samedi 17 novembre 2007

Parigueux, têtes de noeud !

[Je sais que j'ai déjà utilisé ce titre, inutile de venir me braire dans les trompes d'Eustache ! Mais comme c'était dans l'ancien blog, j'ai unilatéralement décidé que c'était pas tromper. Voilà.]


" La prétendue réappropriation de la ville n'est que l'achèvement d'un vieux programme d'expropriation des derniers humains citadins épargnés par les précédentes vagues massives d'expulsions, qui doivent être au plus vite remplacés par leurs cyborg-successeurs. À cet égard, il faudrait revenir encore une fois sur les trois types d'occupants actuels de la ville : le piéton, l'automobiliste et le rolléreur (ou la rolléreure). Dans cette triade, de toute façon, le piéton a été liquidé depuis longtemps, et ce ne sont pas de nouveaux quartiers piétonniers désolés qui pourraient le ressusciter. L'automobiliste, en un certain sens, coincé entre les quatre tôles de son cercueil roulant, hérite encore de quelque chose, de la voiture à chevaux, du carrosse, de la carriole, du char à bancs, du landau ou du cabriolet. Le rolléreur (ou la rolléreure) n'hérite de rien qui relève des anciens moyens de transport. Ce n'est pas non plus un piéton. C'est un hybride. C'est le nouveau robot enthousiaste de la modernité moderne. De l'ancien humain il lui reste quelque chose que l'on peut repérer dans les mouvements de son corps, et même dans ses yeux sans regards ; mais, de la machine, il a déjà les roulettes qui l'excluent, en bonne taxinomie, de l'humanité classique. De quel labo de biotechnologie est-il sorti ? Peu importe. On comprend en tout cas mieux, dès lors, pourquoi les nervis dada de la Mairie de Paris privilégient à l'infini son développement : parce qu'en réconciliant la roulette (la technique) et quelques restes d'humain, il abolit la différence (le conflit) entre la technique et l'homme, chasse l'homme de ces endroits où il croyait encore pouvoir se déplacer, les trottoirs (il se les réapproprie !) et devient en quelque sorte son successeur, à la manière dont Homo sapiens sapiens évinça l'Homme de Néandertal. Sapiens sapiens, c'était celui qui savait qu'il savait. Festivus festivus, c'est celui qui festive qu'il festive. Et qui ne fait que cela.Avec l'aide de la technologie à laquelle il est désormais asservi. Voilà, en quelques mots, tout ce qu'il est urgent de rejeter ; ou tout ce dont il est urgent de ne rien faire d'autre que de rire."

Philippe Muray, Festivus festivus, Fayard.

1 commentaire:

  1. J'ai lu des extraits de Murray plus inspirés tout de même. Mais je n'ai lu que cela il est vrai...

    PS: je ne rollere pas le moins du monde étant bien incapable de tenir debout sur ces machins! :)

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.