Plus on lit de témoignages sur les époques passées (écrivant cela, je me demande comment on pourrait lire des témoignages sur les époques futures…), mieux on s'aperçoit que trancher de tout sur le mode péremptoire est la voie la plus sûre pour proférer des sottises et ne rien comprendre à rien. Je lisais hier ceci, dans le Journal de Galtier-Boissière, à la date du 22 février 1945 :
« Demessine, officier de la L.V.F., est condamné à mort. Il avait fait très brillamment la campagne de Norvège et la campagne de France, puis prisonnier, s'était évadé. Par trois fois, il avait essayé de gagner l'Angleterre pour s'engager dans la France Libre, mais sans succès. De guerre lasse, et voulant se battre à tout prix, il était parti sur le front de l'Est, d'où il revint commandant et décoré de la croix de fer.
» Erreur d'aiguillage. S'il avait réussi à gagner Londres, ce volontaire perpétuel serait aujourd'hui un héros, décoré de la croix de la Libération. »
Ce sera, quelques années plus tard, le thème illustré par Louis Malle dans son Lacombe Lucien, film qui froissa tant les impeccables idéologues du temps, les adeptes du noir et blanc. Que l'on pût ainsi rendre floues les reposantes cloisons érigées entre les saints et les damnés troublait leur repos en perçant leurs œillères. De ces œillères, Galtier était fort heureusement dépourvu. Ce qui ne veut pas dire que ce directeur de journal était béat devant son époque. Ainsi, deux pages plus loin :
« J'ai toujours refusé de faire installer le téléphone chez moi. L'idée me paraît insupportable qu'un quelconque fâcheux puisse faire irruption dans ma vie pendant que je travaille, lis, mange, dors… »
Encore un passéiste que l'iPhone aurait laissé sans voix.
Le hasard des destins personnels serait donc la voie la plus sure pour analyser le passé, couvrant ainsi les responsabilités, les crimes et les abjections, comme si leurs auteurs n'étaient victimes que de la fatalité, dans ces conditions en effet, on peut tout comprendre et tout excuser, je suppose que c'est ce que vous voulez prouver.
RépondreSupprimerGeorges Louis
Revenez quand vous serez capable de comprendre quelque chose à ce que vous lisez, pitoyable crétin.
SupprimerJe vous trouve trop dur. N'avez-vous donc rien appris de Mme Taubira ? Il est pourtant clair que M. Georges Louis est victime de la fatalité, sinon ce serait abject.
SupprimerC. Monge
J'ai même l'impression que maintenant que la plupart des témoins ont disparu le manichéisme se renforce.
RépondreSupprimerForcément.
Supprimer"je me demande comment on pourrait lire des témoignages sur les époques futures…" Selon Terry Pratchett, récemment décédé, si l'homme voyait très bien le passé et pas du tout l'avenir, c'est parce qu'il traversait la vie en marchant à reculons...
RépondreSupprimerC'est sans doute pour cela qu'on se croit toujours éternel quand on n'est plus qu'à un mètre de la falaise…
SupprimerHouellebecq l'a fait en quelque sorte. A la seule condition qu'on admette qu'il n'y a rien de moins sur que le futur.
SupprimerCher Didier, vous avez l'air de comprendre quelque chose à ce qu'il écrit. Il a certainement tapé au bon endroit puisque ça vous énerve un brun....
RépondreSupprimerJ'ai compris qu'il ne comprenait rien, ça m'a suffit. Et le fait que, parfois, l'excès de bêtise satisfaite m'énerve ne signifie pas qu'elle a tapé "au bon endroit".
SupprimerÇa vous énerve un brun, des salopes pareilles !
SupprimerD'habitude c'est plutôt les grands blonds qui énervent Didier un brin. Ok je sors…
RépondreSupprimerPourquoi stigmatiser les iPhone et pas les Samsung ?
RépondreSupprimerParce que les Samsung c'est bien, la preuve j'en ai un :-D
SupprimerJ'ai revu il y a peu "Lacombe Lucien", c'est vraiment un très beau film. Il y a eu en effet de nombreuses critiques à sa sortie, mais je pense que cela aurait été bien pire aujourd'hui et que de toute façon, le film n'aurait pas dépassé le stade du scénario ! Louis Malle aurait aussi certainement des comptes à rendre pour son adaptation du "Feu follet" de Drieu La Rochelle. Modiano (l'un des scénaristes de "Lacombe Lucien") a eu beaucoup de chance de passer entre les gouttes jusqu'au prix Nobel, sans que personne ne vienne lui reprocher ce péché de jeunesse...
RépondreSupprimerL’œuvre de Louis Malle est d'ailleurs un très bon sismographe de l'évolution des esprits en moins d'un demi-siècle : il serait tout autant impossible de réaliser en 2015 des films comme "Le Souffle au cœur" ou "La Petite", qui vaudraient aussitôt à leur auteur — si par miracle ils avaient trouvé un producteur — d'être cloué au pilori pour apologie de l’inceste et de la pédophilie.
Ah les grands procès ouverts contre ceux qui ont fait le choix de combattre le bolchévisme ! Assez compréhensible pour ce qui est des Français qui n'ont pas eu à subir les outrages des nervis du NKVD, à coucher sur le béton froid de la Loubianka entre deux interrogatoires, à endurer le vent glacial des steppes sibériennes. Les Estoniens qui se sont battus sous l'uniforme allemand sont célébrés, depuis la chute de l'URSS, comme le sont nos anciens combattants et ils perçoivent d'ailleurs une pension à ce titre. On a même dressé des monuments aux morts pour célébrer leur combat contre l'ogre soviétique.
RépondreSupprimerComme quoi, il suffit parfois de pas grand chose pour être du bon côté. Avoir connu la grande humanité des bolchos par exemple.
Il suffit en effet de pas grand chose pour être du bon, ou du mauvais côté, tout dépend des circonstances, du lieu où l'on réside, etc... Me revient à l'esprit le passionnant récit de Guy Sajer ("Le soldat oublié"), qui, à l'âge de dix-sept ans, endosse l'uniforme de la Wehrmacht pour aller finalement combattre sur le front russe. Il est français par son père, allemand par sa mère et il habite l'Alsace.
SupprimerGuy Sajer, Dimitri, auteur de BD, notamment du fameux "Goulag".
C'est quand même assez étonnant que sur un site franchouillard ou qui ne dédaigne pas en tout cas de donner parfois des leçons de patriotisme, on voit finalement d'un œil très indulgent l'engagement, sous uniforme ennemi, et pour se battre aux côtés d'un pays qui nous occupe militairement, d'un certain nombre de Français égarés.
RépondreSupprimerPlisson
Juger des gens morts depuis un demi-siècle, et le faire du haut de notre connaissance des événements passés, me semble tout à fait stérile et relevant de la posture. Tenter de les comprendre me paraît nettement plus intéressant.
SupprimerRien que l'emploi du terme "franchouillard" suffit pour discréditer celui qui en use.
SupprimerFarpaitement !
SupprimerHS. Je viens de lire vos commentaires chez le petit Jégou.
RépondreSupprimerBrillant, argumenté et pédagogique.
Toujours un plaisir de vous lire ailleurs que chez vous !
Pédagogique, moi ? En voici bien d'une autre !
SupprimerNe portez-vous pas des jugements définitifs sur les révolutionnaires russes de 1917? Et combien d'autres encore? En fait vous absolvez, semble-t-il, plus facilement la violence noire que la rouge.
RépondreSupprimerPlisson
La violence "noire" n'a nullement besoin de mes petites condamnations personnelles, dans la mesure où tout le monde, chaque matin depuis 70 ans, condamne le fascisme jusqu'à l'écœurement. Ce sont souvent les mêmes qui, en revanche, trouvent toutes les excuses possibles au communisme.
SupprimerJe pense qu'il faudrait éviter lorsque l'on parle de cette période de l'Occupation les anathèmes et les absolutions. "Lacombe Lucien" montre bien justement qu'à côté de collabos ou de résistants de la première heure, il y avait un nombre beaucoup plus grand d'individus qui n'avaient pas de base idéologique ou de sentiment patriotique fort et qui pouvaient facilement basculer d'un côté ou de l'autre en fonction de leur entourage ou du hasard des rencontres.
SupprimerPour un Cavaillès, résistant dès 1940 ou un Brasillach, collabo convaincu et acharné, tous les deux fusillés, l'un en 1944 par les nazis, l'autre en 1945 par les libérateurs, combien de Lacombe Lucien ballottés par les incertitudes et les fureurs de l'époque ? Et parmi les intellectuels ou les artistes, si virulents dans les comités d'épuration, combien de Sartre, de Beauvoir, de Duras, de Cocteau, de Carné, de Prévert, qui n'avaient de cesse de voir leurs livres publiés, leurs pièces de théâtre jouées devant des parterres d'officiers allemands, et leurs films produits par la Continental, créée par Goebbels ?
le communisme encore une bonne idée de départ (en théorie) qui s'est transformée en catastrophe (quand on a essayé de la mettre en pratique) Faut dire que l'humanité est friande en la matière (démocratie, capitalisme, colonisation, mondialisation, union de l'europe, pacifisme qui fait le lit des fachos hier et des islamos-racailles aujourd'hui libéralisation de la finance du sexe nouveaux droit pour les femmes les enfants et les homos et demain pour les animaux et les plantes vertes)
SupprimerZut alors ! Il est devenu quoi mon commentaire sur "Le piège" d'Emmanuel Bove - chef-d'oeuvre sur l'époque, écrit à l'époque et dont je recommandais la lecture à tous les avaleurs de pages par mille ?
RépondreSupprimerIl est là où vous l'avez déposé, c'est-à-dire sous le billet précédent…
SupprimerBon ! Pour cette fois je vous pardonne, mais ne recommencez pas !
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