N'ayant pas, ces jours-ci, la tête à des lectures nouvelles, j'ai repris le Répertoire des délicatesses du français contemporain de Renaud Camus. Je me suis arrêté sur l'article qu'il consacre au mot “imbroglio”. Camus commence bien entendu par rappeler qu'en italien le g disparaît à la prononciation et que, de même que l'on devrait parler du peintre Modiliani, il conviendrait de dire imbrolio. Mais il ajoute :
« Ce mot est parmi nous depuis si longtemps (on le relève chez Bossuet) qu'on est bien excusable de le traiter comme un Français. On montre seulement, ce faisant, qu'on ne sait pas l'italien (à moins qu'on ne soit d'une rare délicatesse, et que l'on cache ses connaissances linguistiques). »
Je vois pour ma part deux autres raisons pour prononcer imbroglio à la française, qui ne s'excluent pas l'une l'autre. La première est de se donner l'assurance que l'on sera compris en l'employant, que le mot sera bien identifié par celui à qui l'on s'adresse. Car il y a assez loin, auditivement, entre les deux prononciations : non seulement le son “g” n'est plus perçu, mais d'im-bro-lio à imbro-gli-io le mot se rallonge d'une syllabe par doublement du i.
La seconde raison est que, de toute façon, nous ne prononcerons pas le mot comme les Italiens le font ; lorsque nous produisons quelque chose qui pourrait être noté imbroliò, eux diront probablement imebròlio, en faisant entendre l'i initial et le m qui le suit, en roulant le r et en déplaçant l'accent tonique de la dernière syllabe à la seconde.
Il est d'ailleurs heureux qu'il en soit ainsi : je trouve peu de choses plus disgracieuses que ces prononciations étrangères intercalées brutalement dans une phrase française. C'est par exemple une manie pénible qu'ont les Québécois dès que surgit dans leur propos un mot ou un nom anglo-saxon, systématiquement prononcé à l'américaine. (De leur côté, il se moquent copieusement de nous lorsqu'ils nous entendent évoquer notre récent séjour à Nouillorque ou à Lausse Angélesse.)
Je pencherais donc assez nettement pour une prononciation française assumée et massive. Sauf, bien sûr, s'il s'agit de moucher un cuistre prétendant par ailleurs vous donner des leçons de ceci ou de cela.
Ce billet me fait me souvenir d'un camarade de cours qui s'appelait SALTALAMACCHIA qui en italien veut dire "saute la tache" et qui se prononce SALTALAMAQUIA, mais qu'aucun professeur n'a eu le loisir d'essayer de prononcer, du moins au cours des appels.
RépondreSupprimerParce qu'arrivé à son nom, le prof faisait : "Sss.." et Saltalamacchia hurlait : "Présent, présent, présent !"
Saute la tache ? Pauvre garçon…
SupprimerDans ce cas-là, je crois que "macchia" signifie plutôt "maquis". On donnait souvent ce nom de "Saltalamacchia" aux brigands qui prenaient le maquis pour échapper aux gendarmes.
SupprimerMidi, imbroglio, deux mots sur lesquels vous osez contester l'arbiter elegantiarum du causer la France ! Seriez-vous en révolte contre le père (Renaud) ce si charmant vieillard ? J'en frémis !
RépondreSupprimerVieillard toi-même !
SupprimerIl a quatre ans de plus que moi. Et à nos âges, ça compte !
SupprimerTout à fait d'accord pour la prononciation française "assumée et massive". Mais il y a au moins une exception : le nom de la famille "de Broglie" que l'on est bien obligé de prononcer "de Breuil" et non pas "de Bro Gli". La famille est française mais, sauf erreur de ma part, le nom lui-même est italien.
RépondreSupprimerVous me direz que cela ne porte pas à conséquence car on n'a pas souvent l'occasion de glisser ce nom dans la conversation...
Geneviève
Pour les noms de famille, le bon sens demande à ce qu'on les prononce de la même façon que ceux qui les portent. Pareil pour les prénoms : je me vois mal appeler Guilaine une femme qui se présente à moi comme étant Jisslaine, même si c'est elle qui estropie son propre prénom.
SupprimerVous n'êtes pas assez snob.
RépondreSupprimerJ'y travaille, pourtant, j'y travaille…
SupprimerEnfin un vrai problème évoqué ici.
RépondreSupprimerOui, hein ? C'est quand même autre chose que le grand Paris !
SupprimerJ’avais entendu de quelqu’un de lettré qu’il faut fermer violemment le caquet de ceux qui prennent un malin plaisir à dire « scénarii » au lieu de « scénarios » pour étaler leur connaissance, parce que « scénario » est un mot d’origine italienne mais assimilé et devenu français par l’usage. En revanche, « ii » est une règle grammaticale italienne qui n’a rien à faire dans une phrase française. On pique donc le mot italien et on lui applique les règles de conjugaison, de grammaire, de prononciation françaises. Ne doit il pas en aller de même pour « imbroglio » ?
RépondreSupprimer"lorsqu'ils nous entendent évoquer notre récent séjour à Nouillorque ou à Lausse Angélesse.)"
RépondreSupprimerComment vous dites Nouillorque ou Lausse Angélesse...vous dites nouvelle amsterdam, la ville debout, la ville qui ne dort jamais, ou encore la cité des anges, la cité du cinéma...là je m'interroge??
Eh bien mais je dis Nouillorque, précisément !
Supprimer"los andjeulès", comme dans les films (quand ce n'est "ilé"), ou bien los anrhélès comme ont bien du le dire à un moment que l'on devine antérieur nos amis et néanmoins colons les ibères ?
SupprimerLe nom de famille du nouveau Pape devrait vous ravir !
RépondreSupprimerGeneviève