dimanche 30 novembre 2008

Sur ordonnance

Cultiver à l'endroit du monde une sorte de dégoût apocalyptique pour se préserver des acquiescements béats.

J'ai retrouvé chitine

Reproduction copulatoire frénétique dans un monde hérissé d'antennes ; l'insecte est l'avenir de l'homme.

1438

Dieu n'est pas dans le monde comme un rocher dans un paysage tangible, mais comme la nostalgie dans le paysage d'un tableau.

samedi 29 novembre 2008

Comment ça, vous n'êtes pas Madame Goux ? Ben t'es qui alors ?

L'effet produit est vraiment bizarre. Comme l'auront peut-être remarqué les plus subtils parmi vous, ce blog a été entièrement rénové. Pour faire plus moderne, on lui a gratté les crépis, élargi les fenêtres, adjoint une véranda, creusé une piscine bleu pétant dans son jardin, bref : on lui a fait subir tout ce que M'sieur Camus ne veut pas qu'on inflige à une maison de campagne.

Je pensais naïvement que j'allais m'en trouver fort bien et tout de suite, puisque c'est seul que j'ai choisi le nouveau papier peint, les petites appliques sur les murs, etc. Or, pas du tout. Depuis le début de l'après-midi, chaque fois que je pousse la porte, j'ai comme un léger sursaut et, si je pouvais me voir, je pense que je me découvrirais des yeux stupéfaits.

Je me sens dans la peau de l'ivrogne, fait comme un mulot, qui, pensant entrer chez lui, se retrouve errant dans l'appartement de ses voisins du dessous et s'étonne de ce que la chambre conjugale a changé de place. Ce détail ne suffit pas à le dissuader de se vautrer sur la couche nuptiale, et il s'agace même un peu de la stupide obstination mise par sa femme à le convaincre qu'elle ne s'est jamais appelée Catherine Goux - ce qui est grotesque, puisqu'il est chez lui, qu'elle est dans son lit et qu'il a toujours été monogame (à sa connaissance, au moins).

Je suppose que ce sentiment va s'estomper dans les jours à venir. Mais, à tout hasard, si d'ici là vous croisez le vrai taulier de ce blog, dites-lui que je ne l'ai pas fait exprès, et que ce n'est vraiment pas ma faute si ma clé entre dans sa serrure.

C'est vrai, quoi...

Vous verrez (mais pas moi, heureusement)

Le temps semble désormais proche où la Seconde Guerre mondiale va apparaître pour ce qu'elle fut réellement : un simple prélude.

Rose-Croix

C'est chez l'Irremplaçable...

La Vie sur terre

« Voici ce que j'ai vu d'autre : à la frange des villes il y a toujours de ces quartiers aigres et maladifs où il semble que la vie pousse en désordre, inutile, dénudée et bizarre comme dans ces terrains vagues tout mélangés d'ordures. Et chaque fois au gré de cette promenade rencontre-t-on, abandonné aux saletés et aux excréments d'un trottoir, un matelas qui exhibe au grand jour le mystère de sa face anonyme souillée d'écoulements. Et qui se dresse alors je ne sais comment devant les yeux de mon imagination comme l'authentique saint suaire de Turin de nos vies honteuses et bafouées. »

Baudouin de Bodinat, La Vie sur terre, Éditions de l'encyclopédie des nuisances, p. 93.

vendredi 28 novembre 2008

Le bandeau du maréchal Ney

« J’ai pour la première fois eu le sentiment que sur la plupart des points il n’y avait que deux positions possibles, mais qu’il importait de distinguer des niveaux à l’intérieur de chacune, lorsque j’avais quatorze ou quinze ans et lisais une Histoire des Deux Restaurations, probablement celle du vicomte de Vaulabelle. Il s’agissait de l’exécution du maréchal Ney. Le maréchal, au moment d’être fusillé, avait refusé le bandeau qu’on lui proposait. Et c’est sur cette figure du condamné à mort et du bandeau que s’était greffée ma réflexion, ou ma rêverie. Le condamné à mort ne peut qu’accepter ou refuser le bandeau. Mais il peut prendre l’une ou l’autre décision pour des raisons tout à fait différentes :

1) Le condamné à mort accepte le bandeau, parce qu’on le lui propose et qu’il ne songe pas à le refuser.

2) Le condamné à mort refuse le bandeau, parce qu’il est courageux et veut voir la mort en face (Ney, etc.).

3) Le condamné à mort accepte le bandeau parce que la position 2 lui paraît ridiculement banale, et fastidieuse cette tradition éculée du condamné à mort qui refuse le bandeau pour montrer qu’il est courageux et peut regarder la mort en face.

4) Le condamné à mort refuse le bandeau, bien qu’il soit tout à fait d’accord avec la position 3, parce que ça l’intéresse de voir ce qui se passe.

5) Le condamné à mort accepte le bandeau, parce qu’il craint que la position qu’il aurait eu tendance à adopter, la quatrième, ne soit confondue avec la seconde, et que sa simple préférence pour une absence de bandeau ne passe pour une démonstration ridicule à ses yeux d’héroïsme codifié.

6) Le condamné à mort refuse le bandeau, parce que la position 5, au moment où il va s’y ranger, lui paraît témoigner d’un souci exagéré de l’opinion des observateurs, et qu’il lui est indifférent que ceux-ci, et l’Histoire éventuellement, confondent sa simple préférence avec une démonstration de courage stéréotypé.

7) et II. 1) Le condamné à mort accepte le bandeau, parce que toutes les précédentes tergiversations, auxquelles il s’est rapidement livré, lui paraissent absurdes, et vulgaire leur affectée subtilité, qu’on lui propose le bandeau et que le plus simple est de l’accepter.

II. 2) Le condamné à mort refuse le bandeau parce que, revenu à II. 1), il n’en préfère pas moins affronter la mort sans bandeau, et qu’il n’a pas l’intention de négliger sa simple préférence pour le seul souci de démontrer, ne serait-ce qu’à ses propres yeux, qu’il est bien au-delà des banales subtilités de la bathmologie avant la lettre. »

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette.

Enfin de bonnes nouvelles !

Depuis quelque temps, il se murmurait que le ci-devant Étienne Chatiliez souffrait d'une constipation retorse, au point que son état inspirait même de terribles inquiétudes, car chacun sait qu'il est des choses à ne pas garder trop longtemps en soi, sous peine d'explosion viscérale.

Heureusement, la bonne nouvelle vient de tomber par voie d'affiche : M. Chatiliez a mis de l'ordre dans son transit, il va de nouveau à la selle, ainsi que chacun peut aller le vérifier sur grand écran...

jeudi 27 novembre 2008

Sentiments contrastés

J'arrivais de la République, l'Irremplaçable de la Nation : c'est dire si nous étions tricolores jusqu'au bout des babouches, lorsque jonction nous opérâmes rue Boyer, à la Maroquinerie, où Kent s'apprêtait à officier (supérieur). Freddy, épouse du chanteur à la ville, nous y attendait ; d'emblée, elle m'a agacé : dix ans que nous ne nous étions vus et elle n'avait pas pris une ride. Mais pas une !

J'ai tout de même réussi à désarçonner la donzelle lorsque, l'Irremplaçable et elle s'étant commandé chacune un verre de blanc, j'ai crânement demandé au loufiat une rasade d'eau-qui-pique. On a siroté tout ça, tandis qu'au sous-sol se déroulait la première partie du concert, dont nous n'avions rien à battre les uns ni les autres. On s'est donné des nouvelles, résumé nos existences, pour s'apercevoir qu'il ne nous était à peu près rien arrivé de marquant durant la décennie écoulée. Puis est arrivé A., l'Héritier. La dernière fois que nous l'avions vu, A. dormait dans un berceau grand comme deux boîtes à chaussures et il buvait du lait au biberon. Maintenant, il a 13 ans et il joue du trombone à coulisse : qu'il ait choisi la coulisse pendant que son père s'acharne à occuper le devant de la scène ne m'a pas paru tout à fait innocent ni fortuit.

Puis, le concert a commencé. Deux personnes sur la petite scène : Kent et son guitariste-arrangeur, chacun passant, suivant les chansons, de la guitare "normale" à l'électrique. En face d'eux, plusieurs centaines de personnes dans un espace confiné et surchauffé, certaines assises, d'autres tassées debout au "promenoir" où nul n'aurait pu songer à se promener. C'est là que ç'a commencé à se gâter pour nous.

La prestation de l'artiste n'est nullement en cause, je m'empresse de le préciser. Au contraire : le principe consistant à balayer trente ans de chansons - y compris, donc, la période Starshooter - pour proposer des titres "revisités", aux arrangements resserrés, m'a paru excellent, traçant un chemin de fantaisie fort agréable à parcourir. C'était particulièrement vrai pour les très anciennes chansons, Kent chantant beaucoup mieux aujourd'hui qu'alors.

Bon, eh bien ? Pourquoi est-ce qu'il trouve encore le moyen de bougonner, ce vieux grincheux réac ? Sans doute parce que vieux grincheux réac, précisément. D'abord, c'est sans doute un tort, mais je n'en ai plus rien à foutre, des chansons, fussent-elles celles de Kent : elles sont désormais hors-champ. D'autre part, je n'ai plus l'âge de passer deux heures à transpirer debout : j'avais un peu l'impression de faire antichambre au seuil de mon passé, sans arriver à mettre la main sur le ticket d'entrée. En plus, ça jouait trop fort pour mon goût, là. Ajoutez à cela que j'avais oublié à quel point le son produit par une guitare électrique peut être laid, irrémédiablement. Et je crois bien que, même si tout avait été parfait par ailleurs, je n'ai plus envie de communier, encore moins de vibrer à l'unisson de je ne sais qui, je ne me reconnaissais rien de commun avec les gens qui m'entouraient - me pressaient serait plus juste.

M'a tout de même bien amusé la constatation que si je n'étais pas dans la moyenne d'âge du public, je n'étais pas si loin au-delà : l'artiste n'était pas seul à avoir vieilli... Mais c'était un amusement de qualité douteuse, avec un arrière-goût persistant.

Bon, finalement, que dire de cette soirée ? Du concert (ou de ce que j'en ai vu) ? Que c'était à coup sûr très bien, et même recommandable. Mais que ce n'était pas pour moi. Et puis, l'Irremplaçable et moi avons horreur de manquer l'heure de notre camomille vespérale.

De qui est-ce ?

« Que peut-il ? Tout. Qu'a-t-il fait ? Rien.

« Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l'Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n'en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.

« L'homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l'argent, l'agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse.

« Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit, et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on le trouve énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la bafoue !

« Triste spectacle que celui du galop, à travers l'absurde, d'un homme médiocre échappé. »

mercredi 26 novembre 2008

À la Maroquinerie

Retrouvailles, ce soir, à huit heures, de part et d'autre de la rampe. Après 10 ans.

1234

N'espérons pas que la civilisation renaisse, tant que l'homme ne se sentira pas humilié de se consacrer corps et âme à des tâches économiques.

mardi 25 novembre 2008

Parlez-vous le portuñol ?

Ben oui... ça existe...

Je regrette déjà

Pour vos toasts littéraires, biscotte Fitzgerald.

lundi 24 novembre 2008

53 rue de Verdun, Carcassonne (Aude)

« Il y eut des degrés dans la renonciation de Joë Bousquet à la lumière du jour au seul profit de celle des mots et de celle de la conscience, qui dans son esprit n'en faisaient qu'un, même si l'auteur de Traduit du silence paraît bien avoir aspiré, lui qui en a tant produit et justement dans ce dessein, à un au-delà des mots ou peut-être à un en deçà, à un silence qui néanmoins fût présence et lien, avec les êtres et les choses, avec les lieux et le flux toujours plus immatériel de la vie. La date fondamentale, bien sûr, est celle de la blessure, celle de la première mort, inachevée mais que n'acclimatera qu'un consentement à elle, bien éloigné de la résignation : une descente volontaire au sépulcre, un voyage de Lazare à l'envers, une entrée dans la pyramide telle qu'on en voit aux plus fastueuses sépultures des cathédrales, sous le ciseau d'un Pigalle ou d'un Canova. Bousquet en cela n'est en rien moderne, et son exemple n'est pas à suivre : il n'est pas comme ces aveugles déchus en non-voyants qui veulent à toute force devenir critiques d'art, ou ces culs-de-jatte qui n'ont de cesse qu'ils n'aient triomphé de l'Everest, prmi les bonbonnes d'oxygène abandonnées et les papiers gras. Lui, au contraire, ne fera qu'habiter toujours plus profond sa blessure, qu'adhérer toujours mieux à sa paralysie, que rejoindre plus étroitement son immobilité, pour y être Joë Bousquet - un personnage créé, et d'ailleurs dès son prénom, qui a d'abord été Joseph, tout simplement, et qui, devenu Joë, restera comme un reflet cruel de la lointaine période anglophile et des mois d'adolescence en Angleterre, indéfiniment revécus dans la chambre aux fumigations, au même titre que les jeux à Marseillens ou les nuits de Paris. »

Renaud Camus, Demeures de l'esprit - France I Sud-Ouest, Fayard, p. 282-283.

Fallait oser...

Refuser toutes sortes de moutarde pour accompagner son steack de premier choix : passer entre les Maille du filet.

Il y en a que ça étonne ?

Je viens de lire, sur un forum digne de confiance, voire de foi, que, lors du divorce traditionnel, suivant de près ou de loin le non moins traditionnel mariage, de plus en plus de parents se battaient, se déchiraient, s'entretuaient au sujet de la garde de leurs enfants communs.
Qui a dit : « C'est pas nouveau » ? Eh bien, si, ce l'est. Car, désormais, ces parents à la pointe de la modernité s'affrontent pour tenter de ne pas obtenir cette garde, et de refiler à l'autre les petits monstres arrogants, égocentriques, méchants et cupides qu'ils ont pourtant contribué autant l'un que l'autre à produire.

samedi 22 novembre 2008

La Spéciale "beauf frustré"

Soudain, l'Irremplaçable s'est dit que ça ne pouvait pas continuer comme ça, que c'était à chacun de nous d'agir à son niveau, de faire preuve d'une conscience citoyenne en béton pré-contraint, de développer ses facultés d'abnégation, ses capacités de sacrifice. Bref, pendant que les forces d'avenir étaient au bord de l'étripage, entre partisans de la pintade poitevine et sectataires de la grosse poule artésienne, nous autres on a décidé qu'on allait redresser l'économie partie en vrille - et on a filé aux Portes ouvertes de Madame Renault, à Évreux.

Pour la première fois de notre vie du monde, on était décidé à acheter une voiture neuve, oui Monsieur. Une tout bien, avec boîte automatique, kiosque à musique intégré, le machin qui te surveilles ta vitesse quand tu somnoles sur l'autoroute, et tout le reste que j'ai oublié. Déjà, sur le trajet, je sentais la Carte Bleue dorée commencer à vibrer doucement dans ma poche : ça sentait bon la dépense absurde.

L'affaire a démarré sous les meilleurs auspices puisque quand on est arrivé chez Renault, on était dans la journée et les portes étaient ouvertes. Mais, juste après, tout s'est mis à se barrer en sucette, pour aboutir au résultat le plus surréaliste qui soit : malgré tous nos efforts et une grande aptitude à la conciliation, il n'y a jamais eu moyen d'acheter une voiture dans cette taule.

D'abord, on nous a signifié que, dans la gamme qui avait notre préférence, la version break ne sortirait qu'en 2009. Bon, qu'à cela tienne, on va changer de modèle. Tenez, celle-ci, elle est ridicule d'aspect, mais elle a l'air très bien tout de même : on va vous en prendre un exemplaire, d'accord ? Ah ! non, pas de bol : sur celle-là, on n'a plus de boîtes de vitesses automatique ; mais alors plus du tout, hein !

Bon, bon, pas grave : on va revenir au premier modèle envisagé, mais dans sa version berline, et les deux chiens n'auront qu'à se tasser un peu dans le coffre ou bien à courir derrière en se fiant au pot d'échappement : on ne va pas se laisser arrêter par deux clébards à la gland, c'est qu'on tient à dépenser de l'argent, nous, ici et maintenant, here and now, hic et nunc, la France compte sur nous !

Quand le "commercial", tout sourire mais des éclairs de sadisme dans son beau regard bovin, nous a appris qu'il faudrait attendre au minimum le mois de mars pour obtenir la version avec boîte automatique, on a finalement baissé les bras, rangé la carte dorée ; et on est rentré à la maison, silencieux, assis bien droit dans notre poubelle à quatre roues, essayant d'admettre l'idée qu'on ne parviendrait pas à aller se coucher ce soir avec la douce certitude de l'endettement stupide. Heureusement qu'on a des somnifères.


(La carcasse qui illustre ce billet consternant est celle d'une 4 CV, première voiture de mes parents, dont ma mère signa l'arrêt de mort un beau jour de 1962 ou 63, en faisant trois tonneaux à son volant, quelque part entre Strasbourg et Sedan, avec mon frère Philippe et moi à l'arrière. Très festive, Maman Goux, dans sa jeunesse.)

Et revoilà le politiquement correct...

Est-ce l'effet d'une impuissance face à la brutalité des faits ? Le politiquement correct, vieille valeur refuge, revient en force. Alors que l'opinion attend des ruptures et que le monde réel contredit les éloges de la pensée borgne, notamment sur la mondialisation ou le métissage culturel, le conformisme des élites va à rebours de la libre parole qui fit élire Nicolas Sarkozy. La droite se serait-elle résolue à emprunter à la gauche creuse ses dénis ? L'ambiguïté reste à lever.

Les prises de positions de l'épouse du chef de l'État, qui milita pour SOS Racisme, contre les tests ADN dans le regroupement familial ou pour le dalaï-lama, sont les effets les plus visibles de l'officialisation des bons sentiments. Sa défense de l'ex-terroriste italienne repentie, Marina Petrella, son soutien au Manifeste pour la discrimination positive, sa critique contre Silvio Berlusconi plaisantant sur Barack Obama "toujours bronzé", sont exemplaires d'un comportement convenable.

Quand le chef de l'État, ces jours-ci, accable à son tour George W. Bush pour son attitude belliciste face à Moscou, il participe au tir à vue contre celui qui ne se sera jamais rangé au " refus de penser la conflictualité ", cet élément du politiquement correct selon Pierre-André Taguieff. Et si François Chérèque (CFDT) exagère quand il s'étonne (Le Monde, mercredi) : "Même le président ne défend plus l'économie de marché", le procès du capitalisme n'aura jamais été aussi bien instruit à l'Élysée.

C'est dans ce contexte que s'épanouit l'obamania, qui fustige les rétifs. Le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, Louis Schweitzer, reproche aux manuels scolaires d'être "plutôt le reflet d'hier que de la société que nous voudrions voir". Celle-ci devrait représenter, à son goût, les personnes d'origine étrangère, les handicapés, les homosexuels, les seniors. "Il faut aller un peu au-delà de la réalité (...) afin de donner une image en ligne avec l'ambition qu'on a pour la société". Qui conteste son éloge de la fiction ?

Et qui s'étonne d'entendre le Conseil supérieur de l'audiovisuel juger "inacceptables" les taux de représentation, à la télévision, des personnes "vues comme non-blanches", alors même qu'est ignoré le nombre de Noirs ou d'Arabes ? Georges Frêche (PS) avait fait scandale en évoquant, en 2006, l'équipe de France de football : "Il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre, ce serait le reflet de la société". Mais les encouragements officiels vont au CSA, qui raisonne pareillement.


Frustrations
Ce recours au bien-pensisme, qui voit ce qu'il croit mais ne croit pas ce qu'il voit, n'aide pas la société à se réformer ni à se défendre. Certes, il permet à Bertrand Cantat, qui a purgé sa peine après la mort de Marie Trintignant, de donner ces jours-ci des leçons d'humanisme dans des chansons médiatisées, tandis que les guerres de bandes en plein Paris sont banalisées pour ne pas faire le jeu de l'extrême droite. Déjà, en 1980, l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic, à Paris, avait été imputé à des néonazis, alors que vient d'être interpellé au Québec l'auteur présumé, libano-canadien, Hassan Diab. Mais cette façon de se moquer des gens risque d'accumuler les frustrations de ceux qui ne se reconnaissent plus dans leurs représentants.

L'écueil est flagrant pour l'école, paralysée hier par une énième grève. Son naufrage mériterait un " Grenelle " pour solder la cléricature syndicale et retrouver un pluralisme démocratique. Quant à l'apologie de la diversité, dont la chaîne publique France Ô (1) est un des porte-drapeaux, elle s'impose en récusant le choc des cultures qui est, pourtant, en train de pousser à des repliements et à des substitutions de population dans certains quartiers ou départements. Le "vivre ensemble", appelé à être le nouveau sentiment national, est refusé dans le monde arabo-musulman, où les indésirables communautés juives et chrétiennes disparaissent. Mais le faire remarquer vaut suspicion.

Une place pour Royal

Le nouveau conservatisme, qui traverse les opinions occidentales qui ont pris conscience de la vulnérabilité de leurs valeurs et de leur mode de vie, ne peut s'identifier à ces discours manufacturés qui bidouillent les faits, laissant croire que les Français ne sont préoccupés que par leur pouvoir d'achat ou que leur pays est coupable de ne pas savoir accueillir d'autres peuples. Il est confortable pour des dirigeants, dépassés par trop de bouleversements, de s'abriter derrière des apparences, en espérant que l'opinion indolente se satisfera de ces trucages. Mais le PS, qui a porté l'aveuglement à son apex, est en train de payer cher sa déconnexion du monde.

Quand Carla Bruni-Sarkozy déclare, mardi soir sur CBS : "La France est ravie de l'élection de Barack Obama", la première dame laisse comprendre que le centrisme de gauche des démocrates a les faveurs de l'Élysée ; ce qui n'est pas une surprise, même si Nicolas Sarkozy n'a pas été élu sur cette ligne. Cependant, c'est aussi sur ce terrain que veut légitimement aller Ségolène Royal, qui cite le nouveau président américain et pourrait s'allier à François Bayrou. Est-ce inconcevable d'imaginer une droite revenant sur ses terres et rejetant pour de bon les faillis mensonges des idéologies progressistes ? Qu'elle laisse donc le politiquement correct à la gauche.

(Ivan Rioufol, le 21 novembre 2008)

vendredi 21 novembre 2008

Nouveau bureau exécutif

Depuis des siècles, il est de bon ton de se moquer des Byzantins, de ces prêtres orthodoxes et de ces courtisans qui, en 1453, alors que les troupes ottomanes s'apprêtaient à submerger Constantinople, disputaient encore du sexe des anges, persuadés que rien n'avait d'importance hors cette question, que d'elle et d'elle seule dépendait l'avenir de la Chrétienté.

Aujourd'hui, plus d'invasion à craindre, grâce au ciel, puisque les troupes de Mehmet II sont déjà bien installées intra muros, même s'il est de bon ton de n'en rien remarquer. Dans le même temps, alors que s'allongent indéfiniment les files de damnés de la terre aux guichets des caisses de mendicité étatiques, l'économie mondiale bascule dans un trou noir en forme d'entonnoir, dont nul ne sait où se trouve la sortie, ni dans quel état nous y arriverons.

Mais tout cela est parfaitement secondaire, au regard du véritable enjeu de l'avenir, lequel avenir commence ce soir, lorsque le parti socialiste français aura enfin un nouveau premier secrétaire. Le gros avantage des socialistes par rapport aux Byzantins est qu'il n'ont au moins pas à disputer du sexe de cet ange en gloire qui, grelots au chapeau mais nulle part ailleurs, va jaillir dans quelques heures de leurs urnes : ils le connaissent déjà.

jeudi 20 novembre 2008

Terminer un roman (expérience morne)

dimanche 25 mars 2007


On en rêve dès la première phrase du chapitre premier : le moment où l'on va asséner un point final à la dernière de l'ultime. Ça vous soutient pendant huit à dix jours, le temps de régurgiter vos 250 feuillets. (Il ne va pas, ce verbe, puisque, les feuillets, l'auteur ne les a jamais ingurgités (ou alors, ça se saurait). On va donc s'en forger un, rien que pour ce message (prière de l'oublier juste après lecture) : le verbe "gurgiter".)

Donc - on se reprend -, ça vous soutient pendant huit à dix jours, le temps de gurgiter vos 250 feuillets.

[Bon, là, j'ai besoin d'une nouvelle parenthèse. Pour pas que ce soit toujours aux mêmes, je vous balance des crochets (du gauche, en ce qui me concerne) et je vous double tout ça avec des italiques, histoire de réveiller les distraits. Il va de soi (pas sûr, d'ailleurs) que je parle pour les petites merdouilles qu'on usine à la chaîne en tâcheron, afin de gagner la vie de l'Irremplaçable, mais non des vrais grands beaux romans que-l'on-porte-en-soi.]

Bref, dès l'incipit, la clausule vous motive grave (ce, pour montrer que, moi aussi, je sais des mots). Or, que se passe-t-il, lorsqu'il arrive enfin, ce point tant espéré ? Quels phénomènes se déclenchent alors, dans le cerveau, les nerfs, le coeur, la viande et même parfois les couilles de l'écrivain en bâtiment ?

Rien. Il ne se passe rien. Il met l'ordinateur en veille (parce qu'il sait qu'il va revenir tout à l'heure et assommer tout le monde avec ses bloguesques considérations), il quitte son bureau et va retrouver l'Irremplaçable, laquelle est bien tranquille dans son fauteuil à lire Rannoch Moor (putain ! le temps qu'il m'a fallu pour mémoriser ce titre...). Il retire sa cote maculée d'éclaboussures syntaxiques, prend une petite douche pour éliminer la transpiration grammaticale, il enfile des vêtements civils, il se sert un verre - et mime la joie d'en avoir terminé avec son dur (mais sain et honnête) labeur.

Seulement, de joie, il n'y a pas. C'est comme ça. À chaque fois. Depuis le début, le premier de cette série de plus de cent. En place de joie (oh ! non, on n'en demande pas tant : un soulagement suffirait), il y a une sorte de vague gueule de bois (avant même de commencer le premier verre : c'est fort), un écoeurement imprécis qui ne sait pas trop où se fixer, qui hésite entre l'existentiel et l'organique.

Le lendemain, la sensation a disparu (et déjà là, maintenant, à vous la décrire...). Le lendemain, c'est plein soleil. On se réveille avec la sensation que le temps sera infini, avant le prochain incipit. On sait qu'on se trompe, mais on prend plaisir à cette tromperie. Et on se dit qu'il sera tellement bon, tellement merveilleux, tellement soulageant, l'instant magique du point final...

Non, en réalité, le seul vrai moment jouissif, c'est celui où le chèque miraculeux atterrit dans la boîte aux lettres, un matin semblable à tous les autres. Là, l'écrivain en bâtiment, après un crochet à l'agence du Crédit Lyonnais, la tête haute et le regard droit, va au bistrot le plus proche retrouver ses amis, peintres en bâtiment, sculpteurs en bâtiment, poètes en bâtiment, parodontologues en bâtiment, que sais-je.

Il offre une tournée, se sent largement payé de ses efforts solitaires par les clameurs de joie montant de toutes ces gorges en bâtiment, et, ensuite, ils vont tous ensemble jouer de l'accordéon sur les murs de l'usine, comme leurs grands-pères le faisaient à l'époque du Front Populaire - sauf qu'eux ils ont un peu trop bu, et ils finissent par se casser la gueule.

mardi 18 novembre 2008

De l'économie et du socialisme historique

Un excellent billet, à lire, à discuter, chez l'excellent Hoplite.

Endormeuses saisons

« Lundi 1er août, neuf heures et quart, le soir. L'été n'avait pas volé sa rime avec éternité, quand j'avais cinq ans, dix ans, quinze ans encore. Aujourd'hui c'est avec rapidité, fragilité, rapacité, férocité qu'il consonne de plus en plus étroitement. Nous n'aurons pas vu les îles grecques, nous n'aurons pas vu les Hébrides, nous n'aurons pas contemplé les plus tardifs couchers de soleil de l'année face aux Summer Isles ; nous n'aurons pas fait le tour de la Baltique comme nous nous sommes un moment amusés à en caresser le projet. Nous ne dînerons pas sur les tables sans nappe et de bois sombre de quelque White Hart ou Devonshire Arms, au profond de la campagne anglaise. Nous n'aurons pas d'entretiens avec des canards auprès de petits étangs bordés d'ajoncs en tentant de nous approcher de Hardwick Hall après l'heure de la fermeture. Notre été ne sera pas triste, notre été ne sera pas laid, notre été ne sera pas malheureux, mais je crains q'il ne soit fini avant d'avoir commencé, et que nous ne le trouvions peu de chose, si nous n'y prenons pas garde.

« Ce matin la pluie était délicieuse, à travers les fenêtres ouvertes. »

(Renaud Camus, Le Royaume de Sobrarbe, Journal 2005, Fayard, p. 405.)

lundi 17 novembre 2008

Pour en finir (peut-être) avec "L'Affaire"...

À Audine, sans désir polémique...

Hier, sur le site de la Société des lecteurs de Renaud Camus, M. Henri Bès a mis en ligne le billet suivant. Je le reproduis parce qu'il me semble, sinon mettre un point final à une fatigante et stérile polémique (la mauvaise foi et la bonne conscience sont pareillement inépuisables), du moins lui apporter un éclairage décisif, notamment en raison de la source dont provient l'article qu'il cite.

Le mensuel israélien de langue française Israël Magazine, dans son numéro 94 de décembre 2008, publie dans ses colonnes (page 36) la recension que voici, écrite par David Reinharc, de La grande déculturation :

« Renaud Camus est ce grand écrivain qui, accusé d'antisémitisme, ne fut défendu que par les Juifs, et lynché en notre nom par les collaborateurs de l'insidieuse pénétration de la pensée petite bourgeoise dans la société française à qui les vérités dérangeantes, le respect de la langue française, l'art et la culture, l'usage des bonnes manières, la revendication assumée de valeurs, de codes, de rites voire même, de l'origine, faisaient horreur.

« Dans ce dernier ouvrage d'une oeuvre qui en contient une soixantaine, l'auteur dénonce l'hyperdémocratie - c'est-à-dire "la transposition du système démocratique du champ politique à divers autres champs où selon moi il n'a rien à faire", et son corrélat l'antiracisme dogmatique, qui, alliés dans une entreprise de sabotage, veulent empêcher la constitution d'enfants incultes, par essence, en êtres raisonnables, aptes à penser le monde, à réfléchir et à s'inscrire dans " la claire conscience de la préciosité du temps ". Car l'homme cultivé, face à l'immensité qu'offre la connaissance, n'a pas le temps de tout lire, de tout voir, de tout entendre et doit opérer un choix - ce qui implique aussi l'élimination et l'exclusion de ce pour quoi il refuse de perdre son temps.

« Mais une société qui s'est donné pour but de faire accéder 80% d'une génération au baccalauréat a pour le coup parié sur le recul des savoirs élémentaires et l'abandon de l'apprentissage de la langue par la connaissance des grands textes. Nos généreux contemporains ne détestent rien tant que les hiérarchies, la médiation, le détour par les oeuvres, le délai, et tous les protocoles de " l'aliénation positive qui mettent de l'ailleurs dans l'ici, du pas-moi dans le moi. "

« Le Judaïsme est avant tout principe organisateur, différenciateur, générateur d'oppositions et de hiérarchies et notre monde, friand de différenciations, passionné par l'égalité et le métissage, la haine de la différence des sexes et des générations, ne peut être que révolté par une religion ou un auteur refusant la compromission avec la " dictature du présent, l'adhésion toujours plus étroite au moment. "

« Contre les "soi-mêmistes triomphants", il propose de faire oublier à l'enfant qui il était la veille pour l'élever et lui apprendre à "voir les choses et le monde de plus haut."

« Renaud Camus, en défendant l'intégration des individus à un monde plus vieux qu'eux, pour les libérer de l'actualité immédiate, s'inscrit dans ce qu'il y a de meilleur dans la pensée juive. »

Cet article me cause un plaisir sensible, même si le premier paragraphe peut sembler mal informé sur l'identité des protagonistes de l'Affaire, qui, certes, n'avaient avec le judaïsme au sens concret du terme que de fort lointains rapports (bien décrits à l'avance dans Le Juif imaginaire d'Alain Finkielkraut).

www. israelmagazine.co.il

dimanche 16 novembre 2008

Au meilleur prix

Comme il avait été annoncé par voie de presse, et pour se conformer servilement aux pressants desiderata sarkoziens, le Brigadier mondain (grande surface de hard discount littéraire) est désormais ouvert le dimanche, jusqu'à l'heure de l'apéro.

Voici des roses blanches, pour toi jolie maman

Fais quand même gaffe aux épines...

On change d'avis comme de chemise (et même plus souvent)

Le blogueur est par nature versatile, c'est connu. (Ne me demandez pas d'où je tire pareille certitude, je n'en sais rien ; ce doit être vrai, c'est tout.) Je n'échappe pas à la règle d'airain qui vient de se forger sous vos yeux. Ainsi, à peine ai-je annoncé la parution quotidienne d'une pensée de Dàvila que je la suspends déjà. Elle cède temporairement la place au journal de Renaud Camus que je lis depuis hier et dont j'ai envie de vous faire profiter (si c'est bien le terme qui convient...). Donc, jusqu'à plus ample informé, finis les réveils colombiens (très dangereux), bonjour les aurores gersoises - beaucoup plus douces. On va commencer par une citation très courte, afin de ne pas heurter le chaland d'entrée. Comme pour Dàvila, ce qui est de Renaud Camus apparaîtra en bleu, toutes les citations, sauf indications contraires, seront extraites de son Royaume de Sobrarbe - journal 2005, publié chez Fayard. (Photo : Irrempe.)


On croit que l'humiliation c'est que le monde ne vous dise jamais oui - mais il y a une humiliation bien pire, c'est qu'il ne se donne même pas la peine de vous dire non.
(p. 171.)

samedi 15 novembre 2008

Quand les Sénégalais se foutent de nous (et d'eux-mêmes au moins autant)

C'est sans doute excessif, c'est méchant, de mauvaise foi, grinçant, caricatural, cynique, probablement condamnable... et fort drôle.

Pétronille, c'est la meilleure !

Aujourd'hui (en fait, c'était il y a déjà quelques jours, mais j'ai eu un petit retard à l'allumage), la flamboyante Pétronille-aux-cheveux-rouge-mais-avec-des-neurones-en-dessous se livre à un réjouissante jeu de massacre sur la presse dite féminine : à ne pas manquer. Du reste, je vous engage vivement à entrer dans sa tourmente : vous ne serez jamais déçu (elle est dans ma blogoliste, là, à droite...).

On remet ça à L'Aérolitre

Le bar est ouvert chez le Brigadier mondain...

En direct de Plieux

Il est donc enfin arrivé à bon port, ce journal 2005. Avec une belle faute dès la couverture : vous l'avez repérée ? Non, il n'y a rien à gagner, on n'est pas sur TF1. Je me suis bien sûr rué dessus comme le fisc sur les droits d'auteur. Je vous propose deux extraits, parmi la centaine de pages lue depuis hier matin, au détriment de celles que j'aurais dû écrire...


« On ne chantera jamais assez les mérites du privilège. Je sais bien que Didier Éribon est penché sur mon épaule à guetter pour les fustiger chacune de mes effroyables façons de pensée [Sic ? Je ne vois pas comment justifier ce "pensée", surtout si l'on se réfère à la suite de la phrase.], mais ce qui rend un peu moins effroyable, j'espère, ma façon de penser sur ce point particulier, c'est que je suis tout à fait prêt à me ranger parmi les victimes de ces privilèges dont la survie me réjouit si fort. Et, de fait, comme tout le monde, j'en suis infiniment plus souvent la victime que le bénéficiaire comme aujourd'hui. [Note du transcripteur : en ce 15 janvier, Renaud Camus se trouve invité chez Philippe Martel, directeur des domaines du château de Chambord.] Je l'ai écrit cent fois if not one, j'aime mieux penser qu'un parc, un grand domaine, un château, une île, sont maintenus dans leur splendeur et leur isolement lyriques grâce à l'exclusion du public et de moi, que de savoir que je puis y accéder en même temps et au même titre que les foules, qui nécessairement, par leur seule présence, et plus encore par les aménagements que cette présence exige, mettront fin à ce que de tels lieux, par leur immensité déserte, constituent comme capital pour l'humanité, c'est-à-dire pour l'homme, pas pour les hommes. »
(P. 44 - 45.)

« Je partage tout à fait le sentiment de Houellebecq quand il écrit quelque part qu'il croit chaque fois que les gens « font du second degré » lorsqu'il les entend parler des droits de l'homme. C'est encore pire pour le métissage, les avantages des mélanges culturels, la supériorité de ces heureux de la terre qui ne sont de nulle part et sont chez eux partout. Non pas du tout que ces discours-là soient nécessairement faux, là n'est pas la question ; mais ils sont tellement omniprésents, nous sommes si étroitement enserrés dans leur glu, ils nous sont assénés avec une telle constance, un tel esprit de suite, si peu d'espace entre les formules toujours les mêmes, que nous n'arrivons pas à nous persuader que ceux qui les profèrent avec sérieux ne veulent pas plaisanter, ne se moquent pas de nous, ne pratiquent pas le collage de citations. »
(P. 32.)
Photo : Irrempe.

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L'idée du « libre développement de la personnalité » paraît admirable tant qu'on n'est pas tombé sur des individus dont la personnalité s'est librement développée.

vendredi 14 novembre 2008

Advenue du royaume

» Avec tout ce que j'ai oublié, on ferait une culture merveilleuse. »


Renaud Camus, Le Royaume de Sobrarbe, journal 2005, p. 115, Fayard.

Afin que mes honorables lecteurs économisent leur temps, leur clavier et certaines de leurs extrémités digitales, je leur signale que je suis parfaitement informé de l'impertinence du mot «advenue» employé comme substantif. D'un même élan, je leur précise que je m'en fous.

Photo : Renaud Camus

On s'allège...

Il y a trois semaines, j'ai supprimé mon compteur de visites, dans la colonne verte. J'y pensais depuis déjà quelque temps et, comme il déclenchait l'ouverture de pages de pub intempestives, je suis passé à exécution.

Il y a cinq jours, j'ai viré le blog-it express. Parce que je commençais à trouver malsaine la possibilité qu'offre ce bidule de fliquer les gens qui passent par ici.

Ce matin, j'ai demandé à Mlle Agnès de Saint-Wikio si elle voulait bien avoir l'amabilité de désindexer (c'est ainsi que l'on dit, je crois) ce blog ; et elle l'a fait.

Je suis en route vers la légèreté... l'amenuisement... l'apesanteur... Le rien...

Le feuilleton du Vendredi

L'échange mails se poursuit, entre M. Rosselin et moi. Voici ce que j'ai répondu à son mail d'hier soir, qu'il cite lui-même en commentaire du billet précédent :

Monsieur,

s'il s'agit bien d'une erreur et non d'un quelconque "principe éditorial", ce que je crois très volontiers, j'accepte bien évidemment vos excuses : la méthode me semblait par trop curieuse...

Bien à vous.

Didier Goux

Je viens à l'instant de recevoir ceci de M. Rosselin :

Bonjour,

Vous pouvez d'autant plus me croire que Maud Etienne vous a adressé une demande dès le lundi 10 novembre (voir ci-dessous) ! Resté malheureusement sans réponse...

JR


De : Maud Etienne Vendredi
Date : 10 novembre 2008 16:14:56 HNEC
À : didier.goux**********.fr
Objet : Nouvel hebdomadaire Vendredi

Bonjour,

Nous sommes un nouvel hebdomadaire, dont le premier numéro est sorti en kiosque le 17 octobre dernier.

Il est réalisé principalement à partir d'une sélection d'articles publiés sur Internet. Jacques Rosselin, Philippe Cohen et Philippe Labarde en assurent la direction éditoriale.

Nous lisons avec intérêt votre site et avons sélectionné, ce jour, votre article «Vertige métaphysique (et ta ceinture dorée)» pour le numéro 5 en kiosque le 14 novembre. Seriez-vous d'accord pour que nous le publions dans notre journal ?

Nous tenons à rémunérer les auteurs et avons prévu, pour les mois de lancement, un montant forfaitaire symbolique de 50 euros par article publié. Nous ajusterons ce montant dès que nous aurons une meilleure visibilité sur l'économie du journal, au premier trimestre 2009.

Si vous souhaitez rendre visite à l'équipe du journal pour que nous vous présentions les premiers numéros, vous êtes le bienvenu.

Dans l'attente de votre réponse, nous vous adressons nos plus sincères salutations.


Maud Etienne
Apaches - Vendredi.info

J'ai donc, plus ou moins embarrasé, répondu à mon tour ceci :

Monsieur,

là, je suis vraiment confus : je viens en effet de retrouver ce mail dans mes "indésirables", où je l'avais fait glisser sans même l'ouvrir, croyant à une de ces nombreuses pubs spamiformes dont nous sommes tous inondés. C'est donc à mon tour de vous présenter mes excuses. Il n'en reste pas moins que, faute de réponse de ma part, peut-être auriez-vous dû renoncer à la publication. Mais n'ergotons pas. Je vais donc publier cet échange de mails sur mon blog, afin que ma poignée de lecteur ait en main toutes les pièces du dossier.

Bien à vous.

Didier Goux

Normalement, on devrait donc en rester là...

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La phrase doit avoir la dureté de la pierre et le frémissement de la feuille.

jeudi 13 novembre 2008

Abus de (quatrième) pouvoir

Connaissez-vous ce follicule qui, dans un bel élan d'originalité, a pris le nom de son jour de parution ? C'est nouveau, ça vient de sortir, comme on dit. Le principe de cette gazette est simple : on fouille le net, on glane des articles à droite et à gauche (probablement plus à gauche qu'à droite, je suppose, vu l'enthousiasme que la naissance de l'hebdomadaire a suscité chez mes amis left blogueurs), sur les blogs des uns et des autres, on met ce patchwork en page et on vous le vend 1,50 €. C'est la version blogo-marchande de « I went to the market, mon p'tit panier sous mon bras ».

En bas et à gauche de la une du numéro de demain figure un petit texte que j'ai écrit samedi dernier ici même. Je suppose que je devrais me montrer flatté de cet insigne honneur, or il n'en est rien. Je suis au contraire assez estomaqué de l'aplomb de ces gens - dont certains sont des journalistes professionnels -, qui n'hésitent pas à s'approprier vos écrits sans vous demander votre autorisation pour ce faire, et qui, naturellement, les reproduisent sans qu'il soit question de vous verser le moindre centime de droits d'auteur.

On peut penser qu'ils tablent sur la vanité des blogueur, qu'ils utilisent comme un confortable matelas leurs boursouflures d'ego ; ils ont certainement raison, ce semble être un bon calcul. Sauf que, depuis trente ans, je n'ai jamais été habitué à écrire gratuitement dans les journaux quels qu'ils soient. Je viens donc d'envoyer à la "rédaction" de Vendredi le mail suivant :

Monsieur,

j'apprends et constate que votre journal paraissant demain proposera en "une" un petit article extrait de mon blog. Je ne me souviens pas que quiconque, de votre rédaction, ait à aucun moment sollicité mon autorisation pour cette publication.
D'autre part, étant journaliste professionnel depuis trente ans, je n'ai jamais été habitué à écrire dans les journaux gratuitement, et encore moins à mon corps défendant. Je tiens par conséquent à vous faire part de mon profond désaccord quant à vos "méthodes" de travail, et j'espère fermement qu'une telle chose ne se reproduira plus à l'avenir, en tout cas pas dans ces conditions.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations simples.

Didier Goux

Encore ont-ils la chance que je n'aie pas l'âme procédurière d'un nombre grandissant de mes contemporains. Je trouve néanmoins ces méthodes assez cavalières, pour dire le moins.

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Afin d'entretenir l'ardeur réactionnaire de ce blog peu fréquentable, j'ai décidé hier soir, dans les vapeurs enivrantes de la Contrex, de vous gratifier chaque matin d'un aphorisme / pensée de Nicolàs Gòmez Dàvila, comme j'avais commencé à le faire voilà quelques mois. Tous seront extraits d'un recueil paru en français aux éditions Anatolia - du Rocher, sous le titre Les Horreurs de la démocratie. Chaque pensée est numérotée et ce numéro servira de titre. Chaque fois, le texte même de Dàvila apparaîtra en bleu, pour le différencier d'éventuels commentaires que je m'autoriserai à faire (ou non). Le fait de choisir tel ou tel aphorisme n'impliquera pas forcément ma totale adhésion. Il pourra arriver que l'un ou l'autre soit choisi parce qu'il m'aura semblé avoir été écrit contre moi. Ou, plus simplement, parce qu'il me sera resté obscur et que j'aurai espéré de vous quelque lumière...


Ne médisons pas du nationalisme.
Sans la virulence nationaliste il y a beau temps que l'Europe et le monde seraient soumis à un empire technique, rationnel, uniforme.
Faisons crédit au nationalisme d'au moins deux siècles de spontanéité spirituelle, de libre expression de l'âme nationale, de riche diversité historique.
Le nationalisme aura été le dernier spasme de l'individu avant la mort grisâtre qui l'attend.

mercredi 12 novembre 2008

On appelait ça l'argot...

Je viens de le relire, ça m'a fait sourire, donc je vous repasse le plat...

vendredi 26 octobre 2007

- On s'enquille un petit jaune ? proposa Gros Louis, la bouteille de pastis déjà en main. Une première crampe, ça s'arrose, non ? Parce que, dis, c'est bien ton baptême de l'air, question trempette, ou je me berlure ?

- Non... grommela Riton, avec une certaine réticence, sans cesser de tripoter le noeud de cravate qui l'étranglait à moitié. Mais j'aimerais autant pas picoler... J'ai pas envie que Popaul parte en godille au moment de le pousser à dame, tu gaffes ?

- Ouais, bon, te caille pas trop la laitance avec ces histoires de dégodage, soupira Gros Louis en se servant une rasade à décorner un rhino. Si tu suis la feuille de route que je t'ai bidouillée, tu devrais mener le petit au bout sans problo. Tu veux qu'on récapitule le programme des réjouissances ? Histoire de voir si tu t'es bien tout carré dans la pensarde ?

- Ouais, s'tu veux... fit Riton, sans le moindre enthousiasme.

- Déjà, tu te mets pas la rate au court-bouillon avec les mignardises qu'on nous dit qu'il faut absolument faire pour déclencher les moiteurs des greluches : tout ça, c'est des bavasseries de tartineuses que personne les a jamais fait reluire. Si tu devais grimper au radada avec une mousmée pas déberlinguée, je dis pas qu'il te faudrait pas usiner dans le feutré. Mais avec la Roberta, y a pas de tracsir à avoir : elle en connaît un rayon, côté chibraques. À mon avis, si on mettait bout à bout tout ceux qu'elle s'est carrés dans la moniche depuis que son dabuche l'a virée de sa casbah, tu pourrais aller d'ici à sa carrée sans avoir besoin de poser un seul de tes écrase-merde sur le dur. C'est bien simple : l'est tellement ample du centre d'accueil, la Robertaga, que je sais même pas si t'arriveras à toucher les bords, chibré ouistiti comme je te sais...

Riton esquissa un vague geste de protestation, mais préféra y renoncer. Gros Louis laissa tomber un gros glaçon dans son verre et y ajouta quelques gouttes d'eau du robinet (il en tenait pour une incompatibilité définitive entre le pastis et l'eau minérale), avant de poursuivre :

- Bon, c'la dit, crois pas que tu doives te comporter comme un gougnafier sans éduquance non plus ! Même avec la Roberta. S'agit pas de te pointer sabre au clair, de la seringuer en deux coups les gros et de lui virguler ton bonheur avant même qu'elle aye commencé à grimper en mayonnaise. T'entraves c'que j'te bonnis, là ?

- Ouais, ouais... marmonna Riton, que son dépucelage imminent commençait à travailler sévèrement.

- Si tu veux te montrer galant et attentionné, tézigue-pâteux, le mieux c'est de te cantonner dans les figures imposées, pour une première. Tu commences par lui défriser le poilu à la menteuse, c'est un truc qui plaît toujours, ça. L'avantage, c'est que ça te laisse libre de tes paluches et que tu peux lui tripoter les embouts des roberts en même temps que tu lui délimites le pourtour. Si tu vois qu'elle répond bien de la babasse, tu peux aussi lui risquer un doigt dans l'oeil de bronze : c'est souvent apprécié, par les raffinées de l'empaffage comme la Roberta.

L'air moitié rêveur moitié imbibé, Gros Louis resta quelques secondes silencieux. Puis :

- Pour une première fois, je déconseillerais les manoeuvres de plus haute technicité, du genre de la pince Monseigneur : le pouce dans le frifri et l'indesque dans le plissé. Tu risques de déconcentrer et d'abaisser le pavillon au moment crucial. Bon, quand tu vois qu'elle est bien inondée du delta, plus d'hésitation : tu lui remontes le Chemin des Dames jusqu'à ce que t'aies les deux orphelines qui lui collent à l'escarguinche. Ensuite, tu piques des deux, en évitant de vider les étriers quand elle partira en digue-digue.

- Et après ? voulut savoir Riton.

Gros Louis le regarda avec un rien de commisération :

- Ben, après, tu remballes Popaul, tu décarres du pucier, tu remontes dans ta guinde et tu mets les adjas fissa, vu qu'on a rencart chez Marius pour l'apéro, je te rappelle. Et si la Roberta te la fait à la douceur pour que tu restes lui remettre le couvert, tu refuses poliment mais fermement : un homme, un vrai, ça doit pas se gaspiller le fluide vital inconsidérément, comme le premier foutriquet venu, moi je dis.

Vive la Hautoto !

Afin de faire face au surpeuplement des asiles d'aliénés, rebaptisés hôpitaux ou instituts psychiatriques pour faire joli, le gouvernement français a trouvé la solution : il a créé la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité : avec votre argent et le mien, on y colle tout ce qui se rencontre de dérangés du cervelet, de handicapés du bulbe, d'endommagés de la pensarde que les organismes traditionnels n'ont pas voulu prendre en charge. C'est au sein de ce nouvel organisme que sont notamment regroupés tous les fous se prenant pour Napoléon - figure classique -, c'est-à-dire brûlant de légiférer à tout va. Le premier malade a y être interné s'appelait Louis Schweitzer. Il avait perdu la raison en essayant, durant des années, de vendre des automobiles neuves à des gens dont les moyens permettaient tout juste l'emplette d'une guimbarde hors d'âge. Grâce à la HALDE (qu'il serait urgent de dissoudre, d'immoler par le feu, que sais-je), Loulou a enfin trouvé un rôle à sa démesure mentale, ainsi que le montre le toujours excellent Marc Cohen.

Photo : asile d'aliénés de Toronto, vers 1910.

mardi 11 novembre 2008

Enfin, il a compris !

Il se murmure, dans les milieux bien informés, que le célèbre Nicolas J., Breton de souche et fier de l'être, aurait profité de son scandaleux week-end de quatre jours (la France qui n'en branle pas une : le socialisme en actes) pour prendre enfin conscience des réalités du monde moderne et apporter à ses frères-en-terroir son adhésion enthousiaste.

lundi 10 novembre 2008

Pour Olivier Porret

Curieuse idée qu'a eue l'excellent Olivier, de me taguer. Surtout pour me demander comment je voyais l'Europe à l'horizon 2020 : si par extraordinaire je ne suis pas mort, je vois mal pourquoi je me contre-pignolerais moins de l'Europe (je parle de l'Europe soviéticoïde, telle qu'on l'édifie entre Bruxelles et Strasbourg, bien sûr, pas de la vraie) en 2020 que je ne le fais aujourd'hui. Histoire de me défiler, j'ai failli lui dire que je n'avais pas le temps, en raison du Brigade mondaine à écrire pour le 20 novembre. Et puis, l'idée a point : comme je venais de le faire par deux fois, avec les gamineries de Balmeyer et de Catherine, pourquoi ne pas répondre à Olivier, tout en faisant avancer mon boulot ? Je viens d'essayer : ç'a donné la chose suivante...

Pour Catherine

En direct de la ferme...

Pour Balmeyer

Défi relevé...

dimanche 9 novembre 2008

Il serait temps

Benoît XVI a reçu jeudi dernier à Rome des dignitaires musulmans pour trois jours de discussions théologiques et sociologiques avec des responsables catholiques. Le pape leur a clairement rappelé sa préoccupation de voir respectée « la liberté religieuse pour tous et partout ». « Les responsables politiques et religieux ont le devoir d’assurer le libre exercice des droits fondamentaux dans le plein respect de la liberté individuelle de conscience et de la liberté religieuse », a-t-il déclaré lors de cette première édition du Forum catholiques-musulmans.

Alors que les violences commises à l’égard des minorités chrétiennes dans les pays musulmans se multiplient (Algérie, Irak, Turquie, Pakistan, Afghanistan, Indonésie, etc.) et que la religion catholique ne peut toujours pas être pratiquée en Arabie saoudite, certains participants musulmans ont préféré faire diversion. Comme le mufti de Bosnie, Mustafa Ceric, chef de la délégation musulmane, qui a rappelé « le génocide subi par (ses) frères bosniaques musulmans » pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Ou encore l’universitaire américain Seyyed Hossein Nasr, mettant en garde les chrétiens contre « un prosélytisme agressif qui détruirait notre foi au nom de la liberté ». Qui est responsable d’un prosélytisme religieux agressif en Europe depuis des années ?

Source : Novopress.

Pour vous prouver que j'ai bel et bien commencé...

Rendez-vous chez le Brigadier...

samedi 8 novembre 2008

À lire...

...une dépêche de l’agence Reuters faisant part de la lapidation, le 28 octobre, d’une enfant somalienne de 13 ans, à Kismayo. Son crime ? Avoir été violée par 3 adultes, alors qu’elle se rendait à pied à Mogadiscio pour y visiter sa grand-mère… Et avoir eu la naïveté d’aller se plaindre aux autorités, croyant se placer ainsi sous leur protection. Verdict : condamnée à la mort par lapidation pour adultère. Conformément à la tradition, la sentence a été exécutée en public, devant plusieurs centaines de spectateurs enthousiastes.

Les réactions indignées de nos vigilantes féministes ne devraient normalement pas tarder à se faire entendre...

Vertige métaphysique (et ta ceinture dorée)

Tout à l'heure, lisant les Mémoires de deux jeunes mariées, Catherine lève soudain les yeux du volume, pour me signaler l'emploi par Balzac de l'expression « donner la peau de poule », au lieu de la chair du même animal, que nous avons coutume d'employer de nos jours pour désigner les mêmes frissonnants phénomènes. Nous sommes convenus que l'expression ancienne était finalement beaucoup plus juste. Reste à savoir quand, comment et pourquoi, l'image a joué d'abord les peaux de chagrin, pour finalement se faire chair. C'est vraiment des coups à se remettre à boire, non ?

Pédophilie à géométrie variable

Cet après-midi, l'Irremplaçable a lu France Dimanche. C'est bien, c'est une lecture très saine. Ce soir, elle me faisait part de son étonnement. Le dernier numéro contenait un article consacré à Yves Rénier (Commissaire Moulin, pour les attardés du tube cathodique), à l'occasion de la sortie de ses mémoires (ben oui...), livre dans lequel il raconte comment il s'est fait dépuceler à 12 ans, par une femme qui en avait 17 de plus.

« C'est curieux que ça ne fasse pas un scandale, s'étonna la chère et tendre : c'est tout de même de la pédophilie, non ? »

Si, en effet. Il m'apparut alors que la pédophilie était, en quelque sorte, à géométrie variable. Un homme qui initie une fillette ? Ignoble ! Révoltant ! Arrachez-lui les couilles ! Un homme qui déniaise un petit garçon ? Répugnant ! Inadmissible ! Pendez-le ! Mais une femme qui fait découvrir la volupté à un pré-adolescent ? Alors, là, les sourires fleurissent, les regards se teintent d'indulgence - voire d'envie, chez les mâles qui n'ont pas eu la chance de connaître cela. à cet âge tendre et dur à la fois. On notera, au passage, que le Rénier en question ne se croit pas du tout tenu de se déclarer traumatisé par l'expérience. On sent même, à le lire, qu'il en conserve un souvenir ému, pour ne pas dire émoustillé.

Pourtant, ça reste de la pédophilie, non ?

Carburant : deux whisky sec pour Irrempe, deux whisky-coca pour moi.
Environnement sonore : Shirley Horn.

vendredi 7 novembre 2008

La grande Duduche

La démocratie, c'est quand on peut choisir entre plusieurs candidats à un seul fauteuil et se payer le luxe, la jouissance même, de désigner le plus calamiteux. C'est ce plaisir raffiné que les militants socialistes français viennent de s'offrir. On n'a pas fini de rigoler, je vous le dis.

Fleur bleue (distorsion temporelle)

À Marie-Georges Profonde



Ce matin, comme je m'ennuyais un peu au volant de ma voiture, j'ai fait ce que d'habitude je fais en pareil cas : je me suis chanté des chansons. Aujourd'hui, c'est tombé sur Charles Trenet. C'est un phénomène d'ailleurs assez curieux, je le note en passant : quand me prend une envie de vocalises, j'attaque par la première chanson qui me vient à l'esprit. Et, ensuite, je suis généralement incapable de changer d'artiste. Si j'ai commencé par la Supplique pour être enterré sur la plage de Sète, ce sera Brassens durant tout le trajet ; si c'est Avec le temps qui a ouvert le bal, on ne sortira plus de Léo Ferré jusqu'au terminus. Ce matin, donc, c'était Trenet. Et, lorsque j'en suis arrivé à Fleur bleue, m'est revenu le souvenir de l'espèce de commotion psycho-temporelle, éprouvée le soir où Catherine et moi étions allé écouter l'artiste au Palais des congrès, circa 1995, précisément lorsqu'il a entonné Fleur bleue.

Ma mère a toujours dit qu'elle adorait cette chanson. Au point que, lorsqu'elle était petite fille et que la radio la diffusait, elle grimpait sur une chaise afin de se rapprocher du gros poste à galène trônant sur une étagère, dans la cuisine de mes grands-parents, 13 boulevard Fabert, Sedan, Ardennes.

Imaginer sa propre mère en petite fille est chose impossible à quiconque, je crois. On sait qu'elle l'a été, mais on ne peut pas le penser. Dans tout les cas, l'événement semble se réfugier dans un passé quasi néolithique. Et je me souviens bien de ce vertige qui m'a saisi, au Palais des congrès, lorsque j'ai réalisé que l'homme qui enchantait l'esprit d'une fillette de cinq ou six ans, vers 1938 ou 39, était le même qui emplissait la scène ce soir-là devant moi, rien que pour moi, moi adulte.

Là-dessus : je vous laisse : j'approche du pont de Neuilly et il s'agit de me concentrer sur ma conduite.


jeudi 6 novembre 2008

Léporicide involontaire : les aveux du suspect

Catherine et moi, ce matin, sur l'autoroute A 13, roulant vers Paris. Qu'est-ce qui lui a pris, à ce petit con outrageusement auriculé ? Les lapins ont-ils des pulsions suicidaires ? Prennent-ils parfois conscience que ce n'est pas une vie de bouffer uniquement de l'herbe, de sa naissance à son dernier bond ? Ou bien, ils la fument et perdent tout sens des réalités ?

Toujours est-il que celui-là, précisément celui-là, à la hauteur de Gargenville, a décidé qu'il voulait quitter le bas-côté pour rejoindre le muret de béton central ; et de mettre son projet à exécution (c'est bien le cas de le dire), à une cinquantaine de mètres en avant de ma calandre. Je l'ai vu franchir la ligne blanche de la bande d'arrêt d'urgence, tranquillement, par petits soubresauts du croupion, comme on traverserait un chemin creux bordé d'aubépines. Je me suis déporté sur la gauche, mais pas trop cependant : la circulation était dense, sur la voie médiane. Mal m'en a pris car, au lieu de passer entre les roues droites et gauches, mon vivant civet s'est pris soixante tonnes d'acier dans la tronche.

Il en est résulté ceci, cette double image : dans le pare-brise, un lapin sautillant, ramassé sur lui-même, oreilles dressées ; dans le rétroviseur, un pelage informe, une étole brute et sanglante, un souvenir de lapin. Catherine a eu beau faire valoir que, se dirigeant vers le milieu de l'autoroute, l'animal était déjà virtuellement mort avant la percussion, il s'est produit chez moi un léger accablement (oxymore) que seul le bouchon de l'A 14 a réussi à dissiper, pour le remplacer par un énervement plus facile à maîtriser, parce que banalement humain et ne débouchant sur aucune étrangeté, nul abîme creusé en entonnoir dans le macadam.

mercredi 5 novembre 2008

Aporie

Aujourd'hui, si vous voulez être entouré d'égards et comblé d'éloges, autour du feu de camp des progressistes, le soir à la veillée, entre deux chansons de Joan Baez, vous devez absolument proclamer deux choses :

1) Les races, ça n'existe pas

2) C'est super qu'un noir entre à la Maison Blanche

La boîte à outils conceptuels n'est pas fournie, démerdez-vous.

Ils relèvent déjà la tête...

Il y a dix minutes, j'ai pris l'ascenseur pour descendre fumer. Un type, jeune, l'a arrêté au troisième, est monté, et en est redescendu au second. J'arrive au rez-de-chaussée, sort, fume et remonte. L'ascenseur s'arrête au deuxième, y pénètre le même gugusse, qui le quitte au troisième. Il se trouve que ce garçon était l'un de nos futurs payeurs exotiques de retraites.

En voilà un qui a vite compris tout ce qu'il pouvait désormais se permettre, grâce à l'élection d'Obama...

Lettre ouverte aux barackophiles de gauche

C'est ce que j'avais l'intention de vous tartiner : une longue « lettre ouverte » principalement destinée à me moquer gentiment de votre obamolâtrie, et des contorsions idéologiques qu'elle suppose. Et puis, pourquoi me fatiguer ? Je viens de tomber sur un article qui dit bien mieux - et plus sérieusement ô combien - ce que j'avais plus ou moins dans l'idée de bafouiller. Par conséquent, suivez le guide (non, pas le guide suprême, juste moi !) : vous êtes attendus au salon...

mardi 4 novembre 2008

Vernon sous le vent

Parce qu'un écrivain que nous connaissons (mais dont je tairai le nom par souci de discrétion...) me demandait hier si par hasard nous possédions des photographies du moulin de Vernon, l'Irremplaçable a aujourd'hui sauté sur l'occasion pour me traîner de force en promenade, sous couvert de réaliser elle-même quelques clichés du vestige en question, alors que je me serais assez bien vu rester planté devant l'ordinateur, afin de troller gaiement chez les uns et les autres. Finalement, je n'ai pas regretté.
D'abord parce que, aussi étrange voire absurde que cela paraisse, je n'avais encore jamais vu ce curieux moulin suspendu entre ciel et Seine de près. Selon le principe bien connu que ce qui est à côté de chez soi, n'est-ce pas ?, on a toujours le temps d'aller le visiter plus tard. Ensuite, se dégourdir les papattes le long de quelque chemin de berge est toujours excellent pour l'écrivain en bâtiment - n'importe lequel d'entre eux vous le confirmera. Ne comptez pas sur moi pour un cours magistral concernant l'édifice : tout est ici. Le quartier de Vernon, outre-Seine,, où se trouve le moulin, porte le mignon toponyme de Vernonnet : ça vous a un petit côté Marie-Antoinette, je trouve. Il faisait beau, presque doux, et il n'y avait pas un souffle de brise, contrairement à ce que pourrait induire mon titre, lequel ne doit d'apparaître au frontispice qu'en raison de mon goût malsain pour les calembours approximatifs. (Je sais, Monsieur Balmeyer, je sais ! Mais il ne s'agit pas ici d'un texte littéraire - alors faisez pas chier le tâcheron.)

Ayant brillamment rempli notre mission, malgré un ennemi supérieur en nombre et en armements, nous avons remballé le chien Bergotte dans le coffre de la tomobile et sommes allés faire un tour dans les rues dans les rues de Québec de Vernon. Là, stupeur, gourmandise et concupiscence : nous tombons nez à fronton avec une nouvelle librairie ! Ce qui est façon de parler, dans la mesure où, depuis quatre ou cinq ans, il n'en subsistait plus une seule. Évidemment, nous poussons la porte, afin de voir si l'échoppe ressortit à la catégorie des librairies artisanales avec de vrais morceaux de littérature dedans, ou bien à celle des batteries à livres industrielles. Fixés au bout d'une minute et demie : seconde race, comme il fallait s'y attendre.

On se rabat donc sur le Monoprix afin d'y trouver des tomates séchées, des olives de Lucques, des confitures Albert Menès et autres joyeusetés gastronomiques. Sur un présentoir, au milieu d'une allée, l'estomac se rappelant au bon souvenir du cerveau, j'avise une pile de gâteaux teutons, d'une quinzaine de centimètres de long pour six de large et environ quatre d'épais, tout éjouis de sucre glace. J'en prends un : il pèse à peu près le même poids qu'un lingot d'or de sa taille : à quoi on reconnaît que les Allemands sont un grand peuple.

On l'a mangé dans la voiture, sur la route du retour, et on a foutu du sucre glace partout. Comme ma voiture ressemblait déjà à une roulotte de romanos, ce n'était pas très grave : après, elle faisait roulotte de romanos quand il neige. On s'est bien amusé.

lundi 3 novembre 2008

La mort du vieux Jacques

C'était hier soir, peu avant minuit ; j'ai appris la nouvelle par la télévision ; plus bizarrement, c'est Arte qui a donné l'information, nous plongeant, l'Irremplaçable et moi dans la stupeur : le vieux Jacques venait de s'éteindre, paisiblement, dans son lit, après avoir demandé à Max von Sydow d'ouvrir la fenêtre, afin qu'il puisse entendre une dernière fois le chant de son canari en cage.

Le vieux Jacques est le serviteur de Franz von Trotta, personnage pivot de La Marche de Radetzky, le roman le plus connu de Joseph Roth (photo), et sans doute l'un des plus grands de tout le XXe siècle. Juste avant de mourir, Axel Corti en a tiré un téléfilm de quatre heures, remarquable et remarquablement fidèle à l'oeuvre de l'écrivain, qu'Arte rediffusait donc hier soir - en français malheureusement : shame on them.

La scène de l'agonie du très vieux serviteur est superbe et d'une simplicité poignante. La mort opère - sans phrases - un retournement complet des valeurs que l'on devine figées depuis plus d'un demi-siècle, entre le domestique et ce maître qu'il a vu sinon naître du moins grandir. En quelques minutes, dans cette chambre sans apprêts, le préfet von Trotta se met au service de l'homme qui l'a servi toute sa vie, et son père (« le héros de Solférino »...) avant lui ; il obéit tout naturellement à ses moindres désirs, qui sont presque des ordres, exprimés d'une voix douce. Le temps lui-même effectue un vertigineux retour en arrière, puisque le vieux Jacques se remet à tutoyer le baron, comme on suppose qu'il devait le faire lorsque celui-ci était enfant.

Durant toute cette scène, Franz von Trotta laisse affleurer à son visage (magnifique Max von Sydow) un peu du bouleversement qui l'agite, mais ne dit pas un mot qui ne soit une banalité, incapable qu'il est d'exprimer quoi que ce soit de personnel : il en ira de même lors de sa dernière entrevue avec son fils, Carl Joseph, quelque part aux confins de l'empire austro-hongrois, lui aussi entré en agonie. Car La Marche de Radetzky est tout entière marquée de l'empreinte de l'agonie.

Ce qui, pour Catherine et moi, est apparu de plus étrange, est que, au moment de sa mort, l'acteur interpétant le domestique mourant ressemblait réellement, physiquement à l'autre vieux Jacques...

dimanche 2 novembre 2008

Les plumitifs et les batteurs d'estrade se foutent gentiment de nous

Quoi de plus jouissif, finalement, que le retour d'un petit discours attendu, rôdé, institutionnel pour ainsi dire, dont tout le monde sait qu'il est entièrement de toc, mais que celui qui le tient énonce néanmoins avec une impayable gravité et des trémolos de vérité vraie dans la voix ? C'est bien sûr à la télévision que s'épanouissent le plus volontiers ces petits bibelots d'inanité sonore. Prenons deux exemples que chacun a eu à subir.

Premier cas, un jeune homme qui vient de publier son premier roman (140 pages y compris les deux couvertures et les pages blanches de la fin, marges généreuses), lequel remporte un colossal succès, notamment eu égard à ses qualités littéraires et à la profondeur de la pensée qui s'y éploie. Comme le sémillant plumitif a moins de trente ans, le ventre plat, le museau propre à déclencher les pâmoisons et le cheveu savamment décoiffé, il est invité chez Laurent Ruquier, ce samedi soir. La crécelle agitée va forcément lui poser la question immanquable : « Et c'bouquin, ça a été dur de vous l'faire éditer ? »

La réponse, neuf fois sur dix, est la suivante, à quelques micro-variations près : « Ah non, alors, pas du tout ! J'étais même vach'ment surpris. Je l'ai envoyé par la Poste, chez Gal**mard, où je ne connaissais personne. Trois jours après, j'avais un coup de fil de X, le directeur de collection, qui m'dit qu'il veut à tout prix dev'nir mon éditeur. Au début, j'croyais qu'c'était une blague de mes potes... »

Voilà pour la base de ce qu'il faut répondre. On peut raffiner ; prétendre qu'on l'a envoyé (mais toujours par la Poste, hein, attention : pas de boulette !) aux trois plus grands éditeurs parisiens (« Ceux qui m'faisaient rêver quand j'étais ado et qu'j'découvrais les bouquins, j'veux dire ») et que tous les trois (ou deux sur trois, si on est pris d'un soudain scrupule de véracité du récit) ont donné une réponse favorable à quelques heures d'intervalle. Là, il est très bien porté de préciser que, honnête à s'en pisser parmi, on a donné la préférence au premier d'entre eux à s'être manifesté. Il me semble inutile d'épiloguer sur la haute vraisemblance de l'affaire, tout le monde sachant qu'un manuscrit arrivant, sauf à être recommandé par des puissances quasi célestes est automatiquement confié à un lecteur, lequel en a déjà trente à feuilleter en bâillant d'ennui et qu'il n'ouvrira pas le vôtre avant un bon mois. Et qu'importe si, quelques semaines plus tard, un journaliste un peu moins endormi que les autres découvre et écrit que notre jeune homme a été porté sur les fonts baptismaux par Philippe Sollers, ou que Guillaume Durand est un vieux copain de lycée de sa mère - pardon : de sa maman.

Deuxième petit discours-témoin. Le samedi suivant, l'inénarrable Ruquier reçoit cette fois une jeune comédienne, littéralemment eeextraordinaiiire dans le dernier film d'Agnès Jacri, au côté de Jean-Pierre Baoui. Il se trouve que cette jeune personne a une mère. Laquelle est comédienne, réalisatrice, auteur de pièces de théâtre depuis trente ans. Elle a également un oncle, comédien et réalisateur de films. Les deux hautement bankables. La crécelle : « Et ça vous a aidé, d'être une "fille de", comme on dit ? » Spot ! la lumière rouge s'allume, attention, le petit discours va sortir :

« Alors là, pas du tout, Laurent ! Je vais vous dire : quand j'suis allée sur mon premier casting, ma mère elle était même pas au courant. Et j'ai pas donné mon vrai nom, parce que c'est vrai que j'voulais avoir ce rôle toute seule. Quelque part, j'voulais m'prouver que j'étais capable de réussir sans qu'personne m'aide. »

Là encore, on peut raffiner. Comme ça, par exemple : « À la limite, le fait d'être la fille de ma mère, ça a même failli me nuire, en fait. Agnès Jacri, quand elle a appris qui j'étais, ben elle était déjà moins partante. Pis au final, comme j'étais vraiment le personnage qu'elle cherchait, elle m'a pris quand même. »

Là encore, crédibilité maximale, n'est-ce pas ? Les metteurs en scène, les directeurs de casting, les autres acteurs : tout ce petit monde ignore totalement que Sylvette Balajo a une fille, que Romain Poitou a une nièce, personne ne l'a jamais vue, ne serait-ce qu'en photo. Et l'on va tout de même répétant que le cinéma est une grande famille où tout le monde se connaît. Hein ? Où ça, une contradiction ?

Vous avez tort de le prendre comme ça, avec ce mauvais esprit qui vous caractérise trop souvent. Ce n'est pas du tout une contradiction : c'est un simple foutage de gueule.