vendredi 9 novembre 2007

Anatomie raisonnée d'un paquet de biscottes

En milieu de matinée, l'Irremplaçable et Sinusitoïde Bronchiteuse a réussi à se traîner jusqu'au Super U de Pacy-sur-Eure (Top of the pops : je vous le recommande chaudement). Entre autres merveilles comestibles, elle en a rapporté un paquet de biscottes et un camembert. Les biscottes, c'était pour casser dans sa soupe (car une Irremplaçable Bronchiteuse se nourrit exclusivement de soupe, il convient de le savoir) ; le camembert, c'était pour moi : au cas où manger des biscottes me ferait envie, que j'ai quelque chose de chrétien à étaler dessus.

C'est en effet ce qui n'a pas manqué de se produire, vers le milieu de l'après-midi. Et que faire, Mon Dieu, lorsqu'on se retrouve debout dans une cuisine, à mâchouiller une biscotte ? On en vient à examiner le paquet avec une attention qu'on ne lui accorde que trop rarement. Et, soudain, s'entrouvre un abîme.

D'abord, on note le fait - déjà assez ancien, je le concède - que les biscottes de notre enfance ont doublé voire triplé de longueur et s'appellent désormais pain grillé. Première aberration : ce que vous découvrez à l'intérieur de la boîte rouge n'a rien à voir avec du pain que vous eussiez fait griller, mais présente bel et bien une forte gémellité avec la traditionnelle et si rassurante biscotte. Ensuite on se prend à déchiffrer la prose qui s'y étale.

Surprise de taille pour qui a connu l'époque où tout produit devait absolument être "nouveau", sous peine de rester à se morfondre dans les linéaires : la maison "Pelleteuse" vous apprend fièrement, sur son couvercle, qu'elle existe depuis 1896, et, dans un angle jaune vif du même couvercle, vous balance triomphalement l'information suivante : "Recette inchangée". Donc, si je comprends bien, la Maison Pelleteuse est heureuse de faire savoir à sa clientèle que, depuis 111 ans, elle n'a fait aucun progrès dans la confection de la biscotte, à part trouver l'idée de la rebaptiser pain grillé.

Des progrès ? Mais pourquoi la Maison Pelleteuse ferait-elle des progrès, alors qu'elle a d'emblée atteint la perfection, notamment en raison d'un cahier des charges débordant d'himalayesques exigences ? On peut en juger en abordant à présent les flancs du paquet.

La farine est un produit vivant dont les caractéristiques changent à chaque récolte.

Bien. Dès la première phrase, Mme Pelleteuse commence par nous prendre pour des niais (la farine est vivante), avant de nous avouer tranquillement qu'elle n'en maîtrise absolument rien. Continuons.


Tous les ans, Pelleteuse travaille avec des meuniers pour sélectionner des crus de farines préparés pour lui (...).

La phrase est utile pour les nombreux consommateurs qui inclinaient à penser que Pelleteuse ne foutait rien et, finalement, achetait à des chaudronniers des produits qui étaient destinés à de tous autres usages et établissements. (Et je vous laisse méditer un petit moment sur ces admirables "crus de farines"...)


Pelleteuse les a choisies parce que, mélangées dans le pétrin, ces farines forment une pâte plus facile à travailler et vous laissent profiter d'une mie aérée et légère.

Là encore, que du solide, de l'essentiel. Pelleteuse choisit ses farines, au lieu d'acheter n'importe laquelle comme vous et moi. (Au passage, on remarque que les "crus de farines" de la phrase précédente sont devenus de simples farines...) Après, ça devient beau comme du Coluche d'avant la soupe populaire. Et pourquoi est-ce que Pelleteuse elle les a-t-il choisies, ces farines, siouplaît ? Hmm ? J'attends... Parce que, mélangées dans le pétrin, ELLES VONT FORMER UNE PÂTE ! On vous l'a dit et répété ! Une pâte plus facile à travailler (là Pelleteuse avoue qu'il est un fainéant en foutant le moins possible), ce qui n'est pas encourager les jeunes à l'effort. Et, pour le coup, ces miraculeuses farines vont nous laisser profiter d'une mie aérée et légère. Alors qu'elles auraient très bien pu, sadiquement, au dernier moment, nous en empêcher, si elles avaient voulu. Et si quelqu'un, parmi vous, a déjà trouvé de la "mie" dans une biscotte, qu'il n'hésite pas à se faire connaître. Dans un autre "encadré", on nous livrera une information elle aussi capitale :

Une fois pétrie, la pâte repose le temps nécessaire pour commencer à lever.

Chez Pelleteuse, on sent que le premier mitron qui retire la pâte AVANT le temps nécessaire doit passer un sale quart d'heure dans le burlingue de la DRH.


Là-dessus, vous vous apprêtez à tout de même finir tranquillement votre goûter, lorsque vos yeux tombent sur la boîte de camembert Lenain, que vous avez toujours connu au lait cru et "moulé à la louche". (Au début, je pensais que ce fromage avait été "expédié à la main", mais en argot.) Vous constatez que l'inscription "moulé à la louche" est toujours portée en fières lettres dorées au fronton de ce temple culinaire à la robe pourprée. Mais où est donc passée celle " au lait cru", qui lui faisait pendant ?

Elle a disparu, remplacée par une toute petite notation latérale, en lettres blanches essayant de se faire illisibles :

Au lait thermisé

Là, on a envie :

1) de vomir son quatre-heures ;

2) de prendre le premier train pour Bruxelles ou Strasbourg et de distribuer des mandales à tout ce qui remue au long des couloirs européens.

Puis, finalement, on retourne à son Brigade mondaine. Parce que, bon...

3 commentaires:

  1. Autant manger du Manchego avec du pain fait maison.
    Bon appêtit.

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  2. Oh du Manchego avec du pain maison!
    Mais comment vous savez?
    Du coup, j'ai oublié ce que je voulais dire à Didier.
    Euh... Vive la biscotte libre?
    Des bizettes

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  3. Oui, le voyageur prévoyant doit toujours avoir un bout de fromage dans sa Manche...

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.