Comme ce billet du 14 février 2011 – pur hasard, évidemment –
redevient d'actualité (façon de parler, espère-t-on pour Leurs
Éminences…), je crois bon de le proposer derechef aux foules admiratives
et ferventes. Le voici :
Le 22 août 1241, meurt
Grégoire IX, pape âgé de 96 ans – comme quoi le catholicisme conserve
davantage et mieux que la révolution : voyez Saint-Just. Jusqu'à son
dernier souffle, Grégoire IX aura fait preuve d'une énergie indomptable
pour combattre l'empereur Frédéric II à qui il a toujours voué une haine
féroce. Quoi qu'il en soit, lui disparu il faut réunir en conclave des
cardinaux par ailleurs déchirés entre partisans d'une paix rapide avec
Frédéric II (excommunié depuis déjà quelques années par le terrible
vieillard) et bellicistes à tous crins. Comme les choses menacent de
traîner en longueur, le sénateur unique de Rome – véritable dictateur,
en fait –, Mathieu Orsini, qui veut, lui, un pape dans les meilleurs
délais, prend les choses en main. Et le conclave vire au cauchemar gore, si l'on en croit Ernst Kantorowicz :
«
Immédiatement après la mort du pape, Mathieu Orsini fit saisir les
cardinaux par les hommes de sa gardes qui les traînèrent au lieu du
scrutin, “comme des voleurs dans un cachot”. Les brutalités commencèrent
aussitôt : les cardinaux furent poussés à coups de pied et à coups de
poings. Un cardinal, déjà perclus, fut jeté à terre et traîné par sa
longue chevelure blanche sur les pierres pointues des rues étroites, si
bien qu'il arriva tout en sang dans le local de délibération, dont les
portes se fermèrent alors sur lui pour longtemps. »
Au moins imagine-t-on le local en question comme une majestueuse salle toute ruisselante d'ors et de pourpre. On a tort :
«
(…) c'était une ruine en forme de tour qui, tout récemment encore,
avait particulièrement souffert des tremblements de terre. Les dix
cardinaux n'y disposaient que d'une pièce, abstraction faite d'une niche
latérale. Les hommes d'armes du sénateur tenaient les prélats dans un
isolement tellement strict que leur séjour ressemblait plutôt à un
emprisonnement. En dépit de fortes gratifications, distribuées aux
soldats pour les soudoyer et acceptées par eux, ni les serviteurs ni les
médecins, qui ne tardèrent pas à devenir très nécessaires, ne furent
autorisés à pénétrer chez les cardinaux. Toute la construction était
délabrée et, à travers les fentes du plafond, c'était moins la pluie qui
coulait goutte à goutte qu'un infect purin, car les gardes qui
dormaient au-dessus de la salle du conclave utilisaient, par manière de
plaisanterie, le plancher endommagé comme latrines. Au moyen de tentes
improvisées, les cardinaux gardaient passablement propre et au sec
l'endroit où ils dormaient, mais, sans vouloir ici entrer dans les
détails, la puanteur qui régnait dans le local du conclave, outre la
chaleur favorable aux fièvres du mois d'août romain, la mauvaise
nourriture, l'interdiction d'une assistance médicale et les brimades
infligées par les hommes d'armes eurent en peu de temps pour résultat
que, des dix cardinaux, presque tous tombèrent gravement malades et que
trois d'entre eux moururent des suites de leur internement. »
L'enfer
va durer deux mois pleins. Finalement, les cardinaux épuisés,
agonisants pour certains, élisent l'un d'entre eux, le Milanais
Godefroy, qui prend le nom de Célestin IV… et meurt 17 jours plus tard
des suites de ce conclave – encore plus fort que Jean-Paul 1er.
Tout était à recommencer.
C'est pas pour me vanter, mais c'est une belle photo.
RépondreSupprimerC'est absolument scandaleux : vous avez supprimé votre billet de 2011 (je l'ai bien retrouvé dans le "cache" de google). Je voulais y piquer un commentaire intelligent et le copier ici ce qui fait que j'aurais fait un commentaire intelligent pour la première fois dans ce blog.
RépondreSupprimerDe mémoire, Grégoire IX avait été le tuteur de Frédéric II, mais il avait peu apprécié le style et l'émancipation de son pupille. Finalement Hollande et son humour sont assez petits joueurs.
RépondreSupprimerRien à voir avec ce billet mais ça me revient d'un coup, ce serait dans la rubrique "mariagepourtoussss" (de quoi tousser, effectivement).
RépondreSupprimerBref, Nougaro était un visionnaire quand il chantait "Le coq et la pendule".