samedi 22 novembre 2008

Et revoilà le politiquement correct...

Est-ce l'effet d'une impuissance face à la brutalité des faits ? Le politiquement correct, vieille valeur refuge, revient en force. Alors que l'opinion attend des ruptures et que le monde réel contredit les éloges de la pensée borgne, notamment sur la mondialisation ou le métissage culturel, le conformisme des élites va à rebours de la libre parole qui fit élire Nicolas Sarkozy. La droite se serait-elle résolue à emprunter à la gauche creuse ses dénis ? L'ambiguïté reste à lever.

Les prises de positions de l'épouse du chef de l'État, qui milita pour SOS Racisme, contre les tests ADN dans le regroupement familial ou pour le dalaï-lama, sont les effets les plus visibles de l'officialisation des bons sentiments. Sa défense de l'ex-terroriste italienne repentie, Marina Petrella, son soutien au Manifeste pour la discrimination positive, sa critique contre Silvio Berlusconi plaisantant sur Barack Obama "toujours bronzé", sont exemplaires d'un comportement convenable.

Quand le chef de l'État, ces jours-ci, accable à son tour George W. Bush pour son attitude belliciste face à Moscou, il participe au tir à vue contre celui qui ne se sera jamais rangé au " refus de penser la conflictualité ", cet élément du politiquement correct selon Pierre-André Taguieff. Et si François Chérèque (CFDT) exagère quand il s'étonne (Le Monde, mercredi) : "Même le président ne défend plus l'économie de marché", le procès du capitalisme n'aura jamais été aussi bien instruit à l'Élysée.

C'est dans ce contexte que s'épanouit l'obamania, qui fustige les rétifs. Le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, Louis Schweitzer, reproche aux manuels scolaires d'être "plutôt le reflet d'hier que de la société que nous voudrions voir". Celle-ci devrait représenter, à son goût, les personnes d'origine étrangère, les handicapés, les homosexuels, les seniors. "Il faut aller un peu au-delà de la réalité (...) afin de donner une image en ligne avec l'ambition qu'on a pour la société". Qui conteste son éloge de la fiction ?

Et qui s'étonne d'entendre le Conseil supérieur de l'audiovisuel juger "inacceptables" les taux de représentation, à la télévision, des personnes "vues comme non-blanches", alors même qu'est ignoré le nombre de Noirs ou d'Arabes ? Georges Frêche (PS) avait fait scandale en évoquant, en 2006, l'équipe de France de football : "Il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre, ce serait le reflet de la société". Mais les encouragements officiels vont au CSA, qui raisonne pareillement.


Frustrations
Ce recours au bien-pensisme, qui voit ce qu'il croit mais ne croit pas ce qu'il voit, n'aide pas la société à se réformer ni à se défendre. Certes, il permet à Bertrand Cantat, qui a purgé sa peine après la mort de Marie Trintignant, de donner ces jours-ci des leçons d'humanisme dans des chansons médiatisées, tandis que les guerres de bandes en plein Paris sont banalisées pour ne pas faire le jeu de l'extrême droite. Déjà, en 1980, l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic, à Paris, avait été imputé à des néonazis, alors que vient d'être interpellé au Québec l'auteur présumé, libano-canadien, Hassan Diab. Mais cette façon de se moquer des gens risque d'accumuler les frustrations de ceux qui ne se reconnaissent plus dans leurs représentants.

L'écueil est flagrant pour l'école, paralysée hier par une énième grève. Son naufrage mériterait un " Grenelle " pour solder la cléricature syndicale et retrouver un pluralisme démocratique. Quant à l'apologie de la diversité, dont la chaîne publique France Ô (1) est un des porte-drapeaux, elle s'impose en récusant le choc des cultures qui est, pourtant, en train de pousser à des repliements et à des substitutions de population dans certains quartiers ou départements. Le "vivre ensemble", appelé à être le nouveau sentiment national, est refusé dans le monde arabo-musulman, où les indésirables communautés juives et chrétiennes disparaissent. Mais le faire remarquer vaut suspicion.

Une place pour Royal

Le nouveau conservatisme, qui traverse les opinions occidentales qui ont pris conscience de la vulnérabilité de leurs valeurs et de leur mode de vie, ne peut s'identifier à ces discours manufacturés qui bidouillent les faits, laissant croire que les Français ne sont préoccupés que par leur pouvoir d'achat ou que leur pays est coupable de ne pas savoir accueillir d'autres peuples. Il est confortable pour des dirigeants, dépassés par trop de bouleversements, de s'abriter derrière des apparences, en espérant que l'opinion indolente se satisfera de ces trucages. Mais le PS, qui a porté l'aveuglement à son apex, est en train de payer cher sa déconnexion du monde.

Quand Carla Bruni-Sarkozy déclare, mardi soir sur CBS : "La France est ravie de l'élection de Barack Obama", la première dame laisse comprendre que le centrisme de gauche des démocrates a les faveurs de l'Élysée ; ce qui n'est pas une surprise, même si Nicolas Sarkozy n'a pas été élu sur cette ligne. Cependant, c'est aussi sur ce terrain que veut légitimement aller Ségolène Royal, qui cite le nouveau président américain et pourrait s'allier à François Bayrou. Est-ce inconcevable d'imaginer une droite revenant sur ses terres et rejetant pour de bon les faillis mensonges des idéologies progressistes ? Qu'elle laisse donc le politiquement correct à la gauche.

(Ivan Rioufol, le 21 novembre 2008)

11 commentaires:

  1. Vous avez raison : que la droite laisse la gauche...

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  2. Sur la représentation artificielle, je suis d'accord mais je n'arrive pas à la même conclusion, comme souvent avec Rioufol. C'est à mon avis là que se détermine une opinion politique en un sens ou dans l'autre…
    Pour autant, PS comme UMP sont avant tout des forces de gouvernement qui ont vite fait de jeter par dessus bord leurs idéaux théoriques si elles sentent le vent tourner en un sens qui pourrait leur amener le pouvoir.
    Le pire de la politique est den e plus défendre ses idées mais de chercher à se faire élire en choisissant des "concepts porteurs", comme on dit chez les marketeux !
    :-))

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  3. toujours cette confusion entre morale et politique

    et malheureusement ce qui compte aujourd'hui n'est pas le débat, l'argumentation, le fond. mais plutôt l'apparence, la crédibilité, la visibilité.

    en ce sens l'élection d'Aubry, assez terne, austère qui ne se marre pas, est surprenante..

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  4. Cet Ivan n'est pas terrible.

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  5. Nicolas : qu'elle la laisse où elle est en ce moment ? C'est sans doute son voeu le plus cher...

    Poireau : je ne m'attendais guère à ce que vous le soyez (d'accord). Si vous l'aviez été, je vous dénonçais anonymement aux Left blogueurs, de toute façon.

    Hoplite : je ne sais comment vous l'entendez, mais je trouve l'élection d'Aubry une bonne nouvelle (si tant est qu'on puisse en avoir quoi que ce soit à faire, de la personne qui dirige l'usine à gaz).

    Henri : terrible en quel sens du mot ?

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  6. @didier
    sur le fond, je pense qu' Aubry ne diffère pas fondamentalement des autres leaders socialistes, tous adeptes de la religion du progrès, des droits de l'homme en tant que doctrine universelle, de l'internationalisme libre échangiste, du vivre ensemble métissophile et indifférencié. ouf!

    il semble que les fédérations du nord et de l'est aient été moins sensible au show mystico-médiatique de la pintade du poitou citant Jaurès...

    une prime au débat politique?
    suis pas sûr.

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  7. Eh bien, je savais pas qu'on pouvait coller des billets entiers sur son blog.

    "L'écueil est flagrant pour l'école, paralysée hier par une énième grève. Son naufrage mériterait un " Grenelle " pour solder la cléricature syndicale"

    ça c'est très réac ! Ceux qui s'intéressent au sujet savent qu'il y a des enseignants dans les banlieues difficiles qui y croient encore, en tout cas qui font ce qu'ils peuvent et qui ne sont pas aidés par ce gouvernement qui parle de "plan banlieue" d'un coté et qui de l'autre réduit les moyens humains sans grand discernement.

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  8. Rien de plus mouvant que le politiquement correct, tellement galvaudé d'ailleurs que qui peut en affirmer le sens ?
    Nous sommes tous le politiquement correct de l'autre.

    Je vais peut être vous surprendre, mais je déteste la Halde et ses 16 définitions de la discrimination, qui font qu'on ne peut privilégier l'embauche temporaire d'enfants des salariés, ou qu'un patron portugais ne peut privilégier d'embaucher d'autres portugais, sans commettre une infraction suceptible de vous traîner devant le tribunal correctionnel.
    J'ai d'ailleurs en son temps raconté comment devant une docte assemblée, je m'étais mise en colère contre toute cette pensée normative, commençant par un "mais dans quel monde on vit ?" et finissant par un "et pourquoi pas envoyer des offres d'emploi en Chine alors" qui avait provoqué l'hilarité générale devant l'absurdité de l'argument, mais qui a dit que je savais débattre et in fine, je m'étais comprise.

    Toujours est il que pour ma part, outre toute ces pensées normalisées - et pourquoi serait ce utile d'ironiser sur la pauvre Carlita, est ce qu'elle compte ? - et surtout normatives, pour ma part donc, ce qui est politiquement correct par exemple, c'est de hurler à la restriction de liberté quand des lois viennent encadrer l'alcoolémie galopante ou la vitesse automobile meurtrière, voire, de hurler avec la meute contre le pharmacien qui a causé la mort de son enfant involontairement.

    Car de quoi se nourrit le politiquement correct sinon de la basse flatterie de la veulerie, de la facilité, de la volonté d'emportement des foules, celui qui empêche de réfléchir.

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  9. Hoplite : je n'attends d'autant moins rien (charabias) de Mme aubry, que je me moque de l'avenir du PS. Disons que je la trouve tout de même moins calamiteuse, moins "goin' in the wind" que la pintade poitevine.

    Marc : je suppose que l'on peut, si l'on cite nommément l'auteur, avec le lien adéquat. Sur le fond, que les enseignants "y croient encore", je n'en doute pas. La question est de savoir à quoi il croient, et quelle mission ils pensent avoir. A mon avis, c'est là qu'ils font fausse route.

    Audine : votre longue (et intelligente) réflexion appellerait d'autres commentaires s'efforçant eux aussi à l'intelligence - donc de la réflexion et du temps : deux choses dont je ne disposerai pas avant mardi...

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  10. Didier vous écrivez :
    "La question est de savoir à quoi ils [les enseignants] croient, et quelle mission ils pensent avoir."

    Il est sans doute artificiel de parler "des" enseignants mais ceux que je connais de la banlieue que je connais croient encore tout simplement, je pense, que les adultes ont encore quelque chose à apporter aux enfants et ados.
    Mais il faut bien reconnaître que dans le monde du zapping télévisuel, des jeux vidéos, de la connerie médiatique et du laisser aller parental, toutes notions qui n'ont pas été inventés par les enseignants et qui ne trouvent pas leur origine dans le comportement de ceux-ci, eh bien il faut reconnaître que leur tâche n'est pas facile !

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  11. Juste en passant (je découvre le blog)... L'incompréhension de la vie politique américaine par les hommes politiques français me plonge souvent dans une hilarité interloquée. Que tous, de droite, de gauche, du haut et du bas, se réclament de Barak Obama sans connaître son programme me fait hurler de rire.

    Pour la dernière fois, les Démocrates ne sont pas des gens "de gauche" tel qu'on l'entend en France ! Ils ne sont même pas de droite, ces empêcheurs de tourner en rond ! Et si, pour des raisons bien évidentes d'entente entre les deux rives de l'Atlantique, il vaut mieux qu'il y ait un président démocrate après le désastre Bush, n'essayez tout de même pas de vous réchauffer à la lumière de son aura; vous serez bien déçus quand vous vous apercevrez qu'il est... euh, comment dire... Américain. Le traître. :-p

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