Le monde créé par Balzac est à ce point riche, foisonnant, vivant, qu'il
n'est presque plus besoin de s'y rendre pour en tirer du plaisir, des
émotions, du dépaysement. Se replonger, par exemple, dans
l'irremplaçable essai de Félicien Marceau, Balzac et son monde,
revient à regarder un excellent documentaire sur la Toscane quand on
aime plus que tout la Toscane : cela procure évidemment des bonheurs bien
moindres que de retourner à Florence ou à Sienne, mais on peut le faire
de son fauteuil et, de ce fait, ne pas manquer le dîner familial. Le
danger du documentaire, évidemment, surtout s'il est admirablement fait,
c'est de vous faire vous précipiter sur le site de la première agence
de voyage venue pour y réserver hôtel et billets sans même passer par
celui de votre banque, qui serait seul capable, par les sommes négatives qu'il vous présente, de vous dissuader.
Tiens, vous revenez à vos amours, sans passer par Duras.
RépondreSupprimerComme disait Barrès, en période de crise il convient de se replier sur ses minima.
SupprimerMoi je dirais plutôt : se recentrer sur ses fondamentaux.
Supprimer"Le danger du documentaire, évidemment, surtout s'il est admirablement fait, c'est de vous faire vous précipiter sur le site de la première agence de voyage venue pour y réserver hôtel et billets..."
RépondreSupprimerC'est tout à fait ça. D'ailleurs Balzac est si grand que quoiqu'on lise on a envie d'y retourner. C'est qu'il est toujours là, présent et la moindre étincelle ne fait que raviver le feu.
Eh bien, disons que je suis cerné par les étincelles, depuis quelques jours ! Et question corollaire : lequel relire ? Mais bon sang, lequel relire ?
SupprimerC'est que son œuvre est peut-être la seule qui se présente avec ce sentiment si fort de la densité, de la compression. Elle ne présente aucun espace libre. "Tout s'enchaine, tout communique." écrit-il. Y pénétrer c'est ne plus pouvoir y ressortir.
SupprimerBalzac est une prison.
Lequel relire ?
SupprimerLa question n'a bien entendu pas de sens. N'importe lequel.
N'importe lequel, ou bien La Rabouilleuse. À moins que Modeste Mignon...
SupprimerMais pour ne pas donner l'impression de me défiler.
RépondreSupprimerAdieu
C'est court, beau et incroyable.
Peut-être "La Peau de chagrin", le seul roman ( à ma connaissance) fantastique de Balzac, son roman le plus métaphysique, qui aborde les questions du Temps et de la jouissance, tout en décrivant de la façon la plus réaliste la naissance du journalisme moderne comme outil de propagande, thème repris et déployé dans "Les Illusions perdues".
RépondreSupprimerParler de la Toscane à une pauvre malheureuse qui a une vue de la fenêtre de son bureau sur la porte d'italie et l'avenue de Fontainebleau, c'est de la cruauté mentale !
RépondreSupprimerFélicien Marceau, ce n'est pas lui qui a écrit "l'oeuf" ? une pièce extrêmement cruelle et très fine
Et perler d'une vue de la fenêtre de son bureau n'est-ce pas une torture mental pour les trois miyons de chômeurs qui lisent Didier Goux ?
Supprimer-)
je ne veux faire de peine à personne !
SupprimerJe conseille de relire la comédie humaine transcrite en javanais. Cela renouvelle complètement le regard.
RépondreSupprimerHormis toutes les conneries qu'on raconte ici sur la disparition de ceci ou de celà, les grands bouffés par les petiots, le monde qui fout le camp, les théories et autres supputations de niveau très obscur, j'aime Balzac. Le gars avait sa petite idée du monde et il faisait un peu l'usurier avec. La biographie de Zweig en est le monument !
RépondreSupprimerOui, d'accord avec toi pour Zweig ; mais celle de Maurois est très bien aussi. Quant à l'essai de Marceau dont auquel je fais allusion dans le billet, c'est vraiment remarquable.
SupprimerPas lu le Maurois, alors que j'aime beaucoup son travail !
SupprimerEh ! c'est bien ce que je disais : aussitôt chacun y va de son titre, et ce n'est jamais le même !
RépondreSupprimerD'accord avec P/Z, Adieu est la plus belle des nouvelles du cycle napoléonien qui sont toutes magnifiques.
RépondreSupprimerBon, bon, je vais la relire !
SupprimerPour moi c'est Illusions perdues.
RépondreSupprimerPour toutes les raisons du monde.
Je serais assez d'accord avec vous, également pour toutes sortes de raisons. Mais enfin, j'ai dû les au moins quatre fois, ces fichues Illusions, je ne vais pas replonger dedans tout de même !
SupprimerQuoique…
"Quand on a lu tout ce qui existe de La comédie humaine, il faut recommencer parce que l'on n'a pu avoir qu'une appréhension superficielle des récits par lesquels on a commencé."
RépondreSupprimerMichel Butor.
Je souscris des deux mains, natürlich : ma deuxième lecture complète de La Comédie humaine fut en effet bien plus riche et passionnante que la première.
SupprimerAh, oui P/Z !
RépondreSupprimerJ'ai abordé Balzac quand j'avais quatorze ans, avec "La Peau de Chagrin". Le professeur de français nous l'avait résumé en cours et j'ai lu ensuite "Louis Lambert" en sautant rageusement les pages et j'ai décrété que Balzac c'était vraiment trop chiant, impression partagée par le reste de la classe. On étudiait alors "Le Père Goriot". Vous y reviendrez, avait promis le professeur.
Louis Lambert (ainsi que Séraphîta) me tombe des mains encore aujourd'hui, alors à 14 ans…
SupprimerA 14 ans mes deux auteurs préférés étaient Balzac pour La fille aux yeux d'or et Alan Klaern pour l'ensemble de son œuvre.
Supprimer(mais qui connait encore Alan Klaern).
« (mais qui connait encore Alan Klaern) »
SupprimerPô moué, en tout cas !
Tiens c'est curieux. J'aurais cru, question de génération.
Supprimerhttp://ruinescirculaires.free.fr/index.php?q=Eur%E9dif
Ah, mais alors ça change tout ! J'ai acheté moi-même des dizaines de volumes Aphrodite, notamment lorsque je prenais le train (c'est bien le moins…) pour rentrer chez mes parents, vers 1976 - 1978. Mais j'avoue ne jamais avoir mémorisé les noms des auteurs, qui de toute façon ne devaient être que pseudonymes d'écrivains en bâtiment.
SupprimerAh quand même !
Supprimer"J'ai abordé Balzac quand j'avais quatorze ans..."
SupprimerAh secrète étrave du cours de "Français" qui vous enfonce hymen et fontanelles, ouvre les voies, libère les eaux et, déjà, appelle l'apaisement des couches.
(Je précise que mes camarades de classe et moi avions trouvé passionnant "La Peau de chagrin")
RépondreSupprimerPeut-être reliriez-vous Louis Lambert avec un autre oeil si vous saviez qu'il y raconte son enfance?
RépondreSupprimerPlus fondamental que l'enfance, à part la conception, je ne vois pas...
Je sais très bien qu'il parle de son enfance : tout le monde le répète partout depuis un siècle et demi ! Néanmoins, je demeure totalement hermétique aux swedenborgeries de Balzac.
SupprimerIl faut avouer que ce n'est pas son meilleur (comme chacun sait Balzac n'est pas très bon pour les idées...c'est Alain qui parlait de la bêtise de Balzac : "Ce qui étonne dans Balzac, et ce qu'il fait qu'il règne absolument sur les romanciers, c'est que la pensée n'y prend jamais la forme triomphante d'une idée. J'oserais dire que toute pensée en Balzac reste bête, même la sienne (...)Mais on ne trouvera pas dans toute l'oeuvre un seul discours qui ne porte la marque de l'homme par une confusion respectée (...). Et par là j'aperçois que son génie consiste à s'installer dans le médiocre, et à le rendre sublime sans le changer. Cette autre dimension des pensées en profondeur, sans aucune clarté extérieure, est remarquable aussi dans Skakespeare. On n'est pas accoutumé à la trouver dans le roman, ou l'analyse ne cesse d'exténuer la nature. En Balzac il me semble que l'analyse épaissit la nature."
SupprimerP/Z, j'aime beaucoup ce principe, dans lequel l'homme ne se considère pas comme le roi de la nature, dans lequel il ne profite pas d'avoir une tribune pour se couvrir de louanges. Du coup, Balzac est-il quelqu'un de humble? Le portrait sommaire que vous faîtes de lui en fait quelqu'un de très respectable je trouve. Le genre de qualités qu'on aime trouver chez quelqu'un.
SupprimerLequel relire ? Eugénie Grandet, pour ça par exemple, qui fera mentir et P/Z et Alain :
RépondreSupprimerA force de rouler à travers les hommes et les pays, d'en observer les coutumes contraires, ses idées se modifièrent et il devint sceptique. Il n'eut plus de notions fixes sur le juste et l'injuste, en voyant taxer de crime dans un pays ce qui était vertu dans un autre. Au contact perpétuel des intérêts, son coeur se refroidit, se contracta, se dessécha. Le sang des Grandet ne faillit point à sa destinée. Charles devint dur, âpre à la curée. Il vendit des Chinois, des Nègres, des nids d'hirondelles, des enfants, des artistes ; il fit l'usure en grand. L'habitude de frauder les droits de douane le rendit moins scrupuleux sur les droits de l'homme