Jules de Goncourt meurt le 20 juin 1870, après avoir sombré dans la folie, puis la quasi aphasie terminale, après avoir douloureusement senti passer le vent de l'aile de l'imbécillité dont parlait Baudelaire quelques années plus tôt. Dans les deux cas, même cause, même effet : la syphilis. Goncourt l'a contractée en 1850, à 19 ans ; elle le tue à 39. Les pages du Journal qui vont du début de l'année à ce 20 juin sont – au stade où j'en suis rendu – les seules véritablement poignantes : l'émotion n'était pas le fort des frères, si je puis dire.
On conçoit naturellement ce que peut avoir de terrible une séparation aussi déchirante (déchirante au sens propre, physique du terme) entre ces deux êtres si parfaitement indissociables qu'en 28 ans ils n'ont été séparés, de l'aveu d'Edmond, que deux fois vingt-quatre heures. Il est encore bien pis qu'elle ne doive survenir qu'après la dégénérescence inexorable de l'esprit du cadet, la perte implacable de son intelligence, descendant d'un degré presque chaque jour, sous l'œil impuissant et navré de l'aîné.
La mort de Jules entraîne une autre perte, mais pour le lecteur cette fois. Le journal change de ton, il perd de sa flamboyance, ne s'autorise plus de ces embardées de style qui en faisaient le prix lorsque Jules en tenait la plume ; il reste dans ses rails et n'en sortira plus. Car le cadet était le véritable écrivain des deux. Et, sitôt après l'enterrement de Jules, presque du jour au lendemain, on se prend à regretter son absence, lorsqu'il s'agit de rendre compte de la guerre de 1870, puis du siège et de la Commune de Paris. Edmond “fait le job” avec conscience et non sans talent ; mais on sait bien, puisqu'on en sort tout juste, que les mêmes faits et vacarmes relatés par Jules se seraient probablement élevés à des hauteurs voisines de celle des Choses vues de Hugo.
D'où l'intérêt, mes bons amis, de méditer la leçon que vous donnent Charles Baudelaire, Jules de Goncourt et Guy de Maupassant après eux : sortez couverts. Surtout si vous tenez un journal. Pensez à vos lecteurs futurs.
On conçoit naturellement ce que peut avoir de terrible une séparation aussi déchirante (déchirante au sens propre, physique du terme) entre ces deux êtres si parfaitement indissociables qu'en 28 ans ils n'ont été séparés, de l'aveu d'Edmond, que deux fois vingt-quatre heures. Il est encore bien pis qu'elle ne doive survenir qu'après la dégénérescence inexorable de l'esprit du cadet, la perte implacable de son intelligence, descendant d'un degré presque chaque jour, sous l'œil impuissant et navré de l'aîné.
La mort de Jules entraîne une autre perte, mais pour le lecteur cette fois. Le journal change de ton, il perd de sa flamboyance, ne s'autorise plus de ces embardées de style qui en faisaient le prix lorsque Jules en tenait la plume ; il reste dans ses rails et n'en sortira plus. Car le cadet était le véritable écrivain des deux. Et, sitôt après l'enterrement de Jules, presque du jour au lendemain, on se prend à regretter son absence, lorsqu'il s'agit de rendre compte de la guerre de 1870, puis du siège et de la Commune de Paris. Edmond “fait le job” avec conscience et non sans talent ; mais on sait bien, puisqu'on en sort tout juste, que les mêmes faits et vacarmes relatés par Jules se seraient probablement élevés à des hauteurs voisines de celle des Choses vues de Hugo.
D'où l'intérêt, mes bons amis, de méditer la leçon que vous donnent Charles Baudelaire, Jules de Goncourt et Guy de Maupassant après eux : sortez couverts. Surtout si vous tenez un journal. Pensez à vos lecteurs futurs.
D'où l'intérêt, mes bons amis, de méditer la leçon que vous donnent Charles Baudelaire, Jules de Goncourt et Guy de Maupassant
RépondreSupprimerIl se dit que Maupassant, apprenant la nouvelle, sauta de joie en criant:
-Je l'ai! Je l'ai enfin!!!
Signifiant ainsi qu'il ne craignait plus de la choper. Faut croire qu'à l'époque c'était la norme et que l'on n'en faisait pas une maladie...
Syphilis ne prend qu'un L, comme vérole.
RépondreSupprimerSi j'ai bien compris, quand vous achetez des Durex, vous pensez aux lecteurs du Journal de Blog du mois suivant ?
Fredi : oui, l'anecdote est exacte (c'est dans la Correspondance de Maupassant, lettre à je ne sais plus qui).
RépondreSupprimerMalavita : corrigé !
Pour le reste, je ne suis plus concerné depuis longtemps...
Cette réaction de Maupassant rappelle celle, sous un autre registre, de Tristan Bernard qui, arrêté par la gestapo, aurait dit à sa femme:
RépondreSupprimer"Jusqu'à présent, nous avons vécu dans l'angoisse, maintenant, nous allons vivre dans l'espoir".
Même si ça n'est qu'une légende, je veux bien y croire.
D'ailleurs, il a été libéré, sur intervention de ses amis (à qui on l'a reproché of course...)
Des nouvelles de Suzanne? A part kelapaltan?
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