vendredi 30 mars 2018

Radiateur communautaire


On a bien chaud aux pattes et au ventre ; 
en outre, on est hors de portée du chien.

(On notera que ce blog, qui, au départ et même à l'origine, faisait preuve d'une certaine tenue intellectuelle et d'une indéniable rigueur morale, tend à se confondre de plus en plus avec La Meute des gâteux…)

mercredi 28 mars 2018

La taraudante question du soir


Elle m'est venue, cette question, alors que nous regardions, d'un œil amusé mais un peu nonchalant, Sylvie et le fantôme de Claude Autant-Lara, film de 1945. « Pourquoi, me suis soudain demandé, en voyant Jacques Tati traverser une porte de chêne fermée, pourquoi les fantômes passent-ils aussi facilement à travers huis et murailles, alors qu'on ne les voit jamais disparaître à travers les planchers qu'ils arpentent nuitamment? Est-ce affaire de volonté ? Ou auraient-ils, en quelque sorte, la plante des pieds étanche ? » Je n'ai, pour l'instant, trouvé aucune réponse qui me satisfasse pleinement.

dimanche 25 mars 2018

L'air de la bêtise, 2


ALTERNANCE SOCIALISTE

– Si nous n'étions pas arrivés, la France était condamnée à disparaître en 1990.
Jean-Pierre Chevènement.

– Le lendemain de l'élection, des millions d'ouvriers ont passé le portail de leur usine plus droits, plus fiers.
Pierre Mauroy.


ÂME

– Nous sommes aujourd'hui semblables à des ballons dégonflés. Ce gaz merveilleux, qui fut la religion, est devenu plus lourd que l'air : les âmes ne montent plus !
Albin Valabrègue, Le Christianisme pour tous, 1895.


AMÉRICAINS

– Je ne crois pas à la stabilité du gouvernement américain.
Joseph de Maistre, Considérations sur la France, 1797.

– Ainsi les Américains sont comme des enfants inconscients qui vivent au jour le jour, privés de toute réflexion et de toute intention supérieure.
Friedrich Hegel, Le Fondement géographique de l'histoire universelle, 1830.


ANGLAIS

– Les fondateurs de la nation anglaise, aussi, descendaient des tribus perdues d'Israël, Saxon étant manifestement une corruption de Isaac's son, fils d'Isaac.
Cité in Pall Mall Gazette, 3 avril 1894.


ANONYMES

– De nombreux anonymes signent le livre placé devant le domicile de Raymond Poincaré.
L'Intransigeant, 17 octobre 1934.


APARTHEID

– L'apartheid a réussi en République sud-africaine, pays dans lequel Noirs et Blancs vivent libres et heureux.
Robert Anders, Rivarol, 16 décembre 1965.



APPÉTIT

– Comme l'âme d'un animal est très susceptible par rapport à sa condensation très puissante, il arrive qu'elle est forcée d'attirer à elle des substances pour amortir les rayons des autres objets, qui autrement la dissoudraient. C'est pourquoi les animaux mangent continuellement. Plus un être animé est à la vue des regards des objets, plus il a d'appétit. Ainsi donc, un prisonnier qui n'a que quatre murs autour de lui a bien moins d'appétit que s'il était en plein air.
J. Puthod, La Vérité, 1874.


ARABES

– Les Arabes vivent de peu ; mais cette sobriété ne doit pas leur être comptée comme vertu ; elle est le résultat de leur paresse originelle.
Dr Bodichon, 1855.

– On peut impunément battre l'Arabe, ce clown tout cabriolant ; c'est un polichinelle en caoutchouc, s'aplatissant sous le poing, et tout aussitôt remis en forme. […] L'Arabe est prolifique à un point extraordinaire – je crois bien que le hareng seul lui est sur ce point supérieur.
Jean Revel, Chez nos ancêtres, 1888.


ARISTOTE

– Aristote est, à juste titre, surnommé le prince des philosophes de l'Antiquité. S'il eût été éclairé des lumières de l'Évangile, il eût poussé très loin les questions dogmatiques et morales.
Abbé Migne, Encyclopédie théologique, 1850.

vendredi 23 mars 2018

Deux bourreaux pour un seul épouvantail


Ce matin, tout à l'heure, à peine déclosant mes paupières, je me suis dit comme ça : « Tiens ! Et si je profitais de cette journée de relatif loisir pour exécuter Nicolas Rey ? L'écarteler en place de Grève avant de disperser les morceaux aux quatre vents du non-esprit ? Oui, oui : faisons cela ! »

J'allais sans barguigner davantage mettre cette promesse intime à exécution, elle aussi, lorsque je me suis aperçu que j'avais été devancé dans cette tâche salutaire ; que j'avais, par conséquent, une sorte de collègue de bourreau. Comme le travail avait été rigoureusement mené, je ne vis guère l'intérêt de m'acharner sur les restes du supplicié, d'éparpiller encore davantage les brins de paille ayant empli l'épouvantail.

Cela m'arrangeait foutrement, n'ayant jamais lu une ligne de Nicolas Rey. Enfin, je crois.

mercredi 21 mars 2018

Enfin l'printemps ou la ruée au panier


Le 20 de chaque mois, comme une nouvelle naissance, c'est un compte “carte bleue” totalement vierge qui s'ouvre, ce qui permett la création d'un nouveau budget culturel, autorisant de ce fait une ruée massive en direction du panier Amazon, dans lequel on a soigneusement entreposé les livres que l'on n'a pas eu le front d'acheter sur l'exercice précédent, lequel était déjà honteusement déficitaire. Viennent donc d'arriver par porteur spécial, souriant et néanmoins barbu :

– Lucien Febvre, Le problème de l'incroyance au XVIe siècle, La religion de Rabelais (Albin Michel).

– Amos Oz, La boîte noire (Folio).

– Chaïm Potok, Je m'appelle Asher Lev, 10/18).

– Isaac Bashevis Singer, La famille Moskat (J'ai lu).

Comme on peut le constater, la juiverie effectue un vrai beau retour à l'avant-scène, après avoir été délaissée durant quelques semaines (mais pas tant que cela, puisque Léon Werth et Victor Klemperer ont fait partie des intérimaires).

On attend un retardataire demain :

– Robert Walser, Le brigand (Gallimard – L'imaginaire).

Tout cela représente un total de 2498 pages : on devrait pouvoir tenir un petit moment.

mardi 20 mars 2018

Le nouveau cancer réactionnaire


C'est un mal étrange et terrible qui frappe Catherine depuis quelques mois. Dès le début de l'hiver, elle s'est mise à faire preuve d'une implacable étourneauphobie, digne des heures les plus sombres de l'histoire naturelle. Lorsque les froidures sont arrivées, les oiseaux du ciel – ainsi qu'on les nomme dans les zoos, par opposition aux pensionnaires ailés – ont rapidement pris l'habitude de sautiller jusqu'au narthex de notre poulailler où, profitant de la bénévolence d'Odette et Nana, ils pouvaient se gaver de graines et de mie de pain ramollie dans l'eau.

Or, si Catherine tolère parfaitement bien les moineaux, mésanges, pinsons, rouge-gorge et même merles, elle est saisie de fureur dès que deux ou trois étourneaux ont le front de pénétrer eux aussi dans le temple nourricier. Et l'on peut la voir, ouvrant la fenêtre, se mettre à gesticuler et à pousser des pschttt ! sonores afin d'effrayer les infortunés et les contraindre à quitter les lieux le gésier vide (si les étourneaux ont bien un gésier, ce que je ne saurais garantir). Certes, de nature peu craintive, les volatiles reviennent se goinfrer à peine la fenêtre refermée. Néanmoins, cette soif de discrimination, cette stigmatisation, cette façon de chasser au plumage comme d'autres au faciès, me dévoile soudain une âme plus noire que je n'aurais osé l'imaginer, se vautrant sans le moindre remords apparent dans le réactionnariat le plus vil et virulent.

Heureusement encore que la maison n'abrite pas de jeunes enfants : quel triste exemple ce serait pour eux !

dimanche 18 mars 2018

L'air de la bêtise, 1


ABSTINENCE

– L'abstinence a guéri souvent les incommodités de Charlemagne ; et c'est presque elle seule qui pendant sa vie fut le remède pour toutes ses maladies ; et la même abstinence le mit enfin au tombeau.
Nicolas Venette, La Génération de l'homme, tableau de l'amour conjugal, 1690.

ACCOUCHEMENT SANS DOULEUR

– Appris une curieuse monstruosité. Il y a des femmes qui se font endormir pour échapper aux douleurs de l'enfantement. Cela me rappelle la grande dame du XVIIIe siècle, qui se soûla pour mourir. Mais cette nouveauté est peut-être plus démoniaque.
Léon Bloy, Journal, 27 juin 1908.

ACTE SEXUEL

–  Sans la conscience de classe, l'acte sexuel ne peut pas apporter de satisfaction, même s'il est répété à l'infini.
Aldo Brandiralli, secrétaire du parti marxiste-léniniste italien, cité en 1989.

ACTEURS

– Qu'est-ce qu'un acteur auprès d'une actrice ? Rien ou fort peu de chose. Dieu, en faisant la poitrine plate à l'homme, lui a évidemment interdit les plus beaux mouvements oratoires.
Alphonse Toussenel, Le Monde des oiseaux, 1853.

ADVERBE

– Le cadavre était rigoureusement immobile.
Allain et Souvestre, Fantômas, VI.

AFFLUENT

– […] une rivière si petite qu'elle mérite à peine le nom d'affluent.
L'Express, 20 juin 1911.

 AGENOUILLER

– Les quatre jeunes gens rangés en ligne essayèrent d'imiter les mousmés qui s'étaient agenouillées sur les talons.
G. Hautemer, Petite Mousmé, vers 1910.
 
ALLAITER

– Je ne sais s'il est indispensable que la mère allaite de son sein ; il l'est, j'en suis sûr, qu'elle allaite de son cœur.
Jules Michelet, Du prêtre, de la femme, de la famille, 1845.

ALLEMAGNE

– J'ai étudié l'Allemagne et j'ai cru entrer dans un temple. Tout ce que j'y ai trouvé est pur, élevé, moral, beau et touchant. Ô mon âme, oui, c'est un trésor, c'est la continuation de Jésus-Christ. Leur morale me transporte. Ah ! qu'ils sont doux et forts ! Je crois que le Christ nous viendra de là.
Ernest Renan, Lettre à l'abbé Cognat, 24 août 1845.

– La duplicité allemande était déjà connue du temps de Tacite.
Lt-colonel Chenet, Le Mercure de France, 1er novembre 1929.

– N'oubliez pas que les Américains sont peut-être prêts à répondre à la guerre par la guerre. Mais qu'ils ne sont pas prêts à répondre aux gestes de paix. Si demain l'URSS évacuait l'Allemagne de l'Est, la riposte n'est pas prête, les Alliés seraient désemparés.
Jean-Paul Sartre, Les Lettres françaises, 1er janvier 1953.

ALLIER

– L'Allier descend la pente du Massif central vers les plaines accueillantes au cœur de la France, plutôt que de remonter vers l'Auvergne.
Le Journal du Centre, 10 août 1968.

samedi 17 mars 2018

L'air (dominical) de la bêtise


En 1965, Jean-Claude Carrière (le scénariste de Buñuel, oui) et Guy Bechtel ont publié un Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement, lequel a été repris et augmenté un quart de siècle plus tard dans la collection Bouquins de Robert Laffont. Le refeuilletant l'autre semaine, je me suis dit qu'il pourrait tout à fait prendre la suite, chaque dimanche que Dieu nous accorde, de Dávila, Gómez de la Serna et Scutenaire.

Ne cherchant point l'originalité à tout prix, je vous proposerai la marchandise par bottes de douze et en suivant l'ordre alphabétique qui justifie le titre voulu par les deux compères. En indiquant bien sûr, chaque fois, l'auteur, et parfois la source la source. Je ne m'imposerai que deux contraintes : que les phrases choisies m'amusent sera l'une ; l'autre est que j'éliminerai systématiquement les citations trop copieuses pour mon cadre (car il en est de fort longues). Nous commencerons dès demain.

Une dernière chose avant de refermer ce billet : si la lecture de ce dictionnaire est le plus souvent fort drôle – c'est du reste sa vocation –, il lui arrive aussi d'être un tantinet déstabilisante ; par exemple, à chaque fois que l'on se trouve approuver sans réserve une opinion ou sentence que les auteurs ont, eux, jugée digne de prendre place dans leur silo à bêtises.

Pour vous mettre en appétit, voici une avant-première :

ABEILLES

Celui qui a couché avec une femme est mordu le lendemain s'il s'approche d'une ruche.
(Scaliger, 1540 – 1609.)

jeudi 15 mars 2018

Les Kadjars avaient fait les choses comme il faut…


Et nous voilà partis pour Évreux, Charlus sur la banquette arrière, afin d'y faire l'emplette de deux pantalons de toile légère et d'une veste vernalo-estivale : quand on s'amuse à perdre près d'une vingtaine de kilos d'une année sur l'autre, il ne faut pas s'étonner d'avoir ensuite à engraisser les marchands de frusques.

Comme c'était le début des journées “portes ouvertes” chez Renault, nous décidâmes d'un commun accord – moins le chien – d'y faire un petit crochet ; comme ça, juste pour voir… tâter le terrain… prendre le pouls…humer l'ambiance… 

Nous ressortîmes de ce piège à rats environ une heure après y être entrés, propriétaires d'un flambant véhicule curieusement nommé Kadjar, lequel va somnoler encore une quinzaine de jours dans son usine de montage natale avant d'être officiellement adopté par nos belles âmes.

La carte de crédit étant bien chaude, nous sommes allés ensuite acheter les deux pantalons envisagés au départ. Et nous sommes revenus au Plessis, vraiment fiers d'avoir été suffisamment raisonnables pour économiser le prix de la veste, l'abus étant condamnable en toute chose.

mardi 13 mars 2018

Comme un blogueur dans la nuit noire


J'ai commencé, hier, une chronique que j'avais pompeusement intitulée : Journaux d'Occupation ou la tentation trilogale. Il s'agissait, dans mon esprit brumeux, pour ne pas dire smoguifère, de comparer trois gros volumes, relus récemment ou en cours de lecture, d'analyser plus ou moins ce qui les rapprochait tantôt et tantôt les différenciait :

– Journal, 1940 – 1950 de Jean Galtier-Boissière (Quai Voltaire),
– Journal, 1940 – 1945 de Maurice Garçon (Les Belles Lettres),
– Déposition, journal 1940 – 1944 de Léon Werth (Viviane Hamy).

J'ai dû écrire une douzaine de lignes avant de m'apercevoir que ma mayonnaise refusait de prendre, que je me retrouvais en quelque sorte englué dans un in girum imus nocte de fort mauvais aloi et dont je ne parviendrais probablement pas à sortir.

Donc, j'abandonne.

C'est dommage pour vous, parce qu'il y avait vraiment des choses à dire.

dimanche 11 mars 2018

Inscriptions dominicales, 5


– À la rigueur, je pourrais comprendre la pudeur des sentiments. Mais pas celle de leurs organes.

– Hier, vous mangeâtes du rat. Aujourd'hui, c'est du tournedos. Demain, ce sera de la limande. L'homme a le droit de se contredire.

– Devant l'impossibilité de tout savoir, la plupart ont choisi de ne savoir rien.

– Je vis facilement au milieu de choses dont je ne prendrai jamais mon parti.

– Vos élans spontanés sont les aboutissements de longs calculs en vos abîmes.

– Je ne voudrais pas être ambassadeur. D'abord, parce que les dieux ne travaillent pas et, ensuite, je craindrais, chaque fois qu'il me faudrait engueuler le consul, que ce dernier soit un Beyle.

– Les auteurs de journaux intimes avouent sans trop de façons leurs manques physiques, moraux ou psychologiques. C'est qu'ils sentent que leurs lecteurs ne peuvent être que défaillants comme eux ; les hommes sains ne s'intéressent  pas aux confessions des autres.

– J'apprécie fort les gens tarés, aussi longtemps qu'ils n'entendent point faire de leurs tares des instruments de domination.

– Ne consommez pas trop de lentilles, cela dilate les regards.

– Une théorie de l'évolution ne doit pas sous-entendre l'idée de progrès.

– Je crois qu'à un grand désert vide, je préfère un désert coupé par une voie de chemin de fer en ruine.

– C'est toujours dans le désert que l'on casse sa bouteille d'eau.

samedi 10 mars 2018

Comme chien et chat


Charlus et Golo en pleine sieste créative…


vendredi 9 mars 2018

Lever de rideau


J'aime ce long moment que je prends en acompte au jour. Je me lève entre quatre heures et demie et cinq heures : la nuit est encore si parfaite que le village semble n'exister pas ; il attend un signal. Avec, en accompagnement, le cliquetis griffu des animaux jouant à se poursuivre d'une pièce à l'autre, la lecture est plus calme et plus profonde que sous le soleil, quand on sait que personne d'autre ne lit que soi. Mais le temps qui paraît immobile passe très vite ; il est déjà six heures, ou il va l'être. Je sors sur la terrasse, café en main et Charlus en escorte, juste avant qu'elles ne sonnent, pour voir s'allumer tous ensemble les réverbères automatiques des rues. Dès que se répandent leurs petites flaques de lumière jaune, ce sont les faux semblants qui commencent, et croyant à la venue du jour, dans la seconde ou presque, les coqs s'épuisent en fanfares. Au café suivant il sera six heures et demie, et leur pétarade de cuivres aura déjà été remplacée par le concert des merles ; la nuit se retire.

mercredi 7 mars 2018

Dans le cas où certains s'inquiéteraient…






SCANNER THORACO-ABDOMINO-PELVIEN
 
INDICATION :
 
Bilan de surveillance annuelle chez un patient âgé de 61 ans aux antécédents d'adénocarcinome rénal gauche traité en 2013 par néphrectomie.
 
TECHNIQUE :
 
(On s'en fout.) 

RÉSULTAT :

Thorax :
Pas d'élément micro-nodulaire ni adénopathie médiastinale.
 
Abdomen et pelvis :
Gradient de densité hépato-splénique dans le cadre d'une hépatopathie de surcharge. 
La loge de néphrectomie gauche est libre. 
Absence de lésion hépatique suspecte. Pas d'adénopathie rétro-péritonéale. 
Un ganglion de l'arrière cavité des épiploons, de 9 mm, inchangé en comparaison à l'examen précédent.
Pas d'adénopathie locorégionale.
Calcifications pariétales de l'aorte abdominale avec une
dilatation anévrismale de l'artère iliaque commune gauche, d'aspect inchangé en
comparaison à l'examen précédent.
La vessie est en réplétion à paroi fine.
Pas de lésion proliférative intra-vésicale.
 
CONCLUSION :
 
Le scanner est superposable au précédent, pas de lésion suspecte évolutive décelée.
 
*****
 
Ma conclusion personnelle, non médicale et même pas garantie, est qu'il va vous falloir me supporter encore un peu de temps ; au moins jusqu'au scanner de l'année prochaine. Car il va de soi que, par respect envers la Faculté, je me refuserai toujours énergiquement à mourir entre deux examens qui, visiblement, se mettent en quatre pour m'être agréables.

D'autre part, j'aime beaucoup l'idée de disposer de scanners superposables, tels des lits de colonie de vacances.

dimanche 4 mars 2018

Inscriptions dominicales, 4


– L'homme qui accorderait un moment de sa vie à autre chose qu'à son sexe serait un distrait. Je ne crois pas qu'il en existe.

– Chien qui aboie peut mordre quand il s'est tu.

– La bave des limaces, le bran des mouches, l'odeur de l'ail, le margouillis des insectes écrasés, le crachat des hommes, la fétidité de l'eau, le goût de l'amande amère sont moins répugnants que la pudeur  et la distinction qu'engendre la fadeur.

– Prévoir, c'est désespérer.

– Mon divorce d'avec la majorité des gens vient de ce qu'ils croient au normal, à une moyenne possible et qu'un être peut sensiblement changer.

– Le génie ne valorise pas, il distingue.

– Le départ de presque toutes les actions éclatantes est quelque défaut du sensible qui ne peut se satisfaire à moins.

– On peut être saoul, mais il ne faut pas être bête.

– Je n'ai jamais reculé devant la douleur d'autrui.

– J'écris correctement parce que c'est plus facile.

– Pourquoi serais-je malheureux pour la raison que je ne comprends pas vos bonheurs ?

– Pourquoi n'es-tu pas jolie, toi qui aimes les croissants, à l'aube, aux terrasses des petits cafés proches des gares ?

vendredi 2 mars 2018

Une occupation comme une autre


Hier après-midi, je me suis avisé qu'à enfiler telles des perles les romans d'écrivains juifs, je me mettais en danger d'overdose, si ce n'est de jazzmanisation inopinée : il fallait réagir, marquer une pause, souffler un peu. J'ai donc lâché au milieu du gué Saul Bellow et son attachant Ravelstein ; et, comme mes yeux venaient de se poser dessus, j'ai repris le Journal (1940 – 1950) de Jean Galtier-Boissière. Il s'agit en fait des quatre journaux publiés par le fondateur du célèbre Crapouillot, que les éditions Quai Voltaire ont eu naguère la bonne idée de réunir en un seul volume de plus de mille pages.

Cela se déguste comme un petit vin de Loire servi frais juste ce qu'il faut. Je veux dire par là que le breuvage distillé entre ces pages engendre très facilement la bonne humeur, sans toutefois nuire à la réflexion ; simplement parce que l'œil aiguisé du vendangeur ne se laisse jamais embrumer par les vapeurs de l'époque – et Dieu sait, pourtant, si elles furent à la fois capiteuses et délétères. 

Galtier nous amène le sourire aux lèvres par deux chemins différents, au moins tout au long du premier tome, qui va de l'été quarante à celui de quarante-quatre. L'un d'eux est pavé des blagues qui se sont mises à fleurir dans Paris dès l'arrivée et l'installation des Allemands : à certaines le temps a fait perdre leur sel, mais beaucoup restent fort drôles. En voici une, prise à peu près au hasard (elle date de 1943) : « Le Bon Dieu donne à Mathusalem une permission de détente pour se rendre sur la terre. Le patriarche descend d'abord en Allemagne, mais il revient précipitamment au ciel : “Je me suis échappé de justesse, déclare-t-il, on allait mobiliser ma classe !” Il repart ensuite pour visiter la France, mais revient encore plus vite : “Quand on a su mon âge, dit-il, on voulait me nommer chef de l'État !” » Et puis, il y a toutes les petites trouvailles de Galtier lui-même, qui, en 1942, rebaptise le maréchal Pétain : le connétable du déclin ; et qui, dès l'été 40, avait forgé une pseudo devise pour le général Weygand : Veni, vidi, Vichy.

Galtier-Boissière redevient pleinement journaliste durant les journées de la libération de Paris, en août 44. Mais, anti-nazi et anti-pétainiste, son enthousiasme pour la France libre ne suffit pas à lui faire prendre des vessies pour des lanternes : le regard reste lucide, relevé d'un grain d'ironie : c'est le second chemin, qui lui est vraiment propre. Le 20 août, après avoir assisté aux escarmouches du quartier Saint-Michel, il écrit : « La guerre des rues comporte moins de risques et plus de pittoresque que la guerre en rase campagne ; on rentre déjeuner chez soi avec son fusil ; tout le quartier est aux fenêtres qui vous observe et vous applaudit ; le crémier, la fruitière et le bistrot qui offre la tournée de blanc. S'il y avait le cinéma, ce serait la gloire complète. »

Il ne pouvait pas deviner que, quelques décennies plus tard, c'est la télévision qui suivrait les moindres gestes de tous les “libérateurs de proximité” de la planète. Quant à ses confrères de presse, il n'épargne pas ceux de la collaboration, bien sûr ; mais à peine davantage les guerriers de la plume qui les remplacent du jour au lendemain dans les salles de rédaction : « La nouvelle presse, note-t-il dès septembre 44, béatement conformiste, est d'une platitude que n'excuse plus l'improvisation des premiers jours. Tous les journaux sautent de joie à l'idée d'être libres, libres… mais libres de quoi ? » Et la conclusion de Galtier se fait plaisamment assassine : « Nous nous apercevons, non sans mélancolie, que le principal mérite de certaines feuilles, c'était d'être clandestines. »

Galtier procède presque toujours de la même façon : exposition d'un fait – en précisant systématiquement s'il s'agit d'une véritable information ou d'une simple rumeur –, de manière assez neutre ; puis, juste après, il lui donne son petit coup de projecteur personnel. Ainsi, début septembre 44,  il énumère quelques-uns des comédiens célèbres du temps, que l'on est en train d'épurer ou au moins de titiller un peu : Sacha Guitry, Albert Préjean, Pierre Fresnay, Raimu, Maurice Chevalier et autres Fernandel. Galtier se contente d'abord de faire défiler leurs noms en indiquant sobrement ce qui leur est reproché. Puis, arrive son “coup de projo” : « Mais, dans les campagnes qui s'amorcent, on sent un peu trop la jalousie des petits emplois vis-à-vis des premiers rôles qu'ils voudraient évincer à la faveur de l'épuration. – Pourquoi ne jouerais-je point Tartuffe, se dit un deuxième valet du répertoire, moi qui ai fait le coup de feu rue de Rivoli ? »

Bref, un journal hautement recommandable, si l'on veut m'en croire. D'autant que l'on y déjeune assez régulièrement avec Paul Léautaud.