Paul Léautaud et Marie Dormoy, probablement au début des années cinquante. |
Dans son journal, Léautaud note ceci (1er janvier 1935), à propos de Marie Dormoy : « Elle a cette idée que c'est le christianisme qui a créé l'amour tel que nous le connaissons. Elle dit que l'amour-passion n'existait pas chez les Grecs, qu'on ne le voit pas dans le théâtre, dans lequel les mobiles des actions des personnages se rattachent tous à la Fatalité. Une bibliothécaire de Sainte-Geneviève a fait un travail sur Héloïse et Abélard, qui est, me dit-elle, une merveilleuse histoire d'amour. Elle a envie d'y mettre une introduction dans laquelle elle traiterait et développerait cette idée du christianisme créateur de l'amour. Je l'y ai vivement engagée. Je lui en reparlerai. »
Il faudrait plus de connaissances, de culture, que je n'en ai, pour pouvoir juger de la pertinence de cela. Peut-être devrais-je commencer par relire L'Amour et l'Occident, ce livre de Denis de Rougemont que je me souviens d'avoir lu voilà une trentaine d'années et qui, si j'en crois mes lambeaux de souvenirs, aborde justement cette question de la différence entre l'amour grec et l'amour chrétien (Éros/Agapè), notamment au travers de Tristan et Iseult. Je veux bien relire Rougemont, mais ce volume a-t-il survécu à tous mes, puis nos déménagements ? Se trouve-t-il encore dans la bibliothèque ? J'ai bien peur que non. Et puis, vu le smog qui règne dans ma cervelle, c'est peut-être bien une fausse piste. Il faudrait tout de même savoir si le christianisme a inventé l'amour ou pas, bon sang !
« Marie Dormoy a mis le doigt sur quelque chose. »
RépondreSupprimerAuguste Perret et Paul Léautaud (entre autres, probablement) pourraient vous le confirmer…
Mais non. Le christianisme a juste développé l'idée que la souffrance devait nécessairement accompagner l'amour. Ce qui n'est pas le cas dans d'autres philosophies, orientales notamment ...
RépondreSupprimerIl y a probablement une idée à développer autour du fait que pour le christianisme l'amour est lié au sacrifice.
SupprimerEh bien, allez-y, que diable : développez !
SupprimerMadame Schreyer, je ne voudrais pas vous gâcher la soirée, mais le fait que M. Henry soit d'accord avec vous sur une chose touchant au christianisme est un symptôme très très très inquiétant.
SupprimerJe souffre de procrastination, désolé !
SupprimerPlus sérieusement, l'idée me semble importante, et je ne me vois pas la développer à la légère ou à la va-vite.
Donc ça plus la procrastination...
Je vous comprends. Et, comme disait, paraît-il, Paul Valéry lorsqu'il arrivait aux trois quarts d'un raisonnements qu'il n'avait pas envie de poursuivre : « Enfin, de toute façon, on s'en fout… » (Variante, d'après Léautaud : « Enfin, vous voyez, quoi… »)
SupprimerNe pas terminer son raisonnement tout en disant de façon désinvolte "on s'en fout", j'y vois une forme d'humilité. Ou alors c'est le constat que l’interlocuteur devant lequel vous développez le raisonnement, en a effectivement rien à f... ou pire, ne comprend rien à ce que vous dites...
SupprimerBarbara -> Oui, c'est ce que je pense aussi..
RépondreSupprimer"pour pouvoir jugé" heu...
RépondreSupprimerOui, de temps en temps, j'en laisse une vraiment énorme pour que vous puissiez faire votre savant…
SupprimerMais je ne fais pas mon savant. Je vous signale une faute qui fait mal aux yeux dans un système de commentaires où la modération est activée et je laisse, ensuite, un commentaire normal (enfin, pour moi). Vieux ronchon. Z'étiez pas obligé de publier le premier.
SupprimerOh, putain d'Adèle ! Je ne vais quand même pas être obligé de mettre des "smileys" même à vous, si ?
SupprimerPas à moi. Mais à vos lecteurs. N'oubliez pas que ce sont des gros cons.
SupprimerMerde ! Relisez les vôtres !
SupprimerVous voulez ma mort ?
SupprimerEt en plus mes lecteurs c'est vous. Et paf.
Supprimer« Vous voulez ma mort ? »
SupprimerJe m'en fous. Un peu comme de la mienne. Mais si vous sentez que ça se met à déconner, appelez-moi, qu'on ait le temps de se prendre une cuite avant la culbute.
Je vous appelle une semaine à l'avance.
SupprimerIl n'empêche que vous vous en foutez mais par testament je vais vous désigner pour troller chez Sarkofrance et repondre systematiquement à Aramis.
" Il faudrait tout de même savoir si le christianisme a inventé l'amour ou pas, bon sang !"
RépondreSupprimerVous avez demandé à Google ?
... "pour pouvoir jugé" ? Attention à ne pas l'être !
RépondreSupprimerC. Monge
De tous les jeux, l'amour est celui où la promesse du plaisir est la plus forte et la plus simple. Ce jeu impérieux et intense, est indifférent aux règles de la société et ne dépend nullement d'un choix de la conscience. On ne peut pas aimer parce qu'on a décidé d'aimer. Toutes les tentatives de théoriser ce jeu se sont avérées très en dessous de leur objet, de Platon en passant par Ovide, jusqu'à Bataille.
RépondreSupprimerL'amour courtois des troubadours, tentative infructueuse de réguler ce jeu, est tombé en ruine, non sous les coups de la « barbarie » des gens du Nord, comme il est coutumier de l'affirmer, mais en s'affaissant sur sa propre sécheresse.
Une belle littérature a trouvé une source d'inspiration inépuisable dans le chaos qu'est l'amour, là est l'essentiel à mes yeux.
Le catéchisme marchand a toujours travaillé à l'annexer en le corrompant, avec plus ou moins de bonheur. Mais il ne s'agit plus là d'amour, c'est l'évidence.
Il me semble que le mythe de Pénélope montre que l'amour exista bien au temps des grecs.
RépondreSupprimerMarie Dormoy parle de l'amour "tel que nous le connaissons".
SupprimerL'amour "tel que nous le connaissons" est-il défini à ce point ?
SupprimerL'amour passion dont parle madame Dormoy n'est-il pas comparable à celui de cette pauvre Pénélope qui attendit inlassablement son amant ?
J'ai du mal à imaginer qu'on aimât différemment autrefois qu'aujourd'hui...
Il est probable que les hommes ont toujours eu faim, peur ou froid, et ont toujours aimé et haï de la même façon depuis l'origine de l'humanité jusqu'à nos jours.
Je vous signale que vous pouvez vous procurer "L'amour en Occident" pour la modique somme de 5,90 € :
RépondreSupprimerhttp://tinyurl.com/qegyajx
Plutôt que l'opposition Eros/Agapé, me semble plus pertinente celle qui oppose Eros à Philia. L'Agapé, étant l'amour charité, alors que Philia est l'amour de l'esprit de l'autre.
RépondreSupprimerJe ne faisais que ressusciter mes maigres souvenirs de Rougemont…
SupprimerUne petite remarque : je ne dirais pas que Philia s'oppose à Agapé. Philia c'est simplement un niveau "au-dessous" de Agapé, en quelque sorte l'expression de l'amitié. Il est intéressant de voir à ce sujet le passage de l’Évangile de Jean 21, 15-17. Les traductions donnent presque toujours : "Pierre m'aimes-tu" avec la réponse "tu sais bien que je t'aime", et ce trois fois.
SupprimerHors, dans le texte grec, cela donne :
1) Jésus demande : "Simon m'aimes-tu" (Agapé), Pierre répond : "tu sais que j'ai de l'affection pour toi" (Philia)
2) même chose
3) Jésus, prenant sans doute alors en compte le cheminement "imparfait" dans l'amour/Agapé de Pierre, lui demande :
"Simon, fils de Jean, as-tu de l'affection pour moi" (Philia), ce à quoi Pierre répond "tu sais que j'ai de l'affection pour toi" (Philia)
Cela offre une nuance fort intéressante.
Geneviève
Moi aussi, la dernière fois que j'ai utilisé du papier simple épaisseur.
RépondreSupprimerEt les hormones alors ? Elles n'ont aucun rôle à jouer dans l'amour ? Je connais au moins une femme qui a fait des folies par amour et qui m'a dit, arrivée au grand âge : "Je n'en reviens pas que finalement ce n'était qu'une question d'hormones !
RépondreSupprimerLes hormones ont tout à voir avec la sexualité, et rien avec l'amour qui est une construction culturelle. Enfin, je crois.
SupprimerC'est vrai qu'en contemplant le portrait de ce cher Léautaud, on ne peut s'empêcher de penser qu'il valait mieux, pour madame Dormoy, que ses réflexions sur l'amour, l'amènent plutôt vers une "construction culturelle" que vers la sexualité.
SupprimerJe ne crois pas que l'amour soit une construction culturelle mais plutôt une émotion, tel la peur, la haine, la jalousie... enfin je crois.
SupprimerDétrompez-vous, Mildred : si l'on en croit le "Journal particulier" de Léautaud (qu'elle a elle-même dactylographié), Marie Dormoy ne se contentait pas de théoriser, mais elle mettait aussi souvent et volontiers la main à la pâte !
SupprimerCher Emmanuel, merci d'avoir répondu à ma place : j'étais parti pour oublier de le faire. J'aurais dit la même chose que vous. (Mais j'aurais précisé que je le trouve très emmerdant, ce journal particulier, ce qui n'est peut-être pas votre cas.)
Supprimer@ Emmanuel F. et Didier Goux
SupprimerMille excuses j'avions pas vu qu'on m'avait causé !
Peut-être auriez-vous pu ajouter que si "Marie Dormoy ne se contentait pas de théoriser" c'était surtout pour pouvoir mettre la main sur le Journal que Léautaud n'était pas pressé de voir édité. Ceci lui a sans doute valu de bénéficier de quelques prestations à orientation sexuelle, ce dont il n'a pas manqué de se vanter dans son "Journal particulier", qui ne m'a pas laissé, un souvenir impérissable non plus. Mais on peut se consoler en lisant "Amours" ou "Le petit ami".
Je crois que la relation Léautaud / Dormoy est plus complexe que ce que vous nous dites ici : il y a même à la fin du "Journal particulier" l'expression d'une certaine tendresse pour Marie Dormoy qui est unique dans l’œuvre de Léautaud, qui n'en était guère prodigue !
SupprimerMême si cela peut sembler étonnant et peu crédible, cette relation où l'intérêt avait certainement sa part (davantage d'ailleurs du côté de Léautaud que de celui de Marie Dormoy qui après tout n'a pas fait fortune avec l'édition du "Journal littéraire" à laquelle elle a sacrifié une bonne partie de sa vie) est aussi une histoire d'amour...
J'avais oublié de répondre à Mildred, comme je m'étais promis de le faire en validant son commentaire (mais quand on ne fait pas les choses tout de suite…). Je souscris entièrement au commentaire de M. F. J'y ajouterais que, contrairement à ce que vous dites (vous, Mildred), Léautaud, dès les années trente, se montre fort désireux de voir son journal publié de son vivant, au moins en partie, ce qu'il sera grâce à Marie Dormoy, ainsi qu'il le reconnaît lui-même. D'autre part, et notamment pour les parties dont elle s'est occupée après sa mort, elle fait preuve d'une véritable abnégation en ne retranchant rien des passages qui la concernent et qui ont parfois dû lui être fort pénibles.
SupprimerC'est très juste, et n'oublions pas que c'est Marie Dormoy qui possédait le manuscrit du "Journal particulier" et qu'elle a respecté scrupuleusement les vœux de Léautaud qui souhaitait le voir publié trente ans après sa mort (donc en 1986, ce qui fut fait !).
SupprimerQuand on pense d'autre part au travail immense qu'a représenté l'édition du "Journal littéraire" : 12 000 pages écrites à la plume d'oie sur des papiers de fortune (souvent du papier d'emballage), qu'il a fallu déchiffrer à la loupe avant de les dactylographier, on ne peut qu'être plein de gratitude et d'admiration pour cette femme.
Les trois formes d'amour, Eros, Philia, Agape, se trouvent dans la Bible... elles ne sont ni contradictoires et aucunement opposées... jusque dans la vie du couple. Et ce depuis, au moins, le Cantique des Cantiques... ^_^
RépondreSupprimerhttp://www.pagesorthodoxes.net/mariage/eros-mystique.htm
Le monothéisme judéo-chrétien (est à exclure le monothéisme du coran, à dieu jupitérien, despote à l'orientale ridicule) est le seul à rendre possible la notion d'amour: Dieu est transcendant. Il est donc distinct, et partant la relation peut naître; la liberté peut vivre. Toutes choses nécessaires quand on envisage l'amour. Le Dieu de la Bible est agape. Il ne prend pas toute la place, il la donne et il se donne.
RépondreSupprimerSi le divin est tout, on est dans une autre formule.Si quand on aime charnellement on baise l'univers, et au final tout et soi-même à la fois, tout ça ne rime pas à grand-chose. En tout cas pas avec l'amour.
hypemc