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mercredi 7 mars 2018

Dans le cas où certains s'inquiéteraient…






SCANNER THORACO-ABDOMINO-PELVIEN
 
INDICATION :
 
Bilan de surveillance annuelle chez un patient âgé de 61 ans aux antécédents d'adénocarcinome rénal gauche traité en 2013 par néphrectomie.
 
TECHNIQUE :
 
(On s'en fout.) 

RÉSULTAT :

Thorax :
Pas d'élément micro-nodulaire ni adénopathie médiastinale.
 
Abdomen et pelvis :
Gradient de densité hépato-splénique dans le cadre d'une hépatopathie de surcharge. 
La loge de néphrectomie gauche est libre. 
Absence de lésion hépatique suspecte. Pas d'adénopathie rétro-péritonéale. 
Un ganglion de l'arrière cavité des épiploons, de 9 mm, inchangé en comparaison à l'examen précédent.
Pas d'adénopathie locorégionale.
Calcifications pariétales de l'aorte abdominale avec une
dilatation anévrismale de l'artère iliaque commune gauche, d'aspect inchangé en
comparaison à l'examen précédent.
La vessie est en réplétion à paroi fine.
Pas de lésion proliférative intra-vésicale.
 
CONCLUSION :
 
Le scanner est superposable au précédent, pas de lésion suspecte évolutive décelée.
 
*****
 
Ma conclusion personnelle, non médicale et même pas garantie, est qu'il va vous falloir me supporter encore un peu de temps ; au moins jusqu'au scanner de l'année prochaine. Car il va de soi que, par respect envers la Faculté, je me refuserai toujours énergiquement à mourir entre deux examens qui, visiblement, se mettent en quatre pour m'être agréables.

D'autre part, j'aime beaucoup l'idée de disposer de scanners superposables, tels des lits de colonie de vacances.

lundi 10 novembre 2014

Qui n'a pas encore son docteur Bram ?


Les femmes sont ainsi : toujours secrètement envieuses de notre côté pionnier, à nous, les hommes. Ainsi, comme je l'ai raconté, je m'étais trouvé un Dr Bram, impérial sécateur de rognon superflu. Malgré la satisfaction ostentatoire qu'elle m'en témoignait, je sentais bien, chez Catherine, une sourde envie de m'égaler sur ce terrain, une soif de compétition, un désir d'en découdre. Naturellement, elle a fini par arriver à ses fins, et par ma naïve sottise, comme c'est souvent le cas dans ce cauchemar perpétuel que l'on appelle “les rapports homme-femme”, ou encore “le mariage”.

Quel démon de troisième classe m'a poussé à lui dire que mon Dr Bram était marié avec un autre –de sexe opposé : il est nécessaire, de nos jours, de le préciser –, lequel officiait en tant que tabacologue et répondait au prénom charmant d'Émilie ? Catherine en conçut immédiatement une irrépressible envie d'arrêter de fumer, ce qui est absurde, et de le faire avec l'aide de cette Émilie-là.

Elles se sont rencontrées aujourd'hui. Que se sont-elles dit ? Ont-elles parlé de moi ? Un complot est-il déjà ourdi pour me priver, moi aussi, de ce plaisir fumigène censé me niquer le rein qui me reste ? Mon Dr Bram à moi est-il au courant de ce qui se trame entre nos épouses respectives ? Sommes-nous certains qu'eux-mêmes, les Bram, ne fument pas en cachette, comme le font mon cardiologue et mon médecin généraliste, d'après certaines rumeurs insistantes ?

Et si, maintenant que nous sommes quasiment deux couples (médicalement) échangistes, les Goux invitaient les Bram à dîner, oserions-nous fumer et boire en leur présence, à cet homme et cette femme qui ont l'âge d'être nos enfants ?

samedi 15 mars 2014

50 nuances de gri-gri

Médecin français du début du XXIe siècle, affilié à une agence sanitaire reconnue d'utilité publique

Flânant presque au hasard sur les blogs, je me trouve bientôt face au quarantième billet (hypothèse basse) consacré depuis deux jours à la satanique pollution, qui, m'apprend-on, se serait abattue sur Paris telle une nuée de sauterelles casquées à l'orée des années quarante du siècle précédent. J'y tombe sur ce morceau de phrase :

une récente étude (Institut de veille sanitaire) lui attribue une amputation de 6 mois d’espérance de vie en moyenne à Paris

J'apprends déjà qu'il existe donc une veille sanitaire – j'en déduis a contrario que le sommeil sanitaire doit lui aussi avoir une existence avérée –, et qu'elle est même constituée en institut. Le reste de la phrase m'informe que, selon toute évidence, il doit s'agir de sorciers réunis en symposium, ou d'un congrès d'haruspices, voire d'une assemblée générale de marabouts. À moins qu'il ne s'agisse de pitoyables devins (what a pythie ! what a pythie !) lisant l'avenir des populations naïves dans le dioxyde de carbone, et camouflant l'inanité de leurs prédictions sous une phraséologie vaguement scientifique, afin de rassasier leur inextinguible besoin de magie. 

Si je cherche ainsi toutes sortes d'explications au fait que nul ne semble éclater de rire en lisant la phrase que j'ai reproduite plus haut, c'est parce que je me refuse à croire qu'on puisse la prendre au sérieux par le seul truchement d'une intelligence, même simplement humaine ; et que je ne vois pas comment ceux qui en recueillent pieusement l'oracle pourraient être les mêmes qui toisent avec condescendance leurs ancêtres, pour ce qu'ils prétendaient changer le plomb en or au moyen de leurs cornues et alambics.

dimanche 11 août 2013

Le radiologue, l'homme qui n'est pas là

J'ai choisi cette photo parce que c'est la plus ridicule que j'ai pu trouver ; je salue néanmoins ces deux valeureux praticiens, qui ne doivent être rien d'autre que des mannequins dont on n'a même pas voulu à La Redoute.


À Isabelle et Olivier.


D'après l'expression populaire, on va voir le docteur. De fait, la pauvre pièce de Jules Romains prouve que, généralement, le voir suffit pour être malade ou guéri, c'est selon. Le seul qu'on ne va pas voir est le radiologue. Dans un cabinet de radiologie, il est celui dont on se demande s'il existe, et aussi, in fine, à quoi il sert. Faites appel à vos souvenirs, vous verrez que je dis vrai.

Vous entrez ; êtes reçu par une fille (généralement) derrière un comptoir, qui, immanquablement, va vous demander des choses n'ayant aucun rapport avec ce pour quoi vous êtes là, devant elle, et généralement impatient de n'y être plus : votre âge, votre adresse, vos allergies ou antécédents, vos fantaisies sexuelles, ce que vous comptez manger à midi, votre série télé préférée (il se peut même qu'elle commente vos réponses et, horreur, crée un début de sympathie entre vous). Tout cela pour une radio des poumons qu'a exigée votre médecin traitant parce que vous vous êtes plaint à lui de douleurs intermittentes à l'abdomen et qu'il entend ne négliger rien des choses qui vous foutent la trouille. Cette fille n'a aucune connaissance médicale, c'est une assistante (avant, on disait : secrétaire) ; on la repère facilement au fait qu'elle a généralement un tatouage, ou un piercing, ou les deux. Elle vous remet rapidement entre les mains d'une autre jeune femme.

Celle-ci n'a pas de tatouage (ou alors caché), ni de piercing (ou alors intime). Elle n'est pas pour autant radiologue, mais son assistante – laquelle n'a, en revanche, jamais été appelée secrétaire. C'est elle qui va faire le job, comme dirait un ancien président de notre République : « Déshabillez-vous, placez-vous là, respirez… ne respirez plus… re-respirez si vous ne pouvez pas faire autrement, levez le bras gauche, cessez vos plaisanteries stupides… parfait, rhabillez-vous ! »

Ensuite, vous retournez vous asseoir sur l'une des chaises en plastique inconfortables qui vous donnent droit à une vue directe sur le visage ennuyé de la piercée-tatouée, mâchant un chewing-gum derrière son comptoir et répondant d'une voix profondément ennuyée au téléphone – ça dure ce que ça doit durer…

 Et enfin le radiologue apparaît ; il vous fait signe, vous le suivez, frétillant et soumis. Il brandit devant vous une sorte de film photographique, comportant essentiellement des ombres, plus ou moins intenses et aux contours imprécis. Son regard pétille, il ménage ses silences, on le sent en pleine montée de jouissance. Et il vous explique ce qu'il a vu, sur ce machin qu'il vous met sous le nez et que vous ne regardez même pas ; il vous rassure, il vous inquiète, vous tance, vous caresse, tout en pointant son index sur telle ou telle zone marécageuse de ce que vous refusez, en votre for intérieur, à prendre pour vos honnêtes poumons. À la fin de sa péroraison, il prononce toujours la même phrase rituelle : « Mais votre médecin vous en dira plus. »

Cela tombe relativement bien car, sachant que le radiologue n'est spécialiste en rien sauf en clichés internes, vous n'avez absolument pas écouté ce qu'il vous a débité : le radiologue est le médecin qui n'est pas là au début et qu'on n'écoute pas à la fin.

Question : que fait-il entre les deux ? Et pourquoi vient-il finalement vous casser les couilles, au risque de vous faire manquer votre déjeuner ?

vendredi 9 août 2013

L'âme du proctologue


À Grandpas.

Imaginons un jeune homme ; oui, ce jeune-homme-là, par exemple, il fera très bien notre affaire. Après avoir reçu son baccalauréat en cadeau de persévérance, à l'instar de presque tous ses camarades de génération, il s'est jugé suffisamment équipé intellectuellement, et opiniâtre au travail, pour se lancer dans des études de médecine. Il a eu raison puisque, dédaignant la médecine généraliste, tout juste bonne pour les filles et les tâcherons, il a même puisé en lui les capacités pour une spécialisation, source de profits moins à dédaigner. Et, après mûre réflexion, pesage au trébuchet de ses chances de succès ici ou là, il a choisi de devenir proctologue.

Se rend-on bien compte du gouffre qui vient de s'ouvrir là ? Sans que personne ne l'y ait contraint, n'ait exercé sur lui le moindre chantage, un jeune homme capable, savant, peut-être même brillant, a décidé un soir – à jeun, s'il se trouve – que, durant les quarante années qui s'étendaient devant lui, il ne s'occuperait plus que de trous du cul. Et de trous du cul malades. Que ses deux principaux vecteurs de connaissance seraient désormais son index et son pot de vaseline. Le vertige n'est pas loin, reconnaissons-le. En regard de ce qui a finalement conduit notre jeune homme à vouer sa vie en toute exclusivité à cet étrange, et généralement invisible, diaphragme charnu, à côté de cela, de ce maelstrom effrayant, la tempête sous le crâne de Jean Valjean fait figure de gentil clapotis de rivière provinciale.

Le proctologue est assurément l'homme d'une seule idée, c'est peut-être sa grandeur ; il est l'archer qui ne voit ni ne désire plus rien d'autre que sa cible minuscule et comme frémissante. À côté de lui, le gastro-entérologue semble faire preuve d'une dispersion fâcheuse, à passer comme il fait d'un étage à l'autre de l'appareil digestif. Le gastro-entérologue est l'esprit léger et volatil qui se contente de parcourir négligemment la table des matières, quand le proctologue ne veut travailler que sur la matière même. Le proctologue est au gastro-entérologue ce qu'est le hérisson au renard : l'un connaît beaucoup de choses, mais l'autre sait une chose importante.

Ou bien c'est un timide, un trop-sensible qui a compris dès le départ qu'il ne pourrait jamais trouver en lui la force de contempler la souffrance sur le visage des hommes ; et qui, pour cela, en toute humblesse d'esprit, s'est réfugié à leur face cachée, celle qui ne s'exprime que par des brises brèves et de soudaines rétractations craintives.

Et si, au bout du compte, le proctologue était un cœur d'artiste emprisonné en la blouse d'un homme de science ? Il possède en tout cas une âme esthète : peu lui chalent les processus obscurs de la naissance, de l'élaboration et des métamorphoses ; seul retient son attention l'œuvre ultime. Le proctologue est l'homme des produits finis. Il se tient, tel un veilleur d'outremonde, aux confins de notre destinée humaine.

(À présent, relisez ce texte en remplaçant partout “jeune homme” par “jeune fille” : c'est là que vous commencerez vraiment à avoir peur.)

jeudi 8 août 2013

De la grande muflerie des urologues


Mail adressé à Michel Desgranges, il y a quelques instants. Je me suis dit que ça ferait plaisir à tout le monde d'être tenu au courant de mon “actualité estivale”… Donc, voici :


Cher Michel,

les urologues sont décidément gens fort mal éduqués. Ainsi, celui que j'ai rencontré ce matin : alors que nous ne nous connaissions d'Ève ni d'Adam, il m'a d'emblée introduit une mini-caméra (ou quelque autre instrument optique : je n'étais pas en position de me rendre compte) dans la bite, avant de me mettre l'un de ses doigts dans le fondement. Tout cela sans un bisou, pas le moindre regard de tendresse, rien. Le temps des fêtes galantes est bien terminé, je vous le dis !

Blague à part, on dirait que ma vessie va plutôt bien, et ma prostate n'a pas l'air de poser de problème non plus, à ce stade. Le scanner se montrera peut-être plus bavard, lundi en fin de matinée. Verdict mardi après-midi, dans le bureau de l'urologue mal élevé et anti-préliminaires : je vais tenter de survivre jusque-là. En attendant je ne pisse plus la moindre goutte de sang, mes mictions sont redevenues aussi transparentes que leur malheureux auteur ; comme si le vent de révolte qui soufflait sur l'appareil uro-génital avait décidé d'un repli stratégique sur des bases préparées à l'avance, face à l'arrivée des troupes de la Faculté sur le champ de guerre – lequel repli n'est peut-être que stratégique, et prélude à de prochaines attaques foudroyantes et vicieuses. Heureusement l'intendance suit et les vivres ne manquent pas.

Quant aux troupes elles-mêmes, leur transport vers Levallois ayant été provisoirement suspendu, elle arborent un moral aussi ensoleillé que le jardin où elles bivouaquent – en un mot, le pisseur de copie fait retraite cependant que le pisseur monte au front.. Vous serez bien entendu le premier à recevoir le bulletin de la bataille dès que celle-ci aura eu lieu.

Amitiés,

Didier G., uro-discriminé