mercredi 31 mai 2023

À la recherche de Jean Santeuil


 Le jeune Marcel P. a fait une apparition chez nous en mai.

dimanche 28 mai 2023

Camus, Houellebecq et le Zébulon criticomane


 Expérience éprouvante – mais heureusement de plus en plus en plus rarement tentée –, je viens de lire coup sur sur coup quatre ou cinq des indigestes tartines du Zébulon criticomane Juan Asensio, dont celle qu'il consacra (en apparence car, comme d'habitude, le point d'appui qu'il prend sur tel ou tel écrivain n'est guère là que pour lui permettre d'étaler en phrases molles et amphigouriques ce qu'il croit être, ce grand naïf, sa culture) au dernier roman de Michel Houellebecq, Anéantir. En réalité, sur le fond, je serais plutôt d'accord avec les critiques qu'il formule, du moins certaines d'entre elles, si, pris par son désir de faire le malin, de jouer les anges exterminateurs, il ne poussait les dites critiques jusqu'à l'imprécation vide… mais bruyante.

Du reste, ce n'est pas cela qui m'a amusé et qui justifie que je parle ici de ce cuistre, finalement assez folklorique. Au beau milieu de son pavé gras, Asensio ne résiste pas au plaisir gamin de taper sur la tête de l'une de ses figures obsessives préférées, j'ai nommé Renaud Camus. Pour montrer à quel point le maître gersois est bien une vieille baderne ne comprenant rien à rien, ni l'inverse, il cite un extrait de ce que disait Camus, dans son journal, à propos de Houellebecq :

« Je ne comprends pas – écrivait donc Renaud Camus – les gens qui trouvent que Michel Houellebecq n’a pas de style. Faut-il qu’ils manquent d’oreille ! Houellebecq a le style imperturbable, c’est bien différent — le style Buster Keaton, deadpan, pince-sans-rire, tongue-in-cheek. En fait c’est un des tons les plus difficiles à trouver et surtout à garder, à tenir sur la distance. Lui s’acquitte de cet exercice de haute voltige avec une virtuosité sans égale, qui forcément se doit de rester discrète, comme tout le reste : il y a là une contradiction dans les termes, cette maestria pataude, qui fait toute la tension de la phrase et de la page, page après page (je suis en train de lire Sérotonine). Un autre avantage, c’est un effet comique permanent. On connaissait l’Apocalypse en riant, voici la dépression planétaire à se tordre : plus c’est triste, plus c’est drôle ; plus c’est désespéré et désespérant, plus on s’amuse. »

Et c'est ainsi que la massue qu'il levait bien haut pour fracasser le crâne du monstre de Plieux retombe implacablement sur le gros orteil de Juan Asensio. Car les quelques lignes de Camus que ce lourdaud cite pour s'en moquer sont d'une parfaite justesse et témoignent, dans leur concision et leur finesse, de la compréhension que peut avoir un écrivain d'un autre, sitôt qu'il le lit avec… de l'oreille.

Mais comment voudrait-on que Juan Asensio ait encore de l'oreille, lui qui, depuis au moins vingt ans, n'a jamais cessé un seul jour de hurler ?

samedi 27 mai 2023

Le plus couillu des deux…


 Irrésistible Edwy Plenel, qui passe son temps à faire des moulinets avec son épée de Zorro mediapartique, mais qui se réfugie en pleurnichant entre les bras de la police parce qu'une fille lui a tiré les cheveux à la récré. On espère au moins que cette femelle en furie ne lui aura pas, en plus, fait couler le maquillage.

En tout cas, respect et admiration pour Maïwenn : il était déjà fort beau de sa part d'avoir eu le cran de faire tourner Johnny Depp, en dépit des criailleries de la volaille moitaussi rongée par son envie du pénal, et de s'afficher ensuite avec lui à Cannes. Mais cette montée de marches n'était encore rien à côté de la traversée de restaurant qu'elle s'est offerte, pour aller sans hésitation ni crainte infliger une nasarde à la moustache stalinoïde, qui s'est aussitôt mise à couiner pour la plus grande joie des petits et des grands.

Quelques âmes naïves s'étonneront peut-être de ce que les pasionarias de moitaussi n'aient pas applaudi la cinéaste des deux mains plutôt que de la vouer aux gémonies : après tout, qu'une femme se rebiffe ouvertement et physiquement contre un mâle blanc de plus de cinquante ans qui l'avait malmenée, voilà qui aurait dû réjouir ces amazones.

Naïveté en effet : pour que les diverses officines de ces tricoteuses new age continuent à prospérer, il importe que les femmes soient victimes, toujours victimes, entièrement et seulement victimes. Et elles voient bien que quand l'une d'elles refuse de jouer le jeu et de sangloter en mesure, c'est le brin de laine qui sort du pull et menace de le détricoter entièrement.

Si, pour aggraver le tout, la brebis hautement galeuse possède des talents dont elles-mêmes restent fort dépourvues, la panique menace.

Et c'est comme ça qu'on se retrouve toutes ensembles au chevet d'un vieux flic à la lippe embroussaillée qui, se voyant ainsi choyé et dorloté, lâche de plus belle la bonde à ses pleurs, victime d'une sorte de dépression post mediapartum.

 

vendredi 26 mai 2023

Le maître c'est Marguerite !

Marguerite Audoux, 1863 – 1937.

 On doit s'attendre à des choses peu ordinaires quand on vient au monde avec “Donquichotte” pour nom de famille. Or, c'est ce qui est arrivé au nourrisson Marguerite : son père, enfant trouvé, avait en son temps été victime d'un gratte-papier de l'Assistance publique qui devait se croire spirituel. Plus tard, elle adoptera sagement le nom de sa mère : Audoux.

Cette mère succombe à la tuberculose lorsque Marguerite a trois ans ; son père, solidement alcoolique, en profite pour faire son baluchon et disparaître à jamais de notre histoire. Pour la petite Berrichone, c'est alors un aller simple pour l'orphelinat de Bourges où elle restera jusqu'à 14 ans, protégée du soleil par les coiffes des bonnes sœurs. Ensuite, on l'enverra garder les moutons dans une ferme de Sologne, d'où elle reviendra à l'orphelinat en tant qu'aide-cuisinière avant, à 18 ans, de partir pour Paris.

Voilà ce que raconte Marie-Claire, le livre publié par Marguerite devenue Audoux en 1910. Rien de plus ? Rien de plus. Mais, dans ces 180 pages, entre les murs de l'orphelinat berruyer puis les clôtures de la ferme solognote, c'est l'univers entier qui s'éveille, au même rythme que l'enfant puis l'adolescente qui le regarde, s'y love ou s'y débat selon les circonstances. 

J'ai lu ce livre d'une traite, ce matin, oscillant sans cesse de la stupeur à l'émerveillement. Si seuls les très grands écrivains sont capables de faire revivre l'enfant qu'ils ont été sans l'étouffer sous le poids de leur intelligence – mais aussi de leur inévitable dessèchement – d'adulte, alors Marguerite Audoux en est un. Pas une once de pathos dans ces phrases courtes et d'une trompeuse simplicité (trompeuse parce que, en réalité, très difficile à acquérir), jamais le lecteur n'est “tiré par la manche” ni incité à sortir son mouchoir. 

Mais surtout, le sommet de l'art, ici, est de parvenir à nous raconter une enfance avec les yeux mêmes de cette enfance. C'est-à-dire que les choses qui sont restées mystérieuses, obscures à la gamine qui s'y est trouvée confrontée, ces choses le restent aussi pour le lecteur, qui doit s'efforcer de deviner, d'interpréter les “signes” que l'auteur lui livre comme elle-même les a perçus à l'époque. Car lorsque, le soir après sa journée de travail, Marguerite Audoux noircissait une ou deux pages des cahiers qu'elle tenait au secret d'un tiroir, elle ne faisait que tenir la plume. Et c'est l'enfant qui se réveillait en elle, intacte, absolument vivante ; et c'est sa voix que le lecteur perçoit directement, encore aujourd'hui.

Il fallut deux ou trois coïncidences pour que Marie-Claire voit finalement le jour, grâce aux interventions conjuguées de Charles-Louis Philippe – mort avant de l'avoir vu paraître – et d'Octave Mirbeau : on les trouvera relatées chez Dame Ternette. Cet écrivain semblant surgir de nulle part fut aussitôt traduit en une dizaine de langues et salué par des gens aussi divers que Léon-Paul Fargue, André Gide, Léon Werth, ou encore Valery Larbaud et Alain-Fournier.

Aujourd'hui, c'est mon tour de saluer modestement Marguerite Audoux.


Marie-Claire suivi de L'Atelier de Marie-Claire, Grasset, Les Cahier Rouges, 414 p.


mardi 23 mai 2023

Léger vertige anthropologique


 Nous sommes à ma connaissance, mais je puis aussi bien me tromper, la seule espèce vivante en laquelle les mâles sont à même de s'exciter sexuellement sur les glandes nourricières de leurs femelles – voire, éventuellement, de celles des autres. Et je me demande depuis un petit moment à quel stade de notre évolution simio-humanoïde a pu apparaître cette bizarrerie. 

Imagine-t-on la surprise, et même sans doute le désarroi, du premier homme qui, au fond de la caverne tribale, et alors qu'il ne pensait à rien moins, dut constater qu'il se mettait à bander simplement parce que ses yeux venaient machinalement de se poser sur les mamelles de sa voisine, occupée à récurer un os de mammouth ?

samedi 20 mai 2023

La démission de monsieur Canard


 Depuis environ une semaine, on peut voir, sur la mare qui est au bout de notre rue ou dans ses abords les plus immédiats, une cane escortée de ses deux canetons. Mais de canard, point : chez les anatidés aussi, la démission des pères fait rage et la famille monoparentale est désormais une triste réalité. 

On ne voit pas encore, s'ébattant, de canards 1 et 2 ayant adopté les canetons d'une cane porteuse, dûment rémunérée en boulettes de mie de pain, mais on sent bien que c'est dans l'air et que ça ne saurait plus tarder.

vendredi 19 mai 2023

Pleurnicheries en la majeur


 Il y a trois jours, Catherine m'a posé une question d'apparence tout à fait innocente mais finalement lourde de conséquences pénibles : « Tu te souviens d'une chanson qui disait qu'il avait neigé sur le lac Majeur ? » il se trouve que, vers quinze ou seize ans, pour une raison ayant tendance à m'échapper complètement aujourd'hui, j'avais acheté le 45 tours de Mort Shuman proposant cette chanson (à Châteaudun, dans la boutique de disques sise juste derrière la place du 18-Octobre et tenue par Monique…). Je pus donc aussitôt, de ma superbe voix mâle, en fredonner le début :

Il neige sur le lac Majeu-eu-eur

Les oiseaux-lyres sont en pleu-eu-eu-eurs

Et le pauvre vin italien-in-in-in-in

Coule beaucoup et pour rien

Je pensais en être quitte avec ça : tragique erreur. 

Le lendemain, cette fucking mare enneigée n'ayant quitté ni le cerveau de Catherine ni le mien, j'eus l'idée, limite suicidaire, d'aller en chercher la version shumanienne sur Toitube ; je l'y trouvai en effet et l'envoyai incontinent à mon infortunée épouse, via le réseau impalpable de Dame Ternette, pensant que nous infliger ces quatre minutes de musique pompeusement languissante accrochée à des lambeaux de paroles absconses allait agir sur nous comme un genre de purge ; que la neige allait fondre, le lac se combler et les piafs-lyres arrêter de chialer sans qu'on sache pourquoi. 

Seconde erreur. 

Le clip – où l'on voit bien le lac mais pas le moindre flocon – n'a fait que renforcer l'emprise de la ritournelle diabolique sur nos esprits en surchauffe, où elle continue de tourner de plus en plus vite, telle une rondelle de vinyle saisie de démence.

Et le pire, la cerise vénéneuse sur cet indigeste gâteau, c'est la découverte que je viens de faire, grâce à la science ornithologique de Dame Ternette : les larmoyants volatiles sur le chagrin desquels on espérait nous apitoyer ne vivent nulle part ailleurs qu'en Australie.

D'où ma question et son corollaire : qu'est-ce qu'ils peuvent bien en avoir à foutre qu'il neige sur le lac Majeur ? 

Et qui les a mis au courant de la météo italienne ?

 

lundi 15 mai 2023

Au grand bal des victimes


 Moderne contre moderne, le grand match des victimisés ! Un joueur de football de Guingamp s'est retrouvé interdit de pelouse car il a refusé de porter le maillot “arc-en-ciel“ dont les autorités sportives avaient décidé d'affubler tous leurs joueurs afin, évidemment, de sensibiliser… blablabla… homophobie… blablabla. 

Dans le marais touitteresque, cet ignoble individu brutalement surgi du fond des âges les plus médiévaux se fait vertement tancer par un pénible donneur de leçons, socialiste de surcroit, nommé Pierre Moal : « Il serait bon pour l'EAGuingamp de rappeler à son joueur que l'homophobie n'est pas une opinion mais un délit et qu'elle tue. » 

Je rappellerai, pour ma part, à ce substantifique Moal que ce qu'il est en train de brandir en guise d'étendard, c'est ce qu'on appelle justement un “délit d'opinion”, dont j'ignorais que la gauche lui fût favorable (même pas vrai : je le savais très bien !). Car même le fait d'être décrétée autoritairement “délictueuse” n'empêche nullement une opinion de rester une opinion. 

Quant à savoir si ne pas porter un maillot bariolé devrait aussitôt entraîner la mort d'un ou de plusieurs homosexuels, je n'entrerai pas dans ce débat par trop moaleux.

Je parlais en commençant de grand match des victimisés. C'est que le joueur “homophobe” en question, un certain Donatien Gomis, se trouve être impeccablement sénégalais. Catastrophe cyclonissime et patatras ! Branle-bas sur le pont et panique dans les soutes ! Si les différents damnés de la terre commencent à se regarder les uns les autres en chiens de faïence, si les racisés se mettent à bouder les sodomites, et peut-être même inversement, les chattes progressistes risquent d'avoir, dans un proche avenir que l'on attend avec une certaine jubilation, un certain mal à retrouver leurs petits dégenrés.

dimanche 14 mai 2023

Perles dominicales


 – L'un de mes 12 lecteurs me fait parvenir cette mirobolante nouvelle : au Québec, un humanoïde au sexe indéterminé s'apprête à faire paraître la première version inclusive et dégenrée d'À la recherche du temps perdu. Il était temps qu'une aussi scandaleuse lacune fût comblée : en son Père-Lachaise, Marcel lui-même n'en dormait plus. Tous les détails ici.

– De son côté, Catherine m'informe que, quelque part en Bretagne, un autre humanoïde a porté plainte contre la crêperie voisine, pour un motif que chacun admettra fondé : « Elle sent trop la crêpe. »

– Enfin, c'est par Élodie, fille de la précédente, que nous apprenons qu'en un coin quelconque des États-Unis, de braves gens sont allés exiger de leur voisin qu'il fermât ses fenêtres chaque fois qu'il lui prendrait envie de se faire griller un steak, les fragrances carnées incommodant hautement les végétariens de stricte obédience qu'ils se targuaient d'être. Apparemment, la réponse du voisin rappelé à l'ordre a été, le dimanche suivant, d'organiser un grand barbecue dans son jardin.

Si nous pouvons apporter notre contribution à un apaisement général des mœurs de nos contemporains, voici notre suggestion : que le crêpophobe breton et les carnifuges américains procèdent séance tenante à un échange de leurs deux maisons. 

Et qu'on leur offre une version  de l'œuvre de Proust enfin lisible par des esprits éclairés et conscients de  la fragilité des choses.

jeudi 11 mai 2023

Treme : une série doublement encensée…


 C'est plus ou moins sur mes conseils, en tout cas je me flatte de le croire, que le Père B. a récemment regardé la série Treme, dont j'ai dit ici tout le plaisir que j'y avais pris. Hier, bref message de notre père – qui, Dieu merci, n'est pas encore aux Cieux –, pour me dire qu'il n'en pensait lui-même que du bien. Et il ajoutait qu'il avait trouvé à la série, dans l'ensemble de ses quatre saisons, quelque chose de “catholique” – les guillemets étaient de lui. Comme je lui avouais que cet aspect de l'affaire m'avait assez grandement échappé, il s'est fendu, aujourd'hui, d'une explication nettement plus circonstanciée, dont je me suis dit qu'elle pourrait intéresser ceux de mes douze apôtres lecteurs qui ont également vu et apprécié Treme. Je n'avais plus qu'à attendre le nihil obstat de mon autorité religieuse ; l'ayant obtenu de fort bonne grâce, voici donc ce que m'a répondu le Père B. :


« Treme, une série catholique ?

« Un avertissement au lecteur superficiel ou bigot : cette série d’origine américaine n’est pas destinée à convertir les âmes ou à servir de support à l’évangélisation. Elle sera réservée aux adultes, avec un avertissement supplémentaire : si vous n’aimez pas la musique, du blues profond au rap, en passant par tous les styles que l’Amérique a produit depuis 200 ans, fuyez, fuyez !

« Pour une raison que j'ignore, depuis longtemps, je note toujours le rapport qu’entretiennent les personnages des séries, ces nouveaux phénomènes culturels modernes, avec la nourriture et la boisson. Dans la plupart des cas, pour ne pas dire la majorité écrasante de ces produits d’exportation yankee, ils sont addictifs ou inexistants. Les personnages se “défoncent” en permanence avec n’importe quelle substance disponible ou avalent à la va-vite, et en grandes quantités, des cochonneries locales, quand ils ne semblent pas vivre seulement comme des êtres désincarnés.

« Or, dans la série de David Simon, il en va tout autrement. L’un des personnages principaux est une “Chef” (en français dans le texte), et son activité considérée comme un art. La plupart des personnages parlent de nourriture en permanence, et on les voit à table à toute heure du jour et de la nuit. À partir de là, vous pouvez repérer toute la trame “catholique” du récit : amour de la vie, enracinement dans une tradition considérée comme essentielle (musicale, culturelle…), insouciance matérielle, etc. Et je n’ose parler de certaines activités pratiquées à l’horizontale, largement hors des liens sacrés du mariage, mais sans cette frénésie transgressive qui les transforment en propagande idéologique dans les séries habituelles. Ici, tout est assez naturel, sans chichi ou obsession, concession à la faiblesse humaine, sans prêchi-prêcha moralisateur.

« Les femmes y sont de vraies femmes, fortes, séductrices, comme il se doit, mais jamais hystériques à la mode puritaine ; les hommes sont eux-mêmes, hâbleurs, infidèles et noceurs, tout ce que vous voudrez, mais jamais vraiment méchants. Même les carpetbaggers sont peu à peu dissous dans la joie de vivre de la Nouvelle-Orléans, Big Easy qui renait de ses cendres après l’ouragan Katrina, par la musique, la fête et la cuisine. Leur idolâtrie de l’argent finit par prendre une coloration latine moins détestable. L’amitié, l’admiration des anciens, la tradition, même les réseaux de solidarité, face positive de comportements plus ou moins mafieux, passent avant le “pognon-roi”, maitre de l’Amérique. La mort y est (presque) joyeuse, on pleure et on rit tout à la fois.

« Même les péchés capitaux, pratiqués largement, ne sont pas des malédictions écrasantes dissimulées hypocritement, et ne sont pas étalés avec complaisance par une sorte de retour du refoulé, comme dans la culture puritaine. La rédemption est toujours possible, non dans la bigoterie ou l’automutilation, mais dans un dépassement souriant et indulgent, qui rend sympathiques les vertus.

« Autre détail, tous les personnages les plus sympathiques ont des noms français, emploient des mots français, évoquent, une culture “enracinée” dans ce qui fut l’Amérique française, métisse au bon sens du terme, indienne, cajun, noire et blanche, sur fond de syncrétisme religieux dont seule l’Église catholique eut le secret (cf. baroque sud-américain), continent hélas englouti par la barbarie fondamentaliste puritaine.

« Bref, il y aurait certainement des tas d’autres choses à dire, mais Treme tranche sur le commun des séries. C’est un plat fortement épicé et réjouissant, comme un cumbo ou un po-boy servi dans Bourbon Street, un hymne à la gloire de l’héritage créole français du Vieux Sud, donc catholique. »

 

Je n'ai, je le confesse, rien à ajouter à cela.

mercredi 10 mai 2023

Cet obscur et taraudant désir des femmes


 Y cherchant une chose précise que je n'y ai jamais trouvée, je relisais rapidement ce matin le Mensonge romantique et vérité romanesque de René Girard. Au passage, lors de cet inutile “survol”, je me disais qu'il était bien dommage que Girard n'ait jamais, à ma connaissance, soumis à l'éclairage de ses hypothèses les récents avatars du féminisme. Peut-être faut-il y voir un effet de prudence…

Quelqu'un d'autre en tout cas, un genre de disciple, pourrait le faire à sa place, ce serait sûrement fort instructif. Notamment en partant de cette idée que les haines s'exacerbent à mesure que le “modèle obstacle” se rapproche, c'est-à-dire que les différences, très réelles au départ, s'amenuisent à ce point qu'elles deviennent purement fantasmagoriques. 

Et de même que chez Proust, les snobs trépignent d'autant plus hystériquement que le “monde”, objet de tous leurs rêves, a moins de réalité, et même plus aucune, de même ces dames sont-elles plus “vent debout” que jamais contre un patriarcat totalement en miettes, si tant est qu'il ait jamais existé sous nos latitudes. 

Lorsqu'elles dressent inlassablement le portrait de l'homme en tyran oppresseur, violeur et sanguinaire, elles ne font qu'exprimer leur obscur mais taraudant désir de prendre sa place – ou plus exactement la place, largement imaginaire désormais, où elles l'ont installé, ce trône de toutes les abjections d'où elles l'empêchent de descendre pour mieux s'offrir le plaisir de l'y crucifier avant d'elles-mêmes s'y asseoir.

lundi 8 mai 2023

Dans la toile de Marcel


 C'est amusant, ces promenades que l'on peut faire, inopinément, dans les jardins de Dame Ternette, de lien en lien, “à sauts et à gambades”. 

Je me trouvais tout à l'heure en la compagnie de Marcel Proust ; lequel, en cette année 1915 que nous parcourions ensemble, tentait de dissuader Reynaldo Hahn de demander sa mutation au front – ce que fit pourtant, et obtint, cet entêté Vénézuélien. Comme je me demandais combien d'années Reynaldo avait survécu à Marcel, je tapai aussitôt son nom dans l'iBigo... 

Ce fut pour apprendre par sa fiche Oui Qui ? qu'il était mort en janvier 1947, soit 24 après son ex-amant, et que ce trépas était survenu en la rue Greffulhe, ce qui est presque trop proustiennement beau. On se souvient en effet que la comtesse Greffulhe est l'oie superbe que Proust prit pour modèle afin d'enfanter Oriane, ci-devant princesse des Laumes et duchesse de Guermantes pour l'éternité.

Comme j'ignorais qu'il existât une telle rue à Paris, j'active le lien proposé, tombe sur un certain nombre de renseignements (parfaitement inutiles pour moi)... et sur un nouveau lien qui prétend m'expédier rue d'Astorg. Or, que trouve-t-on en cette rue ?  Je le sais très bien, et pour cause : l'hôtel particulier du comte et de la comtesse Greffulhe ! La toile d'araignée du satanique Marcel (« Marcel Proust c'est le diable ! », s'exclamait Alphonse Daudet) m'engluait de plus en plus étroitement. 

Perdu pour perdu, je me résignai à un nouveau clic, lequel me téléporta, tel un vulgaire star-trekkeur, au beau mitan de la rue promise. Où je dus constater que l'hôtel Greffulhe/Guermantes avait complètement disparu des numéros 8 et 10 où il était sis, pour faire place au siège de Groupama, qui se trouve être mon assureur depuis près de trente ans. 

Dans un coin du tableau, un vieux jeune homme aux yeux bistres et aux cheveux de jais, était secoué par un petit rire silencieux, la moustache à demi cachée derrière sa main gantée pur fil.

lundi 1 mai 2023

Des douches comme s'il en pleuvait


 CE FUT NOTRE LOT EN AVRIL.