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mardi 21 septembre 2021

Maurice ou le camembert bien fait

Catherine : « J'ai l'impression qu'on est en vent d'est, vu la manière dont l'arbre penche… »

Moi : « C'est normal qu'il penche puisqu'il est un peuplier ! »

Sans s'annoncer, l'esprit de Maurice Goux venait de faire irruption au Plessis-Hébert, ce qui lui arrive quelquefois.

Maurice Goux était notre grand-père paternel commun. C'était un grand amateur de calembours déplorables (« Tu veux du poisson pané ? – Non, je ne pourrai pas le manger… puisqu'il est pas né ! » On voit le genre). Il était aussi, même à un âge déjà confortable, amateur de farces qu qui ne devaient guère amuser que lui, mais dont certaines se sont perpétuées dans la famille, se muant au fil des décennies en des sortes de mini-sagas proches de l'épique. Témoin celle-ci :

J'avais quatre ans, à quelques mois près dans un sens ou dans l'autre. En visite chez nous, à Châlons-sur-Marne, Maurice Goux vient de m'entraîner dans une promenade aux alentours de la rue Saint-Éloi. Peut-être ma mère l'a-t-elle envoyé chercher le pain ? On ne saura pas. 

Toujours est-il que nous voici, le vieil homme et l'enfant, arrêtés devant la devanture d'un commerce du quartier. Mon grand-père me glisse alors une pièce de monnaie dans la main et, entrouvrant la porte trop lourde pour moi, m'enjoint :

« Tu vas aller voir la dame, là-bas, et lui demander un camembert bien fait. Tu sauras ? »

Évidemment que je saurai, tiens : je ne suis plus un bébé tout de même !

En effet, je me suis parfaitement acquitté de cette mission de confiance, à la profonde stupéfaction des gens, commerçants et clients, qui se trouvaient là, puisque la boutique où j'étais entré se trouvait être une pharmacie. 

Et c'est sans doute avec une certaine réprobation pincée que la pharmacienne a pu, de son comptoir officinal, contempler outre-vitrine ce sexagénaire indigne qui se bidonnait tout seul sur le trottoir.

lundi 5 août 2019

Une famille des années 60…


Ma sœur Isabelle étant née en décembre 1964, j'en déduis que cette photo – dont je me souviens parfaitement : mon père était tout fier de son nouvel appareil qui possédait ce qu'on appelle, je crois, un “déclencheur à distance”, ou “différé” ; enfin, on voit ce que je veux dire –, que cette photo, donc, a été prise au tout début de 1965, vu le très jeune âge de la benjamine, dans les bras de notre mère. Je suis assis au centre, très reconnaissable grâce aux bretelles. Philippe se croise les bras, sans doute pour se faire passer pour plus sérieux qu'il n'est, ou bien parce qu'il s'est cru dans une photo de classe. Quant à mon père, son sourire un peu crispé s'explique par le fait qu'il lui fallait se dépêcher de s'installer, son cadet dans le giron, avant que le déclencheur automatique fasse son office. C'était à Lahr, Allemagne, et nous avions, tous, la vie devant nous.

jeudi 8 juin 2017

Élodie l'artiste, ou le monde allant verre


Si je dis qu'Élodie est une véritable artiste du verre, certains esprits tordus ne manqueront pas d'en déduire qu'elle doit boire autant que son beau-père : il n'en est rien. Cela signifie simplement que, sous son regard et entre ses mains, ce matériau prend des formes, des couleurs et des reflets qu'on ne lui soupçonnait pas forcément. Du reste, le verre n'est pas seul à se plier à sa fantaisie créatrice. Pour s'en rendre compte, le mieux est d'aller visiter son tout nouveau site (attention, certaines peintures peuvent ne pas être tout à fait sèches : gare aux basques de vos beaux habits).

Quant aux plus vérolés de modernité parmi les lecteurs de ce blog, ils peuvent aussi la rejoindre sur Figurelivre.

Là-dessus, je vais tout de même aller prendre un verre.

samedi 14 juin 2014

Le soldat du 12ème chasseur



La dame en rouge est ma mère ; l'homme au béret de même couleur son frère cadet, mon oncle Bernard, parachutiste de son état, dont je reparlerai sans doute ; et, à leur droite, ma tante Annie, dont la naissance prit place entre les deux autres. Tous trois étaient de ce monde en 1940 (Bernard de justesse…) ; et la Christiane dont il est question dans le billet est ma mère.

Le 12 juin 1940, le 12ème régiment de chasseurs à cheval – au sein duquel Joachim Murat servit comme maréchal des logis avant la Révolution – est engagé, à la sortie d'un village proche de Saint-Valéry-en-Caux, dans un combat désespéré, dit retardateur (il s'agit de donner aux débris de contingents britannique et français le temps de s'embarquer). L'affrontement n'est pas seulement meurtrier, il est perdu pour nous. Parmi les soldats qui refluent vers la côte sous la pression de la Wermacht, René Jadoulle, Ardennais de souche et militaire de carrière de 31 ans. Nul ne sait encore que, cinq jours plus tard, le cœur serré, le maréchal Pétain, plébiscité par la quasi totalité des députés de France, de gauche comme de droite, va mendier l'armistice. Pour l'instant, ce qui reste du 12ème chasseur se retrouve coincé dans cette nasse naturelle qu'est Saint-Valéry. À un moment, une bombe s'abat sur un groupe d'hommes, ils sont tous tués ; mais non René Jadoulle, qui s'était éloigné d'une ou deux dizaines de mètres, pour une raison que l'on ignorera toujours ; ce qui lui permettra, plus tard, d'ajouter trois enfants aux quatre qu'il a déjà engendrés entre 1933 et 1939. Les soldats allemands, bien entraînés et équipés, contrairement à leurs pauvres adversaires, ont tôt fait de faire prisonniers ce qui reste du 12ème chasseur, d'ailleurs dissous en ce même jour. 

René Jadoulle, comme les autres, part pour l'Allemagne ; il en reviendra dès août 1942, étant l'heureux géniteur de quatre enfants, nous l'avons dit (la prime à la fécondité, à cette époque, n'était pas un vain mot). Il les rejoint, ainsi que leur mère, en Vendée, où de nombreuses familles ardennaises ont été déplacées, suite à l'invasion étonnamment tranquille des armées du Reich. Il trouve à s'embaucher aux chemins de fer locaux et devient aimablement schizophrène, réparant officiellement le jour ce qu'il a contribué à détruire discrètement la nuit : il faut bien que jeunesse et Occupation se passent. Quand les choses se gâtent un peu, René doit plus ou moins renoncer à l'une de ses deux vacations ; il choisit de conserver son travail de nuit. C'est le temps où sa fille aîné, Christiane, 10 ou 11 ans alors, surprend des conciliabules de cuisine très tardifs entre sa mère et son père, qui fait de rapides passages furtifs à la maison d'emprunt. On lui fait promettre de ne rien dire de tout cela ; elle n'en dira jamais rien, gardant pour elle la fierté juvénile qu'elle en tire : il arrive que la vie des pères dépende du sérieux et du silence des filles.

Là-dessus, la vie et les décennies passent. René, qui ne lisait rien d'autre que des livres touchant à la Seconde Guerre mondiale, mais se serait sans doute fait couper en menus morceaux plutôt que de prendre la pose héroïque, René meurt en 1993. Une quinzaine d'années plus tard, Isabelle, qui vit déjà dans cette région de Saint-Valéry depuis quelques années, se met en tête qu'il lui faut absolument une maison à toit de chaume pour être pleinement heureuse (les filles ont ce genre de lubies, on le sait tous, et particulièrement ma sœur cadette). Elle en trouve une dans un village situé à une dizaine de kilomètres de chez elle, dont le nom ne lui dit rien : Ermenouville. Elle l'achète, y emménage, commence à y vivre et y vit encore. Elle découvre qu'il existe dans le village une rue du 12ème chasseur, ce qui lui dit quelque chose.

Je suppose qu'on a déjà compris l'histoire : Ermenouville est ce village où René Jadoulle, notre grand-père, a fait un dernier coup de feu contre les Allemands (je ne l'ai jamais entendu les appeler autrement que “les Boches”, mais il prononçait ce mot sans la moindre animosité : le temps avait dû, en lui, produire ses effets), avant d'aller visiter l'un de leurs stalags, puis racler la terre de l'une de leurs fermes dépeuplées d'hommes. À ce propos, on devrait se pencher un peu sur ce qu'ont pu endurer les populations allemandes, et notamment les femmes, qui ont subi cette invraisemblable saignée virile pendant six ou sept ans, et surtout durant les trois dernières années de ce suicide collectif de l'Europe que fut la Seconde Guerre mondiale. Vu sous cet angle, et d'aujourd'hui, personne n'a gagné cette guerre, absolument personne ; sauf peut-être Hitler lui-même.

Chaque année, le 12 juin, une petite cérémonie a lieu, à Ermenouville, à l'endroit précis où se déroulèrent les combats ; nous y étions cette fois-ci. J'en reparlerai peut-être demain.

vendredi 13 juin 2014

Les heures les plus sombres de notre week-end


Nous partons dans deux heures pour la Seine-Maritime, Ermenouville plus précisément, où habite ma sœur, afin d'y rendre hommage à mon grand-père et, plus généralement, au 12ème régiment de chasseurs. Quelques explications suivront demain, à notre retour. J'espère qu'il fera beau et qu'Olivier aura mis quelques flacons de blanc au frais : la guerre mondiale et les invasions nazies, ça donne soif.

mercredi 4 décembre 2013

Les chagrins qui viennent


Gaston a six ans. Il est né en Catalogne, il vit maintenant au Québec. Le lac a remplacé la mer ; le frette, la chaleur. Gaston s'en fout, comme on se fout des choses à six ans, lorsque les composants de la vie sont éternels : mes parents, ma sœur, Pignon.

Pignon a sept ans (d'après Catherine). C'est-à-dire que, vu par le prisme cérébral de Gaston, il est là de tout temps, et il n'y a aucune raison compréhensible pour qu'il en aille un jour autrement. Pignon, parce qu'il est un bâtard de taille modeste, peut espérer (non, mauvaise formulation : le chien n'espère rien, c'est nous qui espérons pour lui) vivre quinze ans environ. Sauf en cas de maladie proliférante ou d'automobile trop rapide, le petit garçon de la photo sera un adolescent d'un mètre-quatre-vingt-dix (il est déjà très “en avance” pour ses six ans…), lorsque le compagnon éternel recevra la piqûre terminale. Il connaîtra, de moins l'espère-t-on pour lui, sa première dévastation causée par la mort. Il aura la certitude de ne s'en remettre jamais, et ce sera l'ultime preuve d'amour que Pignon lui donnera : celle de l'accoutumer à cette réalité avec laquelle il lui faudra vivre encore. Pignon sera, un jour, le vaccin de Gaston, celui qui fait qu'on ne succombe pas aux coups de massue de la vie comme elle va, qu'on se contente d'en souffrir assez longtemps, avant de marcher vers la prochaine saignée.

En attendant, Pignon veille à la poupe : il sait certaines choses.

samedi 11 mai 2013

Oui au mariage pour tous, mais tous ensemble et en couronne !


Je viens de piquer la photo chez Corto, mais j'avais eu l'idée avant d'aller chez lui. (Le chœur antique : « Ouais, tu te défends bien vite, 'spèce de gros plagiaire mal assumé ! ») En découvrant cette réjouissante manifestation de post-modernisme, je me suis dit que, en effet, si nous voulions être vraiment cohérents avec nous-mêmes, obligation morale nous était faite de soutenir dans l'enthousiasme cette légitime revendication des Français-comme-les-autres de Mayotte. Et que nous devions le faire à haute voix, publiquement, en utilisant exactement les mêmes arguments qui ont si bien réussi aux partisans du mariage guignol :

yapadréson
jvoipapourcoi ;
– ça ne retirera rien aux autres ;
– il faut faire reculer la polygamophobie qui conduit direct à Auschwitz ;
– les enfants élevés par un père aimant et cinq mères attentionnées seront plus épanouis que ceux tabassés par un père pédophile et une mère alcoolique ;
– c'est un pas de géant vers l'égalité ;
– de toute façon ça existe déjà ;
– les néo-nazis sont contre, ça prouve bien que c'est super ;
– il faut en finir avec le modèle du couple duocentré ;
– de toute façon, le mariage c'est mort donc pourquoi ne pas l'accorder à tout le monde.

Pour rendre cette juste cause aussi populaire et festive que possible, il reste à trouver un nom à la chose, un truc bien vaselineux pour éviter les tiraillements et les grimaces, de même que le mariage gouino-pédé est miraculeusement devenu “pour tous” ; quelque chose comme plurimariage… polyunion… des mamans dès maintenant… ça mérite qu'on y réfléchisse.

En tout état de cause, il convient de commencer par éradiquer de partout – l'Académie française sera sommée d'y veiller – le singulier du mot “maman” (anciennement :  mère) et d'imposer le pluriel à tous ; ce, dès les livres d'apprentissage à la lecture des écoles primaires, en vertu du sain principe désormais admis jusque dans les campagnes les plus reculées : une bonne éducation de l'enfant vaut mieux qu'une pénible rééducation de l'adulte. 

C'est émouvant, non ? ce grand pas en avant que nous allons faire tous ensemble…

lundi 14 janvier 2013

On sera là toute la journée…


… afin d'y découvrir la nouvelle maison de mes parents, fraîchement exilés des Ardennes. 

samedi 4 août 2012

Nous prendrons le chemin, nous prendrons notre enfance

Mes parents en juin dernier, lors du dîner de mariage de ma sœur Isabelle, qui se trouve être aussi leur fille.
Après une soirée passée hier avec deux Alsaciens précieux, nous nous métamorphosons aujourd'hui en Ardennais jusqu'à lundi. Comme le veut désormais la coutume, nous ferons une rapide escale à Rethel pour y faire emplette de boudin blanc ; et, comme le reveut la même coutume, nous irons très probablement nous faire offrir une tasse de café en Belgique, chez Messire Yanka, discret seigneur de la province de Luxembourg. D'ici notre retour en terres pacéennes, la boutique restera ouverte, mais j'ai trouvé plus sage de mettre les alcools sous clé.

mardi 17 avril 2012

On se rapproche de Hollande (mais Belgique fait tampon)


Retour jeudi soir, à peu près pour l'heure de l'apéro…

dimanche 1 avril 2012

Les grands-parents chicoufs (c'est nous)


Jeudi en début de soirée, alors que je venais d'ouvrir une brèche décisive dans les défenses de la bouteille de pastis ennemie, arrive notre voisin menuisier, venu prendre les mesures des deux fenêtres que nous lui avons demandé de changer. Selon son habitude, Catherine engage la conversation et évoque la survenue très prochaine de ses petits-enfants, sur le mode “apocalypse light”. Alors, l'arpenteur de fenêtres : 

« Ah, vous aussi, vous êtes des grands-parents chicoufs ? »

Devant notre mine incompréhensive, il explique : 

« Chic ! mes petits-enfants arrivent !… Ouf ! ils repartent… »

En attendant, hier soir, empoignées par la joie de se retrouver, la mère et la tante des petits-enfants en question se sont technicoloré la gueule, comme chantait Ferré, au champagne et au sancerre, à un point que même moi j'avais honte pour elles. C'est-à-dire que j'aurais certainement eu honte si je n'avais été dans mon lit depuis déjà deux heures au moment des faits. Et bien technicoloré itou.

samedi 17 septembre 2011

Liliane, fais les valises, on file à Sedan


La faculté nous ayant fermement ordonné, à l'Irremplaçable et moi-même, une cure anti-blog de trois jours, nous partons pour les Ardennes séance tenante et serons probablement de retour lundi en début d'après-midi. D'ici là, les commentaires seront fermés un peu partout : des brassards de deuil sont à votre disposition à l'accueil et une cellule de soutien psychologique ne devrait pas tarder à être mise en place. Tâchez de survivre.

vendredi 5 août 2011

Béni sois-tu, carillonneur

Ce n'est pas loin d'être le premier son dont je me souvienne, hors la voix de ma mère et de mon père, j'imagine. La première musique, en tout cas, c'est sûr. Le carillon. Nul besoin de préciser, dans la famille de ma mère, l'ardennaise, de quoi on parle : de ce caisson de bois sculpté qui, de mémoire de génération, a toujours trôné à gauche du buffet (vu de la porte), dans cette cuisine à quoi, finalement, pourrait bien se résumer mon enfance – en tout cas l'envie que j'en ai encore.

J'ai écrit “génération” au singulier, car il s'agit de la mienne, celle des petits-enfants, celle dont je suis l'aîné absolu (fils aîné de la fille aînée). Il est très mystérieux de savoir pourquoi et comment un couple est plutôt un fondateur de lignée qu'un continuateur, alors même que la chose ne souffre aucune contestation. René et Suzanne, mes grands-parents, étaient des fondateurs. Mes parents (et mes oncles et mes tantes…) sont des continuateurs ; et nous-mêmes, les petits-fils, les cousins, des liquidateurs de ce qui fut. À partir de nous, tout repart à zéro (et personne ne trouve ça drôle). C'est ainsi de tout temps, je pense – sorte de cycle, qui doit bien dépendre de quelque chose, mais de quoi ?

Néanmoins, éparpillement ou non, nous avons ceci, les cousins et cousines, en commun : le carillon ; que les plus vieux (dont moi) ont connu dans cet univers entier et doux qu'était la cuisine du boulevard Fabert, et les autres ailleurs, dans une autre maison – mais il doit leur être aussi cher, je suppose.

J'ai posé le premier mes griffes sur cet objet imposant, immobile, sonore, argentin et incongru. Incongru parce que mes grands-parents, sauf vers la fin de leur vie (phrase scabreuse, puisque Suzanne est encore vivante, à l'heure où je…), n'ont jamais eu plus d'argent qu'il n'en faut pour nourrir leur nombreuse marmaille, et que le carillon n'a pas été acquis à l'économie : je voudrais, aujourd'hui encore, que vous le voyiez et l'entendiez. À quoi, en 1950, qui est à peu près sa date de naissance, ou au moins d'achat, a-t-il correspondu ? Tout le monde en ignore, ma mère y compris. Devait-il présider à la naissance de cette défilongée de petits-enfants dont je fus le premier ? J'ai du mal à le croire : je connais bien René et Suzanne – pas trop le sens des symboles.

Il n'empêche que ce carillon fut, et moi aussi. Un jour, ou un soir, et je ne sais plus quand, et ma mère non plus je le crains, la conversation virant sur des bords alors sans danger, j'ai dit ceci : « Quand vous serez morts, moi, j'aimerais bien avoir le carillon ! » C'était presque une plaisanterie, alors, tellement nous étions tous loin de la mort. Et René a dit : « Tu l'auras, mon gamin, tu l'auras ! »

Personne d'autre ne m'a jamais appelé “mon gamin”, évidemment. René appelait tous ses petits-fils “mon gamin” (et je me rends compte que j'ignore tout à fait comme il appelait ses petites-filles, mais bon) – mais j'étais le premier. J'étais aussi, je crois, le seul qui lui réclamait dix fois fois par jour de lui chanter cette chanson, que l'on doit je suppose retrouver facilement : « Le bon vin m'endort, l'amour me réveille… »

Donc, ce jour très ancien, il a été admis que le carillon devait me revenir. Lorsque René est mort, en 1993 si je me souviens, il ne s'est rien passé, puisque Suzanne était toujours vivante. Ensuite, longtemps après, on est entré dans cette période où les vieux deviennent très vieux, puis excessivement vieux, puis… plus tellement là.

Le 4 juillet dernier, à Sedan, c'était la première fois depuis longtemps que je voyais mes parents seul – Catherine étant restée à la maison. Et le hasard a voulu que ce soit ce jour-là (avec un empressement et un enthousiasme auquel je m'en veux un peu de n'avoir pas répondu tout de suite) qu'ils m'aient, mes parents, entraîné dans leur sous-sol pour me montrer ce qu'ils avaient de précieux à me donner : le carillon.

Il est désormais au mur, comme il se doit. On l'a accroché au-dessus de mon fauteuil. Il sonne tous les quarts d'heure. Entre deux sonneries, il fait “tic-tac” ou plutôt “cling-clong”, à la réflexion : ce sont les stupides réveils qui font “tic-tac”. Deux fois par semaine, depuis sa conception, il faut le remonter : je le fais – chaque mercredi et chaque samedi. Il ne faut pas le remonter trop fort, ce carillon, ne pas bloquer les délicats mécanismes. Il avance un peu : quelques minutes par semaine, je n'ai pas encore compté…

Je commence, c'est plus étonnant, à ne plus l'entendre, sauf lorsque je suis assis juste en dessous. Je me souviens, lorsque j'allais dormir chez mes grands-parents et que René me demandait : « Tu veux que j'arrête le carillon pour la nuit ? », je lui répondais toujours : « non ! » Et j'écoutais avec un bonheur indicible – vraiment indicible – ce son qui a plus ou moins présidé à ma naissance. Si j'ai la chance de mourir à domicile, il devrait aussi hériter de cette présidence-là.

Notre manie de baptiser d'un prénom humain un certain nombre d'objets familiers étant toujours aussi active, nous avons décidé très logiquement que le carillon s'appellerait désormais René. Pour le moment, nous n'avons pas encore osé le présenter à Roselyne, mais on y songe sérieusement.

jeudi 4 août 2011

Si vous cherchez une maison dans les Ardennes…


J'en ai une à vendre ! (Salauds de pauvres s'abstenir…)

lundi 25 juillet 2011

La purée de nous autres : récit épique

Le pire ennemi du couple vieillissant, c'est la mémoire. Non celle qui s'enfuit : celle qui demeure. Et qui fait que, commençant de raconter une anecdote légère de votre “jeunesse sans elle” (ou sans lui), vous voyez, de l'autre côté de la petite table de la terrasse, une paire d'yeux amorcer un lever vers les branches basses du tilleul, juste avant qu'une voix excédée de tendre patience ne vous murmure : « Je sais, mon chéri, tu me l'as déjà raconté huit fois… » Pendant une minute environ, votre âge se met à peser un âne mort.

Néanmoins, il vous reste des moyens de spectaculaire rajeunissement, pas toujours bien discernés. Ainsi, ce soir, Catherine avait préparé de la purée pour accompagner le jambon de sa petite-fille, pensant que cela lui agréerait, puisque tous les enfants aiment le jambon-purée. Cela n'a pas : Malena a renvoyé le plat en cuisine d'une lippe dédaigneuse. En revanche, les deux grands-parents se sont éclatés comme des bêtes à cette régression culinaire radicale.

lundi 18 juillet 2011

Petit complot de famille

Élodie, ma belle-fille, espère gagner un voyage pour deux personnes dans son Québec presque natal grâce à la petite vidéo qu'elle y a réalisée. Elle a bien raison, je ferais pareil à sa place. Si vous voulez l'y aider, il vous suffit de cliquer sur J'aime si vous avez déjà un compte YouTube (j'en avais un et je ne le savais même pas…) ou bien de vous en bricoler un, ce qui n'est ni très long ni très difficile. Merci pour elle, elle vous rapportera du sirop d'érable…

Pour cliquer, c'est par là.


jeudi 19 mai 2011

Allez, les Bretons, on se réveille !


Je vous préviens, il y aura interro…

jeudi 7 avril 2011

La route est un bouquet de Crevette

On a eu un moment de profond désarroi, l'Irremplaçable et mécolle, lorsqu'on a appris qu'il allait devenir à peu près impossible de lire leur département d'origine au cul des bagnoles, pour cause d'un microscopisme graphique décrété par ce gros malfaisant de Modernœud : qu'allions-nous faire durant nos longs trajets trans-franciens si nous ne pouvions plus jouer aux départements ? Comme la transhumance allait devenir triste ! Et puis, ainsi qu'il en va souvent, Catherine a trouvé la parade, quelque part entre Noyon et Beauvais.

Désormais, lorsque la conversation entre nous s'alanguit et que l'ennui pointe, nous nous récitons les prénoms des enfants Crevette en essayant de n'en oublier aucun. Je vous vois sourire, mais ce n'est pas à la portée de tout le monde. D'autant que l'on peut varier à plaisir et compliquer à l'envi : choisir l'ordre inverse de la chronologie, par exemple, ou en faire une liste alphabétique, ou bien encore panacher les âges et les sexes, etc. On ne voit plus passer les Sedan – Le Plessis.

Je dois cependant reconnaître que Catherine me bat pour l'instant à plate couture : je bloque encore pas mal sur le bouquet de Crevette, je dois dire. Oui, mais, hein : je conduis, moi, en même temps ! C'est vrai quoi…

samedi 2 avril 2011

Dans une couple d'heures, on sera là…


Là en effet, mais dans une époque sans doute légèrement (ou plutôt lourdement) postérieure. Ayant décidé de nous rendre dans les Ardennes en évitant à la fois la région parisienne et les autoroutes, nous passerons donc par Saint-Quentin, d'où la photo. Et aussi par Noyon, afin de visiter la cathédrale où furent couronnés rois des Francs Charlemagne puis Hugues Capet. Au retour, ce sera d'abord Laon, puis Compiègne, où j'ai fort envie de découvrir le mémorial et le wagon de Rethondes ; lesquels, bizarrement, se trouvent en réalité sur le territoire communal de Compiègne – allez comprendre.

Et juste avant de cliquer sur le cartouche “publier ce message”, je m'aperçois que je viens de m'emmêler sévèrement les pinceaux typologiques, et que si nous visiterons bien les quatre villes citées, ce sera dans un ordre tout différent, mais je ne sais même plus lequel.

Bref, parti comme c'est, on n'est peut-être pas près d'arriver chez Maman. J'espère qu'elle aura prévu un truc qui se réchauffe.


[Du fait de cette absence de presque trois jours, je ferme les commentaires, cadenasse le frigo et renvoie la bonne chez ses parents : je vous connais…]

jeudi 28 octobre 2010

Cette anticipation qui n'aura pas lieu – mais qui fout la trouille quand même

On me dira que ç'aurait pourtant été la suite logique de notre mariage, surtout s'agissant d'un mariage chrétien. Mais, non, sans façon. Il y aurait bien un aspect de cette anticipation pour trouver grâce à nos yeux, et ce serait le rajeunissement que l'on peut constater sur cette photo prise aux alentours immédiats de 1995, dans la cour de notre maison du Loiret, occupée de 1992 à 1996. Mais même de cela je ne suis pas certain. Surtout s'il me fallait de nouveau porter ce genre de tee-shirt et de bretelles.

Pourtant, on s'y trouvait très bien, dans cette maison, située au bout du bout d'un hameau : après nous, la petite route se faisait chemin de terre et descendait nonchalamment jusqu'au canal de Briare, puis, à travers des prairies régulièrement inondées, allait mourir aux berges de la Loire. Elle était de plus à un jet de bouchon de Pouilly et à deux de Sancerre, ce qui ne va pas sans certains avantages, on le concevra sans peine.

Et puis, c'était l'époque aujourd'hui enviable où je pouvais écrire un roman de 240 pages en quatre jours – performance qui me laisse sans voix et que j'ai même bien du mal à concevoir comme possible, matériellement possible. Pourtant, oui, je l'ai fait.

Quant au petit machin que Catherine tient dans ses bras, il s'agit d'Antonin, le fils de Kent, qui devait donc se trouver ce week-end-là en visite chez nous, comme il arrivait fréquemment à l'époque. Un bébé d'emprunt, si l'on veut. Ou “ à l'essai”. Essai non transformé, donc, comme il est désormais patent et irréversible.