dimanche 28 mars 2021

Ya pas de lézard… pour l'instant


À propos du petit Chinois, qui visiblement et audiblement continue de passionner le monde, il y a tout de même quelque chose de fort cocasse, à la limite du running gag, c'est la multiplication conjointe, parallèle, concomitante, je ne sais trop, des vaccins et des “variants”.  

Pour ce qui est des vaccins, le temps n'est pas loin où chaque pays aura le sien, sa petite production de proximité, son ampoule artisanale. Les gouvernements et les laboratoires seront bientôt obligés de se lancer dans d'onéreuses campagnes de publicité pour faire connaître leur came, puis d'embaucher crieurs et camelots chargés de refourguer leurs piquouzes aux badauds submergés sous l'offre.

En ce qui concerne les fameux variants, c'est encore mieux puisque nous en sommes déjà au stade des régions, ainsi que le prouve l'entrée en piste du variant breton. Dénomination d'ailleurs trop vague à mon goût : j'aimerais bien savoir si ce nouveau petit Chinois-là nous vient plutôt du Léon ou du pays bigouden : c'est ça, la traçabilité virale !

Mais, bien entendu, Modernœud, touriste dans ce qui lui reste d'âme, donnera toujours sa préférence à des avatars plus exotiques et sentant bon les vacances. De ce point de vue, le brésilien me semble avoir tous les atouts en main pour séduire une vaste clientèle et conquérir d'importants segments de marché.

Personnellement, j'ai décidé de ne pas tomber malade tant que ne serait pas débarqué chez nous un mutant indonésien, de préférence né sous les cieux enchanteurs des îles de la Sonde.

Parce que, tout de même, un variant de Komodo, ça aurait de la gueule.

samedi 27 mars 2021

Emil explique Mohammed


 Puisque nous étions avec Emil Cioran, restons-y : on ne change pas une équipe qui perd. Dans Écartèlement, publié en 1979, je tombe sur ce fragment de paragraphe – à la page 1412 du volume Quarto  de Gallimard :

« Quand les Romains – ou ce qui en restait – voulurent se reposer, les Barbares s'ébranlèrent en masse. On lit dans tel manuel sur les invasions que les Germains qui servaient dans l'armée et dans l'administration de l'Empire prenaient jusqu'au milieu du Ve siècle des noms latins. À partir de ce moment, le nom germanique devint de rigueur. Les seigneurs exténués, en recul dans tous les secteurs, n'étaient plus redoutés ni respectés. À quoi bon s'appeler comme eux ? »

À transmettre d'urgence à Éric Zemmour, qui feint encore de s'étonner que “nos” Arabes puissent préférer nommer leurs rejetons Mohammed et Aïcha plutôt que Blandine et Marc-Édouard. D'un autre côté, si par extraordinaire ces braves allogènes décidaient brusquement de revenir aux noms du terroir, ils opteraient probablement pour Brandon et Priscilla, ce qui relativise méchamment la question.

Du reste, les deux pages qui suivent les quelques lignes lues plus haut, et qui en sont en quelque sorte le développement, seraient elles aussi à citer. Mais, contrairement aux aimables Bouvard et Pécuchet, ma vocation de copieur est assez peu développée…

vendredi 26 mars 2021

Du pullulement des fanfarons politiques

Ayant rouvert Histoire et utopie de Cioran, livre écrit en français à la fin des années cinquante, j'y tombe sur un paragraphe doublement frappant, en ceci qu'il me paraît être pertinent pour toutes les époques dans sa première moitié et spécialement vrai pour la nôtre quant à ses dernières lignes. On le trouvera à la page 1014 de l'édition “Quarto” de Gallimard. Le voici :

« Pour ne pas céder à la tentation politique, il faut se surveiller à chaque instant. Comment y réussir, singulièrement dans un régime démocratique, dont le vice essentiel est de permettre au premier venu de viser au pouvoir et de donner libre carrière à ses ambitions ?  Il en résulte un pullulement de fanfarons, de discutailleurs sans destin, fous quelconques que la fatalité refuse de marquer, inhabiles à la vraie frénésie, impropres et au triomphe et à l'effondrement. C'est leur nullité cependant qui permet et assure nos libertés, que menacent les personnalités d'exception. Une république qui se respecte devrait s'affoler à l'apparition d'un grand homme, le bannir de son sein, ou du moins empêcher que ne se crée une légende autour de lui. Y répugne-t-elle ? C'est qu'éblouie par son fléau, elle ne croit plus à ses institutions ni à ses raisons d'être. Elle s'embrouille dans ses lois, et ses lois, qui protègent son ennemi, la disposent et l'engagent à la démission. Succombant sous les excès de sa tolérance, elle ménage l'adversaire qui ne la ménagera pas, autorise les mythes qui la sapent et la détruisent, se laisse prendre aux suavités de son bourreau. Mérite-t-elle de subsister, quand ses principes mêmes l'invitent à disparaître ? Paradoxe tragique de la liberté : les médiocres, qui seuls en rendent l'exercice possible, ne sauraient en garantir la durée. Nous devons tout à leur insignifiance et nous perdons tout par elle. Ainsi sont-ils toujours au-dessous de leur tâche. »

samedi 20 mars 2021

Charlus ostracisé



 Je viens d'imprimer la nouvelle auto-autorisation de déclaquemurage temporaire : on bat des records dans la connerie – alors que la barre était pourtant déjà fort haute. 

Ainsi, Catherine et moi avons le droit d'aller gambader dans un rayon de dix kilomètres autour de notre maison d'arrêt… cependant que Charlus, lui, violemment ostracisé (mais que font les antispécistes ?), n'a droit qu'à un seul petit kilomètre ; et donc nous avec lui, si jamais il nous prend la fantaisie de l'accompagner dans sa promenade. 

Je suppose que, entre un et dix kilomètres, les quadrupèdes deviennent horriblement contagieux, mutent soudainement, la fatidique borne franchie, en de virulents foyers infectieux. À moins qu'ils ne soient restés bêtement coincés dans le claquemurage précédent : on se perd en conjectures. Se perdre, d'ailleurs, n'est pas si grave ; ce qui compte c'est que les dites conjectures ne dépassent pas le fatidique rayon des dix kilomètres. Ou d'un seul s'il s'agit de conjectures canines.

samedi 13 mars 2021

Nostradamuray

Relisant hier quelques textes de Philippe Muray (Exorcismes spirituels III, Belles Lettres), j'en arrive à celui qui s'intitule Dans la nuit du nouveau monde-monstre. À un moment, il y aborde la question du mâle occidental, tel qu'on prétend le réduire, le comprimer, le confiner, en tout cas le tenir pour un prédateur en puissance, un suspect systématique. Partant de la situation qu'il observe, il se fait alors prédictif :

« Il [l'homme] se laissera aussi imposer, on peut l'imaginer sans peine, quelques autres mesures coercitives que l'on prendra dans son propre intérêt. La violence étant toujours masculine, on décrétera, pour son bien, pour le préserver de ses propres tentations, un couvre-feu s'appliquant à tous les mâles au-dessus de treize ans et au-dessous de soixante-dix. À moins que les dits mâles ne soient accompagnés d'une personne de sexe féminin, si possible leur épouse. La solution du bracelet électronique semble également envisageable. »

Le texte de Muray date de 2002, soit près de vingt ans en arrière de nous. Or, le hasard avait voulu que, une couple d'heures plus tôt, je tombasse sur cette annonce implacablement actuelle, faite par un quelconque analphabète atlanticoïdal :

« Une représentante des Verts britanniques propose un couvre-feu pour les hommes à partir de 18 h après la disparition d'une Londonienne âgée de 33 ans. »

Pour rire, on peut se demander à quelle heure aurait été demandé ce même couvre-feu si la disparue avait été une Londonienne de 42 ans ou encore une Liverpuldienne de 19,5 ans. Quoi qu'il en soit, et c'est un bonheur de le constater, tout marche donc à merveille et d'un bon pas selon le plan murayen. 

Il n'y a plus qu'à attendre le bracelet : il ne devrait pas trop tarder.

jeudi 11 mars 2021

Jusqu'où peut nous mener Ésope


Lisant ce matin quelques fables d'Ésope – que les Belles Lettres ont réunies dans leur édition du centenaire –, j'en arrive à celle du Pêcheur et le Picarel. On connaît l'histoire : un homme prend dans son filet un petit poisson, lequel le supplie de le remettre à l'eau, en arguant du fait qu'il aura bien plus de profit à le reprendre plus tard, lorsqu'il aura eu le temps de grossir. Mais le pêcheur refuse de lâcher la proie pour l'ombre. Bien. Voici la morale qui est donnée (c'est moi qui souligne) : « Cette fable montre que ce serait folie de lâcher, sans espoir d'un profit plus grand, le profit qu'on a dans la main, sous prétexte qu'il est petit. » Ça ne va pas : il est bien évident que, privé de tout espoir, personne ne songerait à abandonner son profit actuel, si minime fût-il. Il me semble qu'il faudrait lire : dans l'espoir, à la place de “sans”.

À part ça, et si l'on en croit Dame Wiki, le picarel, encore appelé mendole ou jarret, serait un poisson de la famille des sparidés – ce qui ne m'étonne pas de lui –, très commune en Méditerranée. Une recherche un peu plus poussée, et à orientation gastronomique, m'apprend que le picarel est excellent frit, en remplacement des crevettes, ou encore cuisiné au piment, mais aussi préparé au sel et mariné dans un mélange d'huile et de vinaigre. Ce qui nous fait une belle jambe, à nous autres Normands.

Enfin, pour être tout à fait complet sur la question, signalons qu'il existe, à Marcilhac-sur-Célé, un “Mas de Picarel” qui propose des chambres d'hôtes. 

Marcilhac-sur-Célé – que l'on est prié de prononcer Marcillac, comme Raymond – est un village du Lot, dépendant de l'arrondissement de Figeac et s'enorgueillissant de 203 habitants – hors période estivale supposé-je. Il en est fait mention pour la première fois au VIIe de notre ère, dans le testament de saint Didier, ce qui bien entendu me touche au plus sensible de mon for. Il est situé sur la via Podiensis, laquelle vous mènera tout droit à Compostelle si vos mollets y consentent.

Quant au Mas de Picarel lui-même, sachez qu'il vous offrira “un oasis de paix et de tranquillité”, ce qui est toujours bon à savourer, même pour les pointilleux qui auraient préféré passer la nuit dans une oasis. Ceux-là se consoleront de leur déconvenue grammaticale en songeant que le GR 651 passe juste devant le mas, et qu'il est même accessible directement depuis le jardin, ce qui est hautement appréciable.

On peut aussi dîner, au Mas de Picarel, mais il n'est pas garanti que l'on vous y serve le poisson totémique du lieu.

lundi 8 mars 2021

D'un torchon à l'autre


Il y a quelque temps, quatre ou cinq films de Bertrand Tavernier ont fait leur entrée chez Netflisque. Je n'ai guère d'attirance pour ce cinéaste, en raison de son côté “vaillant petit soldat de la gauche de progrès”. Il m'a toujours fait un peu l'effet d'une sorte de Jean Delannoy post-moderne, aussi déférent que lui envers les “valeurs” dominantes de son temps, même si, entre l'un et l'autre, ces valeurs ont changé.

J'étais tout de même curieux de revoir Coup de torchon, film librement adapté du Pottsville, 1280 habitants (ancienne et bizarre traduction : 1275 âmes : qu'est-ce que le premier traducteur avait bien pu foutre des cinq âmes manquantes ?). C'est ce que nous avons fait avant-hier, et nous ne fûmes pas déçus : c'est un bon film, les acteurs y sont excellents, même Noiret qui, pour une fois, ne cabotine pas trop, et même pas du tout. 

Du coup, emportés par l'enthousiasme, nous avons, hier, décidé de regarder Que la fête commence. Patatras ! Nous avons abandonné le film peu après sa moitié. D'abord parce qu'il est plutôt ennuyeux, mais surtout parce qu'il est faux à hurler. Qu'est-ce qui est faux ? Tout. La France de la Régence est fausse, la façon de parler des gens – nobles ou “vilains” – est fausse, le Régent lui-même et l'abbé Dubois sont de pitoyables caricatures n'ayant jamais eu la moindre existence réelle. En fait, ce qu'on nous montre, c'est un tableau de l'ancien régime tel que se le représentent depuis deux siècles les plus bornés des républicains, c'est-à-dire une tyrannie insupportable, un champ de ruines et de désolation où règne constamment l'arbitraire le plus débridé. Féérie imaginaire dont on renforce encore le côté purement onirique en mettant dans la bouche des gens du peuple toute une ribambelle de “petites phrases” cherchant à faire croire que le feu de la glorieuse révolution future couve déjà sous la cendre grisâtre d'une royauté honnie. De façon encore plus puérile, le Régent ne cesse de prophétiser les événements futurs, exactement comme s'il venait tout juste de réviser l'histoire du XVIIIe siècle dans son vieux Mallet et Isaac.

Du coup, n'ayant à dire que des choses fausses dans des situations fausses, les acteurs deviennent médiocres, y compris ceux – Noiret, Marielle – qui étaient parfaitement justes la veille au soir dans le film précédent. Le pire étant peut-être Jean Rochefort à qui est échue la pénible et impossible tâche de rendre un tant soit peu crédible la figure d'un abbé Dubois transformé en une sorte de clown à la fois machiavélique et à demi stupide.

Bref, nous avons dégringolés en vingt-quatre heures d'un Coup de torchon à un film méchamment torchonné. Il va être temps de retourner aux Soprano

dimanche 7 mars 2021

Double cabriole passéiste

 

Monsieur Chieuvrou n'est pas seulement un lecteur historique de ce blog : il en est en quelque sorte la mémoire vive, capable qu'il est d'en exhumer des textes dont je n'avais plus moi-même le moindre souvenir. Comment fait-il cela ? Est-il détenteur d'un secret ancestral et terriblement puissant ne se transmettant que de pères en fils au sein de sa seule famille ? Monsieur Chieuvrou est-il seulement humain ? Autant de questions qu'il est sans doute préférable de laisser prudemment de côté, au moins pour l'heure…

Toujours est-il qu'à l'occasion de ce billet du 21 février que j'ai intitulé Walking Dead ce magicien mémoriel en a exhumé un plus ancien, de 2009 pour être davantage précis, qu'il vient de mettre en lien dans la rubrique “commentaires”. Je l'ai donc relu, ce billet, et l'ai trouvé plutôt bon. Ce qui tendrait à prouver, soit que j'ai pu avoir dans le passé un semblant de talent, soit que mon goût  se soit depuis lors gravement chiottisé.

Whatever, comme le hasard a fait que j'ai revu il Les Choses de la vie de Sautet, en mode netflicard, il y a quelques jours, il ne m'a pas semblé inopportun de vous refourguer cette vieillerie ; après tout, on est dimanche, ce qui autorise bien des paresses. Et puis, comme le billet initial était déjà une sorte de saut dans le passé, celui-ci reprenant celui-là représente donc une double cabriole – ce qui, à mon âge, n'est peut-être pas très raisonnable. Le seul changement notable qui soit intervenu depuis sa date de rédaction est que je ne pratique plus le “zapping dodo”,  ne recevant plus aucune chaîne de télévision – et m'en portant à merveille. Voici donc :


« Je me suis laissé entraîner, une fois de plus. Il devait être onze heures et demie, hier soir ; j'effectuais le traditionnel zapping-dodo. Je rappelle aux néophytes que le zapping-dodo est le tour des chaînes – généralistes et cinéphiliques, mais en excluant tout de même le télé-achat et les sports – que l'honnête homme effectue avant d'éteindre le poste et d'aller se coucher ; c'est un exercice à haut risque car on ne sait jamais où il peut vous entraîner, ni surtout jusqu'à quelle heure. 

« C'est ainsi que je suis tombé sur Les Choses de la vie, à une vingtaine de minutes de son commencement. Je suis incapable de résister à un film de Claude Sautet des années soixante-dix. Je ne les regarde pas ni ne les écoute : je les contemple dans un premier temps, puis je plonge dans leur décor qui pour moi n'en est pas un, mais la réalité chaude d'un monde mort, où il me semble vivre encore un peu. Tout y est : les voitures dans lesquelles je me suis assis – toujours à l'arrière, mes parents devant –, les panneaux de béton au pied en triangle serré indiquant les entrées de village, les villages eux-mêmes ; les vêtements gris des hommes mûrs et les robes plus colorées des femmes, presque toutes aussi jeunes et belles que ma mère alors ; l'entrée des cafés, le chiffon sur le formica, le carillon Big Ben au mur du fond, la publicité Byrrh, les casquettes et la fumée des mégots sans filtre ; le guichet de la petite poste en avant duquel on s'adresse à une employée et non à son hygiaphone blindé. Cinq minutes me suffisent pour oublier l'histoire, les personnages, leurs problèmes : je suis dans le monde, je tourne le dos à l'action, je m'exfiltre par une ruelle oblique, je rentre à la maison. 

« Et je me disais hier que ce coin de rue familier, plus savoureusement banal qu'aucun autre, pouvait paraître bien historique et étrange, à beaucoup de mon peu de lecteurs ayant à peine dépassé trente ans ; qu'il devait leur avoir ce côté merveilleux et inquiétant que revêt l'inconnu que l'on sent derrière soi – comme avaient pu l'avoir pour moi les films en noir et blanc des années cinquante, avec Gabin et Paul Frankeur. J'ai inspiré un grand coup, mais je n'ai pas trop bien réussi à sourire. J'ai allumé une gitane au beau milieu du bureau de poste et nul ne s'en est étonné. Lorsque la tête de Michel Piccoli a disparu sous la vague, il m'a bien fallu réintégrer le futur. »

mercredi 3 mars 2021

Et les vaches seront bien gardées

 

Information réjouissante, pêchée sur le site de Causeur (mais on la trouve ailleurs) : aux Pays-Bas, une femme écrivain a dû renoncer à traduire le livre d'une poétesse noire, parce qu'elle-même a été jugée “trop blanche” pour prétendre à cet honneur. 

C'est parfait, c'est juste, c'est le bon sens même. 

Un bon sens qu'il convient d'étendre et même de généraliser. Ainsi, il est inadmissible qu'un écrivain maigrichon puisse être massacré par un traducteur grassouillet ; ou que la prose d'un rouquin en brosse soit  salie, défigurée par un blondinet à mèche ; ad lib. Et il va devenir urgent d'organiser un gigantesque auto-da-fé de toutes les traductions existantes de L'Iliade et de L'Odyssée : il ferait beau voir qu'on nous donnât à lire les livres d'un aveugle traduits par des voyants !

Dans le même sain esprit, il ne saurait désormais être question que les œuvres de Beethoven pussent être dirigées en concert par d'autres quidams que des chefs dûment certifiés sourdingues. Quant aux pianistes qui prétendront jouer, devant un public ou le microphone d'un studio, les pièces de Michel Petrucciani, il leur faudra d'abord passer sous la toise. Et qu'il sachent bien que pas un centimètre excédentaire ne sera toléré !

Pour ce qui est des œuvres posthumes, le recrutement de traducteurs morts soulève encore quelques menus problèmes logistiques, mais ne perdons pas courage.

mardi 2 mars 2021

Religio aut Superstitio


 Parce qu'il me clignait de l'œil sur la coffee table du salon – Catherine venait tout juste d'en tourner la dernière page –, j'ai repris et achève de relire Le Royaume d'Emmanuel Carrère. Construit autour de deux piliers, saint Paul et saint Luc, c'est le plus ample des livres de son auteur : plus de six cents pages. Ample, il l'est aussi par l'histoire qu'il embrasse, le monde qu'il ouvre au lecteur, ce chaudron biblico-romain par lequel il est difficile de n'être pas fasciné. 

Bien entendu, ce livre ne serait pas un livre d'Emmanuel Carrère si l'on n'y rencontrait pas d'abord… Emmanuel Carrère. Qui possède ce don rare de se mêler inextricablement à ce qu'il a décidé de raconter, mais non pas en ramenant les choses à lui comme le ferait un plus médiocre : en nous donnant l'impression vivace que ces choses émanent de lui. 

Enfin, c'est une alchimie difficile à expliquer, et je m'aperçois que je m'en tire fort mal : autant s'arrêter là. De toute façon, mon but initial n'était pas de discourir des mérites et de l'originalité de Carrère, qui sont grands, mais de recopier simplement le paragraphe sur lequel je venais de tomber, au haut de la page 475 (éditions P.O.L). Le voici donc :

« Les Romains, je l'ai déjà dit, opposaient la religio à la superstitio, les rites qui relient les hommes aux croyances qui les séparent. Ces rites étaient formalistes, contractuels, pauvres de sens et d'affect, mais là résidait justement leur vertu. Pensons à nous, Occidentaux du XXIe siècle. La démocratie laïque est notre religio. Nous ne lui demandons pas d'être exaltante ni de combler nos aspirations les plus intimes, seulement de fournir un cadre où puisse se déployer la liberté de chacun. Instruits par l'expérience, nous redoutons par-dessus tout ceux qui prétendent connaître la formule du bonheur, ou de la justice, ou de l'accomplissement de l'homme, et la lui imposer. La superstitio qui veut notre mort, ç'a été le communisme, aujourd'hui c'est l'islamisme. »

lundi 1 mars 2021

ארץ ישראל

 

Notre mois de février fut plutôt judéo-centré