jeudi 20 avril 2023

Les séries de bonnes femmes

Je reconnais que mon titre pourra passer pour un tantinet provocant. Néanmoins, la chose existe : je veux parler de ces séries télévisées écrites par des femmes, pour des femmes, et dans lesquelles les rôles de “personnages forts” leur sont systématiquement dévolus. J'y pensais tout à l'heure à propos d'Anatomie d'un scandale, série anglaise revue ces deux soirs derniers à l'instigation de Nicolas qui en a parlé, essentiellement pour en dire un bien que je ne pense moi-même qu'à moitié – et encore.

Au centre de l'intrigue, un brillant ministre de Sa Majesté – donc, suivant la bienpensance obligatoire, un mâle dominateur, arrogant, prenant les femmes comme des kleenex et les jetant de même – nanti d'une parfaite épouse blonde et d'une jeune ex-maîtresse brune qui se trouve travailler sous ses ordres (les trois en photo ci-dessous). Au début du premier épisode, la séduite-et-abandonnée (syntagme figé) porte plainte contre son ex-amant pour viol.

(Évidemment, pour viol : la série-de-bonne-femme se reconnaît entre autre à ce que les mâles y violent à peu près aussi facilement qu'ils tiraient des coups de colt à l'époque du western. On finira par se demander si les femmes post-modernes ne ressentent pas un genre d'attirance malsaine, de délicieuse horreur, pour ces crimes-là.) 

Là-dessus, les avocats s'en mêlent. Ou plutôt : les avocates, et notamment celle qui va s'acharner sur le violeur présumé (photo d'ouverture). Car dans cette cour de justice anglaise, les femmes semblent avoir entièrement pris le pouvoir, à l'exception du vieux juge qui, sur son banc, somnole du premier épisode au dernier et ne joue rigoureusement aucun rôle discernable.

La suite des péripéties sombre rapidement dans l'invraisemblance, encore soulignée par une réalisation souvent ridicule à force d'affèterie. Ce n'est pas l'important. La seule chose qui compte est de produire une série morale. C'est-à-dire une histoire à la fin de laquelle le prédateur puissant, nanti, bourgeois, évidemment blanc (mais qu'on se rassure : son avocate est du plus beau noir, et ses cheveux rasés à la peau sont là pour nous suggérer un probable lesbianisme), sera cloué au pilori. Et, de fait, il le sera, même après avoir été acquitté par le jury : l'épouse blonde, dont il serait intolérable qu'elle se satisfît de sa position de victime, se chargera de l'exécution, au prix d'une pirouette scénaristique qui laissera rêveurs les esprits les plus enclins à l'indulgence.

Et puis, il y a la plaignante, maîtresse passionnée et ardente du ministre durant cinq mois, jusqu'à son largage. On ne se fera pas faute de nous indiquer qu'elle a fort bien pu, au début, subir l'ascendant social, moral, intellectuel, etc. de son brillant, puissant et célèbre patron ; bref, que malgré son enthousiasme charnel elle est une sorte de victime dès le départ. Et tout le monde, y compris l'avocate de l'accusé, se gardera bien de suggérer que son accusation de viol pourrait n'être qu'une simple vengeance, une réaction de dépit et de colère, se voyant rejetée comme maîtresse et, peut-être, retardée dans sa carrière politique en cessant d'être la “collaboratrice privilégiée” du ministre.

Quelle impression reste, à la fin de tout cela ? Celle d'avoir entendu se plaindre, récriminer, accuser trois femmes, trois victimes autoproclamées (car l'avocate aussi est une victime, je ne vous dis pas comment ni pourquoi) qui, finalement unies par la grande sororité victimaire, réussiront à égorger le bouc satanique qui a fait leurs malheurs – bouc qui, au fil des épisodes, en plus d'être satanique, devient de plus en plus émissaire, jusqu'à son bûcher terminal.

En un mot, une série à voir absolument, à condition d'être une femelle de combat ou un mâle déjà sérieusement déconstruit

P.S. : les accros aux séries auront reconnu dans le ministre violeur un pilier de Homeland, et dans l'avocate la fille aînée de la famille Crawley de Downton Abbey.



 

23 commentaires:

  1. Non, ça n'est tout de même pas à ce point-là ! C'est juste du post-féminisme "ordinaire", comme il y a, paraît-il, un racisme ordinaire.

    DG

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  2. Vous êtes payé combien pour cet article ?
    Et par qui ?
    Vous lecteurs ont le droit imprescriptible de savoir d'où vous parlez !
    Do you like or not ! C'est le même tarif.
    Vous n'avez pas le monopole du narratif, Monsieur Goux.
    Le Rabouilleur

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  3. Les "films de procès " sont en général très mauvais, à de rarissimes et très anciennes exceptions près, comme " Autopsie d'un meurtre", 1959, de Otto Preminger, et surtout grâce au coup de théâtre final, ce qui fait bien long; même " Le Procès Paradine", de Hitchcock, dont le scénario est de Mme Hitchcock, de David O' Selznick et du grand Ben Hecht ( excusez du peu ! ) n'est plus regardable aujourd'hui - sans doute parce que nous connaissons mal les mœurs anglaises et américaines, et leurs procédures très différentes- et même selon les États américains, et parce que ce sont des numéros d'acteurs sur du théâtre filmé: qui oserait en faire encore aujourd'hui ? ( pour les Français, une très brève pensée pour le justement oublié André Cayatte).

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  4. Généralement les lesbiennes se reconnaissent à leurs mains qui ont des ongles très courts..

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    1. Sauf chez les lesbiennes maso...

      DG

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    2. Sado, pas maso....
      RPH

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    3. Les deux me semblent assez complémentaires !

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    4. Enfin, qu'elles se débrouillent entre elles, après tout.

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  5. M'en vas tâcher de répondre point par point.

    – D'abord, je crois que nous avons bel et bien vu la même série… mais pas avec les mêmes yeux, ce qui est somme toute la moindre des choses.

    – Le héros (il l'est d'ailleurs si peu…) n'est PEUT-ÊTRE pas arrogant ni dominateur, mais tout est fait pour qu'on le pense. C'est LUI qui dit qu'il n'a jamais trompé sa femme avant son aventure avec son assistante. Mais comme on nous l'a complaisamment montré en train de dépuceler à la hussarde la camarade de chambrée de sa future épouse juste avant de rejoindre celle-ci, il est permis de mettre sa parole en doute.

    – Pour ce qui est de la scène de l'ascenseur, on nous présente deux versions radicalement opposées et sans la moindre preuve d'un côté ni de l'autre : c'est "parole contre parole", comme souvent, j'imagine, dans ce genre de cas. Sauf que, désormais, en général mais particulièrement quand il y a accusation de viol, la parole de la femme accusatrice vaut nettement plus, par décret pour ainsi dire, que celle de l'homme accusé.

    – Dans les affaires de viol, actuellement, il ne faut plus parler de présomption d'innocence, mais bien de présomption de culpabilité. C'est particulièrement criant lorsque l'homme est un personnage connu : on a vu récemment nos sœurs post-féministes se scandaliser qu'un cinéaste puisse faire appel à un acteur célèbre alors qu'il était sous le coup d'une accusation de la part de son ex-compagne. Et je ne parle même pas du rouquin de la Nupes, qui, toujours selon les bigotes du nouvel ordre moral, devrait payer durant tout ce qui lui reste de vie une gifle conjugale.

    – Nous sommes presque d'accord à propos des scènes consacrées à la "jeunesse dorée" estudiantine : oui, elles sont assez pénibles à regarder car vraiment caricaturales et convenues ; non, elles ne pouvaient pas être évitées car, justement, elles sont là pour instiller dans l'esprit du spectateur que ces types nés avec une cuiller d'argent dans la bouche s'imaginent qu'ils peuvent tout se permettre, notamment traiter les femmes comme un bétail uniquement là pour assouvir leurs instincts dominateurs.

    – Enfin, je vous trouve sévère avec la roommate oxfordienne de l'épouse : elle n'est pas moche et pas si grosse que vous le dites. (Mais c'est peut-être moi qui ai un goût de chiotte en matière de beau sexe…)

    – Voilà.

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  6. Eh ben voilà, vous avez gagné : votre "mano à mano" avec NJ m'a donné envie de voir la série, ne serait-ce que pour savoir avec lequel des deux mes goûts s'accordent. Question : où peut-on le voir ce nanar-chef d'oeuvre ? Question susbsidiaire à monsieur Arié : qu'a-t'il pensé de "Douze hommes en colère" de Sidney Lumet ?

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  7. Sur Netflix.

    (Et on est prié de ne pas relancer M. Arié lorsqu'il nous a gratifiés d'une tartine hors sujet – c'est-à-dire à peu près neuf fois sur dix !)

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  8. Je vais à mon tour répondre, mais rapidement sinon on va louper l'apéro (et comme tu dis, papi, on n'a pas les mêmes yeux, c'est ce qui fait notre charme).

    Votre troisième point, à propos de l'ascenseur. On est d'accord sur le fait que, en général, c'est l'innocence qu'il faut prouver, dorénavant, mais pas vraiment dans notre série.

    Pour le quatrième et les affaires de viol : on est d'accord mais ne le dites pas, j'ai encore un fond de crédibilité gauchiste.

    Pour le dernier point, elle n'est pas moche "dans l'absolu" mais elle ne correspond pas aux critères de beauté habituels, d'ailleurs elle est montrée comme opposition à l'héroïne, ou comme faire valoir.

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  9. Bon ben... bon apéro alors !

    DG

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  10. À Francis : oui, bien aimé; et illustre bien notre différence avec un pays où aucun magistrat n'assiste à la délibération du jury ( je crois qu'en France, c'est depuis une plaidoirie brillante de Maurice Garçon qui avait fait acquitter une femme manifestent coupable, pour diminuer le rôle de l'éloquence et revenir au droit ) et où l'unanimité est exigée, la majorité simple ne suffit pas.

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  11. À Francis, suite et fin: il n' empêche que, pour moi, et malgré quelques exceptions, le cinéma, ce sont des photos en noir et blanc qui bougent; ce n'est pas des photos de gens quasi- immobiles qui parlent, ni des photos en couleurs ( sauf les premiers Technicolor comme " Autant en emporté le vent", sans rapport avec les couleurs réelles, et encore moins les films en noir et blanc qu'on colorise comme on réécrit les romans pour les mettre au politiquement correct du jour ), ni des films en relief pour " faire plus vrai" et qui sont tous des échecs.

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  12. J'ai dûment noté votre "suite ET FIN" : vous n'auriez su dire mieux et plus juste.

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  13. C'est un avis de jégouïsation, vous m'annoncez que vous allez, vous aussi, me censurer systématiquement ?

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  14. Pourquoi poser une question dont vous avez trouvé seul la réponse ?

    Enfin, disons que ce double point d'interrogation nous fera un excellent point final.

    DG

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  15. Aujourd'hui, je boycotte presque systématiquement les films et les séries dont les personnages principaux sont des femmes. Autant dire que je ne regarde plus grand chose ! Marre de ces héroïnes courageuses, tenaces, fières, obstinées, intelligentes, sensibles, solidaires, empathiques, volontaires, intuitives, nobles, victorieuses, généreuses et justes.
    Marre des personnages masculins lâches, calculateurs, sournois, insignifiants, minables, immatures, stupides, prédateurs, obsédés et indécis.
    J'exagère ?

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    1. Je dirais que c'est un peu exagéré, mais pas trop : juste ce qu'il faut.

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  16. J'ai regardé 20 minutes de la série "Anatomie d'un scandale". Vingt minutes d'ennui relatif. J'ai éteint ma télé et me suis replongé dans le Maupassant que j'avais abandonné.

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  17. Ça me va très bien comme ça !

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  18. Qu'est-ce que j'en fais ? Je les fais languir !

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.