« Et puis je suis devenu un homme. En fait, j'avais quarante ans. Je me suis rendu compte que je voyais l'âge de quarante ans d'un point de vue d'enfant.
– Je connais cela, dis-je. C'était l'âge de mon père, quarante ans. Tous les pères avaient quarante ans. Je lutte sans cesse contre l'idée que j'approche de son âge. En tant qu'adulte, je n'ai eu que deux âges. Vingt-deux ans, et quarante. J'ai eu vingt-deux ans jusque bien au-delà de trente. Maintenant j'ai commencé à en avoir quarante, deux ans avant l'événement véritable. Dans dix ans, j'aurai toujours quarante ans.
– C'est à votre âge que j'ai commencé à sentir la présence de mon père en moi. C'étaient des moments irréels.
– Vous sentiez qu'il vous occupait. Je sais. Tout à coup il est là. On a même l'impression de lui ressembler.
– Des moments très brefs. J'avais le sentiment d'être devenu mon père. Il m'envahissait, m'emplissait.
– Vous entrez dans un ascenseur, et voilà que vous êtes lui. La porte se referme, et c'est fini. Mais désormais vous savez qui il était.
– Demain, dit Kathryn, nous ferons les mères. »
Don DeLillo, Les Noms, Babel, p. 111-112.
Des moments très brefs. J'avais le sentiment d'être devenu mon père. Il m'envahissait, m'emplissait.
RépondreSupprimerDe l'intérêt de bien choisir son père.
Haha il est bon le Fredo ! Mais c'est ceux qu'on a eu qui vous envahissent - ceux: le père et la mère , justement.. les vrais pas ceux qu'on choisi.. ceux " il faut faire avec" avec les yeux verts, la barre des sourcils et les pommettes hautes ; mais aussi la façon de marcher, et bientôt la façon d'être ailleurs et de penser toujours à autre chose....Geargies
RépondreSupprimerfredi,
RépondreSupprimerFaire de l'humour et constater qu'il est tombé à plat !
Sacré Geargies !
Je compatis.
Très beau texte. Mais la barre des quarante ans me paraît controuvée. C'est surtout à la mort du père que, petit à petit, celui-ci s'installe dans le fils.
RépondreSupprimerJ'ai posé ma main sur la table et j'ai vu la main de mon père.
RépondreSupprimerDucran : pas si sûr. Peut-être que l'on devient conscient de sa présence après sa mort, ça oui, mais il est possible que, s'il s'installe aussi facilement alors, c'est parce qu'il y a déjà eu quelques “coups de sonde” avant, des invasions fugitives, celles dont parle justement DeLillo.
RépondreSupprimerTenez, s'il vous prend l'envie de fuir le père.
RépondreSupprimerfredi,
RépondreSupprimerContinuez dans cette voie et bientôt plus personne ne pourra rien faire pour vous !
Et puis à supposer que Pangloss suive vos conseils, il en fait quoi de la main de son père ?
Mildred: on ne peut plus rien pour moi depuis longtemps.
RépondreSupprimerOui Didier, vous avez raison. Cela se fait aussi insidieusement. Et on a beau dire, la dimension génétique joue un rôle, comme Barrès n'a cessé de le dire, parce qu'il l'éprouvait lui-même chaque jour. Il savait qu'il survivrait dans son fils Philippe, par exemple. Cela remet quand même un peu en question notre notion d'individu hérité des lumières.
RépondreSupprimerMildred,
RépondreSupprimerSi le père était un zouave, il peut toujours la mettre dans la culotte de sa soeur.
40 ans ce n'est pas si terrible, 50 ans ça commence à le faire et pour la présence c'est au décès de celui ci que l' on comprend son importance.
Le plus triste c'est q'un père ne sait jamais si l’éducation qui l'était censé transmettre ou offrir à son fils a réussi.