jeudi 31 juillet 2008

Encore autre chose

Tou à l'heure, dans le canapé du hall (merveilleusement climatisé, mais fâcheusement passant), je me suis remis à lire Danube, dont je parle dans le billet précédent. L'idée saugrenue d'écouter en même temps de la musique iPodique m'est venue. Et Claudio Magris a dû rendre les armes : l'ayant pourtant entendue (mais peut-être pas, justement) des dizaines de fois, et dans toutes ses déclinaisons, jamais La Nuit transfigurée de Schönberg, dans sa version initiale pour sextuor, ne m'avait à ce point bouleversé. Et je pèse mes mots.

Camus s'invite (prenez place, Maître...)

Depuis hier, je lis Danube, de Claudio Magris. Tout ce que j'aime. Littérature pure. Près de 600 pages de promenade le long de cette paresseuse cicatrice barrant l'Europe, l'unifiant tout autant qu'elle la sépare (non : plus l'un que l'autre), de Donauschingen à la mer. Sentiment géographique, à la Michel Chaillou, promenade historique, promenade littéraire, promenade tout court, à l'intérieur de l'esprit de l'auteur, si l'on peut dire. C'est d'ailleurs mal dire : l'esprit de l'auteur, pour être présent, ne se pousse pas du col ; il pousse en revanche très bien le voyageur qui accepte d'embarquer.

Il est possible que je sois obsédé, et me plante, mais Magris me semble foutrement camusien (foutrement est exagéré, dans la mesure où l'Italien se déclare radicalement hétérosexuel...). Les premières pages, les seules que j'aie encore lues, parlent de la source du fleuve, de cette source incertaine, multiple, disputée, toujours repoussée en amont, hasardeuse, jamais trouvée ; et ces pages semblent avoir été écrites sinon par du moins pour Renaud Camus, celui des Demeures de l'esprit ou du Département de la Lozère.

C'est un livre étale. Une écriture dont le but semble être de ralentir le fleuve, voire de l'annuler, si la chose était possible, une promenade hasardeuse dont, dès le début (je n'ai atteint que la page 70), on sent qu'elle va ressembler aux sources même : un pré spongieux, sans ruisseau visible, gros des flots de l'aval.

Un livre, mot qu'il conviendrait d'écrire en capitales, s'il nous prenait l'envie d'élever la voix.

mardi 29 juillet 2008

Le 29 juillet (qui fait naître et) qui tue

Il devait être environ quatre heures et demie ; peut-être un peu plus, mais à peine. L'Irremplaçable rentrait de Pacy, elle était notamment passée au laboratoire d'analyses médicales - ainsi que l'on dit - et rapportait, sous enveloppe cachetée (une première), les résultats de la prise de sang effectuée par moi (plus exactement : sur moi), hier matin. À part l'explosion superbe de mon record de triglycérides, j'ai eu l'impression de jouer très petit bras, tout le reste étant normal.

Là-dessus, nous prenons un café ensemble sur la terrasse, et Catherine m'annonce, avec un petit air laissant présager des orages futurs (mais plutôt "futur proche", voyez ?) qu'elle a mis de la bière au frais. Dans la mesure où, depuis quatre jours, je me passe parfaitement d'alcool, même tandis qu'elle se prend son petit whisky chaque soir entre six et sept, je pressens une forme encore indéterminée de catastrophe. Je bafouille un étonnement hâtivement bricolé. Je vois venir des tempêtes à la Ronsard :

...Voici l'orage
Et puis la foudre, et le tonnerre,
Tout mort, me brise contre terre.

« Oui, ce soir, on prend l'apéro... susurre-t-elle, d'une voix grosse de je ne sais encore quoi. Tu vois pourquoi (la menace se précise) ? »

Et je trouve, évidemment : on est le 29 juillet, elle a ... ans juste aujourd'hui, je n'y ai pas pensé une seule fois depuis ce matin. Je me couvre immédiatement la tête de cendres frelatées (tout en me réjouissant de la bière qui n'attend que moi dans le frigo), me roule moralement dans mon indignité conjugale.

Je me récupère in extremis en songeant que, il y a quatre mois, la même Irremplaçable a passé toute la journée du 19 mars en oubliant que nous étions rendus à mon 51ème anniversaire. Et que, mieux encore, l'année dernière, ma mère a passé toute cette même journée chez nous, puis est repartie sans s'aviser que son fils aîné était en train de passer son demi-siècle.

Du coup, j'ai sifflé ma bière l'esprit tranquille.

dimanche 27 juillet 2008

Ce sera dur de faire mieux

Tout à l'heure, à 19 h 47, un internaute ayant probablement abusé de diverses substances illicites a débarqué sur ce blog après avoir présenté à son petit moteur de recherches la requête suivante :

MOUCHE MORTE DANS UNE FLEUR DE PERSIL

Fin de partie

« Je pense que la société métissée va vaincre, qu'elle a pour une grande part déjà vaincu. Je pense que la France sera bientôt un quartier comme un autre du village universel, avec, pour mettre les choses au mieux, un dosage ethnique et culturel peut-être original. De même qu'ont été progressivement et plus ou moins heureusement intégrés les Juifs, beaucoup moins étrangers toutefois à notre culture ancienne, de même seront intégrés les musulmans, les Arabes et les noirs. Mais ils ne seront pas intégrés aux Français de souche, et les Français de souche ne seront pas intégrés à eux : tous seront intégrés ensemble à une société et peut-être une civilisation qui est en train de naître sous nos yeux, et que nous voyons déjà à l'oeuvre dans les banlieues, les lycées, les discothèques et les films publicitaires.

« Cette société est pour moi sans charme, et certes réciproquement. Je ne suis pas capable de l'aimer, elle n'est pas capable de me comprendre - c'est moins grave pour elle que pour moi. Son apparition, qui n'est que celle, presque normale, quoique un peu précipitée, du futur, m'attriste moins que la disparition du monde ancien, ce monde français, au sens étroit désormais, qui est celui qui m'a nourri, pour lequel j'avais été préparé, et que je trouve éteint lorsque arrivé à l'âge mûr je pouvais espérer me fondre harmonieusement en lui. Peut-être devrons-nous fonder, par nostalgie, et par désir de nous comprendre encore, une amicale des "Vieux Français", comme il y eut en Russie les "Vieux Croyants"...

« Les lois que personnellement j'aurais voulu voir appliquer, aux groupes et surtout aux individus d'autres cultures et d'autres races qui se présentaient chez nous, ce sont les lois de l'hospitalité. Il est trop tard désormais. Elles impliquaient que l'on sût de part et d'autre qui était l'hôte, et qui l'hôte. À chacun ses devoirs, ses responsabilités, ses privilèges. Mais les hôtes furent trop nombreux dans la maison. Peut-être aussi restèrent-ils trop longtemps. Ils cessèrent de se considérer comme des hôtes, et, encouragés sans doute par la curieuse amphibologie qui affecte le mot dans notre langue, ils commencèrent à se considérer eux-mêmes comme des hôtes, c'est-à-dire comme étant chez eux.

« L'idéologie dominante antiraciste leur a donné raison. Il n'est plus temps de réagir, sauf à céder à des violences qui ne sont pas dans notre nature, et en tout cas pas dans la mienne. Je n'oublie pas notre ancien rôle d'amphitryon, toutefois, même si nous ne l'avons pas toujours très bien tenu ; et si nous ne sommes plus désormais que des commensaux ordinaires parmi nos anciens invités. »

Renaud Camus, Du sens, p. 341-342, P.O.L. Texte repris de La Campagne de France, journal 1994, p. 60, Fayard.

Tous semblables, presque morts

« S'il nous fallait encore une fois penser le sort de l'humanité en termes de classe, nous devrions dire qu'il n'existe plus aujourd'hui de classes sociales, mais uniquement une petite bourgeoisie planétaire, où les anciennes classes se sont dissoutes : la petite bourgeoisie a hérité du monde, elle est la forme dans laquelle l'humanité a survécu au nihilisme.
(...)
« Cela signifie que la petite bourgeoisie planétaire est vraisemblablement la forme sous laquelle l'humanité est en train d'avancer vers sa propre destruction. »

Giorgio Agamben, La Communauté qui vient, Seuil. Cité par Renaud Camus, Du sens, P.O.L

vendredi 25 juillet 2008

Mordant, le Kapellmeister !

Herbert von Karajan, revenu diriger la philharmonie de Berlin, à l'issue de la répétition : « On m'avait rapporté que votre niveau baissait tous les jours. Eh bien, vous venez de jouer comme après-demain ! »

Folle soirée parisienne

Alors, là, pour une première, on a évolué dans le grandiose. Hier soir, après avoir traversé Levallois dans les deux sens pour aller récupérer le pantalon acheté à midi, je me suis retrouvé à la terrasse de L'Ambiance, avec Brice, pour écluser quelques mousses (pas beaucoup ; moins que Nicolas, en tout cas). Puis, comme le Brice en question était attendu chez lui, il est parti. Du coup, moi aussi, bien que non attendu. Sur le trajet, j'ai dîné d'un sandwich dit "mixte", comprenez jambon-emmental (pas mauvais, bizarrement : vrai jambon, vrai fromage et surtout vrai pain). Ensuite de quoi, j'étais au lit à 9 h 20 très précisément.

Bien entendu, ce matin, j'étais parfaitement éveillé dès six heures et demie. Et, à huit heures, sur la terrasse de la place Pompidou, alors que les cravates-chemisettes chipotaient sur leur croissant et leur crème, j'attaquais au pâté-cornichons, arrosé d'eau-qui-pique. Virile, l'ambiance, non ?

jeudi 24 juillet 2008

L'aventure au coin de la rue (de la Gare)

Ce soir, mes drôles, je vais passer ma première nuit dans le placard à balais que des requins immobiliers peu scrupuleux m'ont vendu pour un studio. Depuis ce matin, je m'en sens excité, comme un adolescent à sa première chambre de bonne (mais sans la bonne : il n'y a pas la place de la mettre... enfin, de la loger). M'est avis que ce bel enthousiasme juvénile ne durera pas. On verra bien.

Avant de prendre un repos totalement immérité, j'aurai passé une courte soirée en solitaire (mais avec quelques demis de bière tout de même). Je me consolerai de cette solitude en pensant que, au même moment ou à peu près, Balmeyer sera en train de régurgiter un dîner approximatif sur le paillasson ensoleillé de Dorham, après avoir été contraint de contempler toute la soirée, la cravate de Nicolas. Franchement, je plains la pauvre Zoridae, forcée de se compromettre avec cette triplette de clowns pontifiants.

Mais, évidemment, ce que j'en dis, c'est rien que de la jalousie et de l'aigreur qui me remonte...

mercredi 23 juillet 2008

Puis vint le joli temps des enfants morts

D'abord, vous noterez que le titre de ce billet est un impeccable décasyllabe, coupé à 6-4 comme il se doit, et non à 5-5 comme un vain peuple voudrait qu'il fût.

Ensuite, quoi ? Une prise de conscience salutaire dont je viens de m'aviser. Peut-être inspiré par l'exemple de mon excellent ami Marchepied, un brave habitant de Saint-Marcel (banlieue de Chalon-sur-Saône (sans accent circonflexe ni "s", contrairement à Châlons-sur-Marne, ma ville natale, rebaptisée Châlons-en-Champagne par d'obscurs connards)) a sottement oublié sa progéniture dans sa bagnole et l'a, comme il se doit, retrouvée morte. Sottement ? Nenni ! Nous sommes en présence d'une courageuse avant-garde (vanguardia, en espagnol) qui a enfin pris conscience de la dramatique surpopulation du globe, et qui, ce faisant, a décidé d'appliquer de drastiques mesures de déflation humaine, en commençant par eux-mêmes. C'est bien.

Mais on peut faire mieux. Rendons-nous bien compte que si chaque père de famille se contente de supprimer son propre enfant et s'en tient là, on n'arrivera à rien de probant. Il est donc indispensable de prendre exemple sur ce courageux chauffeur de car qui, à Allinges (Alpes-de-Haute-Provence (anciennement Basses-Alpes : encore des cons prétentieux)), a pris sur lui d'en tuer sept d'un coup, tel le brave petit tailleur de notre enfance.

Un exemple qu'il ne suffit pas de méditer : il faut le suivre !


Document annexe : dans un truc qui porte le nom de Creusot infos, cette légende-photo :

C'est à côté de ce taxi que le papa a garé son véhicule
quand il a accouru au centre de secours de Saint-Marcel

On notera que, même lorsque qu'il laisse mourir son enfant dans des circonstances probablement atroces, de nos jours, un père reste un «papa». C'est consolant.

mardi 22 juillet 2008

Des nouvelles sans microbes

Depuis sa bulle, Claire répond ceci (oui, parce qu'elle répond, en plus, l'insolente !) :

Merci a tous pour vos messages de soutien !
j'entame ma cinquième semaine en chambre bulle et hier mon médecin vient me voir et me promet une sortie du secteur stérile avant la fin de semaine. Mes globules blancs se réveillent et augmentent rapidement de jour en jour. Une fois sortie du secteur je dois passer 48h en chambre normale afin de recontaminer mon organisme et puis la sortie s'annonce enfin !
Sous le soleil évidemment !

Claire

Socialistes en préau

Ils allaient tout faire sauter. Réunis en congrès avec leurs camarades des écoles voisines, les petits socialistes l'avaient juré : ils allaient faire exploser le préau du surgé à moustaches, le vilain Nicolas (très méchant, M. Nicolas, ouh la la ! il fout la trouille à tous les enfants !).

Et voilà que, par suite d'une distraction, ce sont eux qui ont perdu, à « la balle au prisonnier ». Ben merde, alors ! Qu'est-ce qu'on fait, les gars ? On rentre dans la classe et on réfléchit à la prochaine partie ?

Non ! non ! une tête ! du sang ! réclame l'équipe perdante. C'est de la faute à Jacquot : il a reçu trois bonbecs pour lâcher le ballon, c'est un traître ! un monstre ! une enflure de sa race ! On lui coupe les couilles ! Allez, tous ensemble ! Il est où, ce putain de frisé ? Préparez le poteau, c'est lui l'Indien, on est les cowboys ! Le goudron ! les plumes ! la corde !

Et ça crie, dans la cour, ça crie, bon dieu... Même les voisins, pourtant si tolérants, en sont incommodés. Tenez, la mère Lavenir, d'habitude si patiente, eh ben elle se dit qu'ils charrient vraiment, les mômes, cette fois. Qu'ils jouent à la guerre dans la cour qu'est juste en dessous de chez elle, bon, d'accord, elle a l'habitude, hein, depuis le temps que ça dure. Mais, là, ils charrient. Elle l'a vue, elle, la partie de « balle au prisonnier », depuis sa fenêtre de cuisine ; elle a bien remarqué que les p'tits socialos, ils avaient déjà perdu avant que Jacquot fasse exprès de laisser échapper la balle. Alors, hein...

Elle a bon coeur, la mère Lavenir. Que les gosses braillent à la récré, elle a toujours toléré. C'est dans leur nature. Et puis, même quand ils pensent pas à mal, ils sont toujours excités par le petit Grouik-Grouik (un vrai boisseau de puces, celui-là !) et par le fils de la Sévillano, celui qu'a attrapé la pelade l'hiver dernier. Pas moyen de les t'nir, ces deux-là ; ils ont ça dans le sang, faut croire.

N'empêche qu'elle est inquiète, tout soudain, la mère Lavenir. Chauffés à blanc comme ils sont, ces petits foireux, ils seraient capables de lui faire un mauvais sort, au Jacquot, qu'est pourtant si intelligent et si correct. Peut-être un peu faux cul avec les grandes personnes, c'est vrai, mais si gentil et si souriant que c'en est un bonheur. S'ils étaient tous aussi bien élevé que lui, hein ! Pas comme le petit Grouik-Grouik et le gamin Sévillano, dont on se demande s'ils ne profitent pas de la récré der dix heures pour aller se tripoter dans les latrines. Le diable au corps, quoi...

Le père Lavenir lève le nez de son Parisien :

- Te bile pas, ma poule : dans deux jours ils auront oublié. Et puis, même s'i s'foutent deux ou trois gnons et qu'i a un peu de sang qui coule dans le bac à sable, c'est pas bien grave : c'est des gosses, ça tache pas...

lundi 21 juillet 2008

Pour ceux qui me veulent facho...

Les bauges fascistoïdes, il m'arrive d'aller y mettre le nez. Par curiosité. Comme je traîne parfois sur certains blogs d'extrême-gauche : l'odeur y est à peu près la même, je persiste et signe. Mais, pour que l'on ne m'accuse pas de ne taper que d'un côté, voici ce qu'est capable d'écrire (et donc de «penser», suppose-t-on) une réjouissante hystérique d'extrême-droite...

Initions des projets en attendant la mort

Ce billet sera sans commentaire, tiens (je veux dire : sans commentaire émanant de moi ; vous, vous faites ce que vous vous voulez, bien sûr). Sur un blog, je lis cette phrase :

Un projet initié par les Stones pour réunir le Grand Swingin' London de l'époque, avec des groupes et des personnalités aussi divers que les Who, Hendrix, Lennon.

En commentaire, je me permets cette observation :

Cela dit, si vous pouviez arrêter d'initier des projets, vous me feriez bien plaisir, allez !

Didier Goux, élitiste gonflant et puriste à la con

Je m'attire illico cette cinglante (je suppose) réplique, de la part d'un des séides du taulier :

Si j'interpète DG,
j'imagine que ça ne doit pas se dire, sans doute, "initier un projet", ça ne doit pas être correcte, dans la langue figée et archaïque qui est celle de DG.
Ce doit être un "modernisme" qui écorche ses vieilles oreilles aurignaciennes.
Or tu as écris, Dorham :
"Un projet INITIE par les Stones pour réunir le Grand Swingin' London de l'époque".
Ce qui te vaut un coups de règle sur les doigts.



Y'a vraiment des gens qui s'ennuie, dans la vie...

Sur quoi le tenancier d'applaudir :

Doudourou,

Aaaaaah ouaiiiiiiis !
Même pas réalisé, c'est dire si ce texte était destiné au jugement de Maître Cappello :)

Je continuerai à user de l'expression, même si elle est foireuse (et que je me foute de savoir pourquoi elle l'est). D'autant plus que les extra-sound ne sont pas fait pour montrer qu'on a de la plume, juste pour parler de musique simplement.

Ce genre de concept abscons qui met en phase les idées de partage et d'humilité...

(et puis, quand on est à coté de la plaque, on pratique l'art de la diversion, c'est plus pratique...)

J'ai tout de même conclu (provisoirement, je suppose : j'ai le don d'agacer ces jeunes gens, notamment lorsque je dis des choses simples et qui devraient être évidentes pour tout un chacun) :

Roudoudou a tout compris !

(Ce qui ne laisse pas de me surprendre.)

L'Aurignacien-cien à sa mémère

On s'amuse bien, dans la blogosphère, et en particulier sur les blogs littéraires...

Dressez haut la poutre maîtresse...

À propos de la prétendue transmission arabe du savoir grec, un texte très éclairant (et sur un excellent blog), bienvenu en cette période de « polémique Gouguenheim »...

dimanche 20 juillet 2008

L'été de Claire

Inutile de chercher, vous ne la connaissez pas. Claire est l'amie de Ludovic, le fils de l'Irremplaçable. Claire passe ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler un « été de merde », et pas seulement parce que le temps est pourri. Le temps pourri, on peut penser qu'elle aimerait bien devoir le supporter ; qu'elle accueillerait volontiers la gifle des vents incessants sur son visage ; mais ça ne risque pas de lui arriver avant au moins cinq ou six semaines, si j'ai bien tout compris.

Claire passe son été dans une bulle. Vous me direz que chacun va en vacances où il veut, et c'est vrai. Mais elle n'a pas trop eu le choix. Après une greffe de moelle osseuse, on se retrouve, à ce qu'il paraît, avec des défenses immunitaires d'Aztèque un jour de débarquement espagnol. Donc : la bulle. Une gentille petite chambre isolée du reste du monde, avec quoi le seul lien demeure l'ordinateur et, je crois, le téléphone portable. Comme quoi le monde moderne (même s'il m'en coûte de le reconnaître) a aussi quelques avantages, des fenêtres inédites.

La conséquence est qu'on s'emmerde. En tout cas, c'est ce que supposent naturellement les gens grossièrement immunisés, tels vous et moi. Alors, on se dit qu'entre deux activités stupides (les mêmes exactement que reprendra Claire dès qu'elle sortira de sa bulle), on pourrait bien lui adresser un petit signe. C'est ce que je fais ce soir. C'est ce qu'il ne vous est pas interdit de faire également, ici (ou ailleurs, mais en lui signalant où) :

claire.labsente@gmail.com

samedi 19 juillet 2008

Val taille et Siné file

Moi aussi, si je veux, je peux parler des affaires sans aucun intérêt dont tout le monde cause. Celle-ci est exemplaire de ces petites tempépêtes qui font régulièrement violir d'indignation libertaire les blogosphériques patentés.

Le pitch : dans un journal hebdomadaire, dissimulant son archaïsme pénible sous une geste révolutionnaire graillonneuse, il y avait deux personnages, jouant à bonnet blanc et blanc bonnet au moins sous un aspect, celui de l'hystérie anti-religieuse la plus bouffonne. L'un était un vieux stalinien jamais khrouchtchevisé, l'autre un conformiste inébranlable se faisant, par intermittence, passer pour un humoriste. Le premier ne perdait jamais une occasion d'exprimer l'adoration postillonnante dans laquelle le plongeait la vue de n'importe quel keffieh palestinien ; le second, sans doute un peu moins racorni du bulbe, venait de s'aviser du danger que l'islamisation rampante fait désormais courir aux libertés et aux quelques lambeaux de valeurs conservés par ce pays.

Le résultat était prévisible et logique : à la première occasion, le (plus très) jeune loup a viré sans frais le vieil hezbollâtre. Occasion fort mal choisie, du reste, car les propos incriminés ne cassent pas trois pattes à un canard, même à un canard aussi consternant. Conclusion ? aucune : tout le monde s'en fout, ou devrait s'en foutre. Or, il n'en est rien. On s'agite, on ergote, on vitupère, on est à deux doigts de rallumer les feux de la guerre sainte.

Sur certains blogs, comme par exemple chez Marc Vasseur (mais il y en a des dizaines d'autres), les commentateurs s'en donnent à coeur joie. Siné devient un héros et un martyr de la liberté d'expression, Philippe Val (si on m'avait, un jour, dit que je défendrais Philippe Val !) enfile les oripeaux du monstre, crevant de trouille devant - pêle-mêle - Sarkozy, les juifs, Bruxelles, que sais-je encore. On dresse hâtivement les tréteaux de l'Inquisition afin de tenter de savoir pour qui a finalement voté le bonhomme au second tour de l'élection présidentielle. On rappelle doctement qu'il ne faut surtout pas confondre l'antisionisme avec l'antisémitisme (ben non, tu penses !), et encore moins l'islam avec l'islamisme (mais à qui viendrait une idée aussi bouffonne ?).

D'ailleurs, tout se tient, notez-le bien : Philippe Val a laissé imprimer sans rien dire, dans Charlie-Hebdo, une diatribe du même Siné contre les musulmans, donc Val est islamophobe, donc Val est de droite, donc Val a certainement voté Sarkozy. Ficelez-moi ce salopard et foutez-le-moi à la Seine !

Et voilà comment, par la grâce d'une phrase aussi stupide qu'inoffensive, Siné se retrouve intronisé martyr de la liberté d'expression, quand oncques ne traîna de plumitif plus sectaire et borné dans les couloirs de ce piteux fanzine, ancienne ou nouvelle formule, au choix.

Alors que tout ce foin se ramène à l'évidence à une querelle d'egos solidement indurés, le sémillant directeur de Charlie-Hebdo devant avoir à coeur de se débarrasser d'une manière ou d'une autre des "vieux de la vieille", des "gloires historiques" qui, semaine après semaine, doivent lui briser considérablement les nougats.

Sans l'absoudre, on peut le comprendre.

L'horreur du rire

« Les morts ne rient pas, le rire est lié à la vie, le rire est la seule chose à avoir de l'avenir. Il disait des sentences de ce genre, puis se taisait de nouveau. Tout à coup, au moment où on s'y attendait le moins, il éclatait de rire, un rire non contagieux, incroyablement désagréable, aussi horrible que son thé, je n'ai jamais vu une chose pareille. Sa bouche était un immense ongle noir fendu au milieu. Son rire était terriblement métallique, déshumanisé, comme si c'était le rire de l'avenir, le rire qui nous attend, un rire en boîte, un rire ni avec Dieu ni sans Dieu, ni avec livres ni sans livres, quelque chose d'indescriptible tant il était répugnant.
(...)
« "Je ne me souviens même plus de l'art, il ne me reste que des images éparpillées des troncs sciés sur lesquels je perdais mon temps", a-t-il dit en ouvrant grand sa bouche et en laissant très clairement voir les taupes qui travaillent, nuit et jour, inlassablement contre la littérature. Et j'ai eu ainsi la confirmation que Teixeira n'était pas, bien sûr, un artiste, mais un criminel moderne ou plutôt l'homme à venir, à moins qu'il ne fût l'homme déjà venu, l'homme nouveau avec son indifférence à l'égard de l'art d'autrefois et d'aujourd'hui, un homme au rire amoral, déshumanisé. Un homme au rire de plastique, au rire de la mort. »

Enrique Vila-Matas, Le Mal de Montano, p. 110-111.

vendredi 18 juillet 2008

111

Jusqu'aujourd'hui, je pensais non pas connaître, ce qui serait très présomptueux, mais avoir souvent écouté la sonate opus 111 de Beethoven. Tout à l'heure, Arturo Benedetti Michelangeli s'est chargé de me signifier qu'il n'en était rien.

jeudi 17 juillet 2008

Patrick Lambert est un con

On comprendra le titre plus tard, vous verrez. Je suis sorti du journal à six heures moins vingt. C'était large : on avait rendez-vous chez le notaire, avec M. Marchepied (oui, maintenant, j'ai décidé d'appeler tout le monde Marchepied (sauf Lambert, qui est un con)), à six heures précises, l'étude étant au métro Anatole-France (avec trait d'union), soit à dix minutes à pied de la rue Thierry-Le Luron (je sais, ça fait rire, c'est pour ça que je vous la remet).

Premier choc : je marche sur le trottoir de droite (je ne l'ai pas fait exprès...) en direction du lieu de rendez-vous que nous nous fixâmes, l'Irremplaçable et le gars moi-même. Soudain, je me trouve à environ cinq mètres derrière Cioran. Je sais qu'il est mort : foutez-moi la paix. Il n'empêche que ce vieil homme, dos voûté, front penché vers le sol, mains dans les reins, pas précautionneux, petite silhouette, chevelure incertaine, a été Cioran, le temps que je le rattrape et le double. Ensuite, à sa hauteur, de profil, l'illusion s'est révélée pour ce qu'elle était. Mais la commotion a été forte, je vous assure. De toute façon, il était six heures moins cinq, j'étais presque arrivé, Catherine m'attendait, tout était conforme.

À six heures trois, arrive le type de l'agence immobilière. À six heure dix, l'ersatz de notaire (un clerc, donc), nous propose de passer dans son bureau, afin de commencer à nous lire les trucs que personne n'écoute jamais, mais qui devraient nous permettre de patienter en attendant le vendeur, à la bourre.

Vers six heures vingt-cinq, on perçoit une certaine inquiétude chez le clerc et le représentant de l'agence. Chacun à son tour dégaine son portable, appelle le gars Lambert (il s'appelle comme ça, bien fait : qui supporterait de s'appeler LAMBERT ?). Messagerie, pas de réponse. La tension monte. Même en lisant très lentement, le clerc arrive au bout de son pensum : toujours pas de Lambert...

Enfin, à sept heures moins le quart, ce monsieur arrive. Il entre, très décontracté, tend la main à Catherine. Qui ne lui tend pas la sienne. Comprenant ce qu'elle veut faire (plus exactement : ne veut pas faire), j'explicite :

- Monsieur, nous avions rendez-vous à six heures, il est sept heures moins le quart, nous ne vous serrerons pas la main (en gros : Catherine confirmera pour ceux qui ne me croient jamais).

Tout cela dit très calmement. Lui, le Lambert (c'est son vrai nom, à cette noix vomique) grimpe immédiatement dans les décibels, comme tous les connards qui se savent en tort (vingt minutes plus tôt, le représentant de l'agence nous avait gentiment averti que ce mollusque était TOUJOURS en retard...), je lui réponds très calmement, lui explique qu'il nous a déjà fait perdre assez de temps comme cela, qu'il a juste à s'asseoir, à signer où on lui dit et à fermer sa gueule (en gros et en plus poliment tout de même, mais à peine : j'étais agacé).

Le clerc est obligé de relire, il le fait très vite et très bien (arrivant, je lui avais fait croire que j'étais en plein bouclage, et lui avait dis que s'il disposait d'une version light de son laïus, elle m'irait très bien - ce qui avait eu l'air de le ravir...). On signe partout comme des bêtes, le Lambert prend son misérable chèque, nous notre lourd trousseau de clés (jamais vu autant de clés pour un si petit endroit...), on redescend dans la rue, on se sépare.

Content que cette journée de merde soit enfin terminée, je me sens envahi par une invraisemblable mansuétude, qui me pousse à faire la paix avec l'autre raclure de bidet (Lambert, pour ceux qui auraient oublié), et je lui tends la main. Il me la serre (mollement et moitement, j'ai le regret de le dire) avec réticence et me signifie qu'il prend sur lui pour ce faire, car je l'ai "humilié".

Franchement, si l'occasion vous est donnée d'humilier un jour un connard d'une envergure semblable à celle de PATRICK LAMBERT, domicilé à Fontenay-le-Comte, en Vendée, surtout ne vous gênez pas. Vous pouvez même dire que vous venez de ma part, tiens...

Elles sont comme ça, les chéries

À 11 h 30, ce matin, l'Irremplaçable avait rendez-vous avec la fille de l'agence, pour visiter une deuxième fois le misérable studio que nous allons acheter tout à l'heure, à six heures sonnantes (si le clerc de clerc de clerc de mes deux est à l'heure). Pourquoi revisiter ? s'interrogent les salauds de pauvres qui n'ont jamais rien acheté d'autre que des pizzas surgelées chez Leader Price ? Réponse : parce qu'il y a des exemplaires d'humanité qui, juste avant la vente, passent retirer les douilles des ampoules, les poils de la moquette, la bonde de la douche, and so on : bref, des gens de gauche (provocation aussi gamine que gratuite).

Donc, bref, pendant que je suais sang et pastis à gagner l'argent du ménage, l'Irremplaçable se retapait les six étages pour vérifier que tout était conforme. Ce l'était. À la redescente, devant me rejoindre au Pont de Levallois, elle demande à la petite fille de Cent*ry 21 : « Vous rentrez à l'agence ?

Elle : - Oui.

Irrempe : - Ça ne vous ennuie pas de me rapprocher ?

Elle : - Non, pas du tout. »

Et les voilà parties. À pied (et pas vraiment en direction du pont de Levallois). Deux carrefours plus loin, Catherine commence à s'inquiéter :

- Votre voiture est encore loin ?

Elle : - Ah, mais, non, je suis venue à pied !

Fermez le ban, la journée continue...

La vie trépidante de Stéphane Marchepied, pharmacien

Bien entendu, il ne s'appelle pas Stéphane Marchepied. Mais je trouve que ça sonne bien. Donc, Stéphane Marchepied. En revanche, il est réellement pharmacien, ce con. On ne sait pas où. On va supposer que Stéphane Marchepied est pharmacien dans le sud de la France. À Uzès, par exemple, simplement parce que j'aime bien Uzès et que je tiens à procurer une de ses dernières joies à Stéphane Marchepied.

Donc, Stéphane Marchepied tient échoppe d'apothicaire, sur l'espèce de mini-boulevard extérieur qui ceint la vieille ville d'Uzès ; voilà pour le décor.

Stéphane Marchepied, dans mon esprit, a environ 36 ans. Sa femme (ah, oui, parce que, évidemment, comme tout bon pharmacien qui se respecte, notre Marchepied est marié - il a fait un mariage d'amour), appelons-la Virginie : un pharmacien a droit à une Virginie, et notamment à celle-ci qui est jeune (elle a cinq ans de moins que lui, est pharmacienne également : c'est même comme cela qu'ils se sont connus), blonde, gentille, pas trop chiante, pas folle non plus de la fellation, mais bon. Ils s'aiment.

Ils ont un enfant. Appelons-le Sébastien, parce que Sébastien Marchepied, ça sonne comme une promesse d'avenir, et peut-être qu'il reprendra la boutique. Pour l'instant, ils comptent bien ne pas s'arrêter là, d'autant que, à Uzès, une pharmacie, ça douille, si on peut dire. Leur enfant est un fils, ce qui remplit Stéphane Marchepied d'une espèce de fierté, et Virginie d'une sorte de regret. Ils sont fermement décidés à doubler la mise, lui pour former un embryon d'équipe de... il ne sait pas de quoi, mais un embryon d'équipe ; elle pour disposer d'une oreille compatissante et féminine, le jour où il s'agira de se plaindre amèrement de son pharmacien. Ils sont heureux.

Ce jour, 16 juillet 2008, Stéphane Marchepied s'apprête à entrer dans l'histoire, ou, en tout cas, dans le journal de 20 heures. Il s'en donne les moyens. Il embarque le petit Sébastien sur le siège bébé fixé à l'arrière, et go on, my boy. On va dire qu'il fait un demi-tour de périph' uzétien (en sens unique) et qu'il s'arrête à proximité de la mairie. I y a des arbres, certes (on peut aller vérifier), mais sa voiture est au soleil. Et alors ? On a beau être pharmacien, on est quand même du sud, merde ! Stéphane Marchepied vaque...

Environ trois heures plus tard (trois heures : oui, oui), un passant, s'étonnant de voir un enfant mort de deux ans et demi dans une voiture garée au soleil, alertera les forces de l'ordre. Trop tard. Plus de Sébastien. Tout sec, tout bleu. Fin de l'histoire.

Ce n'est pas une petite nouvelle que je vous ai pondue. C'est une information qui a été donnée hier soir au journal de je ne sais quelle chaîne de télévision.

Pourquoi vous raconté-je cela ? Pour la conclusion, par moi adressée à Stéphane Marchepied : C'EST BIEN FAIT POUR TA GUEULE, GROS CON ! J'espère que tu vas souffrir atrocement le restant de tes pitoyables jours. (Je te conseille la corde, personnellement.)

Et je trouverais normal que Virginie aille pomper le voisin, histoire de se remettre, même si cela ne la remettra de rien. Et d'oublier la pharmacie.

mercredi 16 juillet 2008

À mes amis de gauche (et de droite) (ou d'ailleurs)

Un grand moment dans l'histoire de la presse française : le numéro de Paris-Match sortant demain (ou après-demain, je ne sais), que je viens de découvrir en avant-première. 40 pages à la gloire de notre président-du-monde, de son épouse-du-monde, de la guitare-de-l'épouse-du-monde, bref : de la FRANCE ! Précipitez-vous, mes frères sur ce numéro, il n'y en aura pas pour tout le monde !

Ouvrant ce merveilleux opuscule, l'impression vous saisit d'une odeur de gibier faisandé. C'est médire du gibier. Un magnifique exemple d'aplatissement journalistique.

La preuve que je bosse...

Photo : J.C. Woestelandt

Au premier plan, le gros con (Didier Goux pour les intimes) qui fait semblant d'être journaliste. Au second plan, l'éditeur (Gérard de Villiers pour la terre entière, plus deux ou trois planètes annexes) qui fait croire au journaliste qu'il va le payer dès la semaine suivante. Le suspense est à son comble, chacun de ces deux grands fauves devant 4000 € à l'autre.

Qui va gagner ? Qui va mourir ? Qui dispose de cinquante bouteilles d'apéro sur sa table basse et n'offre même pas un verre d'eau à son visiteur ? Qui fait semblant de noter des trucs dont il n'a rien à foutre ? Bref : Kibezki ?

mardi 15 juillet 2008

Le tourisme, ça élargit l'esprit

« J'avais emmené mes baskets, espérant, malgré la chaleur, pouvoir courir régulièrement. Le lendemain de mon arrivée, S. m'indiqua un parcours "à travers l'urbanisation", ce qui me fit un peu peur, mais en fait, les rues sont désertes. Quel plaisir de courir à la fraîche, aux dernières lueurs du jour, sur les hauteurs de Torremolinos ! »

L'Andalousie, n'est-ce pas... L'Alhambra... La grande mosquée de Cordoue... Les champs d'oliviers de Jaèn... Les remparts de Séville... Lilas Pastia... Le Romancero gitano... tout ça...

Comme disait Zelda (le paréchème est offert)

« Je n'aime guère les personnes qui usent d'un ton bonhomme. Si elle dépendait d'elles, la littérature aurait disparu de la surface de la terre. Cependant, les gens "normaux" sont partout très appréciés. Les assassins sont tous, pour leurs voisins, comme on ne cesse de le voir à la télévision, des gens bonhommes et normaux. Les gens normaux sont complices du mal de Montano de la littérature. Voilà ce que j'ai pensé, ce midi, dans le taxi de Pico, tandis que je me remémorais une phrase que Zelda avait coutume de dire à son mari Scott Fitzgerald : "Personne n'a plus que nous le droit de vivre, et eux, ces fils de pute, détruisent notre monde."

« Je hais cette grande partie de l'humanité "normale" qui détruit de jour en jour mon monde. Je hais les gens qui sont d'une grande bonté parce que personne ne leur a donné la possibilité de savoir ce qu'est le mal et donc de choisir librement le bien ; il m'a toujours semblé que les braves gens de ce genre sont d'une extraordinaire méchanceté potentielle. Je les déteste, je pense très souvent comme Zelda et les tiens tous pour des fils de pute. »

Enrique Vila-Matas, Le Mal de Montano, Christian Bourgois, p. 99-100.

lundi 14 juillet 2008

La route, Cormac McCarthy

Comment parler d'un roman dont il est impossible de ressortir, pour la simple raison qu'il n'y a plus rien en dehors de lui ? D'un livre dans lequel le lecteur est pris au même piège que les personnages ? Et, déjà, les mots trahissent l'apprenti critique. Car il n'y a pas de piège dans La route, le roman de Cormac McCarthy. Un piège, ce serait encore trop de chance. Cela signifierait qu'il y a autre chose, une existence possible en dehors du piège, un au-delà du piège. Or, il n'y a rien, et on le sait dès les premières lignes. Il y a un homme et son jeune fils qui marchent vers le sud d'un pays dévasté par une apocalypse dont on ne saura pas les causes mais dont on va devoir supporter tous les effets. À travers des paysages calcinés, noyés sous la cendre (je reviendrai sur cette cendre, si je m'en crois capable), détruits, rouillés, terriblement froids, ils vont vers une mer dont ils ne savent même pas si elle sera encore là lorsqu'ils y parviendront. L'enfant, lui, marche plutôt vers une idée de mer, à travers des rêves de paysages. Car sa mère était enceinte de lui lorsque le cataclysme (humain ou naturel ?) s'est produit, et il n'a jamais rien connu d'autre que ce que ses yeux peuvent voir.

Les règles, d'une certaine manière, sont simples : il y a des jours gris, auxquels succèdent des nuits noires (l'écriture elle-même me semble grise et noire, mais jamais "blanche"). Durant les premiers, on avance, on cherche de quoi se nourrir dans un monde qui ne produit plus rien, sauf des dangers mortels auxquels on essaie d'échapper. La nuit, on se cache, on dort, en tentant de survivre au froid, à la peur. Le lendemain, on recommence.

En dehors du manque de vêtements et de nourriture, le principal ennemi de l'homme et de l'enfant, ce sont les autres hommes et l'absence d'enfant. Parmi les autres hommes, il y a ceux que l'enfant appelle les Gentils, que l'on cherche sans les trouver, et il y a les Méchants, sur qui l'on peut tomber à chaque moutonnement de la route, et qui mangent les enfants. Qui les mangent vraiment. C'est pour cela qu'il n'y a pas d'enfant dans le monde qui nous attend, qui nous précède de très peu. Si, il y en a un tout de même. Mais il n'est pas sûr que ce ne soit pas un simple rêve de l'enfant réel. Un désir un instant matérialisé. D'ailleurs, l'homme ne l'a pas vu. Trop affairé à trouver de la nourriture, de l'eau, une bâche pour s'abriter, des outils pour réparer le caddie de supermarché qu'il pousse devant lui, sur la route, jour après jour, et qu'il ne faut surtout pas se faire voler par d'autres ombres errantes. Trop occupé, aussi, à endiguer la peur de l'enfant, en de nombreux et brefs dialogues, dépouillés à l'extrême, comme l'est l'écriture de McCarthy lui-même, en tout cas ici (c'est le premier livre que je découvre de lui).

L'enfant a peur, mais bien davantage, semble-t-il, du passé que de l'avenir. Peut-être parce que tout le monde sait, lecteur compris, qu'il n'y a plus d'avenir : on est déjà dedans et il n'y a pas de plan B. Le passé, en revanche, lui est effrayant. Lorsqu'ils arrivent devant la maison où l'homme a grandi, dans le monde d'avant, l'enfant est terrifié à l'idée d'y pénétrer, même à celle que son père y entre. Et, une fois dedans, il s'emploie à museler les souvenirs de l'homme et à tirer celui-ci au dehors de ce morceau de passé. Un passé qui ne peut absolument rien lui apprendre.
Quand les hommes ne peuvent plus rien apprendre du passé, ils sont condamnés à avoir très peur de lui.

L'avenir n'est pas pour autant le sujet de La route, qui n'est lui-même pas du tout un roman de science-fiction. On est tout entier dans le présent, mais un présent situé légèrement en avant de nous, si peu en avant qu'il ne peut décemment porter le nom d'avenir. Et, au-delà, il n'y a plus rien, que la route. Avec, au bout, peut-être, la mer. La mer, mais pas d'espérance.

Y a-t-il seulement un dieu ? Y a-t-il Dieu, sous la route ? C'est là que l'affaire se complique, semble-t-il. Dans la très bonne critique qu'il en a fait, Ygor Yanka nie la présence divine dans le roman. Juan Asensio, dans la sienne, et en commentaires chez Yanka, l'affirme hautement, dans sa manière propre. Je m'étais gardé de lire l'un et l'autre avant d'avoir terminé le livre (j'ai tout de même craqué, peu avant la fin...), me méfiant de ma propension à adopter trop facilement les points de vue des uns et des autres. Au bout du compte, je pencherais plutôt, sur ce point précis, du côté du Stalker.

J'ai eu, tout au long de ce cheminement (ce mot même, n'est-ce pas...) la sensation d'une présence, muette c'est vrai, mais presque toujours là. Celle d'un dieu qui "fait le mort" mais qui observe. Un dieu qui n'a peut-être plus la volonté ou le pouvoir d'être psychopompe mais n'aurait pas tout fait renoncé à être psychostase. Et je me suis demandé, en commentaire chez Ygor Yanka, si Dieu, plutôt que de se situer au bout de la route, n'était pas la route elle-même ; ce sur quoi il est encore possible d'appuyer ses pieds pour avancer, quand tout le reste disparaît sous la cendre.

Je comprends la forte réticence d'Ygor Yanka, dans la mesure où il s'agit toujours de Dieu invisible, inactif, de Dieu muet ; de Dieu sans Bach, si l'on veut. Néanmoins, McCarthy a introduit dans son roman quelques figures dont il me paraît difficile de ne pas discerner les aspects christiques. Tel ce vieillard presque centenaire, qui chemine lui aussi, avec sur le dos un sac vide. Lorsque l'homme lui demande comment il parvient à se nourrir, le vieillard lui répond que les gens "lui donnent des trucs". Or, dans cet après-monde, dans ce déjà-futur, aucun homme ne nourrit un autre homme. Donc... Et la scène se poursuit par ce dialogue :

Les gens qui vous ont donné à manger. Où sont-ils ?
Il n'y a personne. J'ai inventé ça.
Qu'est-ce que vous avez inventé d'autre ?
Je suis sur la route, tout simplement. Exactement comme vous.
C'est votre vrai nom Élie ?
Non.
Mais vous ne voulez pas dire votre nom ?
Je ne veux pas le dire.
Pourquoi ?
Je ne pourrais pas vous le confier. Vous pourriez vous en servir. Je ne veux pas qu'on parle de moi. Qu'on dise où j'étais ou ce que j'ai dit quand j'étais à cet endroit-là. Vous voyez, vous pourriez peut-être parler de moi. Mais personne ne pourrait dire que c'était moi. Je pourrais être n'importe qui. Je crois que par les temps qui courent moins on en dit mieux ça vaut. S'il était arrivé quelque chose et qu'on soit des survivants et qu'on se soit croisés sur la route alors il y aurait quelque chose à dire. Mais ce n'est pas le cas. Alors il n'y a rien à dire.

Le prénom d'Élie peut-il être là par hasard ? Choisi d'un doigt pointé dans l'annuaire ? Et ce personnage qui ne veut pas dire son véritable nom, qui se cache derrière le masque d'Élie, et qui dit à l'homme qu'ils auraient pu se croiser mais que rien, en réalité, n'est arrivé, est-ce qu'il ne ressemble pas à un dieu, mais un dieu qui aurait sinon "jeté l'éponge", en tout cas renoncé à se révéler à l'homme, à l'homme ancien ? Un dieu qui ne veut plus que l'on puisse utiliser ses paroles ou son nom, ni même se les rappeler. Il est vrai que, juste après le fragment de dialogue que j'ai retranscrit, lorsque l'homme émet l'hypothèse que son fils est peut-être un dieu, le vieillard annonce :

Là où les hommes ne peuvent pas vivre les dieux ne s'en tirent pas mieux. Vous verrez. Il vaut mieux être seul. Alors j'espère que ce n'est pas vrai ce que vous venez de dire parce que se trouver sur la route avec le dernier dieu serait quelque chose de terrible, alors j'espère que ce n'est pas vrai. Les choses iront mieux lorsqu'il n'y aura plus personne.

Il me semble que les allusions à la divinité se multiplient à mesure que le roman avance vers sa fin, que les oscillations de la figure christique se font de plus en plus rapides, entre l'homme et l'enfant. Mais je préfère ne pas trop parler de la fin. Donc, laissons Dieu sur le bord de la route, au moins pour l'instant.

Il nous reste le monde et les hommes. Et la cendre. La cendre qui noie les contours, efface les couleurs, abolit les différences. On va bien sûr ricaner que je suis obsédé, monomaniaque, mais comment ne pas voir là une sorte de prophétie girardienne ? L'enfer sera nôtre lorsque nous serons devenus tous rigoureusement semblables, lorsqu'il n'y aurait plus d'autre. Il semble qu'on travaille activement et avec enthousiasme à ce "prochain présent", de nos jours. Alors, la guerre de tous contre tous pourra se répandre librement. De fait, dans le roman de McCarthy, à cause de la cendre omniprésente justement, tous les hommes portent sur le visage un masque, qui les rend parfaitement interchangeables. De là le meurtre et, "crise alimentaire" oblige, la résurgence de l'anthropophagie. Il est tout de même à noter que si McCarthy montre à plusieurs reprises l'homme ajustant son masque sur son visage, il ne le fait jamais pour l'enfant. L'enfant, né dans le "déjà futur", ne porte pas de masque.

Je disais, en commençant ce texte sans plan ni structure ni queue ni tête, que l'on ne pouvait pas ressortir de La route, parce qu'il n'y avait rien en dehors d'elle, de même qu'il n'y a rien en dehors du monde sous la cendre, de ce futur dans lequel nous avons déjà mis un pied. Cormac McCarthy semble être là pour nous avertir que cela ne nous portera pas bonheur.

On est venu pour voir le défilé

« La vraie morale c'est la nécessité de survie de l'espèce, le reste n'est que fadaises pour enfants... »

Mais la survie de l'espèce est-elle nécessaire ? Ne devrait-on pas plutôt parler de volonté de survie ? Ou, mieux encore, de fatalité de survie ? Je vais aller me reprendre un petit café, moi...

dimanche 13 juillet 2008

Ce matin, c'était l'été

Mais depuis une dizaine de minutes, c'est terminé. Il tombe une pluie de fin d'époque, ce qui ravit le coeur de l'écrivain en bâtiment coincé derrière son clavier, et fortifie ses résolutions. Il murmure « vive la pluie ! », en son for intérieur.

Évidemment, les Irremplaçables ont une opinion légèrement divergentes sur la question...

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Ce qui n'est pas niais paraît à l'homme moderne soit criminel soit obsolète.

samedi 12 juillet 2008

Mais qui les a inventées, ces saloperies de tags ?

Je viens donc d'être (courtoisement) sommé par Zvezdo de répondre à un interminable questionnaire, dont on se demande bien qui il pourrait intéresser (je veux dire : mes réponses). En réalité, l'aimable garçon précise qu'il fait cela uniquement pour que j'arrête durant quelques minutes de cogner sur mes amis gauchistes : j'espère que ceux-ci lui en seront reconnaissants (mais avec ces gens-là, on ne sait jamais (ah ! voilà, ça me reprend !)). Alors, donc :

1) Quel(s) souvenir(s) avez-vous de votre apprentissage de la lecture ?

En réalité, aucun. Je ne me souviens pas ne pas avoir su lire. Ce qui n'indique aucune précocité dans le déchiffrage, mais plus probablement un petit retard à l'allumage mémoriel. D'après mon excellente mère, je lui ai considérablement cassé les pieds, vers trois ou quatre ans, afin qu'elle me déchiffre tous les panneaux et inscriptions de devantures que notre cheminement pouvait croiser.

2) Vos lectures préférées lorsque vous étiez enfant ?

Les romans d'Enid Blyton, principalement Le Clan des Sept (d'abord) et Le Club des cinq (ensuite). Si la bonne Anglaise avait ensuite inventé Le Gang des trois et L'Aréopage des deux, je les aurais dévorés de la même façon, je suppose.

3) Aimez-vous la lecture à haute voix ?

Quand c'est Dussolier qui me lit Du côté de chez Swann, oui. Si c'est l'Irremplaçable qui me commente le dernier Biba, moins (je plaisante, ma chérie, je plaisante...). Quant à lire moi-même à haute voix, pour mon propre compte, cela ne m'est arrivé que très rarement. La dernière fos, c'était pour certaines parties de L'Inauguration de la salle des vents, de Renaud Camus.

[Putain ! j'en suis qu'à la troisième et il y en a 30 ! Ce billet va nous faire tout le week-end prolongé, je préfère vous le dire...]


4) Votre conte préféré ?

La Légende du saint buveur
, de Joseph Roth. Et le premier qui ricane, c'est sa tournée.

5) La meilleure adaptation d'un roman ou d'une pièce de théâtre ?

Sans doute Belle de jour, dans la mesure où le film de Buñuel me semble supérieur au roman de Kessel dont il est tiré. Mais je n'ai lu celui-ci qu'une fois et il y a fort longtemps. Et j'étais probablement bourré.

6) Apprenez-vous par coeur certains poèmes, répliques de théâtre, passages de roman ?

Vous trouvez que ce n'est déjà pas assez pénible de les lire ? Cela dit, je connais un certain nombre de poèmes par coeur, mais pour de mauvaises raisons, des raisons « impures » : parce que je l'ai ai souvent écoutés chantés par tel ou tel.

7) Avez-vous des livres ou des magazines dans vos toilettes ?


Non. Je me contente de relire les indications au dos de la boîte d'Éparcyl (un sachet par semaine si l'on est deux à utiliser les toilettes) : instructif et non dénué d'une certaine poésie.

8) Avez-vous plusieurs lectures en chantier ? Combien ? Lesquelles ?


En ce moment, trop : c'est signe d'une dispersion et d'une sorte de vacance de l'esprit. Gòmez Dàvila, Cormac McCarthy (La Route), Rémi Brague, le dernier numéro du magazine Saveurs, entre autres. M'attendent aussi Juan Benet et Enrique Vila-Matas. Bref, c'est un grand n'importe quoi.

9) Le poète que vous ne cesserez jamais de relire / de vous réciter ?


Soyons original : Baudelaire.

10) Le livre que vous avez lu le plus rapidement ? Le plus lentement ?

Très vite : l'indicateur Chaix, pour tenter d'arriver en gare avant le rapide de 18 h 12 (avec changement aux Aubrais). Très lentement : L'Homme sans qualités. Si lentement que, à l'orée du second volume, je ne me souvenais plus du premier et j'ai tout recommencé : j'y suis encore.

11) Préférez-vous les éditions de poche aux originales ? Pourquoi ?

On va répondre oui, pour faire croire à Catherine que le budget culturel du ménage est ridiculement bas. Mais, en fait, non.

12) Le(s) livre(s) que vous ne rangez jamais dans votre bibliothèque et qui traîne(nt) toujours ?

Grévisse.

13) Quel est votre rapport physique à la lecture ? Debout ? Assis ? Couché ?

Assis à 80 % du temps. Ou alors, couché. J'ai essayé à quatre pattes, ça n'a pas donné grand-chose.

14) Vos lectures sont-elles commentées crayon en main ?


Jamais. Ou alors c'est parce que je mordille le crayon sans m'en apercevoir.

15) Offrez-vous des livres ?


C'est rare : qu'ils se démerdent.

16) La plus belle dédicace, que ce soit de l'auteur ou de la personne qui vous l'offrit ?


Je n'en ai pratiquement pas, m'achetant mes livres moi-même le plus souvent. Tout de même, une, sur les Nouveaux mémoires intérieurs de Mauriac, par l'ami dont (et à qui) je parle régulièrement sur ce blog. Elle représente une caricature de Jean-Marie Domenach me suppliant d'arrêter de le faire chier, ce que je faisais volontiers à cette lointaine époque. J'ai également deux dédicaces de Renaud Camus, que je préfère garder pour moi, si on me le permet.

17) Quel est votre rapport sensuel au livre ? (Odeur, texture, etc.)


Très faible : on se fréquente beaucoup, mais on ne couche pas. (C'est lui qui n'a pas voulu : il dit que ça risquerait de gâcher notre belle amitié. Enfin, les trucs habituels, quoi...)

18) Quels sont les auteurs dont vous avez lu les oeuvres intégrales ?


Mon premier réflexe a été de répondre « beaucoup » (Balzac, Simenon, Zola, Léautaud, etc.). Mais, en fait, il y a évidemment toujours tel ou tel passage dérobé, un obscur cabinet qui vous ont échappé. Disons Radiguet et n'en parlons plus.

19) Un livre qui vous a particulièrement fait rire ?


La Conjuration des imbéciles, de John Kennedy Toole. Mais sensible déception à la relecture, voilà cinq ou six ans. Parmi mes plus vieilles connaissances, il en est encore quelques-unes pour m'appeler Ignatius...

20) Un livre qui vous a particulièrement ému ?

Les Récits de la Kolyma, de Varlam Chalamov. Et, sur « l'autre versant » du même monde, Si c'est un homme, de Primo Levi.

21) Le Livre qui vous a terrifié ?

Le Cauchemar d'Innsmouth, de Lovecraft (mais, bon : j'avais 20 ans, hein...).

22) Le livre qui vous a fait pleurer ?


Sans famille, d'Hector Malot. Mais aussi, la mort de Proust dans les mémoires de Céleste Albaret. Et tous les mauvais romans dont le but avoué est précisément de nous faire pleurnicher : je suis très bon public, de ce point de vue. Et plus c'est con et grossier, plus je chiale.

23) L'avertissement / l'introduction qui vous a le plus marqué ?

L'introduction à L'Être et le Néant de Sartre. Je me souviens m'être attaqué à cela vers 25 ans. J'ai sué sang et eau sur cette introduction qui se terminait par la phrase suivante : "C'est ce que nous nous proposons de démontrer". Comme je n'avais même pas compris ce qu'on se proposait de me démontrer, j'ai refermé le livre sans plus jamais y revenir. Et j'en ai longtemps conservé une désagréable certitude d'imbécillité.

24) Le titre le plus marquant, original, décalé, astucieux ?

La Preuve par le chien
, Michel Chaillou. Et aussi celui du premier roman d'un jeune Américain, Tristan Egolf, dont j'attends depuis dix ans qu'il en sorte un autre : Le Seigneur des porcheries - Le temps venu de tuer le veau gras et d'armer les justes.

25) Décrivez votre bibliothèque.


Non, ça me gonfle. En plus, je l'ai déjà fait : vous n'avez qu'à suivre.

26) Les livres dont vous vous êtes finalement débarrassé ?


Des tonnes : je ne suis pas fétichiste de « l'objet-livre ». Sinon, je regrette un peu d'avoir jeté au fur et à mesure tous les Brigade mondaine que je recevais, écrits par Philippe Muray : non seulement je pourrais y repiquer des idées, mais il y aurait même peut-être moyen de se faire du blé avec...

Ah, oui : ça risque de choquer Zvezdo, mais j'ai balancé tous les romans de Kundera. Enfin, pour l'instant, ils ne sont qu'au Purgatoire, c'est-à-dire au sous-sol. Mais ils n'en mènent pas large.

27) L'endroit le plus insolite où vous lisez ?

Déjà dit : dans le canapé du hall de l'aimable entreprise qui m'emploie. Sinon, une fois, pour cause de grand départ estival, j'ai passé les deux heures et demie d'un trajet ferroviaire Paris - Sedan à lire dans les chiottes du train bondé. Avec obligation d'en sortir dès qu'un passager voulait se soulager. Bon souvenir.

28) Il ne vous reste que trois jours à vivre : que souhaitez-vous lire ou relire ?

La liste des contre-indications du médicament.

29) Votre livre d'art préféré ?


J'en ai pas, c'est des bouquins de pédé et moi j'suis une brute.

30) La bibliothèque idéale ?


Celle du château de Plieux. Si on me remplace M. Pierre par Scarlett Johansson ou Neve Campbell (je plaisante, ma chérie !).

31) L'incipit qui vous a le plus marqué ?

« Le brouillard recouvrait la terre. » : première phrase de Vie et Destin de Vassili Grossman.

32 ) La clausule qui vous a le plus marqué ?

Il y en a exactement 89 : toutes celles des Brigade écrits à ce jour. Et j'aurais mieux fait de galoper vers la 90ème plutôt que de passer une heure sur ce questionnaire à la gland. Blogueurs, je vous hais !

Pour me venger bassement, je refile le bébé à Balmeyer, Zoridae, Dorham, Bénédicte et Didier B. Si ça c'est pas du trollage...


Rajout de dimanche matin : pour la patate chaude, je rajoute Élise Pellerin, ça lui apprendra à aller se vautrer dans des palaces...

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Quand une langue se corrompt, ses locuteurs s'imaginent qu'elle rajeunit. Sur la verdeur de la prose actuelle on distingue des moirures de charogne.


Toute ressemblance avec le langage qui nous est infligé sur certains blogs ne pourrait être qu'une malheureuse coïncidence.

Renaud Camus fait le Point

Interrogé par Élisabeth Lévy dans l'hebdomadaire en question.

vendredi 11 juillet 2008

Douce France...








L'un de mes innombrables lecteurs m'envoie une photo en me disant qu'il a pensé à moi et à mon blog en la prenant. La voici donc...

Malade avec le pâté

C'est une chose qui m'arrive très rarement, du fait de ma conscience professionnelle en béton (pré-contraint). Mais tout à l'heure, lorsque l'Irremplaçable a secoué la loque plus ou moins humaine que je suis devenu, j'ai décidé que j'étais malade et que, donc, j'allais rester chez moi plutôt que d'aller faire le guignol à Levallois-Plage. En réalité, je ne suis absolument pas souffrant, si l'on excepte une vague gueule de bois consécutive à mon déjeuner d'hier avec le charmant auteur du livre servant d'illustration à ce billet sans le moindre intérêt. Il n'empêche que la brusque décision de « carotter » cette journée m'emplit d'une sorte de joie enfantine absurde. Quant au titre de ce message, il fait référence à cette vieille blague : « Six litres de vin, une boîte de pâté... malade avec le pâté ! » Voilà, c'est tout.

jeudi 10 juillet 2008

Entre Vernon et Mantes-la-Jolie

Lui : Contrôle des billets, s'il vous plaît !
Moi : Je n'en ai pas, je suis arrivé à la dernière minute (mensonge éhonté, j'avais comme à l'accoutumée un gros quart d'heure d'avance).
Lui (très urbain) : Dans ce cas, monsieur, il faut nous chercher dans le train afin que nous vous établissions un titre de transport.
Moi : Je sais, mais je préfère m'asseoir et lire.
Lui (la mine soudain réjouie) : Mais vous savez que, dans ce cas, je suis obligé de vous faire payer le double du tarif ordinaire ?
Moi (d'un sérieux cardinalesque) : Je m'en fiche, je suis pété de thune.
Lui : ...

mercredi 9 juillet 2008

N'y pensons plus


Balbec et Swann. Je viens d'écrire des pages à leur propos. Puis, arrivant à la fin de cette gabegie textuelle, j'ai effacé... effacé quoi ? Quelle importance ? En réalité, je voulais juste mettre ici une ou deux photos de Balbec. Allez donc savoir...

Complète autarcie ou le trollage à domicile

Désormais, je ne suis plus obligé, comme tout blogueur lambda, d'importer des trolls depuis les confins de la blogosphère : j'en ai un très efficace sous la main...

717

La vie n'offre pas d'alternatives simples. Toute croisée des chemins est une rose des vents.

Rien que d'y penser, ça me fatigue...

mardi 8 juillet 2008

De ma fenêtre

- Un balai
- Une demi-chaise de jardin
- Un bourdon spleenétique
- Des fleurs de tilleul tombées
- Deux gros os de boeuf
- Un chat gris (de dos)
- Un groseillier
- Un poteau en ciment
- Un chapeau de paille et personne dedans
- Un cerisier sans fruit
- Des merles claquant du bec
- Deux sabots de caoutchouc
- Non, un seul
- Un volet incliné
- Une mouche morte
- Un tuteur
- D'autres insectes
- Trois pupilles de la nation
- Un hortensia rachitique
- Un numéro 24
- Un pilier qui tend le bras
- Des reliefs de passé (mais en me penchant)
- Une gamelle carrée en plastique bleu
- Un paillasson
- Un cendrier de bois
- Des ronces, des orties, des regrets
- Une journée complètement à l'ouest
- Une balle orange et un gant vert
- Du persil monté
- Une volute de Camel en surimpression

332 + bonus

Le pur réactionnaire n'est pas un nostalgique qui rêve de passés abolis, mais le traqueur des ombres sacrées sur les collines éternelles.

Je rappelle, pour ceux qui auraient pris ce blog à la sauvette et entre deux arrêts, que toutes les citations numérotées sont de Nicolàs Gòmez Dàvila. Et, comme promis, un bonus :


« Si je n'étais pas communiste, je penserais entièrement comme Gòmez Dàvila. »

Gabriel Garcìa Màrquez.

lundi 7 juillet 2008

Agnès Dei

Tout à l'heure, il y a une vingtaine de minutes, je suis venu m'asseoir ici avec l'intention d'écrire quelque chose. Je savais même quoi. J'aurais dû le faire tout de suite (ou peut-être non, justement). À la place, je suis allé vaguer sur certains blogs. Et je suis tombé sur un texte somptueux. Ou magnifique, comme vous préférez. Ou douloureux, si ça se trouve. En tout cas sur des phrases qui vous contraignent au silence. Donc, rideau.

La blogowar a son Tacite

Mon excellent ami Dorham vient de donner naissance à un nouveau blog. Il entend le consacrer à toutes les guerres picro-blogo-cholines se déroulant dans l'espace virtuel. Je me devais d'autant plus de le signaler que je suis le héros de son premier billet. Si vous repérez des combats de titans au hasard de vos déambulations webiennes, vous pouvez - que dis-je : vous devez ! - les lui signaler, afin que tout le monde puisse en profiter. Y a pas de raison.

628 + 631

L'Occident flétrit à son contact toute âme non occidentale.

Le barbare se contente de détruire ; le touriste profane.

dimanche 6 juillet 2008

Guten tague ! (Et il n'est pas le seul.)

Bon, puisqu'il paraît qu'on dit comme cela, je viens donc d'être « tagué » par Didier B. Le thème de cette chaîne est : les cinq CD que vous emporteriez sur l'île déserte, qui est notre lot à tous, comme nul ne l'ignore. Déjà, vous noterez la sottise de la chose : que peut-on faire avec des CD - ou même avec des vinyles - sur une île déserte, à moins d'être certain qu'elle est équipé d'un gros générateur et du dernier matos de chez Bang & Olufsen ? Enfin, admettons...

1) Une sonate de Beethoven. Soit l'opus 106, jouée par Gilels, soit l'opus 111, par Kovacevich ou par Serkin. Sans doute la 111, finalement.

2) La deuxième symphonie de Mahler par l'orchestre du festival de Lucerne dirigé par Claudio Abbado.

3) La Passion selon saint Matthieu, de Bach. Oui, je sais, c'est tricher vu que l'oeuvre ne tient pas sur un seul CD.

4) La Nuit transfigurée de Schönberg, dans la version pour orchestre symphonique, dirigée par Karajan.

5) Le premier acte de La Walkyrie de Wagner enregistrée en 1935 par Bruno Walter, avec Lotte Lehman et Lauritz Melchior dans les rôles du frère et de la soeur.

Et si par hasard j'avais droit à un sixième, j'emporterais peut-être un disque de jazz, pour changer un peu. Par exemple, Money jungle, de Duke Ellington, avec Max Roach et Charles Mingus. Ou alors A love supreme, de John Coltrane.

Mais, de toute façon, sur mon île, je suis certain que le générateur sera en rideau, alors...

Au Plessis de vous revoir

Élise Pellerin, Carlos et votre serviteur viennent de quitter la table du déjeuner. Ils tuent champêtrement le temps jusqu'à l'apéritif du soir, entre deux averses : un samedi ordinaire en Normandie, si l'on veut.

Nous parlâmes, rîmes et bûmes, sans excès dommageables, et même avec quelque raison. Ce qui ne m'empêcha point, ensuite, de passer une nuit pénible et d'être debout dès quatre heures et demie du matin.

Aujourd'hui, Élise s'est envolée et il n'y a plus de bière dans le frigo...

Photo : Irrempe

Retour au calme, à l'ordre, au (relatif) silence...

Bien. Comme je trouvais (et n'étais pas le seul) que ce blog commençait à prendre des allures de pétaudière, je me suis résigné à activer la fameuse « modération » de commentaires. Seront éliminés les commentateurs anonymes, ceux qui ne font pas l'effort d'écrire dans une langue ressemblant au français autant que faire se peut, et probablement d'autres. En revanche, on pourra continuer à exprimer ses idées sur toutes sortes de sujets, pour peu que l'expression des dites idées ne m'envoie pas direct dans un cul de basse fosse. Voilà. Là-dessus, comme j'ai très mal dormi cette nuit, je me casse d'ici.

samedi 5 juillet 2008

672 + 674 + 681

Les musées sont la punition du touriste.

La sexualité, si l'on en croit certaines confidences, tiendrait plus du châtiment que du mécanisme de reproduction.

Parlons à voix basse.
Même quand on crie, les idiots n'entendent pas.

(La dernière, pour mes amis blogueurs...)

vendredi 4 juillet 2008

Pour changer de Gòmez Dàvila

« Dans la douleur ou dans la joie, nous croyons que le temps est quelque chose et il n'est rien, puisqu'il n'existe pas pour Dieu, il ne devrait donc pas exister pour nous. C'est lui qui nous sépare de Dieu. Si nous obtenions cette grâce de ne jamais savoir l'heure, nous serions déjà dans l'Éternité bienheureuse et la souffrance, alors, serait pour nous comme une barque rapide sur un affluent du Paradis. »

Léon Bloy, Journal, 12 mai 1913.

jeudi 3 juillet 2008

Les alter-sodomistes l'ont dans le... (oui, bon, ça va !)

Hourra ! hourra ! Y a la Ingrid qu'est libre ! Tiens... curieux... personne n'en parle chez mes amis blogueurs de gauche... Comment se fait-ce ?... Ah, oui, je comprends ! Elle n'a pas été libérée par LA BONNE personne. Nous, on voulait que ce soit le gentil Chavez qui règle l'affaire, tu penses bien ! Un petit dictateur comme ça, on n'en avait pas eu depuis Castro, M. Entre deux eaux en frétillait du croupion, un humble et pur gauchiste pareil, pensez !

Sauf que, pas de bol : c'est M. Uribe qui a libéré la donzelle. Un pas fréquentable, M. Uribe. Un type qui trouve qu'on peut causer avec les Américains et qui, même, horreur, accepte leur argent pour combattre les enculés sanguinaires qui gangrènent son pays. Alors que, en face, on avait MM. Sarkozy et Chavez qui étaient sûrs de vous régler l'affaire en deux temps trois mouvements, le premier à coups de génuflexions, le second parce qu'il touche de tous les côtés, y compris de celui-ci.

Et voilà que c'est c'est ce salaud d'Uribe qui nous rend la Betancourt ! Pour un peu, on la lui refilerait bien, tiens ! Parce que, au fond, tout le monde s'en branle, d'Ingrid. Ce qui comptait, avant tout, c'était de dérouler le tapis de roses au señor Chavez.

Caramba ! encore raté...

J'aspire au temps de leur jeunesse

Mon bon ami, tu ne peux pas savoir l'avantage qu'il y a à être vivant. On devient une vraie vedette. Enfin, pas toujours, mais moi, oui. Aux alentours de Neuchâtel (Suisse) en tout cas. Vedette jusqu'à demain. À partir de lundi, un autre 'tiblogueur va s'apercevoir que sa vie est en train de changer, qu'il sort de l'ombre, grâce à Mme Joëlle.

On ne la connaît pas, Mme Joëlle, on ne sait même pas à quoi elle ressemble, ni quel âge est le sien. Mais elle parle de nous. Dans le poste. Enfin, dans un poste. Ça aussi, c'est intéressant : Mme Joëlle parle dans une radio que l'on n'a jamais écoutée, que l'on n'écoutera probablement jamais, diffusée à partir d'un pays où, personnellement, je n'ai jamais mis les pieds - pourtant, il n'est pas loin, hein ?

En vérité, je crois que je suis déjà allé en Suisse. Mais alors, il y a vachement longtemps. Tout petit, en short, avec mes parents. Maintenant qu'on en parle, j'en suis même certain. Je revois ce geyser absurde et intermittent, en bordure du lac de Genève, et je me demande ce qu'on foutait là, mes parents miraculeusement jeunes, comme ils ne le seront plus jamais, et moi, tout minot, n'en n'ayant rien à foutre de rien et incapable de me douter que 40 ans plus tard, je me souviendrais de cette halte au bord de cette étendue d'eau imbécile (trop petit pour une mer, trop grand pour un lac).

Et puis, tant qu'à y être, je me souviens aussi des sources du Danube. Schaffouse, ça doit s'appeler, si la mémoire est bonne du petit con que j'étais. Une sorte de mare en rond, pas plus impressionnante que la source du Loiret, au Parc Floral d'Orléans-La Source.

Mais, vois-tu, mon silencieux, ce qui reste impressionnant, c'est la jeunesse insolente et inconsciente d'elle-même de mes parents. Moi, tout petit et tout con, on s'en fiche. Mais eux, dans ce flamboiement, inconscients de ce qu'ils sont (et encore maintenant, même), superbes bien davantage que moi, protecteurs à fond la gamelle, souriants de dents véritables.

Même vivants, où sont-ils passés ? Je te parle, ma poule : où sont-ils, ces jeunes gens ? T'as idée, ou pas ?

Juste derrière les poubelles de l'histoire...

Dagrouik, militant socialiste patenté ("guignol", en français de tous les jours) pense que le parti doit « reprendre le chemin des idées ». Je l'aide : c'est tout de suite à gauche, au fond de la déchetterie, après le container des objets encombrants. Non, non, de rien...

Les arrière-fonds de la misère morale

Hier, à midi, après quatre merveilleuses semaines de petits plats raffinés et goûtus, je me suis retrouvé assis à une grande table de cantine déserte, devant un pichet d'eau du robinet et un plateau de nourritures certes médicalement consommables, mais pas excitantes pantoute, comme dirait un Québécois (ou un autre).

J'ai failli pleurer.

206

Ce qui effraie le réactionnaire, ce n'est pas tant le chambard plébéien déchaîné par les révolutions que l'ordre étroitement bourgeois qu'elles engendrent.

mercredi 2 juillet 2008

C'est pas du Verlaine, ni même du Ramuz...

L'expérience est bizarre. Vous êtes occupé à boire votre café matinal, devant l'ordinateur, branché sur votre radio suisse romande favorite (je sais, on me voit venir...). Soudain, la jeune femme qui anime la tranche (oui, on dit comme ça) et le monsieur qui lui renvoie la balle prononcent votre nom et commencent à parler de vous et de votre 'tiblog. Vous vous faites alors l'effet d'être Louis de Funès dans Pouic-Pouic (chef-d'oeuvre scandaleusement sous-évalué du cinéma français, et même mondial), lorsque Christian Marin et Roger Dumas, depuis la grange voisine, se mettent à causer dans le poste : sentiment d'irréalité, plutôt réjouissant somme toute.

L'affaire se gâte lorsque la demoiselle (ou la dame : il faudra que je me renseigne) entreprend de lire des extraits de votre dernier billet. Là, soudain, vous prenez conscience que votre petite prose ne vaut pas un clou (certes, vous vous en doutiez, mais tout de même...), que les phrases tombent comme des fruits de leur arbre, déjà blets avant de toucher le sol.

Finalement, ce que vous preniez pour une minute d'auto-gloriole se mue en une implacable leçon de modestie, assénée sans trop de précaution, ni cellule de soutien psychologique. Lorsque la voix s'est tue, vous vous retrouvez seul devant l'écran. Et vous vous surprenez à regarder votre page d'accueil de travers, avec un mauvais petit sourire.

233 + 237

Le capitalisme est la face vulgaire de l'âme moderne, le socialisme sa face assommante.

Ceux qui nient l'existence des rangs sociaux ne s'imaginent pas avec quelle netteté les autres jugent du leur.



Deux d'un coup ! Merci qui ?

mardi 1 juillet 2008

Aujourd'hui, c'était la Saint-Wikio

Ah ? Vous ne saviez pas ? On se demande de quel blogotrou vous sortez, franchement ! Wikio, c'est l'alpha et l'omega de la virilité virtuelle. Tous les premiers du mois, le directeur de la blogécole entre dans la classe, son palmarès en main. Les élèves se mettent debout, baissent les yeux en signe de respect, évitent de se curer le nez.

Et, comme dans mon enfance studieuse et brillante (brillante, oui, et je pisse à la raie des cancres !), on déroule le classement. Il y a des cris de joie malaisément rentrés (on explosera tout à l'heure, à la récré), des sanglots encore plus difficilement réprimés (on ira pleurnicher dans les chiottes-qui-puent pendant que les caïds brailleront sous le préau), des sentiments de supériorité calmes et dignes. On s'éclate.

Les 29 autres jours du mois, on hurle contre les discriminations, on s'indigne des différences, on flétrit les marqueurs de tous poils. Mais, le premier du mois, on roucoule comme un pigeon qui vient de tirer sa petite crampe sur l'arbre, parce qu'on a écrabouillé le voisin. C'est charmant, c'est frais, c'est fun.

En principe, on ne doit pas dire du mal de Meister wikio. Si on le fait, c'est qu'on est aigri parce qu'on a rétrogradé de douze places, et vos petits camarades égalitaristes (du 2 au 30 du mois, je le rappelle) se foutent copieusement de votre gueule.

Seulement, moi, avec mes trente lecteurs quotidiens, je prends cent places tous les mois avec une régularité de Terminator. Du coup, j'ai parfaitement le droit de ricaner, voire de pisser le long de la jambe du directeur, pendant qu'il est occupé à distinguer les bons élèves, ceux dont la blouse (bleue ou marron pour les garçons, jaune ou rose pour les filles : j'ai connu cela, mes drôles !) est toujours impeccablement boutonnée.

Et, tiens, rien que pour faire chier Nicolas (à trois places devant moi), je ne mettrai aucun lien dans ce billet. Devise : rien pour les autres, tout pour ma gueule !

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La liberté à laquelle aspire l'homme moderne n'est pas celle de l'homme libre, mais celle de l'esclave un jour de fête.

Comme un écho de Philippe Muray...