura beau dire, c'était autre chose...

L'un des avantages, lorsqu'on passe une journée et une soirée sobres (avec l'absence de gueule de bois, le fait d'échapper à la honte du lendemain en relisant certains de ses propres commentaires...), c'est qu'on ne s'endort pas devant la télévision. Ce qui tombait bien, hier soir, puisque la chaîne TCM propose tous les dimanches une "intégrale Cary Grant" : trois films dont nous regardons toujours le premier, parfois le second. Hier, je me suis accordé la totale. Demandez le programme ! Voici :

20.45 : L'Impossible Monsieur Bébé, de Howard Hawks (1938) ;
22.30 : Gunga Din, de George Stevens (1939) ;
0.30 : Vacances, de George Cukor (1938).

Mille pardons, mais j'ai la flemme d'aller chercher les titres originaux – mis à part pour le dernier qui se nomme Holidays. Évidemment, pris en tenailles entre Hawks et Cukor, le pauvre Stevens n'a pas la partie facile. D'autant moins que Cary Grant ne semble pas particulièrement à son aise dans cette histoire de thugs, de déesse Kali et d'empire des Indes. Comme je n'ai jamais trouvé que Victor McLaglen était un acteur phénoménal, et encore moins Douglas Fairbanks Jr, et qu'en plus le scénario, invraisemblable et bancal, hésite constamment entre l'épique, l'exotique et le burlesque, on regarde le résultat sans ennui ni passion – on peut même aller se rechercher un carré de chocolat dans l'arrière-cuisine sans manquer grand-chose.

Et puis, Gunga Din souffre d'un grave handicap par raport aux deux autres : il n'y a pas Katharine Hepburn. Je sais bien que l'expression “couple mythique” est galvaudée jusqu'à l'écoeurement, mais, là, franchement... Ils sont si parfaitement accordés, si emphatiquement faits l'un pour l'autre que les malheureux scénaristes des deux films d'ouverture et de clôture peuvent bien s'échiner à dresser des obstacles entre eux, le spectateur le plus ramolli de la bobine comprend dès leur première apparition conjointe que l'affaire est faite. Un peu comme quand vous collez Robert Mitchum et Marilyn Monroe sur le même radeau.

Je ne m'offrirai pas le ridicule de tenter une critique croisée de ces deux films, que chacun a vus au moins cinq fois. Simplement ceci qu'à ce stade d'excellence – et de différences entre les deux réalisateurs – il me paraît difficile, voire vain, de vouloir déterminer lequel on préfère à l'autre. Le film de Hawks est une comédie presque essoufflante à force de rythme, où le principal personnage est la folie douce qui manipule tous les autres comme des marionnettes ; à l'exception de Katharine Hepburn, aussi folle certes, mais jamais à la remorque.

Les Vacances de Cukor sont d'un humour plus fin, plus acidulé, pour ne pas dire acide. Malgré le happy end obligatoire, on ressort de ce presque huis-clos avec une impression de morosité persistante, Cukor nous amenant tout au bord du précipice logique, avant d'expédier la fin heureuse d'un coup de baguette auquel il semble nous sommer de ne pas croire. Et Katharine a rarement été aussi belle que dans ce film. Sauf peut-être dans la Philadelphia story, du même Cukor, et revue dimanche dernier.

Comme quoi, les soirées à l'eau minérale, ç'a ses bons côtés. À condition d'avoir Cary Grant et Katharine Hepburn chez soi.

dimanche 29 mars 2009

On recherche figure christique ayant peu servi (écrire au journal qui transmettra)

Ce qui est fascinant chez les athées, c'est leur soif de se trouver une figure christique en état de marche. Je ne parle pas ici du véritable athée, celui qui se limite à ne pas croire en Dieu, ni en transcendance d'aucune sorte, se contentant de penser à autre chose. Celui qui m'intéresse ce soir, c'est l'athée militant, celui que son absence de foi torture tellement qu'il éprouve le besoin irrépressible de piétiner Dieu tous les matins, pour tenter de dissimuler qu'il n'a en réalité jamais cessé de croire en lui, fût-ce négativement. Ceux-là sont faciles à repérer, d'abord parce qu'ils sont très bruyants, ensuite parce qu'une sorte d'écume rosâtre leur monte aux babines dès que le successeur de Pierre se permet trois mots : tous les chrétiens ont depuis longtemps oublié de quoi était faite l'intervention papale qu'ils sont encore à se rouler par terre, agités comme des convulsionnaires sur la tombe du diacre Pâris.

Ce manque de Dieu qui les dévore de l'intérieur, ils ressentent, sans la discerner, la nécessité impérieuse de le combler. Et on les voit courant de droite et de gauche – mais plus souvent de gauche, toutefois –, à la recherche d'une figure christique capable d'étancher leur soif de divin. Naturellement, celles qu'ils élisent sont si pauvrement humaines que leur efficacité est très limitée dans le temps, et qu'ils doivent donc en changer souvent.

Au temps de ma prime jeunesse, le tortionnaire Ernesto Guevara a superbement rempli cet office, auprès d'une jeunesse européenne assoiffée de pureté et de rachat, mais point trop regardante sur les antichambres de l'histoire. Ensuite, la figure christique s'est dépersonnalisée, anonymisée, pour devenir un archétype.

Durant mon adolescence, le réfugié chilien marchait très fort, c'était un article sur lequel on pouvait faire fond en toute confiance. En toute confiance relative, car ce christ-là s'est usé assez rapidement, les couleurs ont passé. Et les plus idéalistes des jeunes militantes qui avaient commis la sottise d'en épouser un (pour faire chier leur père, notaire ou chef du personnel), se sont retrouvées avec, sur les bras, un symbole invendable et, qui plus est, déjà légèrement bedonnant – volontiers macho, aussi.

Là-dessus est arrivée la relève : le travailleur immigré. D'abord nord-africain, parce qu'on n'avait que cela à se mettre sur la conscience, puis sub-saharien. On pouvait croire que, cette fois, on tenait du solide, du grand teint. Point. Le sub-saharien lui-même a pâli aux yeux de nos infatigables combattants-pour-un-monde-plus-juste, et il a fallu leur trouver une médication plus costaude, sous peine de perdre tout le bénéfice de cette grande cure morale entreprise dans les flons-flons de l'après-guerre.

Est alors arrivé, telle une bénédiction céleste, l'immigré clandestin – une vraie aubaine, celui-là, puisque, en plus de vous purifier l'âme à grande eau, de vous récurer la mauvaise conscience à la grattounette, il vous procure le délicieux frisson de la rébellitude en vous mettant en délicatesse avec nos lois, forcément scélérates et dégageant les inévitables relents nauséabonds.

Mais, cette fois, nos évangéliques jeunes gens (ou moins jeunes, du reste : le droit-de-l'hommisme est un truc qui peut aussi s'attraper au moment de la retraite, quand on voit poindre l'ennui) ont décidé de bétonner leur affaire, afin de ne plus risquer d'être pris de court, si jamais le clandestin à son tour se révélait décevant. Ils ont donc inventé la figure christique pluridisciplinaire. À braquets multiples. C'est ainsi qu'au clandestin rédempteur sont venus s'ajouter l'homosexuel purifiant, l'Immaculée lesbienne, le saint transgenre, apôtre et martyr. Sans oublier l'enfant palestinien qu'il est toujours prudent de se garder sous le coude. On est entré dans l'ère du christique multifonctions, il ne s'agit que d'en trouver d'autres, d'étoffer cette batterie de cuisine céleste : ils viendront, soyez-en sûrs.

Les marie-madeleines présentes et futures peuvent déjà préparer les baquets d'eau pure et lisser leurs longues chevelures.

L'illustration est un autoportrait de Dürer (1500).

samedi 28 mars 2009

Portrait du blogueur en ivrogne

À CC...

C'est une chose mystérieuse et vaguement inquiétante, dont les buveurs d'eau – race particulière – ne peuvent avoir idée. Que se passe-t-il dans la tête du blogueur, lorsqu'il a ingurgité une bière de trop ? (Ou douze bières, ou trois whiskys : on n'est pas là pour discuter des dosages...) Devient-il un autre, une sorte de monstre à soi-même inconnu, ou au contraire se mue-t-il enfin en ce qu'il est réellement ?

Ainsi, hier soir, après un déjeuner “viril” et un apéritif vespéral normal, je suis allé mettre un commentaire chez une blogueuse. Commentaire lapidaire, douze mots maximum – et ne comptez pas sur moi pour vous donner le lien, je ne suis pas maso à ce point. Je suppose avoir instantanément oublié ce jet de petit venin clairet. La preuve, repassant sur ce même blog ce matin, je fus un peu surpris (et considérablement atterré) d'y découvrir la trace de mon passage. À la suite de quoi, la tenancière n'avait pour ainsi dire laissé qu'un seul mot : navrant. Elle a entièrement raison : mon commentaire, en plus d'être idiot, hors de propos, rattaché à rien du tout, est d'une méchanceté impuissante de petit connard frustré.

La question que je me pose depuis (le gras italique n'est là que pour signifier qu'il ne s'agit nullement d'un appel à débat...) est la suivante : à quel moment suis-je moi-même ? Quand, la mousse (houblonnée) aux lèvres, animé d'une rage qui me demeure obscure, incompréhensible, je me précipite sur la première proie passant à portée ? Ou bien lorsque, le lendemain, j'ai envie de rentrer sous terre en contemplant la face obtuse et ricanante de celui que je fus la veille, durant un moment ?

Qui est Didier Goux ?

vendredi 27 mars 2009

Didier Goux rejoint la troupe

Réseau LHC

Moi qui étais plutôt bas résilles, voire barrésien dans mes moments de nostalgie et de collines inspirées, me voici donc désormais bas réseau. Pourquoi "bas" ? Pour justifier mon gag idiot avec bas résilles et barrésien, foutez-moi la paix ! C'est le camarade Lomig, rencontré il y a quelques semaines à la République des blogs, qui m'a proposé de devenir membre du Réseau LHC (libre, humaniste, critique). Comme je ne voyais pas à quoi cela pouvait bien servir, j'ai tout de suite dit oui. Et puis, les trois ou quatre personnes que je connais déjà un peu m'ont paru fort fréquentables, donc pourquoi ne pas ?

Avant de signer mon engagement pour 20 ans, toutefois, je suis allé lire leur charte. Le fait qu'il ne soit nullement exigé du récipiendaire qu'il devienne abstème a eu raison de mes dernières réticences. Il n'empêche : j'en connais deux ou trois qui vont copieusement se foutre de ma gueule...

C'est Molière ou une bastos dans le melon, tu choisis...

Pour en revenir à cette Journée de la jupe que je n'ai pas vue, et ne verrai sans doute pas, ou alors en cachette de l'Irremplaçable, à qui le syntagme “téléfilm français” suffit à coller des boutons, on peut lire le très intéressant article de Jean-Paul Brighelli.

jeudi 26 mars 2009

Les Angoisses de G.I. Joe – pas d'points (II)

Reprenons donc les événements là que nous les avons laissés. Avant, je dois préciser une chose : j'avais effectivement assez bu pour exploser les 0,50 g fatidiques, mais pas assez pour que cela se voie à l'oeil nu (sauf peut-être à celui, très bien exercé, de l'Irremplaçable...). En clair, j'étais en infraction mais pas bourré.

Mon gendarme jovial s'approche lentement de la voiture, finissant sa conversation téléphonique. La première question qu'il me pose est la mauvaise : « Monsieur, avez-vous consommé de l'alcool avant de prendre le volant ? » Moi, évitant de lui souffler mon haleine ensauvignonnée en pleine face : « Ouah, l'autre, t'es malade ? Boire avant de conduire, moi ? » (Tout cela en plus circonspect, évidemment.)

Ludovic, avec une présence d'esprit frôlant le génie, saisit la question au vol et, brandissant les deux bouteilles que nous venons d'acheter, s'exclame, avec une jovialité bonasse : « On n'a pas encore bu, mais ça ne saurait tarder ! » Notre gendarme sourit, c'est plutôt bien. « Votre permis de conduire suffira », m'assure-t-il, cependant que je farfouille fébrilement dans la pochette idoine. Et il ajoute cette remarque très mystérieuse : « En fait, c'est parce que vous êtes habillé en noir... »

Devant mon air ébahi, il daigne s'expliquer : il a simplement cru que je n'avais pas attaché ma ceinture, laquelle ne se voyait pas sur mon élégant petit pull anthracite. Je comprends alors que, m'ayant arrêté par erreur, il ne me demande mon permis que pour se donner une sorte de contenance. Je me prends à espérer qu'il n'y jette qu'un très vague coup d'oeil et ne remarque pas son côté dangereusement provisoire.

C'est effectivement ce qui s'est produit : il l'a négligemment ouvert, puis refermé d'un même mouvement, avant de me le rendre et de nous signifier notre levée d'écrou. J'étais à deux doigts de l'embrasser, mais Ludovic m'a opportunément retenu dans mes démonstrations de gratitude.

Une demi-heure plus tard, j'avais encore les jambes vaguement cotonneuses...

Les Angoisses de G.I. Joe – pas d'point

Merveilleuse histoire, vous allez voir. Hier matin, Ludovic part avec moi pour Paris. Comme c'est un garçon qui comprend la vie (et les beaux-pères), il me signale, arrivant à Levallois-Plage, qu'il s'est muni de son permis de conduire ET de ses lunettes. Comprendre : « Beau-papa, si tu as envie de t'arsouiller à midi, je pourrai prendre le volant. » Ce qu'il fit en effet, le soir même.

Or, sachant le vide du frigo familial, nous savâmes, sîmes, sûmes, bref : on était au courant qu'il n'y avait plus rien à boire à la maison – l'Irremplaçable m'ayant tuyauté dans le cornet qu'elle n'aurait rien contre un petit whisky. Ludovic avait une envie de vin rouge de Bourgogne, c'est pourquoi, lui au volant depuis Levallois, nous fâmes, fûmes, fîmes un détour jusque chez le caviste de Pacy (et c'est là que ça devient rigolo – partez pas).

Dans un premier temps, je le laisse descendre de la voiture, où je demeure. Puis, m'avisant que le caviste devait recéler quelques flacons de whisky, ce qui m'éviterait un arrêt supplémentaire chez le traditionnel “Arabe”, je quitte la voiture à mon tour. Nous emplettons et ressortons de l'échoppe. Là-dessus, ayant la clé du véhicule en main, je lui dis : « Allez, je reprends le volant jusqu'à la maison. » (Il nous restait trois kilomètres à parcourir, il était sept heures et quart, Pacy était déserte.)

Déserte, sauf, deux cents mètres plus loin, ces deux gendarmes, sur une minuscule place où oncques n'en ai jamais vu un seul. Le gros quinquagénaire jovial, vissé à son portable, me fait signe de me ranger le long du trottoir ; ce que je. En deux secondes – le temps qu'il termine sa conversation privée –, je visionne le film en accéléré : j'ai picolé à midi, je suis “récidiviste”, j'ai un permis provisoire de six mois – je suis fait aux pattes, alors que je viens de parcourir deux cent mètres de macadam à quarante à l'heure. Je me range le long du trottoir, certain que je vais me prendre une balle virtuelle en pleine tête.

La suite plus tard : c'est trop lourd, je craque.

mercredi 25 mars 2009

Daniel Cohn-Bendit est un sale con

Un sale con ou une enflure, comme vous voulez. M. Daniel Cohn-il-est-interdit-d'interdire-Bendit ne veut pas, mais alors pas du tout, que Jean-Marie Le Pen préside la séance inaugurale de la prochaine session du parlement européen, comme son statut de doyen des élus le veut. M. Cohn-soyons-réalistes-demandons-l'impossible-Bendit n'aime pas les idées de M. Le Pen ; c'est bien son droit : je ne les aime qu'assez peu moi-même. Dans les années de ma jeunesse, je suppose que les élus socialistes et communistes n'aimaient point trop non plus les idées de Marcel Dassault, qui, lui aussi, en tant que doyen de l'Assemblée nationale, fut plusieurs fois en vedette pour les mêmes raisons. Il ne leur serait pour autant pas venu à l'esprit de bâillonner l'avionneur quasi-centenaire en question. (Quoique, pour les communistes, il faudrait voir.)

M. Cohn-les-murs-ont-la-parole-Bendit, lui, est pour le bâillon. Mais comme il est aussi faux derche que vrai jésuite (je m'aperçois qu'il y a là une insulte à la Compagnie de Jésus, dont je prie que l'on m'excuse), il a trouvé le moyen de rendre son bâillon plus glamour, plus Star-Ac', plus “HALDE-là, qui va là, dragon d'Alcalà”. Oyez plutôt, mes miens compaings, ce piteux libelle :

« Nous sommes pour que ce soit la députée la plus jeune qui ouvre la session, non pas à cause de Le Pen, mais parce que c’est un signe pour l’avenir. Allons jusqu’au fond du symbolisme : on ne veut pas des croulants. »

M. Cohn-vous-reprendrez-bien-un-pétard-Bendit semble déjà croire que l'on puisse adresser un signe à l'avenir et aller au fond du symbolisme, ce qui est en soi inquiétant. M. Cohn-22-mars-lendemain-de-printemps-Bendit nous inflige surtout la preuve de son mépris pour les traditions librement acceptées, les règles démocratiques – et les personnes d'âge, comme on disait jadis.

Enfin, en employant ce terme de “croulant”, que je n'avais pas entendu depuis ma dernière poussée d'acné, il dénonce son propre canonicisme, si l'on veut bien me passer cette néologitude. Encore deux sessions et ce Vert, passé dans le rang des sépulcres blanchis, regrettera d'avoir ôté au doyen la faculté de pérorer une dernière fois avant de quitter la scène. À ce moment, il se traitera de sale con : même ça, je l'aurai fait avant lui.

Victor Hugo plaide pour le bouclier fiscal

« Le jour où la misère de tous saisit la richesse de quelques-uns, la nuit se fait, il n'y a plus rien.
Plus rien pour personne. »

Choses vues, 1847.

mardi 24 mars 2009

Oriane, Marcel et les rillettes

Au très-excellent et digne Monsieur Chieuvrou,
À qui je ne mets pas de lien puisqu'il n'a pas de blog
(Pas de bras, pas de chocolat...)



« L'esprit des Guermantes – entité aussi inexistante que la quadrature du cercle, selon la duchesse, qui se jugeait la seule Guermantes à le posséder – était une réputation comme les rillettes de Tours ou les biscuits de Reims. »

Marcel Proust, Le Côté de Guermantes, Pléiade, édition Clarac et Ferré, p. 458.


Illustration : photographie de la comtesse Greffulhe, passant pour avoir servi, en partie, de modèle à Oriane de Guermantes.

La Meilleure, c'est Babette !

Tout à l'heure, fumant une cigarette (pour cause de pipe oubliée à la maison hier) et buvant mon premier café, au bas de l'immeuble laborieux où je suis arrivé dès potron-minet, j'ai pris une ferme résolution : remonté à mon bureau (absolument désert aujourd'hui), j'allais te vous pondre un de ces billets qui font date, dans lequel je dirais tout le bien que je pense (c'est de l'ironie) des magnifiques combats auxquels se livrent avec acharnement, abnégation et héroïsme, tout ce que notre pays compte d'amuseurs patentés, de chanteurs vertueux, de rebelles aux ordres et de blogueurs zinfluents : j'ai parlé de la lutte contre le néonazisme pontifical et de celle, non moins admirable, qui consiste à se protéger du sida avec un petit ruban rouge à la boutonnière, telle une Légion d'honneur prophylactique. Ç'allait cartonner, on verrait ce qu'on verrait !

Et puis, non, finalement, vous ne verrez rien. Car, mon café terminé, retour devant cet écran, j'ai eu la mauvaise idée d'aller faire un tour dans les salons du Causeur, où je suis tombé sur un long billet d'Élisabeth Lévy, qui dit impeccablement ce que je n'aurais sans doute fait que balbutier. Donc, je ferme ma gueule et vous laisse la lire...

Des fois, on est con...

Vendredi dernier, je n'ai pas regardé La Journée de la jupe, le téléfilm de Jean-Paul Lilienfeld, avec Isabelle Adjani dans le rôle principal et diffusé par Arte (avouez, tout de même : téléfilm + Adjani + Arte, il y avait de quoi se méfier...). Apparemment, j'ai eu tort...

lundi 23 mars 2009

Le raz-de-marée anti-sarkozyste

Hier, dimanche, à Paris, c'était le grand rassemblement des forces de gauche, autour du merveilleux livre de nos amis socialistes, destiné à écrabouiller le régime pinochétiste de Nicolas Sarkozy. On allait voir. Ce qu'on allait voir. Tout le monde s'attendait, moi le premier, à entendre la blogosphère z'influente éclater de ses habituels sons de trompe triomphaux dès ce ce matin. Or... rien. D'une discrétion de souris virginales, mes hérauts de la modernité revendicatrice. Triomphe modeste, on ne peut plus. Et pourquoi donc ? Et pourquoi donc ? Allez savoir...

Vous avez dû en faire de beaux voyages de noces...

Quand j'avais 10 ans, c'est une chanson qui me faisait immanquablement monter les larmes aux yeux. Pourquoi a-t-elle resurgi aujourd'hui, précisément aujourd'hui, alors que je n'ai pas dû l'entendre depuis un bon quart de siècle ? Toujours est-il qu'elle est là, son pouvoir presque intact, avec cette espèce de sentimentalisme un peu languide qui est le plus propre à activer les lacrymales – une jolie histoire triste, un coin d'années soixante, une paire de culottes courtes et un cartable un peu trop lourd. Et Patachou qui a 91 ans.

dimanche 22 mars 2009

Didier Goux joue avec son jouet

On pourra toujours dire ce qu'on veut et invoquer toutes les puissances naturelles : le radoucissement du temps, l'allongement des jours, la nidification des piafs, le gonflement des bourgeons ou le fleurissement des arbres les plus précoces, etc. ; il n'en demeurera pas moins que le seul signe vraiment indubitable du retour du printemps, c'est lorsque les bipèdes des jardins (Homo gazonus tractatus) ressortent les tondeuses de l'appentis. Je me suis livré hier à ce charmant rite initiatique, et d'autant plus volontiers que le Père Noël m'en avait livré une toute neuve, après que le Père Fouettard m'eut sauvagement niqué l'ancienne. Et, croyez-moi ou non, je n'ai pas regretté la dépense...

samedi 21 mars 2009

Les Délires du gros réac

Finalement, j'ai restitué une “blogroll” complète, ou presque complète. Avec des tas d'entrées réactionnaires. C'est-à-dire une longue liste de malades. Car les réactionnaires sont des malades – je le sais, on me l'a affirmé ; et je n'ai aucune raison de ne pas le croire.

Ainsi, sans doute, pensant à autre chose, il y a quelques jours, le Rital généreux admettait du bout des lèvres avoir, à l'issue d'une discussion absurde, quelques aspects “réactionnaires”. Mais aussitôt, il prenait bien soin de préciser que, plus ou moins d'accord avec moi sur tel point précis, il ne me suivrait jamais dans mes autres délires.

Délires, donc. Là, j'ai compris. Ces jeunes gens ont, eux, des idées – forcément généreuses –, des pensées – je suppose –, des pensées d'avenir – c'est bien le moins, à leur âge ; cependant que, moi, je suis en proie à des délires. Je suis fou, donc. Ils sont intelligents, brillants, ouverts, sympathiques, mignons à s'en pisser dans les braies : je suis en proie à des délires. Pas des opinions différentes, certainement pas des idées méritant qu'on les examine ; non, juste des délires. Des dysfonctionnements qui vous valent d'être enfermés – avec tous les égards dus à des délirants, mais enfermés néanmoins.

On me pardonne, plus ou moins, parce qu'on a les idées larges (plus larges que les épaules, en tout cas), et aussi parce que je suis plutôt rigolo – pour mon âge. Et, surtout, on se protège un peu de l'avenir, on s'assure une petite gérontophilie, au cas où... Des fois que le vent tournerait... Mais, vous comprenez bien : ça reste du délire.

vendredi 20 mars 2009

Étonnez-moi, Benoît

« Il nous faut un pape en phase. Un pape à la botte, au pied, aux ordres, aux mots d’ordre, un pape qui file doux et qui respecte les nouveaux règlements. Les nôtres. Un pape qui lâche ses bondieuseries pour notre eau bénite et ses patenôtres transcendantes pour nos homélies multiculturelles. Un pape qui, cessant de bêtement parler des “errances de la modernité”, nous rejoigne dans nos divagations divines. Un pape à roulettes et en culottes courtes. Un pape citoyen. Un pape qui sorte du Saint-Siège, une bonne fois, en poussant le cri primal, pour n’y plus jamais revenir. Un pape qui dégraisse la doctrine, dépoussière le Vatican, se batte pour la légalisation de l’euthanasie, prenne fermement position en faveur de la procréation assistée comme pour le mariage des prêtres et l’ordination des femmes. Un nouveau pape comme il y a de nouveaux pères, un pape qui porte le petit Jésus sur son ventre, dans un sac, comme les mamans kangourous (“Habemus mamam !”).

« Un pape vigilant sur le respect de la laïcité. Un pape qui proteste avec nous contre la mise en berne des drapeaux de la République en hommage au pape défunt. Un pape qui participe aux fanfares de soutien à Florence Aubenas et s’occupe de lâcher des ballons plutôt que de promulguer des bulles. Un pape qui milite pour les couloirs de bus, la candidature de Paris ville olympique en 2012 et l’opération “Ici c’est 100% sans tabac” (s’il pouvait, par la même occasion, nous donner un petit coup de pouce pour faire un peu remonter le oui à la Constitution européenne, ce ne serait pas plus mal). Un pape soucieux de l’amélioration de la qualité de l’air. Un pape résolument décidé à laisser tomber ses lamentables discours normatifs sur le sexe pour rejoindre les nôtres. Un pape conciliant et pas conciliaire. Un pape bon apôtre, en somme, et conscient de tous les chantiers prioritaires qui l’attendent. Un pape d’époque. Un pape comme l’époque. Un pape-époque. Un pape-société. »

Philippe Muray, Le Pape, mai 2005.


Ajout de six heures du soir : en complément, à propos des récentes déclarations de Padre Benito, seizième du nom, on lira ceci avec profit...

Le Français tel qu'il s'écrit

Par voie d'affiche, l'Office français de prévention du tabagisme (OFT) propose gentiment aux salariés du groupe Lagard*re Active une “aide à l'arrêt du tabac sur votre lieu de travail”. Déjà, je trouve cette formulation curieuse : quel intérêt d'arrêter le tabac (et comment arrête-t-on le tabac ? Il y faut une commission rogatoire ?) sur son lieu de travail, si l'on conserve le loisir de continuer à fumer partout ailleurs ? La suite est encore plus savoureuse (je souligne) :

« Vous pourrez rencontrer le médecin tabacologue de l'OFT; sur rendez-vous, pour des entretiens motivationnels, des conseils ou pour un suivi si nécessaire, quel que soit votre statut vis-à-vis du tabac. »

Je crois que je vais continuer à fumer ; d'une part je suis très peu motivationné, et puis, changer de statut, à mon âge...

mercredi 18 mars 2009

Fan de Bach (dans l'ascenseur)

Donc, pour justifier mon titre, dans l'ascenseur, il y a une petite heure. Deux filles (plus moi, qui ferme ma gueule et me tiens coi – roide dans mes bottes). L'une est en train d'expliquer à l'autre que, dans son clapier de salope de pauvre, un voisin d'elle prend un malin plaisir à foutre sa zone sonore, tous les dimanches, dès huit heures du matin. L'autre : « Alors, tu sais ce que tu fais ? Dimanche prochain, tu branches ta chaîne et tu lui balances du Bach à fond la caisse : il comprendra vite ! » Ce que j'ai compris, moi, c'est que Bach était, au tréfonds de cet esprit vaguement vertical, la pire des punitions auditives que l'on pouvait infliger à un voisin indélicat. Je me suis, durant la dernière partie de l'ascension où je demeurais seul, salué de n'habiter point dans l'environnement de cette piteuse grognasse.

Combien de nouveaux paranos par année ?

Bien, comme je sais à quel degré de paranoïa tremblotante un blogueur ordinaire peut atteindre, je préfère vous donner une petite explication, avant d'être tenu pour responsable d'internements abusifs. Peut-être certains d'entre vous ont-ils constaté la réapparition d'une blogroll, comme on dit en français, ici même, et vérifié qu'ils n'y étaient point, alors que leur voisin de palier, oui. Ne vous roulez pas au sol en poussant des grognements de bête, et ravalez-moi cette mousse rosâtre qui vous embabouine les lèvres : IL EXISTE une raison à cela.

Il y a quelques semaines – pour une raison qui, aujourd'hui, m'échappe totalement –, j'avais transporté la blogroll en question dans un autre salon, totalement privé. Ce qui me permettait d'ajouter ou de virer qui je voulais sans qu'on vienne pour cela me concasser les joyeuses. Or, pour des raisons qu'il ne vous appartient pas de connaître, j'ai, il y a huit jours, explosé la gueule au dit blog... en oubliant de sauver le soldat blogroll.

Depuis, je la reconstitue tranquillement, au fil des nouveaux billets qui se publient ici ou là, et en m'aidant de la blogroll de mes petits camarades. Par conséquent, soyez patients, les paranos : vous ne tarderez pas à réapparaître ici. À condition de produire des billets, faignasses.

mardi 17 mars 2009

Labour est enfant de poème

C'est le dernier sillon ; la charrue, derrière, pèse de plus en plus, comme si elle s'enfonçait dans le sol glèbeux à y disparaître. Là-bas, tout au bout du champ, le cheval étant placé comme il l'est, on peut distinguer l'ensemble des bâtiments de la ferme, et surtout l'écurie – à la fois si proche et terriblement lointaine. À chaque pas qu'il fait, à chaque mètre de terre écorchée vive, le cheval a l'impression désolante que le bâtiment s'éloigne d'autant ; qu'il ne l'atteindra jamais. Alors qu'il y tend de tous ses muscles polis, que sa sommaire intelligence de cheval se ramasse autour de cette seule idée : là-bas est son box ; et sa mangeoire, avec le bon picotin frais dedans. Encore faut-il venir à bout de cette ultime cicatrice qui s'ouvre derrière sa croupe fumante ; et trouver ensuite assez de force pour rejoindre le havre de tôle et de ciment. Il sait qu'il y arrivera, il y arrive toujours ; mais il est nécessaire, sans doute, de passer par ce moment de doute morne, au mitan du dernier sillon, recru de lassitude et tenaillé par la faim – il y arrivera, porté par l'espérance que, ce soir au moins, son maître ne se montrera pas trop regardant sur sa ration d'avoine. Il sait aussi qu'il sera un peu déçu, comme chaque fois, de constater que sa pitance n'a pas meilleur goût que les autres soirs. Il hennira tout de même de satisfaction, une fois ou deux, pour saluer l'achèvement de l'ultime sillon – parce que les chevaux aussi peuvent parfois avoir la trip solennelle et inaugurale.

Il reste à relire lentement ce texte, en changeant :

- Sillon par chapitre
- Charrue par clavier
- Sol glèbeux par intrigue à la con
- Cheval par écrivain en bâtiment
- Écurie par salon
- Mangeoire par abreuvoir
- Picotin par bière
- Avoine par houblon
- Faim par soif
- Hennir par roter
- Maître par Irremplaçable.

lundi 16 mars 2009

La distance peut être plus grande entre deux non qu'entre un non et un oui

Sur son blog, Mademoiselle S publie un billet par lequel elle exprime son refus de collaborer à ce pseudo journal appelé Vendredi, et elle donne ses raisons. J'en ai été assez vivement frappé, on va comprendre pourquoi (enfin, j'espère...). Voici, entre autre, ce qu'elle écrit :

« Si "Vendredi" affirme que "l’info sur le Net est différente, plus irrévérencieuse, avec un ton souvent plus libre", nous ne partageons pas cette croyance. Nous la pensons au contraire dans sa grande majorité conforme à son expression dominante. Nous ne voulons donc toujours pas coopérer à l'entreprise de ce journal. »

Je pourrais contresigner chaque ligne de ce paragraphe. La seule et unique fois où j'ai été repris dans cette gazette (oui, je sais, je suis désuet), cela fut sans mon consentement, mais à mon mécontentement, comme je l'avais d'ailleurs dit ici même. Désormais, si l'on me demande d'y reprendre l'un de mes billets, je dirai franchement non. Je suis également d'accord avec Mademoiselle S pour dire que le ton général, on pourrait presque dire "l'odeur globale", de cette publication est parfaitement conforme à la pensée dominante.

Comment pouvons-nous arriver, elle et moi, à une telle communauté de vue alors qu'en réalité nous sommes radicalement en désaccord sur tout sujet ? (Nuançons : nous sommes en désaccord radical sur les quelques sujets où il y eut examen. Il est possible que nous puissions nous découvrir de véritables communions par ailleurs. Après tout, qui me dit que Mademoiselle S n'est pas gourmande de Chablis, amoureuse de Proust, nostalgique du Dorsoduro, voire dingue de rillette ? Bref...)

Donc, comment est-ce possible ? Je m'en suis étonné, et je crois avoir trouvé : c'est que nous ne plaçons pas la pensée dominante au même endroit, nous ne la voyons pas sous les même traits, peut-être justement parce que nous la contemplons de deux places radicalement opposées dans «l'espace idéologico-culturel», si l'on veut bien me passer ce répugnant barbarisme. De même que, si vous asseyez deux observateurs chacun à une extrémité du diamètre d'un cercle et que vous plantez un piquet au centre de ce cercle, chacun des deux aura la certitude qu'il est tout proche de l'autre et fort éloigné de lui-même.

Mademoiselle S, je suis donc en mesure de vous annoncer cette excellente nouvelle : il n'y a plus d'aporie entre nous.

Les gais rossignols seront tous en fête

La naissance d'un nouveau blog, cela se fête dignement, même s'il n'a pas encore ouvert les yeux et que la fontanelle reste fragile. En tout cas, viable ou pas (l'avenir le dira), ce merle moqueur a déjà sa proie bien en bec...

dimanche 15 mars 2009

Symptomatologie du lycanthrope (faisons simple)

« Entre 1520 et 1630, plus de trente mille personnes furent jugées et condamnées pour lycanthropie – et non pas pour sorcellerie –, la plupart furent ensuite brûlées vives, décapitées, démembrées, ou exécutées par d'autres moyens.

En 1540, Rainer Yokelman, un moine de Cologne, établit une symptomatologie qui permettait de reconnaître un loup-garou sous sa forme humaine. Les principaux indices étaient les suivants :

Teint pâle.
Sensibilité à la lumière.
Absence de larmes ou de salive.
Mauvaise haleine.
Soif démesurée.
Coupures et écorchures non cicatrisées sur les bras et les jambes.
Annulaire anormalement long.
Sexualité surdéveloppée avec des tendances à l'inceste, à la zoophilie et au viol.
Glossolalie.
Urine violacée ou bleuâtre.
Désir insatiable de viande.
Don de "double vue" concernant des événements éloignés dans l'espace, ou encore à venir.
Consommation massive de vin ou de liqueur pour catalyser la possession démoniaque.
Caractère irritable.
Changements d'humeur soudains – périodes de léthargie suivies d'éruptions de violence.
Penchant pour les longues errances nocturnes.
Sensibilité extrême aux phases lunaires.
Assombrissement graduel de la peau au cours de la journée qui précède une transformation. »

Tristan Egolf, Kornwolf – Le Démon de Blue Ball, Gallimard, p. 194.

Ainsi la nuit

Ce matin, et probablement toute la journée, et encore demain pour les retardataires, si on veut se promener dans la blogosphère sans risquer le refroidissement ou le rhume de cerveau (de cerveau ? De cerveau ?), il vaut mieux se chausser de grandes bottes en caoutchouc : ce n'est plus un torrent de larmes, c'est un fleuve en crue, que dis-je ? C'est une marée montant à la vitesse de Max Gallo dans la baie du Mont-Saint-Michel.

Tout ce déluge à cause d'un chanteur mort – ou décédé, comme disent les modernes qui croient se piquer de délicatesse et ne font que parler une langue de commissariat ou de guichet de la Poste, un idiome fleurant bon son formulaire en trois exemplaires. Vous verrez que, le jour où l'on annoncera la mort d'Henri Dutilleux – si on prend la peine de l'annoncer –, il n'y en aura pas un pour bouger une oreille. Anticipant cette indifférence, et soucieux de la corriger, j'écoute Ainsi la nuit, en une sorte d'hommage ricochet à M. Alain B.

samedi 14 mars 2009

Des gouines, des trans et des scoubidou-bidou, ouah !

Je viens de passer un excellent moment sur un blog placé sous le signe du féminisme le plus stalinien, ascendant : intersexuel à tout crin, sur lequel, dans les commentaires, on en arrive à se demander fort sérieusement si Chamfort (je mets un lien pour détromper ceux qui penseraient à un ancien chanteur pour jeunes filles) n'aurait pas été quand même un peu phallo sur les bords...

En effet, c'est une grave et primordiale question.

L'angélus n'est plus ce qu'il était

Trouvé chez l'ami Hoplite.

Et dédié à Tsatsa, pour l'énerver un peu...



« J’ai quitté l’enseignement public non seulement parce que je m’y ennuyais à mourir, mais parce que je ne supportais plus d’y voir la langue française piétinée au point de n’être plus qu’un instrument de propagande de la pensée dominante. J’ai vu mourir une culture. J’ai dit, et je le maintiens, quoique cette affirmation m’ait naguère valu le pilori, que l’évacuation de la dimension littéraire de la langue au profit de sa démocratisation utilitaire a eu lieu en grande partie pour ne pas désespérer les enfants d’immigrés. Une langue sacrifiée à la paix civile, c’est la mort d’une culture millénaire. Je n’en rends nullement les immigrés responsables ; les semeurs de vent, ce sont les idéalistes post chrétiens et les marchands d’esclaves au pouvoir. Les reliquats hystériques du gauchisme ont fait le reste : évacuer la dimension spirituelle de la culture. On comprend dès lors que nous soyons méprisés par ces mêmes immigrés : comment l’islam, quand bien même il n’en serait pas l’allié objectif, ne trouverait-il pas à se renforcer au contact du nihilisme à l’œuvre en Occident ? »

(…) « Là ou l’islam est soluble, c’est dans l’innombrable multiculturel des USA. Plaçons le dans une petite société fragile telle le Québec, il devient le vecteur même de sa destruction, révélant par là sa vérité : 300 000 musulmans sur quelques millions de Québécois déchristianisés et nous avons une problématique libanaise. Si l’on excepte le moment dialectique de l’Empire ottoman, où, après son établissement, les autres religions ont été tolérées, force est de constater que depuis le VIIème siècle l’islam ne fait que détruire les sociétés où il s’implante, et aujourd’hui plus que jamais, parce que, ayant digéré McDonald’s, Disney et Microsoft, il rencontre un vide spirituel sidéral. Il ne nous est acceptable que par ses femmes et ses mystiques - transactions qui ont lieu dans le secret des chambres ou de l’esprit, et qui m’empêchent de voir cet autre comme l’ennemi absolu. »

Richard Millet, L’opprobre, 2008

vendredi 13 mars 2009

Et mes couilles sur la table, ça vous branche ?

Petite scène de genre – et totalement inédite en ce qui me concerne –, à midi, à la cantine de chez Lagardère, où je déjeunais en solitaire (Et nul ne l'oblige à se taire, tout ça). Mon assiette à peine entamée, voici que, venant des caisses, se font entendre des cris d'enfant ; de nourrisson, même, me semble-t-il. Mauvais présage, comme disait M. de Malesherbes en butant du pied sur la première marche de l'échafaud.

En effet, apparaissent bientôt un jeune type que je sais travailler là pour l'avoir croisé souvent, suivi par un garçon d'environ trois ou quatre ans (je ne suis pas spécialiste...) et, fermant la marche, la mère de la portée, tenant contre elle le nourrisson qui vient de donner de la voix.

Ces gens prennent place, avec deux collègues du jeune homme, à la table se trouvant juste en face de celle où je suis moi-même installé. Et voilà soudain madame qui sort posément son sein droit, afin de donner la tétée au petit braillard. En plein milieu de la cantine. Sous le nez des deux collègues de son mari déjeunant en face d'elle. Petit tableautin qui a engendré en moi perplexité et agacement.

Perplexité car, sachant que personne ne passe plus de vingt ou trente minutes à la cantine, qu'est-ce qui a bien pu pousser cette "maman" à attendre d'être entourée de tous ces déjeuneurs pour exhiber son ballon gélatineux et lactifère ? Elle ne pouvait pas le nourrir juste avant, le fruit de ses entrailles ? Ou immédiatement après ?

Quant à l'agacement, il est né de ce que, assis juste en face de l'allaiteuse, je me suis cru obligé de terminer mon étique repas la tête légèrement tournée vers la droite, les yeux baissés, afin qu'on ne pût me soupçonner de regarder libidineusement ce sein sans doute nourricier mais très peu érotique.

Quittant enfin ce lieu d'exhibition vaguement répugnant, et passant près de la table de la nourrice, je me suis demandé quelle tête elle ferait en me voyant venir vers elle, l'air dignement indifférent mais les couilles et la bite à l'air. Ou encore si, la revoyant seule demain ou un autre jour, je lui demandais poliment à revoir plus longuement ce sein que la tête de son enfant m'avait partiellement masqué la première fois.

jeudi 12 mars 2009

Engrenage festif

Hier, c'était donc la reprise. Pas économique ni en main, juste celle du travail : l'écrivain en bâtiment a retiré sa casquette d'écrivain en bâtiment pour coiffer celle de rewriter méritant. Bien entendu, comme il était à craindre, ne les ayant pas vus depuis près de vingt jours, le rewriter en question est allé un peu fêter la reprise à L'Ambiance d'à côté avec ses petits camarades de jeu. Il ne s'est pas mis minable, non, mais il était évident que son taux d'alcool par litre de sang dépassait largement les 0,50 g fatidiques. Donc, soirée parisienne et dodo levalloisien.

Pour commencer, je me suis livré à une petite séance de tourisme à prétention culturelle, en me rendant dans le 8ème arrondissement afin de faire la tournée des immeubles où Marcel Proust a vécu : boulevard Malesherbes, puis rue de Courcelles, et enfin boulevard Haussmann. Le problème est que ces trois adresses sont à un jet de pierre les unes des autres et qu'en une demi-heure j'avais bâché mon circuit. J'ai hésité entre filer dans le 16ème pour arpenter la rue Hamelin, où est mort le même Marcel, et pousser jusqu'au Kremlin-Bicêtre. Devinez ce que j'ai fait ?

La Comète, donc. Où Nicolas, Tonnégrande et le vieux Jacques étaient fidèles au poste. Nous bûmes quelques pintes, avant que Tonnégrande ne rentre sagement dîner chez Maman. Nicolas et moi rebûmes quelques pintes et nous séparâmes sur les coups d'une certaine heure.

Point trop tardive, l'heure, puisque, débarquant avenue d'Ivry, avec la ferme intention de m'y nourrir d'une soupe vietnamienne (phò), j'ai pu constater que toutes les gargotes à soupes étaient ouvertes et pleines de dîneurs. (C'est intéressant, hein ?) J'ai donc avalé mon phò, très certainement en m'en foutant partout, il faudra que je vérifie sur le polo d'hier. Ensuite, j'ai repris le métro et suis rentré me coucher. (De plus en plus passionnant...) J'ai constaté avec plaisir que j'étais toujours capable de grimper les six étages sans m'arrêter, et avec une certaine perplexité que le parquet du couloir, au sixième, s'était surélevé tout seul depuis mon dernier passage, et fait à présent une grosse bosse oblongue d'une vingtaine de centimètres de haut, pour environ un mètre cinquante de longueur, comme s'il y avait un ver des sables endormi dessous : c'est limite fout-la-trouille.

Évidemment, couché-tôt, levé-tôt, j'étais au bureau ce matin dès neuf heures, et c'est donc moi qui ai fait le café (Là, on frise le haletant.)

Pis c'est tout.

mercredi 11 mars 2009

Nos élites ont un wagon de retard (au moins)

Je viens de découvrir sur un blog la réjouissante notion d'islam RATP, celui-là même qu'on cherche à nous faire avaler à l'entonnoir, au mépris de tout commencement de vraisemblance : Religion d'Amour, Tolérance et Paix. Je sens que ça va me faire la journée.

lundi 9 mars 2009

De quoi Didier Goux est-il le nom ?

Et finalement c'est vrai. Le lisant noir sur blanc, j'ai bien dû me rendre à l'évidence : je suis une chimère ; un rêve ou un cauchemar ; une idée d'homme – je n'existe pas. Les boutonneux et les décolorées en blouse blanche doivent bien rire de leur potacherie algorithmique : dans leurs rutilants laboratoires, où l'on concasse le futur pour le rendre assimilable par l'organisme humain, encore absurdement attaché aux gros morceaux durs de passé, ils ont réussi à configurer une plate URL en cette silhouette pataude et ricanante, que les plus anciens indigènes de la banlieue sud disent avoir vu passer parfois dans leurs rues, et même stationner dans leurs débits de boissons, du temps de leur jeunesse. Moi-même, l'alcool a réussi quelquefois à me faire croire en une existence tangible, charnelle et précaire ; j'aurais bien juré que les os craquaient, vers le soir, que la viande se divisait contre elle-même – je crois avoir été contraint, deux ou trois fois, de m'absenter pour pisser, c'est dire. Mais c'est que mes petits démiurges n'avaient négligé aucun détail réaliste pour établir leur supercherie au visage du monde. Ils m'avaient programmé des dégoûts et des colères, des appétits, des borborygmes, des attendrissements, des tristesses et un peu d'envie – aussi quelques érections intempestives. Ils ne reculèrent devant rien, même l'illusion de la terre ferme sous mes pieds ils y ont pensé : comment aurais-je pu mette en doute, dans ces conditions ? Avec tout le reste m'était venue la crédulité, forcément ; et elle a fait son oeuvre. La seule chose dont il ne sont pas parvenus à me doter, c'est la parole, vivante et sonore. C'est pourquoi l'un d'eux – je le revois encore – a eu l'idée de ce clavier au bout de mes doigts, tout est devenu clair et sans conséquence palpable. Je pouvais désormais frapper, piller, massacrer, tuer même, dès le lendemain matin l'écran était de nouveau propre et lumineux, la vie repartait da capo. J'étais devenu le seul homme vraiment libre et infantile, je riais d'aise en découvrant ma merveilleuse inutilité. À force de m'entendre rire, ils ont fini par prendre peur, mes créateurs – les Opaques. Il était temps de faire cesser cette comédie et de rendre le contrôle aux véritables hommes ; de révéler mon imposture – car ils n'ont pas hésité à appeler leur forfait ainsi : mon imposture. Mais quand ils sont entrés dans le simulacre de bureau où j'étais enfermé, c'était trop tard. Bien en boule entre mes deux balises, j'avais disparu au coeur d'un interminable code html qu'aucun d'entre eux n'était déjà plus capable de déchiffrer. Inexistant mais éternellement vivant – prêt à nuire.

Mtislav (de l'au-delà)

Dans la série « Nos chers disparus continuent de nous les briser menu », le camarade Mtislav a réussi à pénétrer par effraction dans ma boîte mail afin d'y déposer le texte suivant, dont je ne me suis pas senti le droit de priver tous ceux qui, parmi vous, portent son deuil...


Je m'appelle Didier Goux

C’est un projet que nous avons mené depuis maintenant plus de trois ans dans notre jolie université du bord du périphérique. C’est un travail que nous avons proposé à nos étudiants de science du langage notamment, qui malgré leur brillante réussite en licence, master voire en doctorat ne maîtrisaient qu’imparfaitement certaines fonctions du langage... Il s’agissait de leur proposer un atelier d’écriture qui les motive véritablement. L’idée nous est venue dans un café où nous nous retrouvions avec un ami blogueur. Faisant le constat que les trolls étaient vraiment dépourvus d’imagination et de répondant, réunis autour de nos apéritifs, nous imaginions tout l’intérêt que pourraient donner à un blog les interventions de trollers sérieux et compétents. Signalons avant d’aller plus avant à ceux qui l’ignoreraient que l'on désigne par “troll”, sur la toile, celui qui provoque, recherche la bagarre, ou plutôt la polémique puisqu’il ne s’agit que de mots...

La conversation allait bon train sur les qualités caricaturales que devrait nécessairement posséder ce troll. À la suite de cette discussion, notre laboratoire a décroché une subvention mirobolante d’un opérateur en téléphonie mobile. Dans la guerre pour le financement de nos recherches, nous sommes habituellement les parents pauvres. Autant dire que cette manne, nous ne comptions absolument pas dessus. Il fallut assez rapidement mettre sur pied notre protocole de recherche et se lancer. Un premier groupe d’étudiants travailla sur le commentaire de blogs. Ils se référaient à la “bible” que nous avions établie pour se caler tant sur le plan politique que psychologique. De droite, politiquement incorrect, multiphobe pourrait-on dire ; obsessionnel, en quête d’une reconnaissance paradoxale, volontiers sardonique. Une question se posa rapidement au G1a (le groupe des commentateurs) que ne tranchait pas la “Bible” : pouvait-on aller jusqu’à l’insulte ? Cela donna lieu à des discussions qui furent récurrentes, la position de principe étant que l’insulte était conforme à voire nécessaire au personnage, d’autant plus crédible si elle visait une femme.

Il nous sembla que notre troll devait lui-même posséder un blog. Nous avons lancé un deuxième groupe d’étudiants volontaires, beaucoup plus réduit, sur ce projet. Le travail des étudiants du G2a était beaucoup plus facile à encadrer. Ce qui a souvent été délicat, c’est de limiter leurs ardeurs : un blogueur qui produit plus de trois billets dans une même journée aurait pu paraître peu crédible. Même s’agissant d’un sexagénaire atrabilaire, vindicatif et érotomane. Les étudiants l’ont bien compris, ont fouillé leurs billets, travaillant son côté “artiste” (raté et maudit), sa misanthropie et ajoutant au personnage une touche d’humour qui a bien inquiété les superviseurs : ce n’était pas du tout conforme au programme de départ.

Il a fallu pallier une autre difficulté : les blogueurs organisent des rencontres rituelles. Rien de mieux que d’y faire apparaître notre personnage. Le risque pouvait paraître insensé mais à la réflexion il était tout à fait limité. Dans ces réunions, chaque blogueur bouffi d’orgueil a plutôt tendance à s’écouter parler. Pour paraître fin, méchant et percutant, en un mot, pour avoir de l’esprit, il suffisait d’être précédé de la réputation d’en avoir, d’être physiquement identifiable et remarquable. Nous avons sollicité un intermittent du spectacle qui a préparé son rôle avec le G3a, ne soyez pas impressionnés, le groupe était constitué de membres des deux précédents groupes. Au total, nous n’avons été que trois professeurs et une trentaine d’étudiants à travailler sur ce projet.

Pourquoi dévoiler le “pot aux roses” me direz-vous ? Tout d’abord, notre principal bailleur de fonds a décidé de nous laisser tomber (1). Nous n’avons plus les moyens de faire fonctionner Didier Goux ! Par ailleurs, nous avons connu toute une série de difficultés dont le récit serait fastidieux (2).

Certains pourraient être tentés de reproduire cette expérience (3). Nous ne pouvons leur dire qu’une seule chose : Didier Goux, c’est moi...



(1) Pour ceux que cela intéresse, paraîtront prochainement les premiers travaux sur cette expérience. A noter que plusieurs collègues ont eux aussi lancé des travaux de ce type. Leur grand mérite est de motiver les étudiants sur le problème des fautes d’orthographe ! Ne riez pas, c’était l’un de nos objectifs majeurs pour ce qui concerne les élèves de licence. Sans avertir nos étudiants, nous avons prévenu l’auteur du blog sur lequel notre personnage allait commenter de produire toujours plus de fautes d’orthographe que notre troll. Chacun sait que quelqu’un qui ne fait pas de fautes, dans notre belle langue, c’est quelqu’un qui en fait un petit peu moins que l’autre... Cela a marché, nos étudiants ont beaucoup progressé, le travail en groupe, la relecture anxieuse de chacun des commentaires a formidablement motivé tous les participants.

(2) Des collègues d’une autre université d’Ile-de-France ont lancé une expérience similaire à la notre, créant une “famille de blogueur”, le père, la mère, le petit kéké. Pour tenter de nous déstabiliser, il ont créé un personnage de rital généreux, esthète militant et doué qui rivalise avec notre propre personnage. Les uns et les autres étant persuadés que seul leur personnage est imaginaire... Une fac du Sud-Ouest a elle aussi lancé son personnage. Le campus est actuellement bloqué dans un mouvement de protestation contre les projets de la ministre Pécresse. La seule solution qu’ils ont trouvée a été de détruire le blog de leur personnage. Cette idée était parfaitement stupide car attirant inutilement l’attention des blogueurs sur des expériences dont le but était essentiellement scientifique.

(3) Pour ceux qui jugeraient ces expériences contestables sur le plan moral, nous devons bien reconnaître qu'à plusieurs reprises la ligne jaune fut franchie. Nous tenons à nous excuser des insultes qui ont été adressées à une blogueuse, lesquelles étaient bien réelles. Je dois dire que j’en ai éprouvé une profonde tristesse et que je m’en suis beaucoup voulu de ne pas avoir eu l’idée de fabriquer un troll poli, modeste et généreux.

[14 h 46, rajout du taulier : j'ai oublié de dire que la photo prise par l'Irremplaçable représente donc un troll virtuel, accompagné d'un chien mort, sur une plage déserte. ]

dimanche 8 mars 2009

8 mars, numéro spécial maquillage

On stigmatise, et à juste titre, les maris qui tabassent leurs épouses et passent souvent pour des monstres abjects. Dans un souci d'équité qui m'honore (enfin, il me semble...), je tiens cependant à faire observer que ce sont là des hommes que nous ne connaissons jamais autrement qu'en colère, ce qui est susceptible d'altérer notre jugement à leur sujet. D'autre part, on oublie que, dans la plupart des cas, ils n'avaient personne d'autre sous la main – il fallait que cela fût dit.

Entre les dents, la soutane, Monsieur l'abbé, entre les dents !

De François Miclo, dans le salon des Causeurs :

« À titre personnel, je suis favorable au mariage des prêtres. S'ils s'aiment. »

samedi 7 mars 2009

8 mars, journée de la pipe (bien culottée)

Contrairement à ce qu'un vain peuple pourrait s'imaginer, à la suite d'un examen superficiel, le titre choisi n'est pas du tout une gaminerie provocatrice. Si je me suis remis à la pipe depuis une semaine, c'est moins dans le but d'augmenter mon pouvoir d'achat en diversifiant mes activités professionnelles (tout journaliste est plus ou moins une pute, et souvent encartée), que pour tenter de moins fumer. Comme je suis, on le sait, un incorrigible snob, j'ai élu un tabac danois portant le doux nom de Black and Bourbon – dans quoi on pourra voir la double preuve de mon alcoolisme et de mon antiracisme militant –, fabriqué en Allemagne et que je commande directement en Angleterre : ça classe un max.

Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Hier soir, affalés tous deux devant la télé, je m'ouvre à l'Irremplaçable d'un problème qui me taraude : l'une de mes pipes préférées a un culot tellement épais que, bientôt, je ne pourrai plus y glisser le moindre brin de tabac. Or, j'ignore absolument comment on s'y prend pour déculotter une pipe. Et j'expose mon problème en ces termes lapidaires : – J'irais bien voir sur Internet, mais si je tape "pipe" dans Google, je vais me retrouver envahi par des pubs de boules. Catherine : – Essaie d'affiner la recherche... Tape par exemple "déculottage de pipe". Moi (abasourdi) : – Tu veux que je tape "déculottage" et "pipe" dans la même recherche ? Mais c'est devant notre portail, qu'on va les retrouver, les vendeurs de gods et les fourgueurs de viagra ! Sans compter toutes les putes en demi-soldes de Haute-Normandie, les étudiantes en peine de fin de mois, les féministes déviantes, etc. Tu es folle, ma pauvre fille ! Elle : – Ta gueule, je regarde le film...

Heureusement, j'ai fini, juste avant de pondre ce navrant poulet, par trouver l'idée : j'ai tapé "fumeur de pipe". Non seulement j'ai déniché la superbe photo qui me sert d'illustration, mais je suis aussi tombé sur un site entièrement dédié à cette noble confrérie des suçoteurs de bouffardes. Comme il est trop tard pour l'aller explorer ce soir, j'y consacrerai ma journée de demain. Ce qui justifie pleinement mon titre, n'en déplaise aux ayatollettes festives qui vont sans doute se répandre demain dans toutes les rues de France en braillant des chansons idiotes.

C'est égal : on aurait renommé la fellation blow job, comme tout le monde, j'aurais eu moins de problème de déculottage.

Cervelles d'oiseaux (amoureux)

Disons-le d'emblée : l'illustration ci-contre représente les centres de contrôle vocal dans le cerveau d'un oiseau chanteur. Elle n'est pas là pour ses qualités graphiques ni pour sa forte charge poétique, mais pour me laver d'un soupçon que je sens poindre : celui que mon titre pourrait constituer une mesquine allusion aux héroïnes méritantes de la journée de demain. Il n'en est rien : nous allons vraiment parler d'oiseaux, avec des plumes, un bec, tout ça. Allons-y.

Chez nous, au Plessis-Hébert, et plus particulièrement au 19 de la rue de l'Église, les piafs ont un moyen bien plus infaillible que leur instinct à la con pour savoir que le printemps est proche : c'est quand l'Irremplaçable décroche du tilleul la petite cabane à graines de tournesol qui a trôné là tout l'hiver. (J'ai insisté pour qu'elle le fasse aujourd'hui, parce que, demain, elle fait ramadan féministe.)

Dans un premier temps, les mésanges, les pinsons, verdiers et chardonnerets (on promeut la diversité à donf) font un peu long bec, car ils comprennent que c'est fini de se goberger sans effort et qu'il va falloir se remettre à se dépenser physiquement, tout ça pour bouffer des insectes vivants. Puis, dans un deuxième temps, toujours, l'un d'eux dit aux autres : « Eh, les gars, vu que c'est le printemps, si on tirait un petit coup ? » (J'ai l'impression de faire un billet pour Partageons mes âneries, là...)

Ni une ni deux, les mâles se mettent à draguer comme des bêtes – qu'ils sont. Les uns se fardent les plumes et le plastron, les autres vocalisent comme des élèves de la Star Ac' ; d'autres encore se mettent à bâtir un nid pour prouver à leur future qu'ils ont le sens des responsabilités, de la famille et des traditions : ce sont les piafs réacs. Ça ne varie jamais, d'une année sur l'autre. On se demande d'ailleurs comment les femelles peuvent encore se laisser prendre à des ruses aussi minables. Remarquez que, si on transpose dans l'espèce humaine... Non, laissez.

Pourtant, cet après-midi, il s'est produit du nouveau : j'ai découvert un oiseau – j'ignore lequel, il est resté invisible – qui, prenant sans doute exemple sur le maître de maison, a décidé de séduire sa belle grâce à son intelligence. Et on a ainsi pu l'entendre, fermement agrippé à la plus haute branche, se lancer à gorge déployée dans une interminable campagne d'auto-promotion :

Q.I. ! Q.I. ! Q.I. !

vendredi 6 mars 2009

Alliées objectives du patronat, va !

J'apprends seulement à l'instant, par un commentaire de Mrs Clooney sur le site de Marianne 2, que ces dames "engagées" ont participé gratuitement à l'élaboration du numéro de Vendredi qui est sorti aujourd'hui. Grâce à cette information, je sais enfin ce que signifie être "engagé à gauche" : c'est bosser volontairement pour un patron qui vous paie à coup de sourires et se fait de l'argent sur votre dos, avec votre gracieuse complicité. Les journalistes professionnels au chômage apprécieront.

Le Merveilleux Subconscient de Maître Cannavo

Richard Cannavo n'est pas n'importe qui : il est le directeur de la rédaction de Télé-Obs – supplément que nous qualifierons désormais de presse Cannavo. C'est vous dire si on peut compter sur cet homme-là pour ne jamais mordre la ligne jaune du politiquement correct ; le lecteur, rassuré d'emblée, sent bien qu'il pourra toujours compter sur Maître Cannavo pour combattre le lepénisme larvé, pourfendre toutes les machinophobies passant à sa portée, pratiquer de vigoureux curetages à vif sur les ventre-encore-féconds-d'où-naquit-la-bête-immonde. Un p'tit gars bien, en somme.

Sauf que, parfois, une petite voix grêle et insinuante se fait entendre à son insu, parvenant, durant une fraction de seconde, à couvrir le mâle organe éditorial auquel nous sommes accoutumés : c'est le subconscient de Maître Cannavo qui s'invite à la table au moment du dessert. Ça n'arrive pas souvent, mais ça arrive. Par exemple, cette semaine, à l'occasion d'un portrait hâtivement crayonné de Jean Marais, voici ce que dit soudain la petite voix (c'est moi qui souligne) :

« Un homme courageux aussi : héros de guerre (...), il lutta contre l'homophobie et le racisme en un temps où ces causes étaient de vrais combats. »

Ah, ça, Monsieur Cannavo, deviendriez-vous fou ? Seriez-vous en train de sous-entendre que nos petits croisés de la modernité modernante ne se jettent par pleines brassées dans ce genre de "luttes" (comme ils disent) que parce qu'elles ont déjà été gagnées par d'autres et que faire mine de les soutenir ne présente plus le moindre risque ? Pas bien joli joli, ce type d'allusions nauséabondes, savez-vous ?

Histoire d'aggraver votre cas, vous eussiez pu ajouter qu'un soir de 1943, ce même Jean Marais gifla publiquement le critique théâtral de Je suis partout, Alain Laubreaux, ce qui aurait pu lui coûter la liberté, voire la vie, sans l'intervention in extremis de Jean Cocteau. C'est que, à cette époque, la bête immonde fréquentait les mêmes cafés que tout le monde, et que l'affronter était plus difficile que de frissonner à bon compte, aujourd'hui, devant des ventres-encore-féconds depuis longtemps stériles...

jeudi 5 mars 2009

Le Petit Marcel et l'empereur Adrien

« On sait que le frère, présent dans les premières esquisses, disparaîtra dans la Recherche. On y a vu le signe d'une mésentente ou d'un rejet. Il ne s'agit évidemment pas de cela. Incapable d'opter, fût-ce d'une manière romanesque, pour le statut d'aîné ou de cadet, Proust décida que le narrateur serait fils unique. C'est ainsi qu'il s'approcha, au plus près, de la réalité.

« N'ayant pas eu de rôle bien défini dans la structure familiale, il ne pouvait être qu'un mauvais fils, et il était dévolu, par conséquent, à Adrien, le rôle du mauvais père : " Mon père – dira le narrateur, dans une confidence qui dépasse l'anecdote – parce qu'ils n'avait pas de principes, n'avait pas à proprement parler d'intransigeance... " Cela se passait dans un temps où les hommes avaient d'ailleurs pour premier devoir d'être de mauvais pères. Ils n'appartenaient pas encore à la race androgyne des nourrices sèches que sont devenus les pères à la fin du siècle, ces mères à barbe participant à la notion stupidement égalitaire de l'amour et de l'éducation, aussi pernicieuse que la fin du monde annoncée par Sodome et Gomorrhe. Marcel Proust n'a peut-être pas eu un bon père, mais il a eu, ce qui compte beaucoup plus, un vrai père.

« Tout le monde paraît s'y être trompé, parce que c'était une solution simple et que la mère, qui fut aussi "une grosse dame noire", a joué son rôle dévastateur. Naturellement, Marcel Proust ne s'en rendra compte que très tard après la mort de ses parents, puisque ce grand décortiqueur des sentiments n'a jamais su être ému qu'à retardement. Ce sera le prétexte et la trame de son oeuvre. »

Christian Péchenard, Proust et les autres, La Table ronde, p. 209

Le Brigadier mondain jette un froid

Cliquez, si vous l'osez ! Mais ne venez pas vous plaindre après...

mercredi 4 mars 2009

Je prends de l'avance sur le 8 mars

Qu'on ne compte pas sur moi pour dire du mal des féministes. D'abord, je n'en connais pas, donc ce serait parler sans savoir. (D'un autre côté, parler sans savoir, étant dans l'univers des blogs, ça ne détonerait pas.) Mais il est vrai que, de temps à autre, j'aime bien aller m'y frotter.

Asticoter les féministes (je dis "les" parce que c'est groupées qu'elles sont le plus savoureux, comme les grains de raisin) comme je me suis un peu amusé à le faire depuis deux jours (mais là, c'est bon, j'ai ma dose), c'est un peu comme s'offrir un déjeuner dominical dans une auberge de famille, on est à l'abri des surprises, bonnes ou mauvaises : une petite cuisine bourgeoise égale à elle-même et agréablement traditionnelle, une décoration qui n'a pas changé depuis trente ans et se contente de jaunir lentement au fil des années ; bien sûr, la patronne n'est plus la même, mais la nouvelle a tout laissé dans son jus, pour ne pas bousculer les habitués. C'est cool.

Avec nos chères Anna soror, c'est la même chose. Ce sont des traditionalistes qui s'ignorent (ou signorina, si l'on préfère). Elles poussent le respect de l'authentique, du comme-au-bon-vieux-temps, jusqu'à ranimer, à chaque entrée de printemps et durant vingt-quatre heures, les merveilleux slogans qui ont rythmé notre adolescence et qui, le temps d'un Vendredi Sein, vont ranimé les passions assoupies et les combats oubliés. Un cortège féministe, c'est un peu comme ces semaines médiévales que les commerçants organisent dans les petites villes de province : on en parle longtemps à l'avance, on se passe le mot, se donne rendez-vous – on trousse même quelques couplets qu'on ira chanter bras dessous, bras dessus, du haut en bas de l'avenue du Général-Leclerc ; et cependant que les commerçants enluminent leurs devantures, les féministes se dépeignent les façades, le temps que dureront les festivités.

Traditionalistes, disais-je. Il ne faut ni ici ni méchanceté ni ironie : elles n'ont pas le choix. Si l'on veut que les mots d'ordre de maman et de tante Clotilde resservent, il faut bien feindre de croire que les situations aussi sont restées les mêmes. Et puis, dans une époque où chacun court après son statut de victime institutionnelle, il serait beau que nos Anna soror soient les seules à s'en voir refuser le brevet ! Opprimées, vous dis-je !

Il est amusant de constater que, face à cette charmante tradition, l'attitude des mâles est elle aussi restée la même, et que les oppresseurs phallocrates se distribuent toujours plus ou moins entre les trois mêmes catégories :

1) Les gros beaufs réacs (je ne nomme personne mais chacune me reconnaîtra...) qui assistent au défilé depuis le comptoir du Balto et qui soupirent : "Ça leur passera avant que ça me reprenne", tout en faisant signe à Dédé de remettre la même chose ;

2) les attentistes prudents (c'est le gros de la troupe, mais il y a de nombreuses voies de passage avec la catégorie précédente) qui s'adaptent au discours du jour, notamment s'il traîne des femelles dans les parages, en comptant bien ne pas changer leur façon de vivre d'un iota, se persuadant avec quelque raison que donner des gages verbaux à l'adversaire est déjà bien gentil de leur part et en dit assez long sur leur largeur d'esprit ;

3) les collabos, sincères ou non. Ceux-là sont mes préférés, voilà près de 35 ans que je les fréquente et observe : triste et unique privilège de l'âge. Les plus à plaindre, ce sont les collabos sincères, bien entendu. Ceux-là, je les ai vus gratter de leurs ongles aux portes des réunions féministes des années soixante-dix, en sanglotant pour être admis, car ils ne supportaient plus leur peau velue de tyran et de violeur potentiel, voire putatif. Le dimanche, ils allaient défiler avec les camarades en criant "Notre ventre est à nous !", et ils connaissaient alors un fugitif moment de félicité symbiotique.

Les collabos faux derches, c'était tout autre chose. Ils marchaient dans le sillage des sincères comme les hyènes suivent les lions. Ils s'introduisaient derrière eux dans les antres féminines avec la ferme intention, pour parvenir à leurs fins charnelles, d'opiner à tous les discours qu'on voudrait bien leur dérouler : le collabo faux derche est un opineur compulsif, si l'on veut bien me passer l'assonance. Et qu'on ne vienne pas me dire que je caricature ou invente : j'en ai connus, je me souviens même de leurs noms et de leurs visages – je pourrais dénoncer, si je voulais, mais il y a prescription. Je dois dire qu'ils ne rentraient pas toujours bredouilles de leurs petits séminaires séminaux chez les Anna soror.

Mais voyez comme vous êtes, mes soeurs : vous me faites parler, pérorer, plastronner, débobiner mes souvenirs de sépulcre blanchi, et, avec tout ça, je ne sais même plus ce que je voulais vous dire en commençant. Et c'est dommage parce que c'était tellement fort, tellement puissant, tellement vrai, que vous ne vous en seriez pas relevées. Enfin, tant pis : la mémoire me faut, comme le reste.

Pour la peine, après-demain, j'irai l'acheter, votre Vendredi vulvocrate, tiens. S'il est en vente à la maison de la presse de Pacy-sur-Eure, ce qui n'est pas sûr : je les soupçonne d'être un peu pas mal androcentrés, dans cette taule.

Pour se foutre un peu la trouille avec la crise

C'est à lire ici.

(Et, pendant ce temps, on continue à gloser sur le sexe pouvoir d'achat des anges...)

Écrivain ou prolétaire ? Ou les deux ?

Une interview "croisée" de Claude Durand, patron des éditions Fayard, et de Renaud Camus, l'un de ses auteurs. C'est dans Le Magazine littéraire.

(Merci à Scheiro de me l'avoir obligeamment signalée.)

Dobermathusalem

La guerre de Troie aura donc duré dix ans. Au bas mot, car, à l'époque, les éphémérides étant en pierre de taille, il était facile d'oublier de tourner la page, certains matins d'après-boire ou d'avant-carnage.

À la suite de quoi, Ulysse – ou Odysseus, pour Nefisa, la belle Héllène (adoptive) – mit encore une décennie pour parcourir un petit tiers de la Méditerranée. Il faut dire qu'il ne s'est pas ennuyé en chemin.

Finalement, au bout de vingt ans, il toucha au port d'Ithaque, et, nous affirme-t-on, Son vieux chien de lui se souvint. Au bout de vingt ans. Cherchez l'erreur...

mardi 3 mars 2009

Le petit vaginocrate illustré

Depuis quelques jours, tout ce que la blogosphère compte de progressistes frissonne d'impatience, en attendant la révolution qui se prépare : cette semaine, à l'occasion de la quinzaine du blanc journée internationale de la femme, l'inénarrable follicule intitulé Vendredi (et que l'on espère voir prochainement disparaître dans les limbes du Pacifique) n'accueillera que des signatures féminines. Ces dames s'en rengorgent, et on les comprend ; même si on serait prêt à payer une assez jolie somme pour entendre leurs piaillements indignés, dans le cas bien improbable où ce même Vendredi aurait l'idée saugrenue de réserver ses colonnes, un jour prochain, aux blogueurs mâles – et c'est pour ne rien dire de ce qui se passerait dans le cas d'un numéro exclusivement consacré aux blancs –, on les comprend et on se réjouit pour elles.

Bref, dans un petit commentaire ironique, chez les auto-proclamées Femmes engagées, j'ai utilisé l'expression " un fameux numéro vaginocrate de Vendredi ". C'est "vaginocrate" que Mrs Clooney n'a pas aimé ; elle a trouvé le mot fort méprisant. Comme il venait d'un vieux réac aigri, elle n'a pas eu l'air trop surpris, mais tout de même, elle n'a pas aimé. Nous, cela fait à peu près quarante ans qu'on se prend du "phallocrate" dans les gencives, et rarement dit sur un ton gentil ou humoristique, sans jamais regimber. Et il est normal que nous ne protestions pas, puisque c'est là, toujours, le cri libérateur d'une femme en lutte et en révolte.

En revanche, un petit " vaginocrate " lâché de temps en temps, comme en passant, c'est insultant et très vilain. Sont trop fortes, ces filles...

lundi 2 mars 2009

La Comédie des horreurs, III

Les morts vivants sont des gens comme vous et moi, mais ayant eu dans leur jeunesse une acné extrêmement sévère, si l'on en juge par l'état déplorable de leur épiderme. Ils sont en outre affligés d'une méchante polyarthrite qui leur donne cette démarche primesautière – ou alors ils sont bourrés, je ne sais pas. En tout cas, ils passent généralement l'essentiel du film à chercher un restaurant ouvert, car ils ont toujours très faim ; et comme on ne les accepte nulle part, ça ne s'arrange jamais, sauf s'ils parviennent à coincer un hamburger bipède, généralement adjoint du shérif local, fort en gueule mais perdant facilement la tête.

Le mort vivant est un PF2H (Personnage de film d'horreur hollywoodien) très particulier, en ce sens qu'il fait rire petits et grands, tant il est grotesque, et ne leur file jamais les chocottes. Le spectateur doué d'empathie arrive même à éprouver pour ce perpétuel affamé (la Faculté a émis l'hypothèse que le mort vivant pourrait être systématiquement infecté par le ver solitaire) une forme de pitié, qui le poussera à lui offrir spontanément son voisin du dessous ou sa vieille maîtresse devenue casse-joyeuses, en guise de tapas.

La grande force du mort vivant est qu'il ne s'encombre que très rarement de justification, notamment chez le maître du genre, George Romero. Au début du film, dès les premières secondes quasiment, une tombe s'ouvre brusquement, bousculant la nappe de pique-nique qu'un couple de jeune crétins a cru bon d'installer précisément là, le mort sort du trou, s'ébroue, et c'est parti : à aucun moment on ne vous expliquera le pourquoi du comment. Et c'est tant mieux car – ne me demandez pas pourquoi, mais c'est ainsi –, dès qu'un film de morts vivants tente de vous expliquer la raison de cette résurrection collective, vous pouvez être assuré qu'il s'agit d'une daube.

Autre avantage de ce type de PF2H : sa relation de proximité avec le spectateur. Autant il est difficile, surtout si on se gave en même temps de pop-corn dégoulinant de beurre fondu, de s'identifier à un démon sumérien, un loup des Carpathes ou une chauve-souris multiséculaire, autant, là, c'est facile : le mort vivant, c'est votre grand-mère, Charles Quint, Marilyn Monroe, Valéry Giscard d'Estaing, bref : des gens qu'on a bien connus et dont on n'ignore rien des petites manies qui font le charme de l'être humain, même vaguement terreux.

Le problème, avec les zombies, c'est de les convaincre de retourner sagement sous le gazon au bout d'une hheure et demie, quand il n'y a plus de pop-corn dans le seau et que Kevin a hâte de sortir pour aller conclure avec Jessica. Les mauvais réalisateurs s'en tirent avec de piteux subterfuges, imaginés par leurs scénaristes en bâtiment et en descente d'acide. Par exemple, au bout d'une heure vingt-cinq, l'un des personnages vivants vivants (appelons-les comme ça) constate soudain, et tout à fait par hasard, que les zombies sont violemment allergiques à la voix de George W Bush, ou qu'ils ne supportent pas d'être aspergés de coca, ou n'importe quoi d'autre. Sitôt dit, sitôt fait, on balance à pleins tubes un discours du Georgeounet dans les hauts-parleurs municipaux, ou on déverse du coke dans la citerne des pompiers et, cinq minutes plus tard, tous les morts vivants sont redevenus des morts morts, sans avoir eu le temps de se trouver à becqueter – générique de faim.

Le grand George Romero, lui, a eu l'idée de génie : il termine son film en laissant tous ses zombies en place, de façon à ce qu'ils lui resservent pour le film suivant. L'histoire ne dit pas s'il les nourrit entre temps. Romero a tourné cinq films de zombies, à ma connaissance. Le premier (La Nuit des morts vivants) est de loin son chef d'oeuvre ; le deuxième, qui se passe presque tout entier dans un centre commercial, est encore très bien ; le troisième ressemble à un téléfilm de série Z, le quatrième redevient intéressant, parce qu'il montre les zombies en voie de récupération d'une partie de leur humanité perdue, notamment se réappropriant des rudiments de langage ; et je n'ai pas vu le dernier.

La Nuit des morts vivants est sorti sur les écrans en 68 : là aussi, le spectacle était dans la rue et les protagonistes plus cocasses les uns que les autres. Du reste, aujourd'hui, les acteurs du vaudeville de mai commencent à ressembler dangereusement aux amis de George. C'est bien fait pour eux, ça leur apprendra à brailler jusqu'à pas d'heure : Debout, les forçats de la faim...