Je me trouvais tout à l'heure en la compagnie de Marcel Proust ; lequel, en cette année 1915 que nous parcourions ensemble, tentait de dissuader Reynaldo Hahn de demander sa mutation au front – ce que fit pourtant, et obtint, cet entêté Vénézuélien. Comme je me demandais combien d'années Reynaldo avait survécu à Marcel, je tapai aussitôt son nom dans l'iBigo...
Ce fut pour apprendre par sa fiche Oui Qui ? qu'il était mort en janvier 1947, soit 24 après son ex-amant, et que ce trépas était survenu en la rue Greffulhe, ce qui est presque trop proustiennement beau. On se souvient en effet que la comtesse Greffulhe est l'oie superbe que Proust prit pour modèle afin d'enfanter Oriane, ci-devant princesse des Laumes et duchesse de Guermantes pour l'éternité.
Comme j'ignorais qu'il existât une telle rue à Paris, j'active le lien proposé, tombe sur un certain nombre de renseignements (parfaitement inutiles pour moi)... et sur un nouveau lien qui prétend m'expédier rue d'Astorg. Or, que trouve-t-on en cette rue ? Je le sais très bien, et pour cause : l'hôtel particulier du comte et de la comtesse Greffulhe ! La toile d'araignée du satanique Marcel (« Marcel Proust c'est le diable ! », s'exclamait Alphonse Daudet) m'engluait de plus en plus étroitement.
Perdu pour perdu, je me résignai à un nouveau clic, lequel me téléporta, tel un vulgaire star-trekkeur, au beau mitan de la rue promise. Où je dus constater que l'hôtel Greffulhe/Guermantes avait complètement disparu des numéros 8 et 10 où il était sis, pour faire place au siège de Groupama, qui se trouve être mon assureur depuis près de trente ans.
Dans un coin du tableau, un vieux jeune homme aux yeux bistres et aux cheveux de jais, était secoué par un petit rire silencieux, la moustache à demi cachée derrière sa main gantée pur fil.