vendredi 7 novembre 2008

Fleur bleue (distorsion temporelle)

À Marie-Georges Profonde



Ce matin, comme je m'ennuyais un peu au volant de ma voiture, j'ai fait ce que d'habitude je fais en pareil cas : je me suis chanté des chansons. Aujourd'hui, c'est tombé sur Charles Trenet. C'est un phénomène d'ailleurs assez curieux, je le note en passant : quand me prend une envie de vocalises, j'attaque par la première chanson qui me vient à l'esprit. Et, ensuite, je suis généralement incapable de changer d'artiste. Si j'ai commencé par la Supplique pour être enterré sur la plage de Sète, ce sera Brassens durant tout le trajet ; si c'est Avec le temps qui a ouvert le bal, on ne sortira plus de Léo Ferré jusqu'au terminus. Ce matin, donc, c'était Trenet. Et, lorsque j'en suis arrivé à Fleur bleue, m'est revenu le souvenir de l'espèce de commotion psycho-temporelle, éprouvée le soir où Catherine et moi étions allé écouter l'artiste au Palais des congrès, circa 1995, précisément lorsqu'il a entonné Fleur bleue.

Ma mère a toujours dit qu'elle adorait cette chanson. Au point que, lorsqu'elle était petite fille et que la radio la diffusait, elle grimpait sur une chaise afin de se rapprocher du gros poste à galène trônant sur une étagère, dans la cuisine de mes grands-parents, 13 boulevard Fabert, Sedan, Ardennes.

Imaginer sa propre mère en petite fille est chose impossible à quiconque, je crois. On sait qu'elle l'a été, mais on ne peut pas le penser. Dans tout les cas, l'événement semble se réfugier dans un passé quasi néolithique. Et je me souviens bien de ce vertige qui m'a saisi, au Palais des congrès, lorsque j'ai réalisé que l'homme qui enchantait l'esprit d'une fillette de cinq ou six ans, vers 1938 ou 39, était le même qui emplissait la scène ce soir-là devant moi, rien que pour moi, moi adulte.

Là-dessus : je vous laisse : j'approche du pont de Neuilly et il s'agit de me concentrer sur ma conduite.


14 commentaires:

  1. Les autorités sanitaires t'auront finalement permis de conduire de nouveau !? Vite, j'appelle le 17 !

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  2. Oui, depuis un mois ! Mais laisse tomber le 17 : désormais, en matière d'alcool au volant, je m'applique à moi-même la fameuse "tolérance zéro"...

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  3. La Marche de Radetzky t'est enfin sortie de la tête !

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  4. C'est malin, tu viens de l'y remettre !!!

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  5. c'est curieux je pensais justement aux chansons préférées de mon père HIER...???
    Geargies

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  6. Gnark, gnark, c'était fait exprès !

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  7. OOooOOoOOoOOOoOOOooOooh mais que vois-je qu'ouïs-je ? ouiiiiiii !
    (attention je deviens vite groupie attardée lorsqu'il s'agit de Trénet)
    Un rien vous fait chanter...
    Vous l'avez vu sur scène ! Quelle chance...
    Moi c'est sur "j'ai ta main" que j'ai pleuré, en écoutant le CD du concert de ses 50 ans de chansons.
    Merci pour ce texte enchanteur !
    ...
    "...On jure que l'on s'adore tous les deux
    et l'on jurerait encore si fleur bleue
    ne vous plaquait ça c'est vache
    pour un dragon à moustaches
    ah, morbleu !"
    ...

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  8. Marie-Georges, merci du compliment ! Mais, si vous ne voulez pas être impitoyablement radiée du fan club, il serait temps d'apprendre que Trenet s'écrit sans accent sur le e...

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  9. Ça alors ! Vous avez raison (je viens de vérifier sur mes pochettes de disque)... Moi qui connais la règle des accents sur le bout des doigts, j'ai toujours pensé que c'était forcément Trénet. Merci pour cette remarque ! Je vais de ce pas corriger mes anciens articles.

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  10. (Attention j'essaie d'insérer un lien dans un commentaire, je sens que ça va rater cette histoire !)
    Voilà , c'est fait et encore merci !

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  11. Il marche très bien, votre lien. Et aboutit à un beau texte.

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  12. (on comprendra aisément pourquoi je commente anonymement vu ce qui va suivre).

    S'il était toujours en retard, c'est parce que Charles Trenet.

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  13. Merci beaucoup, j'en vire rougeaude...
    Anonyme : ton humour inimitable suffit à te démasquer, voire à te déchapeauter !

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  14. Anonyme : si vous avez quelque chose à proposer avec Pierre Fresnay, surtout n'hésitez pas, hein ?

    (Dans un style un peu différent, mais également réjouissant, vous pouvez chercher du côté de Sean Connery, Truman Capote, Gwyneth Paltrow, Joan Baez, and so on...)

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.