dimanche 25 octobre 2020

Simenon ou les petites cases de la mémoire


 J'ai lu les quelque deux cents romans “patronymiques” de Simenon dans les dernières années quatre-vingt et les premières quatre-vingt-dix. Ma mère, alors, était cliente d'une sorte de club du livre qui s'appelait – et s'appelle sans doute encore – France-Loisirs. Ce sont ces gens qui, vers 1988, avaient au la bonne idée de reprendre les œuvres romanesques complètes, parues auparavant chez Omnibus : vingt-cinq volumes, contenant en moyenne huit romans chaque, publiés à raison de deux par catalogue trimestriel. J'ai donc lu ces deux cents romans à raison de seize par trimestre, ce qui fait que la totalité a dû m'occuper, par intermittence, environ trois ans.

Les reprenant ces jours-ci, j'ai pu constater que ces romans (hors Maigret, je le précise) pouvaient être classés en trois groupes distincts. Il s'agit d'un classement tout personnel et qui n'a absolument aucun caractère littéraire, ni même d'appréciation qualitative. 

Le premier groupe, d'assez loin le moins fourni, est constitué par les romans dont l'histoire, ou au moins sa trame, m'est restée présente à la mémoire. La Neige était sale, Les Anneaux de Bicêtre, La Fuite de Monsieur Monde, Les Fantômes du chapelier en sont quelques exemples.

Le deuxième groupe, d'assez loin le mieux fourni, est celui des romans dont j'ai totalement oublié de quoi ils pouvaient bien parler, mais dont le titre m'est demeuré familier. Par exemple, si quelqu'un, au débotté, me dit : Il y a encore des noisetiers, ou bien : La Cage de verre, ou encore : La Marie du port, le nom de Simenon me viendra immédiatement aux lèvres, mais je resterai incapable de dire en quoi ces romans peuvent bien consister.

Enfin vient le troisième groupe, celui des romans dont même le titre m'est devenu absolument opaque. Ce fut le cas hier avec Le Bilan Malétras : j'avais beau chercher (chercher quoi d'ailleurs ?), ces trois mots me restaient totalement étrangers, comme si je les lisais pour la première fois. Or, je le redis, cela n'a rien à voir, cet oubli partiel ou complet, avec la qualité du livre lui-même. Par exemple, ce Bilan, relu hier donc, est un roman remarquable, et le personnage de Jules Malétras est certainement  l'un des plus énigmatiques que Simenon ait créés ; partant, l'un des plus frappants. Du coup, je me suis dit que, si je dois persévérer dans mes relectures simenoniennes, je devrais plutôt me concentrer sur les romans de la troisième catégorie. Avec l'espoir que, dans dix ans, ils auront sauté de la troisième à la deuxième catégorie, voire à la première. À moins que, d'ici là, Alzheimer ait accompli son office, et que ces deux cents livres aient tous versé comme un seul homme dans le puits sans fond du troisième groupe.

 

vendredi 16 octobre 2020

¡ Papacito, si !

 

 

 Vingt minutes de bonne humeur et d'idées saines…

 

mardi 13 octobre 2020

Simenon m'était conté


 J'arrive à la fin du Testament Donadieu, roman parfait à mon sens. Et se pose la question : comment peut-on encore se livrer à de pieuses génuflexions devant les romans d'un Sartre, d'un Camus, d'un Gide, d'un Mauriac, alors que Simenon existe ? C'est pour moi un mystère. Gide, encore lui, avait entièrement raison : « Je tiens Simenon pour un grand romancier : le plus grand peut-être et le plus vraiment romancier que nous ayons eu en littérature française aujourd'hui. » Cela dit, il faudrait savoir si, ce disant, Gide était sincère : avec lui, on ne peut jamais être sûr…

Donc, à moins d'imprévisible bifurcation vers autre chose, de l'une de ces embardées aléatoires dont je suis assez coutumier, je crois que je vais rester avec le Belge un petit moment. Déjà surgissent d'autres titres, que j'ai envie de relire : Les Anneaux de Bicêtre, La Neige était sale, Betty, La Fuite de monsieur Monde, Lettre à mon juge… De plus, le temps qu'il fait ici depuis quelques jours – vent et pluie, petit froid humide – est idéalement simenonien.


mardi 6 octobre 2020

Perrette et le Cygne Noir


 Qui lit les ouvrages * de Nassim Nicholas Taleb ? Énormément de gens de par le vaste monde, et moi au Plessis depuis quelques jours. Et D'abord qui est-il, ce Taleb ? Comme je n'ai guère envie de condenser et rewriter Wikimachin, je vous y renvoie. Personnellement, et bien qu'étant encore loin d'avoir tout lu, je conseillerais de le découvrir avec celui de ses livres qui s'intitule Le Cygne Noir. Surtout si, comme moi, vous êtes d'une ignorance totale pour tout ce qui touche à la Bourse, aux mécanismes financiers, à l'univers des traders, etc., et qu'en plus tout cela vous rebuterait plutôt : le premier livre de Taleb, Le Hasard sauvage, s'y réfère beaucoup plus souvent que celui qui vient après (ce qui ne l'empêche pas d'être passionnant, Taleb s'appuyant sur ses exemples tirés de la finances pour élargir et élever considérablement son propos).


Qu'est-ce qu'un Cygne Noir ? Pour Nassim Nicholas Taleb, il s'agit d'un événement présentant trois caractéristiques essentielles : 

1) il était, avant de se produire, totalement inattendu et imprévisible,

2) il a des conséquences extrêmement importantes – aussi bien positives que négatives selon les cas (voire les deux mélangées),

3) il est possible de l'expliquer et de le justifier, mais seulement a posteriori, et souvent avec une certaine dose de mauvaise foi ou de simple aveuglement sur ses propres capacités.

Par exemple, l'un des plus énormes Cygnes Noirs à avoir surgi en notre monde ces dernières décennies est très probablement Internet. Il est possible que le petit Chinois en soit un également, mais je crois avoir lu que Taleb pensait que non. À voir, donc.


En tout cas, il m'est apparu ceci, qui me semble amusant, que l'une des descriptions littéraires de Cygne Noir les plus connues – en tout cas d'un public français –  nous avait été donnée voilà trois siècles et demi (en gros) par Jean de La Fontaine. C'est bien entendu La Laitière et le pot au lait. Et, en effet, l'histoire qui nous est contée là satisfait bien aux trois exigences posées par Taleb :


1) Événement inattendu et imprévisible : Perrette étant laitière, on suppose qu'elle a déjà, et de très nombreuses fois, transporté des pots de lait de sa ferme à la ville sans le moindre encombre. Elle connaît le chemin comme sa poche, elle manie le pot comme pas une, elle a pris la peine – nous dit La Fontaine – de se chausser de souliers à talons plats, etc : il ne peut rien lui arriver.


2) Conséquences très importantes : Bien sûr, puisque, ce simple renversement de pot détruit de fond en comble tous les projets échafaudés par la pauvre Perrette – projets qui, sans cela, auraient été parfaitement raisonnables – et que, désormais, c'est un avenir tout différent qui l'attend.


3) Explicable a posteriori : Il l'est si évidemment que La Fontaine le fait lui-même, en nous disant que, excitée par ses projets, Perrette saute de joie sur le chemin, et c'est ainsi que se trouve le lait renversé. Des perrettologues distingués pourront aussi établir que si elle ne s'était pas mise à rêvasser en marchant, elle aurait vu le caillou sur lequel son pied, etc. Et ils finiront par conclure, de ce ton docte qui est presque toujours celui des ———ologues, que Perrette, finalement ne pouvait que renverser son pot. Et que cette fatalité, étant désormais toute scientifique, n'avait rien à voir avec un quelconque… manque de pot.


Quoi qu'il en soit de Perrette et de ses rêves lactés, lisez donc Nassim Nicholas Taleb : c'est une source de grande jubilation intellectuelle, ses livres étant infiniment plus riches que le misérable aperçu que je viens d'en donner.


* Les livres de Taleb sont disponibles en français aux éditions des Belles Lettres.


jeudi 1 octobre 2020

Yes, I Will !

 

Shakespeare a inopinément franchi la Manche en septembre.

Il fut accueilli ici à bras ouverts.