lundi 16 mars 2020

Les puissants remous du Don paisible

Le Don paisible, film de Sergueï Guerassimov, 1958, d'après le roman de Mikhaïl Cholokhov*.

C'est assurément un roman remarquable, ce Don paisible. Les personnages principaux, et même les secondaires, ont du relief, sont capables d'évoluer au fil du récit, se montrent attachants et bien différenciés malgré leur nombre et leurs noms à peu près impossibles à retenir. De plus, leurs destins individuels sont fortement et habilement intriqués dans l'histoire-avec-un-grand-h. Du reste, comme il s'agit de la lutte finalement malheureuse de ces pauvres Cosaques contre les bolchéviques, je ferais mieux de parler, en ce qui les concerne, de l'histoire avec une grande hache.

Mais elle est bien là, cette histoire, qui emporte tout le monde et chacun, qui ballotte les protagonistes sans que, jamais, le lecteur ne les perde de vue. Histoire profondément mélancolique, le lecteur sachant bien que, au bout du compte, il ne sortira que des vaincus de cette lutte des Cosaques contre les rouges, puisque, en ces années 1918 – 1922, c'est la Russie entière qui est en train de basculer dans les ténèbres dont elle mettra 70 ans à s'extraire – et dans quel état. 

De plus, tout le roman (enfin, cela dit, je viens seulement d'en passer la moitié…) baigne dans un climat de sensualité âpre. Sensualité entre les humains, bien sûr, empreinte d'une sorte de romantisme brutal, si je puis me permettre d'accoler ces deux termes, mais également sensualité des paysages, des saisons, des ciels, des travaux et des jours. Avec, unifiant le tout, cet immense fleuve, le Don, aussi immuable que perpétuellement changeant, telle la destinée des hommes. 

Il n'empêche : plus de 1300 pages, environ quatre millions de signes… ça frise l'impolitesse ! 


* Il existe toute une polémique, née pratiquement en même temps que le livre, à propos de l'auteur réel du Don paisible, dont il semble en effet peu vraisemblable qu'il pût s'agir de ce Cholokhov, écrivain honoré par le régime soviétique, qui a pourtant obtenu le prix Nobel pour l'avoir publié sous son nom. C'était en tout cas l'avis, bien argumenté, d'une part du fameux dissident Roy Medvedev, et d'autre part d'Alexandre Soljénitsyne. On trouvera toutes les pièces du dossier dans les tiroirs de Dame Ternette. De toute façon, près de cent ans après sa publication, peu importe finalement l'auteur réel : il nous reste un roman puissant et prenant.

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