dimanche 27 juillet 2008

Tous semblables, presque morts

« S'il nous fallait encore une fois penser le sort de l'humanité en termes de classe, nous devrions dire qu'il n'existe plus aujourd'hui de classes sociales, mais uniquement une petite bourgeoisie planétaire, où les anciennes classes se sont dissoutes : la petite bourgeoisie a hérité du monde, elle est la forme dans laquelle l'humanité a survécu au nihilisme.
(...)
« Cela signifie que la petite bourgeoisie planétaire est vraisemblablement la forme sous laquelle l'humanité est en train d'avancer vers sa propre destruction. »

Giorgio Agamben, La Communauté qui vient, Seuil. Cité par Renaud Camus, Du sens, P.O.L

10 commentaires:

  1. C'est depuis que vous avez emménagé dans vos meubles à Levallois que vous vous prenez pour un petit bourgeois ?

    iPidiblue sociologue du dimanche

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  2. Volkoff ne disait rien d'autre dans son Procuste.

    Kalle

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  3. iPidiblue : je crains fort de correspondre fâcheusement à la définition du petit bourgeois, en effet. au moins de par mes origines familiales.

    Kalle : et un livre de plus à lire, un !

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  4. Même pas honte le Didier !
    Ah ! vous ne ferez donc jamais parti de l'ordre de la Très-Sainte- Croix camusienne par laquelle on souffre et on atteint à la gloire !

    iPidiblue révérend père du Sacrifice du sang de Plieux et Consorts

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  5. Mouais, bof...

    Tout ce qui est énoncé sur un ton doctrinal n'est pas forcément intelligent (et intelligible aussi, tiens.)

    (Pas taper)

    Quelqu'un a vu Georges ?

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  6. Bénédicte : Georges vient d'intervenir (laconiquement, certes...) en commentaire du message précédent.

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  7. "XII. SANS CLASSES


    S’il nous fallait encore une fois penser le sort de l’humanité en termes de classe, nous devrions dire qu’il n’existe plus aujourd’hui de classes sociales, mais uniquement une petite bourgeoisie planétaire, dans laquelle se sont dissoutes les anciennes classes : la petite bourgeoisie a hérité du monde, elle est la forme dans laquelle l’humanité a survécu au nihilisme.
    C’est exactement ce que même le fascisme et le nazisme avaient compris, et l’on peut même dire qu’avoir vu clairement l’irrévocable déclin des vieux sujets sociaux, constitue leur insurmontable cachet de modernité. (D’un point de vue strictement politique, le fascisme et le nazisme n’ont pas été surmontés et nous vivons encore sous leur signe.) Ces partis représentaient, cependant, une petite bourgeoisie nationale, encore attachée à une identité populaire postiche, sur laquelle agissaient des rêves de grandeur bourgeoise. La petite bourgeoisie planétaire s’est au contraire émancipée de ces rêves et a fait sienne l’attitude du prolétariat consistant dans le rejet de toute identité reconnaissable. Le petit bourgeois annihile tout ce qu’il est par le geste même avec lequel il semble y adhérer obstinément : il ne connaît que l’inauthentique et l’impropre et va jusqu’à refuser l’idée d’un discours qui lui serait propre. Les différences de langues, de dialectes, de modes de vie, de caractère, de coutumes et, surtout, les particularités physiques mêmes de chacun, qui constituaient la vérité et le mensonge des peuples et des générations qui se sont succédées sur terre, n’ont plus pour lui aucune signification. Chez la petite bourgeoisie, les diversités qui ont marqué le caractère tragi-comique de l’histoire universelle, sont exposées et recueillies au sein d’une vacuité fantasmagorique.
    Mais l’absurdité de l’existence individuelle, héritée des sous-sols du nihilisme, a atteint entre-temps un tel degré qu’elle a perdu tout pathos et s’est transformée, ouvertement affichée, en exhibition quotidienne : rien ne ressemble plus à la vie de la nouvelle humanité qu’un film publicitaire dont on aurait effacé toute trace du produit publicisé. Mais la contradiction du petit bourgeois tient en ce qu’il cherche encore dans ce film le produit dont il a été frustré, en s’obstinant malgré tout à s’approprier une identité qui lui est devenue en réalité absolument impropre et insignifiante. Honte et arrogance, conformisme et marginalité constituent ainsi les pôles extrêmes de chacune de ses tonalités émotives.
    Le fait est que l’absurde de son existence se heurte à une dernière insanité, contre laquelle naufrage toute publicité : la mort. Avec celle-ci, le petit bourgeois va au devant de la dernière expropriation, de l’ultime frustration de l’individualité : la vie dans sa nudité, le pur incommunicable, où sa honte peut enfin reposer en paix. De cette manière, il dissimule avec la mort le secret qu’il doit malgré tout se résigner à avouer : même la vie dans la plus simple de ses expressions lui est, en fait, impropre et purement extérieure, aucun abri ne lui est destiné sur terre.
    Ainsi la petite bourgeoisie planétaire est vraisemblablement la forme dans laquelle l’humanité est en train d’avancer vers sa propre destruction. Mais ceci signifie aussi qu’elle représente une occasion inouïe dans l’histoire de l’humanité que celle-ci ne doit à aucun prix se laisser échapper. Car si les hommes, au lieu de chercher encore une identité propre dans la forme désormais impropre et insensée de l’individualité, parvenaient à adhérer à cette impropriété comme telle, à faire de son propre être-ainsi non pas une identité, une singularité commune et absolument exposée - si les hommes pouvaient, autrement dit, ne pas être ainsi, selon telle ou telle identité biographique particulière, mais être seulement le ainsi, leur extériorité singulière et leur visage, pour la première fois l’humanité accéderait alors à une communauté sans présupposé et sans objet, à une communication d’où serait évacué l’incommunicable.
    Sélectionner dans la nouvelle humanité planétaire ces caractères qui permettent sa survie, déplacer le diaphragme qui sépare la mauvaise publicité médiatique de la parfaite extériorité qui communique uniquement soi-même - telle est la tâche politique de notre génération."

    in,"La communauté qui vient." Théorie de la singularité quelconque
    par Giorgio Agamben
    Mise en ligne mai 1990

    http://multitudes.samizdat.net/spip.php?article488



    "Mouais, bof..." semble un peu résumé. Les extraits cités par Camus sont en effet des extraits.


    Marcel

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  8. Un hommage/commentaire de Michel Guérin consacré à Giorgio Agamben et Gianni Vattimo. C'est accessible.

    http://www.cythere-critique.com/documents/agamben.pdf

    Marcel

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  9. "S'il nous fallait encore penser l'humanité..."
    Bin non, justement !
    :-)))

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  10. Dites, Mister Poireau, vous comptez remonter loin, comme ça ? Z'avez pas du travail ? Une nouvelle à éditer, que sais-je ?

    (Smiley !)

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.