lundi 29 juin 2020

Omar Sy pour ce moment

Nelson Mandela (à g. sur notre photo) et Hô Chi Minh (à d.).

Les heureux abonnés à Netflix, dont je fais partie, devraient bientôt voir apparaître sur leurs écrans une nouvelle série consacrée à Arsène Lupin. Avec Omar Sy dans le rôle-titre. Quoi de plus normal, de plus naturel, de plus allant-de-soi ? Mais s'arrêter si vite dans un si bon chemin serait bien décevant : il importe, et urgemment, de continuer à déconstruire, à décloisonner, à désenclaver, à décoiffer, à décaler…

C'est pourquoi j'attends avec trémulante impatience et gourmandise vive le biopic qui sera bientôt consacré à Nelson Mandela avec Gérard Depardieu en vedette, ainsi que la saga retraçant la glorieuse vie de Hô Chi Minh, lequel sera bien sûr interprété par Isabelle Adjani. Car on ne voit vraiment pas au nom de quel antédiluvien préjugé le rôle de l'oncle Hô devrait à tout prix revenir à un homme. Pour bien faire, ces deux films devront être tournés entièrement en décors naturels. Et au Groenland, car, surtout depuis qu'ont été supprimés entractes et ouvreuses, les Esquimaux restent, à ce jour, scandaleusement sous-représentés dans nos salles de cinéma.

dimanche 28 juin 2020

Terreur dans le train fantôme



Enfant, j'adorais les fêtes foraines. Ensuite ça m'a passé, mais enfant j'adorais. Avec une nette prédilection pour deux attractions entre toutes : les autos tamponneuses et, surtout, le train fantôme. Passons sur les premières et intéressons-nous au second. 

Qu'y a-t-il de plus délicieux que de se faire très peur, tout en sachant qu'on ne risque rien ? Ou disons : presque rien.  Car, bien sûr, les esprits chagrins, les longues figures, les rabat-joie de profession vous feront gravement remarquer que le wagonnet où vous avez pris place peut fort bien – un boulon mal serré – sortir de ses rails dans le virage, ou que la sorcière en carton peut se désolidariser de sa paroi au moment où vous passez par là et vous tomber sur l'occiput. Mais enfin, on sait tous que c'est rarissime, que le risque est à peu près nul, statistiquement. Et, du coup, le délicieux et infantile frisson de la peur sans objet réel conserve toute son efficacité. Si on s'écoutait, à peine descendu du wagonnet, on reprendrait un jeton pour un tour supplémentaire…

Ainsi en va-t-il du petit Chinois. Nous sommes, depuis plusieurs mois, sanglés dans des voiturettes sans aucune autonomie, qui parcourent sur leurs rails une baraque foraine de dimensions planétaires, toute pleine de monstres aux yeux clignotants, de hauts-parleurs dégorgeant cris et grognements, de fausses toiles d'araignée qui font hurler les filles et sursauter les gars quand elles frôlent leurs fronts. Et l'on s'offre des venettes bibliques avec d'autant plus d'enthousiasme que l'on sait bien qu'à l'arrivée, on descendra de son wagonnet exactement dans l'état où on y était monté. 

À ce moment de retour au plein soleil, vaguement frustrés de voir leur terreur s'évanouir, certains exigent aussitôt de pouvoir faire un tour supplémentaire. D'autres, un peu honteux de ce qu'on les ait entendus bramer de terreur pour des figurines de carton, s'éloignent aussi vite et discrètement que possible, déjà tout prêts à jurer que jamais ils n'ont mis les pieds dans une attraction aussi kitsch, tout juste assez bonne pour des enfants pas très malins.

Quelques-uns, enfin, se disent que si vraiment on avait voulu courir un risque véritable, même minuscule, de se faire bousculer en vrai, on aurait mieux fait de prendre un billet pour les autos tamponneuses.

samedi 27 juin 2020

La cuculisation par le petit Chinois


Je suis plutôt amusé par la coïncidence qui m'a fait relire Ferdydurke justement ces temps-ci. On se souvient que, au début du roman, le narrateur est un homme de trente ans qui, par suite de l'intervention autoritaire d'un professeur, se retrouve “ré-infantilisé”, ramené à l'époque de la puberté, de l'immaturité, et conduit dans une école presque manu militari par ce même professeur. École dans laquelle il est perçu par les élèves comme s'il avait réellement 13 ou 14 ans, exactement comme eux. 

Or, c'est aussi à un processus d'infantilisation – de cuculisation, pour employer un terme gombrowiczien – que nous assistons, petit Chinois aidant. Le maître ou la maîtresse ont ordonné aux enfants de strictement rester sous le préau durant toute la récréation, parce qu'il se pourrait bien qu'il pleuve. Et aussi de ne pas fourrager dans leur nez avec leurs doigts. Bientôt, c'est le scandale parmi la marmaille : voilà-t-y pas que celui-ci est allé se poster au milieu de la cour et regarde le ciel d'un air ironique, comme s'il mettait les nuages au défi de  mouiller sa tignasse ? Et cet autre, là ? A-t-il pas réussi à introduire deux de ses doigts dans chacune de ses narines, avec un petit ricanement d'aise ? 

De terreur, les enfants sages se mettent à courir partout, se cognent les uns aux autres en couinant, craignant que le courroux des Grandes Personnes ne retombe sur eux tous, eux si sages, eux si impeccablement préaulisés. Les plus conscients des dangers qui menacent toute la communauté écolière envisagent déjà d'aller dénoncer les provocateurs à la maîtresse. Ils vont le faire, ah oui ! ils donneront les noms, les détails et tout ! Ils le feront dès, dès, dès… dès qu'une Grande Personne leur dira qu'ils peuvent sortir de sous le préau. 

En attendant, ils s'écrasent les orteils et regardent avec une envie hébétée celui qui sautille dehors et les doigts de l'autre qui fourragent des narines.

mercredi 24 juin 2020

Witold cousu de blogueurs


Au centre de Ferdydurke, premier roman de Gombrowicz, on trouve la question de l'immaturité, de l'inachèvement de l'individu censément adulte, de sa recherche désespérée d'une Forme qui soit vraiment sienne, et aussi son attirance secrète vers l'imperfection, le pas-encore-défini. Dit comme cela, évidemment, ça semble annoncer un livre rébarbatif et obscur… or il n'en est rien, c'est même tout l'inverse : Ferdydurke est d'une cocasserie souvent irrésistible, et s'il peut paraître parfois obscur, ce serait plutôt en raison de sa très grande clarté, laquelle peut éblouir les pupilles qui accommodent mal. Bref.

Le relisant, je suis tombé sur un paragraphe (page 310 du volume Quarto de Gallimard) qui m'a immédiatement fait plonger non dans l'immaturité mais dans un monde qui m'est tout de même plus familier que la Pologne de 1935 : celui des blogueurs ; de vous, de moi et de ces multiples autres dont je tiens à demeurer dans une saine ignorance. À dire vrai, il s'étend, ce paragraphe, bien au-delà de ce petit univers aussi étriqué et braillard qu'une cour d'école (tout le début de Ferdydurke se passe dans une école…), mais il me fallait bien un pépiant appeau à lecteurs, n'est-ce pas ?

Un dernier mot, pour ceux qui s'étonneraient de la bizarrerie de mon titre. Il fait allusion à deux chapitres de Ferdydurke, qui sont en réalité de courtes nouvelles enchâssées dans le roman, et qui ont pour titres respectifs (dans la traduction française) : Philidor cousu d'enfants et Philibert cousu d'enfants *. Et maintenant, le paragraphe. La scène se passe dans une salle de classe, entre un cours ébouriffant sur la poésie polonaise et un autre de latin, qui ne le sera pas moins. Voici donc mes blogueurs-avant-la-lettre :

« On échangeait des mots de plus en plus compliqués. Il apparut que chaque parti politique avait farci les têtes avec un type de garçon particulier. De plus, chaque théoricien les bourrait de ses propres goûts et idéaux, alors qu'elles étaient déjà bourrées de films, de journaux et de romans populaires.

« C'est ainsi que les divers spécimens d'Adolescent, de Gaillard, de Komsomol, de sportsman, de petit jeune homme, de voyou, d'esthète, de raisonneur, de sceptique, se mesurèrent sur le champ de bataille et se crachèrent dessus, fous de rage, en contrepoint de gémissements et d'exclamations : – Ce que tu es naïf ! Non, c'est toi le naïf ! En fait, tous ces idéaux, sans exception, étaient extrêmement étroits, petits, gauches et vains. Les élèves les sortaient dans l'ardeur de la dispute et reculaient aussitôt comme des catapultes, effrayés de ce qu'ils avaient sorti et incapables de retirer leurs paroles maladroites. Ayant perdu tout contact avec la vie et le réel, accablés par toutes sortes de courants, de fractions et de tendances, traités pédagogiquement et entourés de fausseté, c'est la fausseté qu'ils essayaient d'exprimer ! Imbibés de cette sottise, ils se montraient faux dans leurs émotions, affreux dans leur lyrisme, insupportables dans leur sentimentalisme, malhabiles dans leur ironie et leurs plaisanteries, prétentieux dans leurs élans, repoussants dans leurs faiblesses. Ainsi allait le monde. Le monde allait ainsi. Traités avec artifice, pouvaient-ils ne pas être artificiels ? Et étant artificiels, pouvaient-ils parler sans se couvrir de honte ? Donc leur terrible impuissance montait dans l'air alourdi, la réalité se transformait encore en un monde idéal et seul Kopyra ne se laissait pas prendre au jeu : il avait jeté sa lime à ongles et regardait négligemment ses jambes… »

Voilà donc la suprême leçon, mes bien chers frères internétiques : jetons tout de go nos limes à ongles, et regardons-nous les jambes.


* Dans la traduction plus récente que je lis, le mot “cousu” a été remplacé par “doublé”. Mais j'ai préféré reprendre celui de la première version, d'abord parce que je le trouve plus savoureux dans son étrangeté même, et ensuite parce que cette traduction était en grande partie due à Gombrowicz lui-même.

mardi 23 juin 2020

Ouvriers déments et paysans z'asilaires

Witold et Rita Gombrowicz, chez eux, à Vence, en 1967.

Dans le Journal, que je viens tout juste de terminer, au moins pour la troisième fois, on tombe sur ce paragraphe au tout début de l'année 1959. Ce matin-là, un jeudi (mais il ne faut absolument pas se fier aux jours indiqués par Gombrowicz, qui ne sont que pure fantaisie, rien de plus que des sortes de “pauses respiratoires”), ce matin-là, disais-je avant de m'interrompre grossièrement moi-même, notre Polonais prend son petit déjeuner dans un café du port de Buenos Aires. Des tables voisines lui parviennent plusieurs conversations, si ce terme n'est pas trop noble pour les divers caquetages venant frapper ses oreilles. C'est en tout cas ce qui lui inspire le paragraphe sus-évoqué :

« Nous, l'intelligentsia, nous sommes éclairés par l'idée salutaire que ceux du bas sont très sensés… Nous, certes, nous sommes condamnés à toutes les maladies, manies, folies, mais le bas de l'échelle se porte bien… la base sur laquelle s'appuie l'humanité est quand même normale… Et alors ? Eh bien, le peuple est plus malade, plus dément que nous ! Les paysans sont fous. Les ouvriers sont bons à soigner ! Vous entendez ce qu'ils disent ? Ce sont des propos obscurs et maniaques, bornés, mais pas sainement bornés comme ceux d'un illettré : ce sont des bredouillements de fou qui réclament hôpital et médecin…  Où pourrait être la santé dans ces jurons, ces obscénités qui n'en finissent pas, et rien d'autre, rien que cette vie mécanique d'ivrognes, de déments qui est celle de leur communauté ? Shakespeare avait raison de représenter le bas peuple comme des êtres “exotiques”, c'est-à-dire sans ressemblance réelle avec les hommes. »

Ce sont des tirades de ce genre – il y en a d'autres – qui prouvent à l'évidence que se trompent grossièrement tous ceux qui vont serinant que Gombrowicz était un authentique réactionnaire : jamais un authentique réactionnaire n'oserait proférer de telles énormités ; il aurait bien trop peur de passer pour un authentique réactionnaire, ce qui a toujours été la trouille number one des authentiques réactionnaires.

dimanche 21 juin 2020

De la surpopulation en milieu ferroviaire


Quelques jours après le Nouvel An de 1962, par une chaleur implacable, Witold Gombrowicz quitte Buenos Aires pour Morón, ville dont Wiki nous affirme qu'elle comptait 122 642 habitants en 2001 et qui, apparemment, de semi-campagnarde qu'elle était encore lors de la visite gombrowiczienne, est devenue depuis partie intégrante de ce concentré de laideur morne qu'on appelle la grande banlieue. 

Pour s'y rendre, notre Polonais prend le train, un du genre omnibus. Les wagons sont bondés, il se retrouve debout, tassé, comprimé, promiscuité jusqu'à l'étouffement – ce qui n'est pas de chance pour un asthmatique. Seul l'esprit peut encore trouver à s'ébattre :

« Une anecdote. Des rires. Quelqu'un dit : Fidel ! Dialogue. On ne sait pas qui parle avec qui mais peu à peu, par-dessus nos têtes, s'installe une conversation, toujours la même, celle qu'ils ont apprise par cœur : l'impérialisme, Cuba. Pourquoi le gouvernement ceci, pourquoi le gouvernement cela, et la nécessité de l'ordre. Des opinions contradictoires. divers points de vue. Cependant, à la gare suivante, une vingtaine de personnes s'engouffrent encore, les voix deviennent de plus en plus sourdes, quand nous arrivons à Morón une voix réclame une réforme agraire, une autre la nationalisation de l'industrie, la troisième la liquidation de l'exploitation entre classes, mais ce bavardage se transfome en râles dans des poitrines monstrueusement écrasées. des idées sublimes jaillissent – mais ne serait-ce pas sous la pression des fesses agglutinées ? Une nouvelle gare, et de nouveau l'écrasement, les râles s'amplifient mais la discussion continue.

« Comment se fait-il qu'ils ne soient pas capables de  se rendre compte du fait essentiel – à savoir que, tandis qu'ils discutent, le nombre de gens ne cesse d'augmenter ? Quel démon animé d'une malveillance absolument gratuite les empêche de se rendre compte du nombre ? Dites, à quoi bon les systèmes les plus justes et la répartition des biens la plus équitable si entre-temps la voisine se multiplie par douze, si le crétin du rez-de-chaussée fait six gosses à sa gonzesse et si, au premier étage, on passe de deux à huit locataires ? Sans parler des Noirs, des Asiatiques, des Malais, des Arabes, des Turcs et des Chinois. Des Hindous. Que sont tous vos discours sinon les sornettes d'un idiot qui ignore la dynamique de ses propres organes génitaux ? Que sont-ils sinon le caquetage d'une poule assise sur la plus terrible des bombes – ses œufs ? »

En plus de ça, son séjour dans cette semi-campagne merdique, ni chair, ni poisson, fut en grande partie raté, je suis au regret de vous le dire.

samedi 20 juin 2020

Le dieu totem des scarabées des sables


C'est une implacable tragédie, qui se joue entre les pages 540 et 543 (édition Folio) du Journal de Gombrowicz. Je l'avais déjà évoquée, ici même, il y a fort longtemps, dans la préhistoire de ce blog, mais j'en ai été tellement frappé, retombant dessus, qu'il faut bien que j'y revienne. Nous sommes en 1958, en Argentine, quelque part au bord de l'océan :

« J'étais allongé au soleil, adroitement dissimulé par la petite chaîne de montagnes que forme, au bout de la plage, le sable accumulé par le vent. »

En plus de Witold Gombrowicz, il y a donc des dunes, des broussailles, du soleil, du vent… et des scarabées :

« L'un d'eux, juste à portée de ma main, gisait sur le dos. C'était le vent qui l'avait renversé. Le soleil lui brûlait le ventre, ce qui était sûrement exceptionnellement pénible pour ce ventre habitué à rester toujours à l'ombre. »

Agitant ses six pattes d'une façon dérisoire et inutile, incapable de se “remettre à l'endroit”, le scarabée est promis à une mort rapide, si aucune puissance extérieure n'intervient. Bien entendu, Gombrowicz saisit le scarabée entre deux doigts et, le retournant, lui rend une espérance de vie acceptable. Ce faisant, il vient de pénétrer dans le tunnel de son cauchemar : 

« Sitôt était-ce fait que je vis un peu plus loin un scarabée identique, dans la même position, agitant ses petites pattes. Je n'avais pas envie de bouger… mais pourquoi sauver l'un et pas l'autre ?… Pourquoi celui-là… tandis que celui-ci… ? L'un serait heureux grâce à toi et l'autre devrait souffrir ? Je pris une brindille, tendis la main, le sauvai. »

On devine l'engrenage affreux : à peine a-t-il remis d'aplomb ce deuxième insecte que le “sauveur” en aperçoit un autre un peu plus loin, attendant lui aussi son miracle :

« Devais-je transformer ma sieste en tournée d'ambulance pour scarabées agonisants ? Je m'étais déjà trop habitué à ces scarabées, à leur agitation curieusement impuissante… Mais vous comprendrez sans doute qu'une fois entrepris leur sauvetage, je n'avais plus le droit de l'interrompre à aucun moment. […] Si seulement il avait existé entre lui et ceux que j'avais sauvés auparavant une frontière, quelque chose qui m'aurait autorisé à m'arrêter… Mais justement il n'y avait rien que ces dix centimètres de plus dans le sable, toujours ce même sable, mais “un peu plus loin”, un tout petit peu. Et il agitait ses petites pattes de la même façon ! Alors, regardant autour de moi, je vis, “un peu plus loin” encore, quatre autres scarabées s'agiter, grillant au soleil. Il n'y avait pas à hésiter : moi, le géant, je me levai et je les sauvai, tous. »

Mais que voit alors le géant providentiel, le miraculeux sauveur, sur la pente de la dune voisine ? Eh oui, bien sûr… Et il prend soudain conscience que ces scarabées à l'agonie sont en nombre infini, non seulement sur cette dune, sur cette plage, mais sur toutes les autres, d'un bout à l'autre de la côte argentine. Il commence alors à courir de çà, de là, pour remettre tous ces condamnés sur leurs pattes. Il comprend en même temps toute l'horreur de sa propre situation :

« Le moment allait venir où je me dirais : “Ça suffit” et il y aurait un premier scarabée à n'être pas secouru. Lequel ? Lequel ? Lequel ?  À chaque instant je me disais : “C'est celui-ci”, et je le sauvais. Incapable de me contraindre à cet arbitrage terrible et presque abject. Car pourquoi celui-ci ? Pourquoi lui justement ? »

En effet, le piège paraît sans faille, sans issue, sans espoir : il n'y a pas moyen d'en sortir, aucun raisonnement satisfaisant ne pourrait permettre de lui échapper. Il y faudra donc une sorte d'intervention mystérieuse, d'origine inconnue et inexplicable. C'est pourquoi Gombrowicz ne cherche nullement à l'expliquer :

« Et soudain le mécanisme s'enraya, facilement je coupai court à ma compassion, je m'arrêtai. “Eh bien, rentrons”, pensai-je, indifférent. et je partis. Et le scarabée, celui devant lequel j'avais cessé d'intervenir, resta là à agiter ses petites pattes (cela m'était déjà indifférent, comme si j'étais dégoûté de ce jeu ; je portais en moi mon indifférence comme un corps étranger, sachant qu'elle m'était imposée par les circonstances). »

L'épisode est terminé, ce qui ne signifie pas qu'il ne laisse aucune trace derrière lui. Gombrowicz y revient quelques jours plus tard, alors qu'il est attablé à une terrasse de café :

« Le Nombre ! Le Nombre ! Capitulant devant le Nombre, j'ai abdiqué justice, morale, humanitarisme. Ils étaient trop nombreux. Oui mais, dites, cela revient à dire que la morale est impossible. Ni plus ni moins. Car la morale doit être la même pour tous, sinon elle devient injustice, voire immoralité. Cet excès quantitatif s'est fixé sur le seul scarabée que je n'ai pas sauvé, devant lequel je me suis arrêté. Pourquoi lui et pas un autre ? Pourquoi a-t-il dû payer pour des millions ? […] Au fil de mes réflexions s'impose à moi l'impression bizarre que je dispose d'une morale limitée… fragmentaire… arbitraire… et injuste ; elle n'est pas de nature compacte mais grenue (je ne sais pas si je m'exprime clairement). »

Nous parlons d'un événement qui a donc eu lieu voilà 72 ans. Ce qui, en “temps scarabée” doit représenter environ 5000 ans. Et il est tout à fait raisonnable de supputer que, depuis cette époque incroyablement reculée, génération après génération, les scarabées des sables continuent d'ériger un peu partout, dans les profondeurs de galeries secrètes, de minuscules totems à l'effigie de Witold Gombrowicz, ce dieu tout puissant, à la fois sauveur de son peuple élu et cruel avec lui, à qui ils rendent, les jours de grandes bourrasques, un culte de latrie craintive, en faisant doucement et à l'unisson striduler leurs élytres.

mercredi 17 juin 2020

De la supériorité des Juifs selon Gombrowicz


« […] Je dirai que le Juif qui exige avec trop d'insistance d'être traité “comme un homme” – comme si rien ne le distinguait des autres – me paraît être un Juif insuffisamment conscient de son état de Juif. C'est là, bien sûr, une exigence juste et combien compréhensible. Et pourtant, elle n'est pas à la mesure de leur réalité. C'est trop simple, trop facile…

« Il me déplaît de voir que des Juifs ne soient pas à la hauteur de leur mission. Combien de fois dans mes conversations, même avec des Juifs pleins de bon sens, ne me suis-je pas heurté avec stupéfaction à une pareille mesquinerie dans l'appréciation de leur destinée ? “Pourquoi donc cette détestation des Juifs ? – Parce qu'ils sont plus doués, qu'ils ont de l'argent, qu'ils font naître de la concurrence…” “Et pourquoi refuse-t-on d'admettre qu'un Juif est un homme comme tout le monde ? – Parce qu'il y a un abus de propagande, de trop nombreux préjugés raciaux, trop peu d'instruction…”

« Lorsque j'entends ces gens me dire que le peuple juif est tout à fait semblable aux autres peuples, c'est un peu comme si j'entendais Michel-Ange déclarer que rien ne le distingue de personne, Chopin demander pour lui-même une “vie normale”, ou bien encore Beethoven assurer qu'il a lui aussi plein droit à l'égalité. Hélas ! ceux à qui fut donné le droit à la supériorité n'ont plus droit à l'égalité.

« Il n'est pas de peuple plus manifestement génial que le peuple juif, et je le dis non seulement parce que les Juifs ont engendré et nourri les plus hautes inspirations dans l'univers, qu'ils ont marqué de leur sceau l'histoire universelle, et qu'un nom juif, à jamais illustre, éclot et naît à toute époque. Mais c'est par sa structure même que le génie juif est manifeste : à l'instar du génie d'un individu, il est intimement lié à la maladie, à la chute, à l'humiliation. Génial parce que malade. Supérieur parce que humilié. Créateur parce que anormal. Ce peuple – de même que Michel-Ange, Chopin et Beethoven – représente une décadence qu'il transcende en création et en progrès. Pour lui, la vie n'est jamais facile, il est en désaccord avec la vie, voilà pourquoi il se transforme et se tourne en culture…

« La haine, le mépris, la peur, l'aversion que ce peuple suscite chez les autres peuples rappellent les sentiments avec lesquels les paysans allemands regardaient le Beethoven malade, sourd, sale et hystérique qui se promenait en gesticulant dans la campagne. Le chemin de croix des Juifs, c'est le chemin de Chopin. L'histoire de ce peuple – comme d'ailleurs toutes les biographies des grands hommes – n'est qu'une secrète provocation : il a le don de provoquer le sort, d'attirer sur sa tête toutes les calamités qui peuvent, peuple élu, l'aider à remplir sa mission. Quelles obscures nécessités furent à l'origine du phénomène ? Nul ne saurait le dire… Mais que ceux qui en demeurent les victimes ne tentent pas d'imaginer fût-ce un instant qu'ils arriveront à se tirer de ces abîmes pour en sortir sur un terrain droit et plat…

«Il est curieux de noter que la vie du plus normal, du plus vulgaire des Juifs est dans une certaine mesure la vie d'un homme éminent : aussi normal et équilibré qu'il soit, et ne se distinguant en rien des autres, il s'affirmera pourtant différent ; il se trouvera, bien malgré lui, toujours en marge. Dès lors, on peut dire que même un Juif moyen est condamné à la grandeur, uniquement parce que Juif. Et pas seulement à la grandeur : condamné à une lutte désespérée, à un duel-suicide contre sa propre forme (en effet, comme Michel-Ange, il ne s'aime pas).

« Aussi, ne croyez pas “réparer” cette épouvante en vous figurant être “comme tout le monde” et en avalant l'idyllique bouillie des sentiments humanitaires. Que le combat pourtant qu'on vous livre puisse être moins vil ! Quant à moi, l'éclat dont vous resplendissez a plus d'une fois illuminé ma route – et je vous dois vraiment beaucoup. »

Witold Gombrowicz, Journal 1954, Folio, pp. 179-181.

mardi 16 juin 2020

Fumeur ou non-fumeur ?

Joseph Roth (au centre) et Soma Morgenstern (à dr.), dans un café parisien, 1938 ou 39.

Joseph Roth et Soma Morgenstern (1890 – 1976) se sont connus à Lemberg (Lvov pour les Russes, Lwow pour les Polonais, Lviv – son nom actuel – pour les Ukrainiens…) en 1909 ou 1910, Morgenstern, dans ses souvenirs, avoue ne pas pouvoir être plus précis. Ils se sont fréquentés jusqu'à l'extrême fin de la vie de Roth, puisque, à partir de 1938 et de l'Anschluss, Morgenstern s'est lui aussi exilé à Paris pour venir occuper une chambre dans le même hôtel de la rue de Tournon que son compatriote et ami. Entre ces deux dates, les deux Galiciens n'ont cessé de se rencontrer, ici ou là, à Berlin ou à Vienne, à Paris ou à Frankfort (ils publiaient l'un comme l'autre des articles dans la Frankfurter Zeitung, plus ou moins remplacée, après la guerre, par la Frankfurter Allgemeine Zeitung).

En dehors d'une trilogie romanesque dont j'ignore encore tout à l'heure où nous sommes, Étincelles dans l'abîme, Soma Morgenstern a aussi écrit un livre dont son ami est la figure centrale : Fuite et fin de Joseph Roth. Livre passionnant et riche ; passionnant en ceci que c'est un portrait nullement hagiographique qu'il donne de Roth, mais au contraire fait de nuances et parfois de contrastes ; riche dans la mesure où, parlant de Roth, il élargit constamment son sujet et brosse un tableau de toute cette vie culturelle berlino-viennoise de l'entre-deux-guerres, qui moussait comme une bière fraîchement tirée. Bref, un livre hautement recommandable pour qui s'intéresse non seulement à Joseph Roth mais à son époque et son milieu.

**********

En 1928, un soir, Roth et Morgenstern se retrouvent à déambuler le long du canal du Danube, en compagnie d'un certain Fuchs, conseiller ministériel de son état, chacun y allant, tour à tour, de son anecdote, historiette, etc. Comme les trois hommes se trouvent passer juste en face du grand quartier juif de Vienne, le dit conseiller s'écrie : « Ici s'impose une histoire juive ! » Roth se lance aussitôt :

« Deux juifs étaient assis ici, sur ce banc, l'un fumeur, l'autre non-fumeur. Le non-fumeur dit à l'autre : “Cessez de fumer tout le temps. Pouah ! Avec ce vent, et comme vous êtes assis, je prends toute votre fumée.” L'autre change de place et dit : “Je suis fumeur, et les fumeurs, ça fume ! – Ça, vous ne ferez pas de vieux os, à continuer de fumer comme vous le faites… – J'ai pourtant déjà soixante-quinze ans…” Le non-fumeur se met en colère : “Peut-être, mais si vous ne fumiez pas, vous en auriez déjà au moins quatre-vingt-cinq !” »

L'histoire m'a fait sourire et, juste après, m'interroger : en quoi était-il nécessaire que les deux protagonistes en fussent des Juifs ? Ne marche-t-elle pas aussi bien avec des Bretons, des Castillans ou des Californiens ?

dimanche 14 juin 2020

Le Quichotte en couleurs : nouvelles du front


Voilà presque deux ans, pendant que je lisais le roman de Cervantès dans l'excellente traduction de Mme Aline Schulman, j'avais commis un petit billet dans lequel je disais entre autres ceci :

Au tout début du chapitre XXXVI, de nouveaux voyageurs arrivent dans cette auberge de la Manche où le lecteur a l'impression que la moitié de l'Espagne s'est donnée rendez-vous. L'aubergiste les annonce ainsi à Don Quichotte, Sancho Panza et quelques autres personnages (c'est moi qui souligne) : « Il y a quatre hommes à cheval, armés de lances et de boucliers […], et qui portent tous un masque ; au milieu d'eux, il y a une dame vêtue de blanc, et masquée elle aussi ; […] »
Trois paragraphes plus loin, l'un des valets de la petite troupe fournit quelques éclaircissements sur ceux qu'il est chargé de servir ; il dit notamment ceci (c'est toujours moi qui souligne) : « […] ils n'ont pas desserré les dents de tout le voyage. On n'entend que les soupirs et les sanglots de cette pauvre dame, qui nous fait bien pitié. Pour nous, il n'y a pas de doute, on l'emmène contre son gré. À en juger par son habit noir, elle est religieuse ; […] »

Après avoir fait état de ma perplexité, j'ajoutais ce qui vient :

Évidemment, le brave lecteur se perd en conjectures. Il lui semble impossible que l'excellent Miguel de Cervantes Saavedra ait pu commettre, et surtout ne jamais rectifier, une bourde semblable, ni ses éditeurs successifs. Quant à Mme Schulman, il paraît tout aussi improbable qu'elle puisse ignorer la différence entre blanco et negro (la langue castillane est atrocement raciste, comme on peut voir), si tant est que ces deux mots soient bien présents dans le texte originel. Je dis “si tant est” car, me référant à la traduction de César Oudin (1615) que donne la Pléiade, il y est question de l'accoutrement de la supposée religieuse, mais nullement de sa teinte. Le mystère reste donc entier.

En effet, le mystère était entier, et devait le demeurer jusqu'à tout à l'heure, c'est-à-dire jusqu'au moment où, sous le billet originel, est venu s'afficher un nouveau commentaire, posté par Mme Schulman elle-même. Et voici ce qu'elle nous dit :

Cher monsieur, vous avez tout à fait raison, et je suis honteuse de n'avoir pas vu ni corrigé cette incongruité. Le texte espagnol ne donne pas la couleur, il fait seulement référence à la manière dont cette dame est vêtue, elle porte "l'habit", sous entendu, bien évidemment, " de religieuse". Il aurait suffi de laisser le terme "habit" sans y ajouter de couleur, comme l'a fait Cervantès.
Aline Schulman

On se sent tout de même plus léger, non ?

vendredi 12 juin 2020

De la démagogie des faux philanthropes


C'est un sujet qui n'est pas nouveau, puisque Louis-Napoléon Bonaparte l'abordait déjà, dans un article écrit et publié par lui en 1843. Le futur empereur y disait ceci :

« L'ardeur de ces hommes s'accroît toujours en raison directe du carré des distances où se trouvent les objets de leur sympathie. ils sont insensibles à la misère du prolétaire français, au dénuement de l'ouvrier qui habite le même toit qu'eux ; mais aussitôt qu'à nos antipodes quelques iniquités se commettent, oh ! alors leurs passions s'exaltent, l'humanité qui souffre au bout du monde leur paraît bien plus digne de pitié que celle qui languit dans leur propre patrie. »

La citation m'a paru pertinente, à l'heure où, par ici, quelques grappes humaines s'émeuvent bruyamment de ce que, à plusieurs milliers de kilomètres de chez eux, UN homme a été (malencontreusement) tué par UN policier. Et puisque nous sommes en compagnie de Napoléon III, un petit bonus, tiré de l'un de ses livres, Fragments politiques, écrit à peu près à la même époque que l'article sus-cité : 

« Le plus grand ennemi d'une religion est celui qui veut l'imposer. »

Phrase que que nous allons donner comme sujet de méditation à tous nos camarades imams, de banlieue, de province et d'outre-frontières.

lundi 8 juin 2020

GdC, avec un G comme dans Géographie


Le délateur rabique Gauche de Combat, dans sa dernière giclée de fiel, postillonne à propos d'un site internétique belge – peu importe lequel, c'est totalement sans intérêt. Il conclut ses éructations toxiques par cette phrase : « Quoiqu’il en soit, ce sale type n’est définitivement pas un allié dans nos luttes, d’un côté comme de l’autre de la Meuse… » GdC, l'homme qui prend la Meuse pour une frontière, comme d'autres prenaient le Pirée pour un homme, ou la ligne Oder-Neisse pour un rail de coke… en plus de mélanger “quoique” avec “quoi que” – il est vrai que ce sympathique dénonciateur n'est plus à un couac près. 

Ah, ils sont brillants, je vous jure, nos traqueurs de nazis virtuels, nos redresseurs de torts géographomanes, nos petits pères gestap'dur ! 

vendredi 5 juin 2020

Le trou noir du bulletin scolaire


On aura sans doute peine à le croire, tant l'affaire se dilue dans la nuit des temps, mais il m'est arrivé de fréquenter l'école primaire – et je ne sais trop pourquoi j'y repensais tout à l'heure. (En fait, si, je le sais : je venais de lire la première page de la nouvelle de Joseph Roth ayant pour titre Un élève exemplaire.) En ces années soixante, chaque mois, l'élève se voyait remettre solennellement son bulletin de notes, généralement un vendredi après-midi, à charge pour lui de le rapporter le lundi suivant, enrichi de la signature de l'un au moins de ses parents (lesquels, je le rappelle pour mémoire, étaient alors, toujours, un père et une mère). Ce bulletin ressemblait très exactement à celui qui me sert d'illustration.

Avant d'aller plus loin, je dois une mise en garde aux instituteurs de moins de 40 ans, c'est-à-dire ceux que l'on a, je crois, rebaptisés professeurs des écoles, depuis qu'ils fabriquent essentiellement des analphabètes égalitaires et antiphobiques : je vais devoir leur révéler des pratiques d'une violence à peine soutenable, qui risqueraient d'avoir sur leur délicat intellect le même effet traumatisant que la révélation du lynchage des nègres ou des descriptions de tortures médiévales.

La remise du fameux bulletin – moment attendu par toute la classe avec des battements de cœur et des fourmillements d'impatience ou de crainte – se faisait, je l'ai dit, d'une manière solennelle. Solennelle et publique. C'est-à-dire que le maître (quel mot atroce !) ou la maîtresse (vocable déjà plus prometteur…) énonçait à haute voix le nom et le classement de chaque élève, par ordre de moyenne croissante, soit en commençant par le dernier ; lequel se retrouvait ainsi nommément crucifié, ou lardé de flèches comme un saint Sébastien miniature, ou cloué nu au poteau de couleur – bref : stigmatisé.

Malgré ce qu'annoncé plus haut, je n'étais pas un élève exemplaire. Et même si j'étais toujours soit premier, soit deuxième, le chemin de retour à la maison, bulletin dans le cartable, prenait le plus souvent des allures de mini-Golgotha.

Les bulletins étaient fort détaillés, divisés en de nombreuses rubriques : calcul, récitation, dictée, histoire, etc. Les notes s'échelonnaient entre 0 et 10, assorties de leurs décimales médianes. Je ne descendais jamais en dessous de 8,5, sauf en dessin et en gymnastique, mais ça, mon père s'en foutait.

Quand je lui tendais le bulletin cartonné, son œil négligeait absolument toutes les matières où j'avais brillé comme à l'habitude, et pour lesquelles il devait sans doute considérer que je bénéficiais d'une sorte d'abonnement préférentiel à vie, pour descendre se vriller à l'avant-dernière rubrique, celle juste avant la moyenne générale, qui avait pour nom un mot qu'on aurait aussi bien pu me graver au fer à même la peau sans que j'en soufrisse davantage : le mot conduite. Autant dire le trou noir de ma galaxie scolaire.

La conduite, on l'aura compris, était l'équivalent enfantin de la discipline. Ce serait abuser de la litote de dire que je n'y brillais guère : ma note, chaque mois, oscillait lugubrement entre 2 et 4 sur 10, plus souvent 2 que 4. La voix de mon père se faisait tonnante – en tout cas elle tonne dans mon souvenir –, et je me retrouvais immanquablement puni, c'est-à-dire, en pratique, privé de quelque chose qui me faisait envie ou qui aurait normalement dû m'échoir. Je crois que j'aurais accepté d'enthousiasme que l'on me divisât toutes mes autres notes par deux pour pouvoir, en conduite, récolter au moins une fois un 7 ou un 8. Ce qui, bien entendu, ne m'empêchait nullement, dès le lundi suivant, retour en classe, de rendosser mon petit costume d'élève pénible et ramenard.

Et je me demandais, tout à l'heure, s'ils étaient nombreux, les premiers de la classe des temps obscurs, à avoir été systématiquement punis à chacun de leurs bulletins scolaires, pourtant constellés de 9 et de 10, avec éventuellement un ou deux 8,5 felliniens. Malgré cela, et c'est encore une chose qui nous sépare des apprenants d'aujourd'hui, je n'en ai conçu aucun traumatisme, ni n'ai requis les services de la moindre cellule de soutien psychologique.

On était vraiment des brutes, autant dire.

lundi 1 juin 2020

De l'ingratitude des volatiles


Les jeunes mésanges, bleues et charbonnières, 
nous ont quittés en mai.

(Et, depuis, aucune carte postale, pas un coup de fil, nib de sms, rien…)