samedi 31 décembre 2011

Didier Goux, le blogueur qui pose les vraies bonnes questions

Elle est bonne et elle est vraie parce qu'au fond il n'en est pas d'autre qui vaille : doit-on se contraindre à publier un billet le 31 décembre, au prétexte que ce sera le dernier de l'année ? On notera en préambule que, en cas d'abstention – d'abstinence ? –, on disposerait tout de même d'un dernier billet de l'année, celui de la veille ; ce qui est réconfortant. Néanmoins ? 

Bien sûr, ne pas publier de billet un 31 décembre serait une manière, un peu puérile certes, de se démarquer du vulgaire. Mais quel blogueur sérieux a vraiment envie de se démarquer de qui que ce soit, alors qu'il vient de parcourir la longue prairie des 364 jours écoulés en troupeau aveugle ? Ce serait un coup à rater le gué. Donc, billet ; mais pour y dire quoi ?

On peut toujours faire le bilan, certains ne s'en privent jamais. C'est-à-dire étaler sa satisfaction d'avoir eu des visiteurs (le mot “lecteur” m'a paru tout de même un peu hasardé), et les recenser avec méticulosité. Il est également loisible au blogueur de délivrer au bon peuple ses souhaits pour l'année qui menace ; ou au contraire de dresser, mais sur le mode léger et humoristique qui caractérise l'espèce, la liste des frustrations, manquements, désillusions et ratages qui ont été son lot durant celle qui agonise dans le frigo, à côté des huîtres pas encore ouvertes. Il y a encore la possibilité de se muer en vieux sage et de dérouler une série de conseils, de préceptes, de règles d'or aux lecteurs haletants. C'est ce que fait le camarade CSP ce matin, dans un langage de psycho-pubeux tout à fait réjouissant venant d'un vieux routard de l'insurrection prolétarienne comme lui (“Ayez des expériences de vie qui vont structurer votre personnalité”…). Pour ceux qu'aucune de ces options ne satisferait, il restera la solution d'en appeler – avec accents pathétiques obligatoires – à virer bientôt le vilain nain de l'Élysée, ce qui fait toujours bien dans le tableau.

Enfin, il est envisageable de publier son ultime billet sans chute véritable, ce qui est une manière d'accorder une petite dernière chance à 2011.


Par la porte entrouverte
Je revoyais mes souvenirs…

vendredi 30 décembre 2011

Hugo Chavez, guignol conspirationniste

On lit parfois (mais c'est tout de même assez rare, reconnaissons-le) des articles fort amusants, sur Atlantico.fr. Comme par exemple celui-ci, dont voici les deux premiers paragraphes :

Hugo Chavez est ce qu’il est convenu d’appeler amicalement (et il a beaucoup d’amis) un personnage haut en couleurs. Il est socialiste, révolutionnaire, bolivarien, anti-impérialiste, antisioniste, antilibéral. Des convictions (que dis-je ? des qualités !) qui lui valent en France une cote d’amour tout à fait appréciable. Besancenot l’admire, Mélenchon l’aime, le PCF l’idolâtre, les écologistes l’adorent et les vieux gauchistes non encartés se pâment devant ses envolées tribuniciennes. Hugo Chavez parle effectivement beaucoup. (…) Et on ne saurait compter le nombre de fois où il a perdu l’occasion de se taire.

Cette fois-ci il a fait très fort. En apprenant que Cristina Kirchner, la présidente argentine, était atteinte d’un cancer (il en a eu un, lui aussi), il s’est demandé, benoîtement, si la CIA n’avait pas découvert une machine à donner le cancer aux leaders de gauche sud-américains. Comme Hugo Chavez est un homme circonspect, il s’est bien gardé d’accuser, comme ça, bêtement, les États-Unis. Il a simplement dit ne pas exclure cette possibilité.

(…)

On pourrait également se demander si cette même CIA n'aurait pas inoculé le virus de l'amnésie (préparation de synthèse, effectuée dans des laboratoires souterrains du Nevada profond) à nos salonnards gauchistes, afin de les faire adorer à deux genoux un ancien militaire putschiste comme l'Amérique Latine en produit à la tonne depuis un siècle et demi.

mercredi 28 décembre 2011

De la nature profondément démoniaque du communisme

J'en suis arrivé à penser de manière très sérieuse, et profondément, que le communisme était d'essence démoniaque. Au sens propre. Il n'est pas besoin, ce me semble, de croire à l'existence réelle du diable pour être capable de débusquer le démoniaque où il se love. On dit couramment que l'enfer serait pavé de bonnes intentions : même si, d'après Chesterton, saint Thomas d'Aquin a montré que ce n'était pas vrai, il n'en demeure pas moins que ces pavés-là sont ceux que l'on nous exhibe le plus volontiers dès qu'il s'agit de faire miroiter à nos yeux les séductions de la doctrine. Le communisme se donne pour but la libération de l'homme, il vise le bonheur partagé, l'arrêt de toute exploitation, la fin de cette lutte des classes qu'il a inventée pour les besoins de sa propre cause, le paradis sur terre. Bref : le royaume du communisme se proclame de ce monde et pour bientôt. Mais, dès que l'on fait mine de céder tant soit peu au chant de ses sirènes, arrivent immanquablement et tout de suite la misère et l'asservissement, emprisonnements arbitraires et tueries de masses, “le bâillon pour la bouche et pour la main le clou” . Toujours cependant au nom d'une satisfaction terrestre en perpétuelle advenance.

Satan, le père du mensonge, ne procède pas autrement lorsqu'il tente le Christ au désert. Sauf que, tout de même, avenir radieux pour avenir radieux, tous les royaumes du monde semblent plus attirants que la dictature du prolétariat, comme perspective téléologique. Mais enfin, le procédé est le même et le principe identique : faire chatoyer les couleurs des chaînes que l'on va vous refermer sur les poignets et les chevilles. On nous rabâche ad gerbeam, en général pour l'opposer au nazisme, que le communisme a de belles et bonnes intentions et que, à ce titre, on doit le préserver, voire le “réinventer” comme dirait l'autre zouave. Je proteste : le communisme n'as jamais eu de bonnes intentions ; il affiche de bonnes intentions, nuance. Et c'est bien la moindre des choses. Après tout, Méphistophélès a choisi de promettre au docteur Faust la jeunesse et la beauté plutôt que l'arthrose et un psoriasis virulent. 

Le communisme et les entreprises sataniques ont aussi en commun de pratiquer l'inversion systématique des valeurs, le mal devenant le bien par un simple décret de ses idéologues, ou plus exactement, le mal étant présenté comme nécessaire et obligatoire pour parvenir au bien, et du coup en prenant l'apparence et les couleurs. Dans les deux cas, les possédés deviennent  brusquement inaccessibles à la raison et fabriquent, en eux et autour d'eux, du malheur et de la peine, au nom du bonheur illusoire que le démon a fait miroiter devant leurs yeux.

La question qui reste en suspens est celle de l'existence, ou non, d'un exorcisme efficace.

Yahia, mon général ! ou : les Phocéens font mumuzz


Ils en ont de la chance, nos amis marseillais (merci à qui de droit…), de trouver de semblables merveilles dans leurs boîtes aux lettres ; ce n'est pas au Plessis qu'on aurait droit à des joyaux de cette eau, tu peux courir ! En tout cas, grâce au señor Yahia – Oui-Oui, en français de souche –, on a désormais la preuve que ce sont les gauchistes qui ont raison : on peut bien être à la fois contre Israël et contre la judéophobie. Ça vous la coupe, ça, hein, les réacs putrides ?

Quoique, à la réflexion, je me demande si le creux verbiage qui entoure les mots “sionisme” et “Israël” ne serait pas une simple garniture ; un peu comme la feuille de salade sous l'entrecôte, celle que personne ne mange jamais mais qui donne du pimpant à l'assiette.

mardi 27 décembre 2011

De qui qu'il est, le quatrain ? Hein ?


Que les heures sont lentes,
Mais les années furtives !
La vie bien maladive
Et si menue la rente.

Les guerriers du Christ ou la geste superbe des Croisades


Pour les bons esprits de ce temps, l'affaire est entendue, le procès n'est plus à faire : la Croisade c'est le mal. Entreprise au mieux dans un vulgaire appétit de lucre, au pis dans une volonté de coloniser et d'asservir. Passons sur la seconde accusation, qui pue son anachronisme à pleins naseaux : nul chrétien du XIIe ou XIIIe siècle n'a jamais eu cette étrange idée de coloniser la Terre Sainte. Il ne s'agissait pas davantage d'une guerre des religions, ni même d'une guerre missionnaire – même s'il dut bien y avoir quelques conversions forcées de musulmans par-ci, par-là : c'est humain… –, mais d'une sorte de pèlerinage armé, destiné à conquérir, conserver ou reconquérir les Lieux Saints ; Lieux Saints sur lesquels les musulmans n'avaient aucun droit légitime particulier, sinon celui du plus fort, puisque eux-mêmes avaient, cinq siècles plus tôt, asservi ces régions juives et chrétiennes les armes à la main.

Pour ce qui est de l'appât du gain, de l'esprit de lucre, laissons la parole à Franco Cardini, auteur entre autres d'une excellente biographie de saint François d'Assise : « (…) on interdisait par ailleurs pendant la durée entière de la mobilisation tout type de commerce et de contact avec les musulmans, si ce n'est la confrontation militaire. C'était une décision grave, qui coûtait très cher en termes financiers parce qu'elle gelait des trafics opulents et ne pouvait pas être maintenue trop longtemps parce que les élites économiques – surtout les villes maritimes italiennes – n'en auraient pas garanti le respect. » À cet appauvrissement dû à l'arrêt des relations commerciales doit s'ajouter la nécessité pour les croisés de s'équiper de pied et cap, non seulement eux mais les hommes, de troupe ou de service, qui vont les accompagner durant de longs mois. Il faut aussi affréter de nombreux bateaux, ce que les villes maritimes italiennes déjà évoquées – principalement Gênes et Venise – ne font pas gratuitement, loin de là. Enfin, durant le temps que dure la croisade, on ne peut plus veiller à la bonne marche de ses affaires, ni à l'intégrité des biens que l'on possède en France ou en Angleterre ou en Allemagne. La croisade, ça coûte de l'argent. On me répondra razzias et pillages des cités conquises. Bien entendu. Mais cela n'a rien de particulier à la croisade : à l'issue de toute guerre, de la moindre bataille même, le vainqueur pillait les biens du vaincu, telle était la règle admise par tous – le Traité de Versailles est peut-être le dernier en date de ces ancestraux Vae victis.

Si la croisade suscite autant de ferveur et d'adhésion durant près de deux siècles, c'est parce qu'elle est un retour au Christ, à la région qui a vu  se dérouler son passage sur terre. C'est essentiellement un pèlerinage, qui n'a pour but ni l'enrichissement personnel, ni on ne sait trop quel “esprit d'aventure”, ni le goût de la violence armée. Sinon comment pourrait-on expliquer qu'en juin 1219 saint François se soit embarqué d'enthousiasme à Ancône pour Acre puis Damiette ? L'appât du gain ? Le goût des armes ? Voyons, voyons…

La croisade est peut-être la geste la plus haute et la plus sublimement gratuite de toute l'histoire de l'Occident : des hommes en armes, croix cousue sur l'épaule ou le torse, qui acceptent de tout quitter et de traverser l'Europe entière en risquant leur peau, à seule fin d'aller délivrer un tombeau.


Demain, nous nous intéresserons au caractère proprement démoniaque du communisme…

lundi 26 décembre 2011

Ludwig ou l'effondrement des dieux


Hier après-midi, j'écrivais ceci, dans mon journal : « Ce soir, parce que pas d'autre choix possible, nous allons regarder le Ludwig de Visconti, bien que je ne sois pas sûr de tenir jusqu'au bout des trois heures trois quarts qu'il dure. D'autant moins qu'il me semble avoir toujours trouvé Visconti passablement emmerdant. Je dis “il me semble” car il y a tellement longtemps que je n'en ai vu un que je ne sais plus s'il s'agit de mon appréciation réelle d'alors ou bien d'un simple préjugé fondé sur rien. Vérification ce soir, donc. »

Nous avons, Catherine et moi, “tenu” une demi-heure. Donc je confirme : pour moi, Visconti est emmerdant, et à peu près rien d'autre. Chaque image est superbe, c'est entendu. Mais une succession de tableaux, aussi magnifiques soient-ils, ne fait pas un film. Je passais, durant cette demi-heure, le temps où je me faisais chier à comparer ce que je voyais avec Fanny et Alexandre, d'il y a trois jours : Bergman est tout autant capable que Visconti de produire des images superbes ; en plus, sa caméra bouge et, tandis qu'il nous montre des choses, une histoire se construit, des personnages naissent, etc. rien de tout cela chez Visconti.

Et puis, il y a cette malédiction du cinéma italien de cette époque, que l'on pourrait appeler la “production internationale”, qui vous barre l'accès aux meilleurs films qui soient. Par exemple, il ne m'est plus possible de regarder ce chef-d'œuvre qu'est Le Bel Antonio, de je ne sais plus qui (découvert à la télévision, vers 18 ans). Le choix est simple et tragique : soit vous choisissez la “VO”, pour entendre Mastroianni et Cardinale – mais alors vous devez supporter Pierre Brasseur couinant en italien, ce qui est insupportable ; soit vous choisissez la “VF” (pour Brasseur), et ce sont les deux autres qui deviennent insupportables.  Dans Ludwig, c'est encore mieux : si vous choisissez la “VO”, personne ne parle sa propre langue. Trevor Howard, acteur anglais jouant Wagner, baragouine en italien (ou en français si vous optez pour la “VF”) ; Romy Schneider et Helmut Berger, pitoyables acteurs teutons tous les deux, jouent également les pizzaiolos en VO – mais enfin, eux, c'est moins grave, dans la mesure où ils sont toujours mauvais de toute façon.
Pendant ce temps, M. Visconti lèche ses images et nous débite des dialogues dignes d'un roman Harlequin, avec découpage pesant, dit par des acteurs en dessous du médiocre (Schneider, Berger), et le film se traîne à un point qu'on l'abandonne très rapidement. Et qu'on se retrouve devant ce clavier qu'on avait pourtant juré d'abandonner jusqu'à demain.

dimanche 25 décembre 2011

Réveillon au panier, Pâques au chantier – proverbe

 La grosse masse noire avec de vagues reflets, à mon pied, c'est le troisième chien…

samedi 24 décembre 2011

La double veillée de la rue de l'Église

 Ce soir, pour cause de Nativité, l'Irremplaçable quittera notre chaumière ouatée de neige virtuelle pour aller se joindre à la procession aux flambeaux qui parcourra les rues de Pacy, avant d'assister à la messe qui, elle aussi, à ce que j'ai bien cru comprendre, aura un rapport étroit avec ladite Nativité. Durant ce temps, le mécréant dans sa tanière organisera pour soi seul une procession au chablis sans sortir des étroites limites de son salon, en une sorte de Voyage autour de ma chambre délicatement alcoolisé. Pour montrer son respect des mystères divins, il remplacera néanmoins les habituelles chansons à boire et de salle de garde par un oratorio de Noël de Jean-Sébastien Bach, suivi sans doute d'une ou deux cantates du même. 

Durant cette heure et demie qu'il passera seul, il pensera sans doute fort peu au petit Jésus, parce qu'il n'est pas fou des enfants au berceau ni des squatteurs d'étable qui choquent son respect de tout ordre établi et des richesses honnêtement gagnées. Cela ne veut pas dire que ses réflexions décousues seront dénuées de mysticisme, mais on ne peut jurer de rien. 

Lorsque l'Irremplaçable sera de retour, l'agnostique perturbé fera sauter le bouchon de la bouteille de champagne qu'il aura préalablement mise à fraîchir pour elle ; et il en profitera – on peut considérer la chose comme assurée – pour gravir en sa compagnie une seconde Montée de Tonnerre, en devisant nonchalamment et en gobant les petits œufs de caille en gelée qui auront fait leur apparition sur la table du salon. Pour finir, les deux vieux mariés se féliciteront d'avoir traversé cette année à peu près sans encombre – et même avec quelques bonheurs discrets. Ils iront se coucher, parce qu'il faut bien que tout rentre dans l'ordre à un moment donné.

jeudi 22 décembre 2011

Fou qui s'imagine pouvoir tuer le père !

 Fanny et Alexandre est construit en diptyque, mais les deux “panneaux” de celui-ci – le théâtre et l'Église – ne font pas que se contempler ni même se répondre : ils se combattent. On ne révélera rien en disant qu'ils renferment en eux, à la “pliure”, la tension qui habitait Ingmar Bergman lui-même, fils de pasteur luthérien et homme de théâtre. Dans le film, l'ordre est renversé : c'est le théâtre qui forme le premier panneau et l'Église le second. C'est que le théâtre n'est pas seulement celui, bien réel cependant, dont les parents et la grand-mère d'Alexandre sont les dépositaires, les directeurs et les comédiens tout à la fois : il est aussi, plus vaste et tout aussi clos, celui de l'enfance elle-même, du “petit monde” dont parle le père peu de temps avant de mourir, symbolisé par l'imposante maison familiale sur laquelle règne la grand-mère, où tout en effet semble se faire décor immuable, ritualisé à l'extrême – avec une nette prédominance de la couleur rouge, celle du lourd rideau qui se lève et retombe. Du reste, il y a aussi du théâtre à l'intérieur de ce théâtre, mais il n'est finalement pas plus codifié que celui où tente de vivre le “petit monde”. On peut noter aussi que, dans cette première partie, quelques accords en sourdine annoncent déjà la seconde (de même que, dans celle-ci, le théâtre ne se laissera pas tout à fait oublier) : la prière vespérale des enfants, par exemple. Toute cette première partie se déroule dans ces deux univers clos jumelés que sont la maison familiale et le théâtre qui est en quelque sorte sa raison d'être. Une seule exception : la courte scène d'extérieur où l'on voit Isaac, l'ami-amant de la grand-mère, quitter son magasin d'antiquités (extraordinaire caverne d'Ali-Baba initiatique et surnaturelle) pour venir prendre sa place au repas de Noël – première esquisse du rôle de passeur, de “pont” qu'il jouera dans la seconde partie.

C'est la mort du père qui nous fait basculer de l'un à l'autre panneau, scène d'une éprouvante sobriété qui culmine dans l'ultime face-à-face – dont on se demande s'il n'est pas en fait le véritable premier – entre Alexandre et son père râlant. L'enterrement est la première sortie du “petit monde” dans le grand, sous la masse écrasante et froide de la cathédrale, toujours filmée dans une contre-plongée menaçante. Enterrement lui aussi ritualisé à l'extrême, dont Alexandre combat la solennité glaçante et magnifique en égrenant à mi-voix et en boucle des “pisse, merde, bite…” proférés d'un ton mécanique et les yeux obstinément baissés.

Le remariage de la mère avec l'Évêque arrache Fanny et Alexandre au “petit monde” pour les enfermer dans une prison à la fois réelle et mentale, aussi austère que la maison familiale était opulente et chaude. La couleur rouge disparaît totalement, mais pas la ritualisation – ni donc le théâtre – puisque même les châtiments corporels que devra subir Alexandre obéiront à une mise en scène précise, maniaque. À partir de cette transplantation brutale, les deux enfants découvrent à la fois la cruauté et le surnaturel. La cruauté est celle de l'évêque, bien entendu, mais on aurait tort d'y voir uniquement une fustigation de la religion : l'évêque utilise son magistère comme une arme, une “férule” mentale et, ce faisant, le trahit. J'en veux pour signe la scène où Alexandre, puni, est contraint de passer la nuit dans le grenier de l'évêché : dans un coin de la pièce en soupente se trouve un grand christ en croix ; mais il est renversé, à terre, comme un objet de rebut qu'on aurait monté là pour ne plus le voir – ou peut-être pour que lui ne voie plus ce que l'on fait en se réclamant de lui. Quant au surnaturel, il apparaît en premier lieu à Alexandre sous les traits de son père – père qui, au moment de sa mort, répétait le rôle du spectre, dans Hamlet. De fait, c'est à ce moment qu'Alexandre commence à s'extraire de la gangue de l'enfance (rouge et chaude) pour se dresser contre l'usurpateur, lequel aura finalement une mort “de théâtre”, soigneusement artificielle, méticuleusement incrédible. De même l'évasion de Fanny et Alexandre, ravis de leur prison dans un coffre ancien où Isaac les a dissimulés à la suite d'une ruse cousue de fil blanc, dans la plus pure tradition de la comédie. 

Car nul ne peut se rendre librement d'un univers à l'autre, du petit monde à l'évêché et inversement. Personne sauf l'antiquaire juif qui continue de jouer son rôle de passeur, aidé par son fils Aaron, et emmène les deux enfants dans sa caverne d'Ali-Baba, où se trouve enfermé l'autre fils d'Isaac, Ismaël, qui détient la clé du monde des esprits et dont l'étrangeté est soulignée par le fait que c'est une femme qui joue le rôle.

À la toute fin du film, le petit monde s'est reconstitué, pratiquement inchangé. Mais c'est alors, dans un couloir, le fantôme de l'évêque qui jette littéralement Alexandre à terre, comme s'il le foudroyait, et s'éloigne sur cette prophétie : « Tu ne m'échapperas pas ! » Mais on se dit que si, peut-être, tout de même. Car, entre temps, pour se donner la force de combattre l'usurpateur, de repousser son emprise, Alexandre a commencé à inventer des histoires…

Mais qui a décongelé Pierre Robes-Roule ?

En tout cas, quel qu'il soit il a bien fait, puisque ce nauséabond animal vient de publier, sur son blog en léthargie avancée, un scandaleux et méchant petit conte de Noël, dont je ne suis pas sûr qu'il faille le laisser traîner à portée de tous les yeux – enfin, c'est vous qui décidez.

Il n'empêche que lire des choses pareilles au pays des droits de l'homme et en plein vingt-et-unième siècle, ça fait tout de même un peu mal aux orphelines…

L'avalé des à-valoir


La différence essentielle entre un écrivain et son confrère en bâtiment : lorsqu'il a terminé un roman, le premier remet son ouvrage sur le métier ; le second se contente de le remettre à son éditeur.

mardi 20 décembre 2011

La cantinière et les pyjamas rayés – journée portes ouvertes à l'asile

Policiers français en pleine procédure administrative, après le contrôle d'un sans-papier

Le billet débute comme suit :

Ce qui est fascinant, si l'on jette un regard en arrière, c'est que nous venons de passer 10 ans sous le régime de la terreur.

D'emblée, on sent que le tableau va être réaliste et tout en nuances. Et en effet, la suite donne dans le pastel le plus délicat :

Cela fait maintenant 10 ans que nous sommes plongés en permanence dans une sorte d'ambiance de fin du monde, dans une crise de panique sans fin dont la principale conséquence, et non des moindres, est d'oblitérer chez nous toute capacité cognitive un tant soit peu rationnelle.

On parlera ensuite de notre “joug de peur”, moins tendre que la joue de bœuf mais conduisant tout aussi sûrement à la boucherie, présume-t-on. Parvenu au bout du deuxième paragraphe de cette prose pâteuse, grisâtre, très “Europe de l'Est” dans sa conception d'ensemble, on se demande déjà quel genre de carotte poursuit notre âne gauchiste, lorsque l'on débouche tout à trac sur l'esplanade des tours jumelles, un certain 11 septembre. Mais si, vous savez bien : ce fameux fait divers dont on ne saura probablement jamais qui l'a commandité (on ne nous dit pas tout…), qui a permis aux forces de la réaction et du grand capital de transformer la moitié du monde – au moins – en un gigantesque camp de concentration, avec exécutions sommaires, désignation puis extermination de gentils boucs émissaires innocents et barbus, barbelés électrifiés, petits enfants grecs et espagnols mourant de faim sous leurs préaux, etc. Tout cela au nom d'un danger “qu'on ne voit pas” (encore que, à mon modeste avis, les dizaines de personnes qui se sont jetées du haut des tours en flammes l'ont tout de même entr'aperçu, le danger en question).

Personnellement, j'ai la chance de n'être pas de gauche et de n'avoir que de très faibles accointances avec le progressisme de cabanon tel qu'il se déploie ici. Mais si je l'étais, de gauche, il me semble que je déprimerais quelque peu à l'idée d'avoir de semblables alliés. 

Toute obnubilée par la terreur, la panique, la tremblote du mouton et le joug de peur qui lui enserrent les tréfonds, la Dame laisse pourtant échapper ceci, entre deux sulfatages de financiers ventrus et cyniques :

L'état de sidération des peuples est tel que nous avons même perdu la capacité de rire du ridicule le plus achevé.

Qu'elle se rassure : cette “capacité de rire du ridicule le plus achevé”, nous venons tout juste de la retrouver, grâce à elle.

dimanche 18 décembre 2011

Réservons le droit de vote aux étrangers !


C'est ce que propose l'excellent Jacques Étienne (dont on se demande ce qu'il peut bien fumer dès le matin…) dans son billet du jour. On notera que les arguments qu'il développe sont parfaitement rigoureux et sensés, pour peu que l'on pense vivre dans un monde lui-même rigoureux et sensé.

samedi 17 décembre 2011

Maréchal, nous voilà presque arrivés


C'est avec un très grand intérêt que je poursuis la lecture du livre de Michèle Cointet, Nouvelle histoire de Vichy. Étude à la fois très fouillée et d'une clarté exemplaire, se refusant les facilités et les partis pris idéologiques, d'un bord ou de l'autre. Néanmoins, il y a tout de même une faiblesse du scénario, grandement dommageable au soutien de l'attention chez le lecteur : à une centaine de pages de la fin, on devine déjà que tout cela va probablement très mal finir.

vendredi 16 décembre 2011

Les singes intégristes et les singes blasphémateurs


La conversation, sous mon billet d'hier matin, a quelque peu dévié, en partie du fait de Dorham (Dorham est un formidable dévieur de conversation, ce qui n'est pas sa moindre qualité : il a dû être aiguillage ferroviaire dans une vie antérieure…). Je n'y ai pas participé pour la raison simple qu'elle ne me concerne pas. Étant, à ce jour, incroyant, je vois mal ce que je pourrais avoir à dire sur le Christ, sa nature divine ou non, sur le fait de savoir qui est catholique et qui ne l'est pas, etc.

Néanmoins, je sais ce que je pense du blasphème et des blasphémateurs. Au mieux, des sales gosses. Au pire, si l'on se mêle de croire à Satan, de pauvres diables gesticulants et assez ridicules, pris dans la main de leur Maître. Le blasphème ressortit à la foi, bien évidemment, mais à une foi dégradée, dévoyée, hystérique, dostoïevskienne, écumante et impuissante, girardienne. Pour comprendre le blasphémateur, il faut lire et relire le Paradis perdu de Milton : le blasphémateur incarne la chute, mais dans sa version “théâtre de boulevard” ; les blasphémateurs sont toujours ridicules, au moins à notre époque où ils ne risquent rien. Il me semble impossible de blasphémer sans déchoir et s'abîmer, après Sade. Il reste que tout blasphémateur est un croyant qui ne se supporte plus. Un athée parfait, un incroyant tranquille ne blasphème pas : il passe outre. Mais y en a-t-il ? Qui parvient à écarter l'inquiétude ? Rejeter Dieu, c'est encore l'admettre, non ? Je pense à ces pantins gesticulateurs qui – disent-ils – se font “débaptiser”, ce qui est très tendance. Mais se faire débaptiser (si la chose était possible), c'est clamer avec force que l'on croit à la puissance du baptême. De même que se faire démobiliser est reconnaître l'existence de l'armée.

Bien sûr, il y a aussi le blasphémateur de circonstance, celui qui a compris, pour parler aussi vulgairement que lui, qu'il y avait “du pognon à s'faire” ; et c'est très précisément ce que tentent, un peu chaque jour, les minables théâtreux dont on parle ces temps derniers.

Mais pourquoi en parle-t-on ? Parce qu'il existe des gens regroupés sous le nom de Civitas. Qui sont assez stupides pour se laisser entraîner sur le terrain des blasphémateurs subventionnés ; qui organisent des processions, qui gémissent en chœur, se flagellent en rond – et font de quelques cadavres progressistes des martyrs de la culture, des christs-en-croix de la laïcité, des saint Sébastien de la liberté d'expression. C'est la bêtise à front de taureau contre une autre qui lui ressemble trait pour trait. Le singe affronte le singe, et chacun se prend pour l'homme. Alors que, pendant ce temps où ils font les guignols, ils devraient plutôt voir les blasphémateurs pour ce qu'ils sont réellement – du rien qui fait du bruit – et prier pour eux ; en silence.

jeudi 15 décembre 2011

Deux hommes et une seule chaise : drame


Les hommes politiques, de quelque bord qu'ils soient ou se croient, ne sont jamais des adversaires ; tout juste des rivaux.

Les acteurs sont des cons (André Wilms en particulier)

Nous parlions hier de Jean-Louis Murat. Je réitère : je crois vraiment n'avoir jamais entendu aucun chanson de ce garçon – mais il est vrai que j'ai cessé de m'intéresser à la chanson en général il y a au moins trente ans – ou vingt-cinq, peu importe.

Mais tout de même (et bien que je ne l'écouterai jamais probablement), rencontrer un chanteur qui connaisse au moins le nom de Bernanos ou de Léon Bloy (qui me gonfle, mais c'est une autre affaire) donne envie de taper dans ses mains avec un sourire niais et d'entamer la danse de la pluie.

Parce que, en général, les chanteurs, les acteurs, les “comiques”, etc., sont des noix vomiques qui demandent d'avoir un estomac solide pour les écouter, et même seulement les regarder.

Par exemple, hier, dans l'émission de merde de Taddéi (sur France 3, ne me demandez pas son nom), il y avait André Wilms, ce vieil acteur connu des Français pour avoir joué dans ce film pitoyable (La Vie est un long fleuve tranquille) de ce réalisateur pitoyable qu'est… Comment s'appelle-t-il déjà, celui-là ? On a oublié. Peu importe. Bref, ce vieux Wilms s'est vautré hier soir dans un ridicule absolu, il m'a fait pitié, tellement que j'ai finalement zappé parce que je déteste voir les gens se ridiculiser devant moi. Or, c'est ce qu'il a fait, bien entendu : il s'est ridiculisé. Parce que, visiblement, il est un con. Un con impérial. Dans une société normale, personne ne demanderait son avis sur rien à cet ignorant absolu ; mais, là, on était à la télévision, chez Frédéric Taddéi qui, lui-même, enfin bon… il est animateur, quoi.

Il était très amusant, ce Wilms. On le sentait sûr de savoir certaines choses (et il cherchait des yeux la caméra qui le filmait), il parlait sur ce ton pontifiant qu'ont tous les mauvais comédiens français, et les imbéciles de toute nationalité, quand on leur tend un micro. Il avait bien révisé avant de venir, notre Wilms, glané trois citations, tout ça…  C'est au moment où, le regard grave et la glotte profonde, il nous a balancé "l'art dégénéré" (oh, putain, vous auriez vu sa gueule, à ce moment-là, à ce vieux cabot !), que mes nerfs ont lâché et que je suis passé sur une autre chaîne qui diffusait un film de zombis – tout le monde a ses faiblesses.

L'honnêteté m'oblige à dire que ce Wilms n'était pas le seul souverain poncif présent sur ce plateau. Il y avait aussi le vieux Closets (François de) et deux ou trois raclures médiatiques dont l'histoire – véhiculée par votre serviteur – n'a pas retenu le nom. 

L'affaire s'appelait “revue de presse”. Le principe est simple. À chaque changement de sujet, on garde le panel du jour (et notamment notre Wilms qui, en temps que saltimbanque, sait bien sûr tout sur tout), et on leur donne à bouffer un innocent qui n'a pas bien compris qu'il ferait mieux de fermer sa gueule, ou au moins d'éviter cette fosse aux lions édentés. Hier soir, les Blandines modernes étaient d'abord un catholique "intégriste" (là, nos Wilms et nos Walter Closets ont déchiré à belles dents et sans risque), puis un commandant de police, venu parler de la promesse de Nicolas Sarkozy d'équiper les policiers de fusils à pompe. Comme il n'était pas certain que les six appointés du plateau soient suffisants pour écraser le commandant en question, on lui avait adjoint une sorte de  grosse chose qui, si j'ai bien compris, après avoir erré dans diverses professions, a écrit deux romans policier, ce qui, on le comprend, lui donnait le droit de parler de la police, de la société, de la prévention, etc., avec beaucoup plus d'autorité que le pauvre commandant en question.

Quel que soit le sujet de cette “revue”, l'affaire était entendue : on amenait dans l'arène un malheureux simplet qui n'avait pas compris que le monde avait changé. Je pense qu'à la fin de l'émission, ils l'ont tous compris – mais c'était trop tard. Je leur suggère, la prochaine fois, de venir avec leur fusil à pompe.

mercredi 14 décembre 2011

Ça balance pas mal, en auvergne…

Je crois bien n'avoir jamais entendu une seule chanson de Jean-Louis Murat. Ou bien j'ai oublié. Ou alors j'étais saoul. Ou i' sentait pas bon. Toujours est-il que je trouve ce garçon fort sympathique, à en juger d'après cette interview parue dans Le Point, et dont voici un extrait :

« Ces hommes de gauche patentés, je connais leur mode de fonctionnement. Le plus grand des jolis cœurs, Renaud, je l'ai vu faire un truc qui te conduit normalement en prison. Il est devenu mon ennemi de base, même si on ne tire pas sur une ambulance. J'ai vu aussi des hérauts de la gauche jouer au poker une petite nana perdue, une nana de 16 ou 17 ans. "Elle est pour toi ou elle est pour moi ?" Je les ai vus faire ça, ces mecs qui hurlent à la mocheté du monde dès qu'un chien se fait écraser. Dans le business, c'est pire. C'est un milieu où il faut se taire. Ils ne peuvent pas me supporter, je le leur rends bien. Je n'ai pas d'amis là-dedans. »

Et puis un autre, tiens :

« Je n'ai jamais été de gauche une seule minute dans ma vie, mais je n'ai jamais été de droite non plus. L'engagement, c'est différent, c'est le pont plus loin. Si tu t'engages, tu dois faire abstraction du fait de savoir si tu es de droite ou de gauche. Ou alors il faut faire de la politique comme Flaubert, c'est-à-dire déceler la connerie, sortir le détecteur. C'est un spectacle tellement ridicule qu'il faut jeter un regard neuf dessus. On aurait besoin de Blake Edwards pour mettre en scène la clownerie de l'accord passé ces derniers jours entre les Verts et le PS, par exemple ! »

En plus, il a une belle gueule, M. Murat. Si j'étais pédé, je crois que je coucherais plutôt avec lui qu'avec un autre.

mardi 13 décembre 2011

Quand tu es gauchiste, tu as le droit d'être homophobe

La Preuve. Tu peux aussi être souvent vulgaire, jamais drôle et dessiner toujours comme une bite.

Les charmes capiteux de la bergère à oreilles


J'aime beaucoup les films anglais. Et même les téléfilms. À condition qu'ils déroulent leur scénario chez les riches : les navrances populeuses d'un Ken Loach, par exemple, me donnent immanquablement envie de débrancher le poste – ce qui est idiot, puisque j'ai la télécommande en main – et d'aller m'octroyer une double ration de single malt au fumoir. De toute façon, je me fous bien de l'histoire qu'on me raconte : ce que j'attends, ce sont les scènes d'intérieur qui me permettront d'apercevoir le mobilier – et tout particulièrement les fauteuils. J'ai toujours rêvé de me déposer le fondement sur le Commonwealth, ça tournerait presque à l'obsessionnel. Aussi, quand Jacques Étienne a publié ce billet, me suis-je aussitôt roulé dans les convulsions de la jalousie la plus vile.

Puis, essuyant la bave aigre qui maculait mes lèvres, j'ai annoncé à l'Irremplaçable que le programme d'économies rigoureuses que nous venions tout juste de voter allait être inauguré par l'achat d'un fauteuil chesterfield – et plus précisément d'une bergère à oreilles, probablement assez semblable à celle reproduite à gauche, ci-dessus. 

(Je ne sais pourquoi cette appellation, bergère à oreilles, me fait invinciblement penser à la vieille devinette salace concernant la taille idéale chez une femme…)
Bref, cette lubie prendra corps le 29 décembre prochain, entre onze heures et midi, et l'affaire se réglera dans la Manche. Si notre ruine définitive devait s'ensuivre, M. Étienne pourrait en être tenu pour seul responsable, j'aime autant qu'il le sache, et vous. 

dimanche 11 décembre 2011

L'aloès comme le vin s'améliore avec le temps


On était trois, mais à peine puisque je dormais à moitié. Catherine dit à sa fille :

– Il est tellement vieux qu'il est forcément bio.

Il ne s'agissait pas de moi, j'en ai eu l'immédiate certitude. Mais, me dirigeant vers la cuisine pour un verre supplémentaire, j'ai tout de même souri. Comprenne qui pourra.

vendredi 9 décembre 2011

Clio diesel, Clio turbo

Je savais que mon billet d'hier, concernant Jean Sévillia, m'attirerait les commentaires que j'ai eus. Je me demandais d'où ils viendraient (je ne parle évidemment pas de Léon), mais me doutait que l'un au moins émanerait de Dorham. L'autre est arrivé de chez Artémise, ce qui m'a surpris dans un premier temps mais plus du tout dans un second.

Le premier commentaire de Dorham est pour dire, tout à fait en gros, qu'il est d'accord avec Sévillia pour ce qui concerne Pie XII, ce qui semble normal puisqu'il (Dorham) est catholique. Sa deuxième intervention est, comme je l'attendais plus ou moins, pour me mettre en garde contre Sévillia lui-même. Il le fait malignement, bien entendu comme c'est son habitude :

« L'Histoire objective n'existe pas, elle est impossible ; elle est toujours orientée en fonction des penchants politiques de l'auteur. Aussi, faire confiance à un historien, quel qu'il soit, me semble relever d'une grande imprudence. »

Bref, il noie tout dans le relativisme, ou en tout cas il feint de le faire. L'histoire devient opaque pour tout le monde ; lire des livres, se fier aux références données par l'auteur, tout cela est absurde et voué à l'échec : l'histoire n'existe qu'en fonction des présupposés idéologiques de celui qui l'aborde.

Je crois parler assez régulièrement des livres d'histoire que je lis. Je ne me souviens pas que Dorham ait cru bon de m'avertir de ce danger idéologique terrifiant lorsque j'évoquais un ouvrage écrit par un historien réputé de gauche (Hobsbawm, Furet, Winock, Azéma, etc.). La raison est évidemment patente : un historien de droite, ou “punaisé” de droite, comme on punaise un papillon exotique, ne peut que gauchir sa recherche au nom de ses présupposés, cependant que son homologue de gauche, lui, se laisse doucement porter par le fleuve de la vérité.

Maintenant, il y a le cas d'Artémise. Elles est historienne. De profession professorale. Estampillée et diplômée. Du coup, elle draine après elle tout le poids des professeurs plus anciens qui l'ont reçue dans le cénacle, ce qui la dispense d'argumenter en quoi que ce soit : elle délivre ses oukases, vous ligote joyeusement Sévillia avec Secher et vous fait disparaître ce petit couple républicain dans un trou de Loire au nom d'une orthodoxie qu'elle ne prend pas la peine de justifier le moins du monde : elle édicte, et ça doit vous suffire.

Je ne sais pas si Jean Sévillia a tort ou raison ; ou un peu tort et beaucoup raison ; ou l'inverse. J'attends d'Artémise qu'elle m'explique en quoi Reynald Secher est un rigolo ou un escroc, en quoi les documents qu'il cite et reproduit en fac-similé ne sont pas recevables ; et je dis à Dorham qu'un historien – non plus qu'un romancier : voir Balzac – ne se laisse pas forcément gouverner par ses préférences idéologiques.

J'ai eu pour professeur Jacques Marseille, en 1977 et 1978. Il était alors très proche du parti communiste et n'en faisait pas mystère. À cette même époque, il a décidé que sa thèse de doctorat d'État aurait pour sujet la manière dont la France avait pillé les richesses de ses colonies – et il s'est mis au travail, a plongé dans les archives afin de montrer comment ce pays, le nôtre, s'était enrichi sur le dos des Africains, Maghrébins, Annamites, etc.  Sauf qu'à sa grande surprise (qu'on imagine déplaisante, au moins dans un premier temps), il est arrivé à la conclusion inverse, à savoir que ses colonies avaient coûté de l'argent à la France. Et il l'a écrit.

Dorham est de gauche, Artémise est jeune : cela leur donne toutes les excuses pour être du côté de la vérité. Quant à moi, vieux, réactionnaire et passablement inculte, j'ai encore plus qu'eux toutes les raisons du monde pour raconter n'importe quoi.

jeudi 8 décembre 2011

La colonisation, ce génocide complètement raté

Pie XII fut-il ce pape pronazi que nous présente ad nauseam la vulgate antichrétienne moderne ? Galilée est-il ce martyr d'une Église obtuse, résolument opposée à tout progrès scientifique, qui traîne encore dans les manuels d'histoire des écoles ? La colonisation européenne représente-t-elle ce mal absolu, ce génocide auquel nous intime de croire la gauche, qui en fut pourtant à l'origine ? Sommes-nous bien sûrs d'être encore capables de comprendre l'état d'esprit de ces millions d'hommes qui furent précipités dans la fournaise de la Grande Guerre ? La France d'après 1945 a-t-elle été, comme on tendrait à nous le faire croire, rebâtie quasiment par les seuls immigrés d'Outre-Méditerranée (qu'on venait pourtant de génocider – voir plus haut), cependant que ces salauds de souchiens bronzaient à la Baule, quand ils ne maniaient pas le fouet sur le dos de ces mêmes damnés de la Terre ? Autant de questions, et quelques autres avec elles, que Jean Sévillia examine avec érudition et entrain dans son dernier livre, Historiquement incorrect, dont je déconseille vivement la lecture à tous ceux qui ont besoin de leur cellule de confinement idéologique pour ne pas céder à la panique du grand large. Pour les autres, allez-y : on n'a pas tous les jours l'occasion de s'aérer le cortex.

Rappelons tout de même quel sinistre sire est l'auteur : non content d'être rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine (c'est très mal, ça !), il est en plus récidiviste puisque, voilà une pincée d'années, il publiait déjà un livre intitulé Historiquement correct, bâti sur le même principe que celui dont je viens de parler tout à fait superficiellement. C'est dire si les collégiens et lycéens de ce temps ne courent absolument aucun risque de voir un jour les propos pestilentiels de ce maniaque atterrir sur leurs pupitres.

mercredi 7 décembre 2011

Quand vacillent les certitudes nauséabondes


C'est tout à fait machinalement que je me suis approché de l'une des cinq fenêtres qui, de ce bureau, donnent sur la rue Anatole-France et la petite place du Maréchal-Juin. C'était rouge pour les piétons et, nonobstant, j'avise une dame très vieille et très branlante, affligée d'un panier à roulettes qu'elle semblait traîner en laisse derrière elle comme un cador rétif, faisant mine de s'engager sur le passage dit protégé, tout luisant de la pluie qui venait de choir. « Mamy, t'es givrée, tu vas te faire mettre en pièces ! » fut mon cri intérieur. Peut-être l'entendit-elle car elle s'arrêta aussitôt. Puis le petit bonhomme piéton se mit au vert. Un groupe de quatre ou cinq jeunes cadres idiots s'engagea résolument sur le passage sans s'occuper de rien ni de personne, ridiculement alertes, pompeusement assurés de leur droit à l'existence. Ma grand-mère d'un moment les suivit à petits pas, bien lentement et avec un fort tangage latéral. C'était si mal engagé, sa traversée d'Anatole, que l'autre trottoir semblait s'éloigner. Finalement, ce fut un jeune noir, fringues de racaille et téléphone vissé à l'oreille, qui, après s'être penché sur la sienne, d'oreille, prit le bras de l'aïeule afin de la faire traverser.

Quand ils eurent tous deux disparus de ma vue, j'eus l'impression que le clin d'œil du géant vert Cételem, sur l'immeuble en face, était nettement plus ironique que d'habitude et qu'il s'adressait à moi seul.

mardi 6 décembre 2011

Le boudin c'est l'homme : toujours meilleur quand il est blanc


Si jamais les aléas de votre misérable existence vous conduisent un jour à Bouillon, Belgique, vous pourrez sans crainte aller déjeuner ou dîner ici. Si vous avez un ami SDF vivant dans le coin, pensez à l'emmener avec vous : le SDF belge est idéal pour les conversations amicales et intelligentes. En plus, il aime le chablis, ce qui n'est pas un mince atout.

Le SDF belge est du reste un curieux oiseau, dans la mesure où, contrairement à son homologue français, il est logé tout à fait convenablement : son toit ne fuit pas, l'appartement est chauffé – il y a même la wi-fi et du café (mais plus de filtres : il faut descendre en chercher à la supérette qui est à trente mètres). De plus, il n'hésite pas à montrer sa gratitude lorsqu'on lui apporte un camembert au lait cru et moulé à la louche direct de Normandie.

Si vous vous rendez à Bouillon, il est fort probable que votre GPS vous fera passer par Rethel, petite ville située à peu près à mi-chemin entre Reims (où vous vous serez arrêté pour revoir la cathédrale) et Charleville-Mézières (où vous ne manquerez pas d'aller admirer la place Ducale et de visiter le musée Rimbaud s'il vous reste un peu de temps). Mais avant cela, vous aurez poussé la porte de cette boutique, afin d'y acheter moult boudins blancs ; car le boudin blanc du cru n'a rigoureusement rien à voir avec les espèces de bites molles, insipides et spongieuses que l'on vous sert habituellement dans les autres charcuteries du royaume. Si vous vous apercevez que vous avez égaré l'adresse de ce temple, téléphonez à Nicolas J. qui se fera un plaisir de vous remettre sur le droit chemin.

Si vous avez un lien de parenté quelconque avec Christiane et Daniel Goux, vous pourrez aussi vous arrêter chez eux et vous y faire servir une salade au lard accompagnée par un gewurtztraminer à se rouler par terre en couinant de bonheur. Mais bon : il faut être parent très proche, tout de même…

Au retour, vous déciderez de faire escale à Laon pour y visiter la vieille ville. Mais, comme chaque fois que vous prenez cette décision-là, il se mettra à tomber des cordes juste pour votre arrivée, et le ciel redeviendra serein dès que vous aurez renoncé à la visite. Du coup, vous rentrerez directement chez vous, où vous ne manquerez pas, après avoir récupéré vos chiens au chenil de Chaignes, de vous octroyer un généreux apéritif de fin de voyage. Vous tenterez ensuite d'éponger l'alcool ingéré en dévorant l'un des boudins blancs rapportés, mais n'y réussissant pas vous irez vous coucher – en choisissant de le faire dans votre seconde maison, afin de ne pas importuner votre Irremplaçable par vos barrissements de dormeur ivre.

samedi 3 décembre 2011

En route vers l'Est


Retour lundi soir…

jeudi 1 décembre 2011

Les républicains français, ces négationnistes à bonne conscience

Le Massacre des Lucs-sur-Boulogne, vitrail de l'église paroissiale

L'étude de Reynald Secher sur le génocide/mémoricide vendéen (je n'en suis encore qu'à la partie “génocide”) est absolument terrifiante : on voit là se mettre en place tout ce que les nazis et les communistes – sans parler des Turcs de 1915 – réaliseront un siècle et demi plus tard : l'élimination systématique d'une population donnée – femmes, enfants et vieillards compris – avec effacement des traces de ce crime froidement programmé, ces massacres d'une sauvagerie inouïe ne semblant pas être le fruit de “débordements” de soudards ivres de sang, si l'on en croit les pièces produites par l'auteur, mais le résultat d'une politique voulue, planifiée et bruyamment applaudie à mesure de son exécution par les membres du Comité de salut public, Robespierre en tête – ces mêmes membres qui, pour beaucoup d'entre eux, trois ou quatre années plus tôt, signaient bravement notre fameuse Déclaration des droits de l'homme. Et on reste béant de constater qu'un Carnot a encore sa rue, son boulevard ou sa place dans pratiquement toutes les villes de France, qu'un boucher ignoble comme le général Haxo a la sienne à Paris, etc. Un peu comme si Himmler possédait son avenue à Berlin ou Eichman sa mignonne placette dans le vieux Düsseldorf – mais on va me dire que j'exagère, que les deux choses ne sont pas comparables. Malheureusement, non seulement elles le sont, mais il semble assuré que, de ces deux “choses”, la première a très largement inspiré la seconde : on a tiré, à Berlin, les leçons des erreurs et des approximations commises à Paris par les vertueux membres de la Convention. Au fond, la seule vraie différence entre ces deux génocides est que celui perpétré par les nazis a été montré au grand jour dès la fin de la guerre, et que ses négationnistes sont généralement poursuivis et condamnés. Dans le cas de la Vendée, nous sommes tous, plus ou moins, des négationnistes à bonne conscience.
 

Pourtant, il n'y a vraiment pas de quoi…


Merci à Duga…